Kaeras acquiesca. Effectivement, tuer le nécromant ou sceller ses pouvoirs était impossible pour Kaeras. Elle doutait que les prêtres de Darhàm en fussent eux-mêmes capables. Elle n’avait entendu parler de ce rituel qu’à Caix Imoros, en fouillant la bibliothèque sans l’accord de personne.
Les guerriers revinrent et signalèrent la présence d’autres zombies. Il semblait évident qu’ils allaient avoir besoin d’un coup de main. Kaeras aurait voulu se reposer, tant elle était encore fatiguée, mais boire sa fiole l’avait suffisamment requinquée pour pouvoir se battre à nouveau. Elle ne tuerait sûrement pas la dizaine de morts-vivants, mais si elle arrivait à faire bonne impression, elle serait sans doute quitte avec la vieille dame.
« Très bien. Montrons leur de quel bois on se chauffe à Darhàm. Ce ne sont pas de simples zombies qui vont nous faire peur. Il suffit de devoir se cacher face à cette abomination. Jamais ils n’auront de répit tant qu’ils ne retourneront pas dans leurs tombes. »
Kaeras sourit aux guerriers et leur fit signe pour aller de l’avant.
« Préparez vos armes. Armez vos arbalètes. Ensemble nous arriverons à les réduire au silence. Avec votre maîtresse, nous utiliserons notre magie pour rendre les zombies doux comme des agneaux. Vous devrez alors profiter de ces instants pour les conduire de la mort à trépas. En avant ! »
Kaeras prit la tête de la colonne, attentive au moindre danger. En arrivant à l’intersection de la rue où se trouvaient les morts-vivants, la jeune fanatique fit signe aux soldats de s’arrêter. Elle se colla au mur et jeta un coup d’œil sur les quais. Un groupe de zombies se tenait dans la rue en train de manger les déchets, ainsi que de dévorer les carcasses pourrissantes de leurs congénères tailladés par les deux soldats. Les cadavres ambulants ne semblaient pas prêter la moindre attention à ce qui se déroulait autour d’eux.
Kaeras revint vers le groupe et dit à voix basse.
« Les morts-vivants sont occupés à manger la crasse du port. C’est notre meilleure occasion pour pouvoir en anéantir le plus possible sans danger. Une fois qu’ils se rendront compte qu’on les attaque, ils nous attaqueront en masse. Si nous réussissons notre premier assaut la victoire sera à notre portée. »
Elle se rapprocha des deux arbalétriers et ajouta pour eux :
« Vous serez notre fer de lance pour cet assaut. Vous passerez en premier. Visez chacun l’un des deux zombies les plus proches. Toi, celui de droite, toi, celui de gauche. Compris ? »
Les deux soldats acquiescèrent de la tête. Kaeras se dirigea ensuite vers les quatre autres guerriers et leur dit :
« Ensembles vous devrez vous jeter sur les zombies. Avec mon acolyte magicienne, nous immobiliserons les zombies. Pas de prise de risques inutiles. Une fois que vous avez abattu un mort-vivant, battez en retraite le plus rapidement possible. Nous relancerons alors un assaut en immobilisant d’autres zombies. Compris ? »
Les hommes hochèrent la tête en signe d’acceptation. Kaeras revint à l’intersection et fit signe aux arbalétriers de s’avancer à côté d’elle. Elle leur fit signe d’y aller. Ceux-ci obéirent. Ils se mirent à découvert, ajustèrent les deux zombies les plus proches et tirèrent un trait chacun. Les deux projectiles firent mouche. On entendit le sifflement des carreaux puis l’impact sur le crâne des morts vivants et enfin l’éclatement de leur cerveau dans un bruit fort peu ragoûtant.
Les corps dirigés par le nécromancien se retournèrent vers les humains. Ils se mirent alors en marche dans leur direction, poussant cris et grognements à vous glacer le sang. Kaeras et la vieille dame sortirent à ce moment de derrière le mur. La matrone lança son ombre en direction d’un des morts-vivants. Elle agrippa le monstre par chacun de ses membres l’empêchant d’avancer davantage. Un des guerriers se jeta sur le zombie et lui taillada la tête et le torse à coup de hache. Le macchabée tomba alors à terre en geignant comme un bœuf, puis cessa de bouger après quelques spasmes. Pendant ce temps, la dame aux cheveux gris avait empêché un autre mort-vivant de bouger tandis qu’un garde lui réglait son compte.
Kaeras, elle, avait profité de la diversion pour s’occuper de deux zombies. Se tenant droite, bien ancrée dans le sol, la jeune fanatique préparait son premier sort. Elle plaça un pied en arrière afin de pas se retrouver emportée par l’afflux de magie au bout de ses mains. Elle respira calmement puis expira l’air en même temps qu’elle projetait ses bras en direction d’un mort-vivant. Ce dernier fut alors renversé par le souffle de Thimoros. Il bascula et se retrouva à terre, incapable de bouger. Kaeras fit signe à un combattant de lui faire sa fête. L’homme s’approcha en courant et planta son épée dans le torse du cadavre à terre.
Malheureusement, à ce moment précis, un zombie lui sauta dessus. Il commença à le griffer au visage lui arrachant des cris de douleur. L’homme tomba à terre en tentant de se protéger la tête. Cependant, au bout de quelques secondes, plus aucun cri ne s’élevait de sa bouche. L’être venu d’outre-tombe arrachait, un à un, les membres du courageux soldat.
Les autres combattants, n’écoutant plus que leur courage ou leur folie, fondirent en direction des derniers morts-vivants. Kaeras hurla pour les arrêter mais plus personne ne prêtait attention à ses ordres. Seul l’appel du sang se faisait entendre.
Ce qui devait se dérouler comme un plan sans accroc se transforma rapidement en boucherie. Un zombie immobile était une cible facile, tandis qu’un zombie mobile devenait un prédateur dangereux. Kaeras et la vieille femme tentèrent tant bien que mal de soutenir les soldats dans leur mêlée, mais les morts-vivants étaient bien plus difficile à stopper dans une cohue sans nom.
Tandis que les coups d’épée pleuvaient, les bras volaient au-dessus de la bataille. Trois soldats finirent par succomber sous les assauts des zombies, tandis que grâce à l’intervention des magiciennes, les hommes parvinrent à tuer les six derniers morts-vivants.
Kaeras aurait eu envie de hurler. Pourquoi ne l’avaient-ils pas écoutée ? Cependant, voyant leur mine décomposée face à la mort de leurs compagnons, elle préféra ne rien leur reprocher. Elle préféra au contraire tenter de les réconforter.
« Vous vous êtes battus fièrement. Phaïtos saura reconnaître la valeur de vos camardes et les accepter en son royaume comme ses propres enfants. Ne soyez pas tristes. Aujourd’hui est une grande victoire contre le nécromancien. En unissant nos forces, je suis persuadée que nous pourrons le vaincre sans problèmes. Il nous faudra du courage. Mais, à ce que j’ai vu, vous n’en manquez pas. »
Elle se tourna ensuite vers la matrone et ajouta :
« Voilà, un premier problème de réglé… Cependant, je doute que cela suffise contre ce nécromancien… Il nous faut frapper plus fort… J’en reste persuadée… »
Elle aperçut alors un zombie se relever et se diriger dans le dos la vieille dame. Kaeras bouscula la dame et tendit ses mains en direction du mort-vivant. Elle ressentit alors, à nouveau, cette étrange sensation de vide solide, cette matière impalpable, mais pourtant malléable. Elle se concentra sur le cou du cadavre et commença à serrer et concentrer son énergie entre ses mains. Le zombie se mit alors à crier de manière de plus en plus rauque. Il ne pouvait plus avancer tentant de se défaire d’une emprise invisible.
Kaeras continua son effort. Bientôt, la créature du nécromancien tomba à genou. Les gouttes de sueur perlaient sur le front de la jeune fanatique. Le mort-vivant roula alors sur le côté et s’arrêta de bouger. Le contrôle du nécromant s’était dissipé.
Kaeras posa alors ses mains sur ses genoux tout en se penchant en avant pour reprendre son souffle. Elle se contenta d’ajouter :
« Désolée de vous avoir poussée… »
Puis, haletante, elle essaya de calmer sa respiration.
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Comment se prétendre humaine si l'on n'accorde plus d'importance à sa propre humanité ?
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