Je déterre ce sujet pour vous parlez de ma dernière lecture : "Ravage" de René Barjavel, auteur surtout connu pour son fameux "La Nuit des Temps", que beaucoup auront lu à l'école.
On retrouve dans "Ravage" cette même empreinte de science-fiction des premiers jours si particulière à Barjavel. Mais c'est beaucoup plus que ça et, c'est à mon sens un roman bien meilleur et complexe que "La Nuit des Temps", qui est déjà lui-même un roman que je mettrais sur le dessus de la pile.
En voici ce que nous offre Barjavel dans "Ravage" :
1) Une vision du futur depuis 1942
Barjavel nous offre un vision du futur assez à contre-courant de ses semblables de l'époque. Là où la guerre avait inspiré les écrivains de l'époque à voir en le futur les pires dystopies tel "Le Meilleur des Mondes" (1932), "1984" (1949) ou encore "Farenheit 451" (1953), Barjavel nous propose un futur étrangement plutôt agréable.
Les inégalités sociales seront toujours présentes et rien n'est tout rose, mais fondamentalement, outre la technologie qui aura évolué, la vie est plus ou moins la même. Des patrons qui vivent dans les plus hauts gratte-ciel avec tout le confort, la populace dans des quartiers un peu plus vétustes et la campagne qui reste la campagne.
Les avions seront devenus des tubes sans ailes, les chemins de fers remplacés par un réseau de train magnétique, les morts sont conservés dans les familles dans des sortes de nécropoles, nouvelle salle de maison incontournable dans lesquels on peut toujours les admirer comme s'il eût s'agit de statue de cire.
On pourra aussi noter quelques étrangetés dans le roman qui prête à rire avec notre œil actuel.
Mais cette vision de l'avenir fait vraiment office d'OVNI par rapport aux romans de la même époque. Barjavel passe d'ailleurs un temps fou à tout nous décrire et expliquer, et ce pour toute la société. Il nous parle des transports, de la communication, des mines, des loisirs, de la campagne... Tout est hyper-complet, et il se paye même le luxe d'inventer de nouvelles ressources qui transformeraient le futur : La quintessence (Nouveau type d'essence qui aura permis toute une gamme de création, notamment en ce qui concerne les transports) et le plastec (sorte de matière solide et transparente dont seront fait les murs, les carrosseries des véhicules, etc.)
2) Le "Bug de l'an 2000" avant l'heure
Vous vous rappelez comme quoi en l'an 2000, tout les systèmes électriques étaient sensés tombés en rade à cause d'un problème informatique ?
"Ravage", c'est ça 60 ans avant l'heure. Le futur décrit s'effondre soudain à cause d'un problème totalement inattendu et l'énergie sur laquelle est basée toute cette société futuriste ne marche plus.
3) L'Apocalypse à Paris
"Ravage" se paye donc le luxe d'être, en plus, un roman apocalyptique. Tout pars soudainement en vrille sans raison particulière et il s'agit dès lors de survivalisme urbain dans un Paris futuriste qui vaut le détour. Et niveau survivalisme et relation entre les personnage, Barjavel n'a rien à envier à nos plus récentes œuvres, réussissant à nous mettre dans l'ambiance sans avoir à user de plus de détours que ça. Et les morts des personnages sont incroyablement crues et gores. On ne peut que ressentir les effets que la guerre a eu sur l'auteur en le lisant.
4) Le passage de l’hôpital psychiatrique
Je ne me permettrais pas de vous spoiler mais, rien que pour ce passage, lire le roman vaut le coup. C'est LA meilleure scène horrifique qui m'aura été donné de lire. Et ça me fait mal de dire ça, parce que je suis un grand fan d'Edgar Poe à la base et il est longtemps resté pour moi le meilleur en son genre. Mais là, il peut aller se rhabiller et Stephen King n'a quant à lui plus qu'à se pendre.
De plus, la scène est à la fois totalement ancrée dans le roman et totalement désaxée autant dans le style, que dans l'ambiance et je dirais même le genre. C'est finalement un passage très court, mais tellement subjuguant et inattendu...
Et, si toutes ses raisons n'auront pas suffi à vous convaincre, voici un extrait bien représentatif du discours principal du livre :
Citation:
"- Ce qui se passe, c'est un changement [...]. Un changement qui nous bouleverse, qui démolit tout l'édifice de science que nous avions bâti, mais qui n'a sans doute ni plus ni moins d'importance pour l'univers que le battement de l'aile d'un papillon. [...] Caprice de la nature, avertissement de Dieu ? Nous vivons dans un univers que nous croyons immuable parce que nous l'avons toujours vu obéir aux mêmes lois, mais rien n'empêche que tout puisse se mettre brusquement à changer, que le sucre devienne amer, le plomb léger, et que la pierre s'envole au lieu de tomber quand la main le lâche. Nous ne sommes rien, mon jeune ami, nous ne savons rien..."
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi