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Colline mit quelques secondes à prendre en considération son statut solitaire face à cette mission. Oui, le gamin était bien responsable de cette entreprise, tout seul comme un grand. Valaï l’avait lâchement abandonné à ce poste crucial dans l’avenir de sa maison. Un poids que le jeune sergent n’avait sans doute pas souvent dû porter, n’en déplaise à ses grands airs d’auto-confiance assurée. Il se tourna vers moi assez vite, néanmoins, se rendant compte de ses obligations, et répondit à ma question. Il affirma pouvoir me confier cinq cent soldats si le plan se déroulait ce soir. C’était un bon nombre, mais j’ignorais si ça suffirait. Je n’avais aucune idée du nombre d’ennemis que nous allions affronter. Il proposa également d’en parler au Colonel Shizune, qui pourrait nous confier de bien plus nombreuses troupes, en sa qualité de dirigeante de la maison Kobayashi et chef des forces spéciales. Je grimaçai. Je n’avais aucune confiance en elle, et il était risqué de la laisser mettre son petit nez chafouin dans cette histoire un peu trouble, mais pouvait-on vraiment se passer des soldats qu’elle avait à proposer ?
Après une courte réflexion, Colline poursuivit en disant que l’armement risquerait de poser problème : l’armement lourd était à l’ouest, et non à l’est. Près de la menace elfe. Les déplacer prendrait du temps. Colline proposa de reporter l’attaque au lendemain. Encore une décision que je ne pouvais prendre seul. D’autant qu’il précisa que la GPET était dotée d’un arsenal plutôt impressionnant. Je me tournai vers le sergent, et lui annonçai :
« C’est une décision que je ne peux prendre seul. Attendez ici un instant, je vous prie. »
Je m’écartai de lui, m’en allant dans le couloir pour m’isoler un brin, prêtant attention autour de moi pour m’assurer qu’on ne m’écoutait pas, et sortis mon téléphone pour composer le numéro de Didon, de la Maison Kartage. Je portai l’appareil à mon oreille, singeant ce que j’avais pu observer, même si le geste m’était inconfortable. Après une brève sonnerie, Didon décrocha, et je lui expliquai la situation :
« Ici Vadokan. Je suis arrivé à convaincre Valaï de nous aider à vous débarrasser de la GPET. Il n'avait pas l'air emballé à l'idée de faire affaire avec vous, mais... C'est finalement passé. Point sur la situation : Le sergent Colline s'occupera de l'opération. Si nous attaquons ce soir, il est prêt à confier cinq cent soldats pour la bataille. Il propose de reporter à demain les hostilités afin de pouvoir acheminer des armes lourdes depuis l'Ouest d'Izurith. Qu'en pensez-vous ? Il affirme que la GPET serait en possession d'armes destructrices. Il a aussi proposé de demander le soutien du Colonel Shizune, afin d'obtenir des troupes spéciales et d'élite de la maison Kobayashi, mais je n'ai aucune confiance en cette femme. Qu'en dites-vous ? »
Je devais savoir ce qu’elle pensait de tout ça, quels risques elle et sa sœur étaient prêtes à prendre. Elle m’expliqua, après une courte hésitation, qu’elles avaient en leur possession quelques armes de siège sur place, qui pourraient compenser le manque d’armes lourdes des troupes officielles de Valaï. Elle amena le fait qu’un mouvement de troupes trop important et surtout trop lent pourrait alerter leurs ennemis, qui sauraient alors se préparer pour les accueillir. L’argument était logique, et je l’approuvai silencieusement en opinant du chef, sachant pertinemment qu’elle ne me voyait pas. Didon partageait le même doute que moi concernant Shizune, la même haine viscérale pour le personnage qu’elle incarnait, mais nota que l’aide qu’elle pouvait apporter, ne fut-ce qu’avec la présence de Yumiko, sa fille, pourrait bien assurer à notre camp la victoire. Et sauver de nombreuses vies. Ce point pourrait faire pencher la balance de notre côté pour convaincre la mère et la fille. Peut-être… Même si Shizune n’en avait sans doute rien à faire de la vie des habitants des quartiers est, toute égoïste qu’elle semblait être. Didon me fit part d’une crainte de trahison de leur part, qui pourrait signer la fin de la maison Kartage. Je serrai les poings. Une telle trahison, alors que Kartage montrait patte blanche, serait des plus déplacées. L’ordre venait de Valaï, après tout. Toute contre-indication serait une trahison pure et simple. Les Kobayashi perdraient ainsi toute crédibilité. Une façon fort opportune de les écarter. Non sans dommages collatéraux ignobles, avec la perte de la Maison Kartage, mais ils en seraient les seuls responsables. Le risque était à prendre. Didon affirma ne pouvoir prendre elle-même cette décision. Après une courte réflexion, et quelques soupirs ennuyés, je répondis. Ma décision était prise.
« Bien. On maintient l'attaque ce soir. Tant pis pour les armes lourdes de l'Ouest. Je suis pour prendre le parti de se servir des troupes que les Kobayashi pourront nous fournir. Nous ne pouvons faire preuve de la moindre faiblesse. Je m'assurerai en personne d'éviter toute tentative de trahison de leur part. La Maison Kartage ne tombera pas. Pas en tentant d'aider le Peuple d'Izurith, en tout cas. C'est hors de question. Je les surveillerai. »
Elle répondit tout de go qu’en conséquence, elle me faisait confiance, et me remercia de mon implication dans tout ça. J’opinai du chef, sentencieusement, puis raccrochai la conversation. Il n’y avait plus rien à dire de plus.
L’air grave, je revins vers le Sergent Colline pour lui faire mon rapport.
« Nous maintenons l’attaque ce soir. Il ne faut pas laisser le temps à la GPET de se préparer en leur donnant l’occasion de voir un mouvement de troupes trop important dans la cité. L’attaque doit être vive, brutale. Ne leur laisser aucune chance de répliquer. Aussi, en sus des cinq cent hommes que vous pouvez nous fournir, j’ai décidé d’accepter votre proposition de demande d’aide au Colonel Shizune. Vous semblez lui faire confiance, mettons donc cette confiance à l’épreuve. Pourriez-vous lui demander la présence de forces spéciales sur place au plus vite ? La présence de demoiselle Yumiko serait également la bienvenue. Cela garantirait la sauvegarde de nombreuses vies. Pour le bien d’Izurith, pour le bien de la maison Valaï. Une union sacrée et secrète entre deux maisons opposées. Les Kartage sont prêts à cela. Les Kobayashi le seraient-ils aussi ? Je compte sur vous, Colline, pour les en convaincre. Si Shizune refuse, passez la moi, je la convaincrai du bienfondé de cette opportunité. »
Je laissai le préambule entre ses mains. En qualité de responsable de la mission, c’était son rôle. Et sa voix aurait sans doute plus de poids que la mienne pour convaincre Shizune. Je croisai les doigts pour que ça fonctionne.
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