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Des cris, partout. Pourquoi tant de bruit ? Les océans étaient si reposants... Même les navires n'étaient pas si bruyants... Ça grognait, ça rauquait, ça rotait. Humains vulgaires. Mais enfin, elle en vit un, par hasard, qui avait la peau bleue, et des cheveux rouges semblables aux siens. Le sang pourpre. Pourquoi les appelaient-on comme ça ? Elle n'arrivait pas à le retrouver dans sa mémoire. Il était assis avec des humains ordinaires autour d'une table à l'entrée d'un établissement à l'air glauque. Elle s'agenouilla derrière un baril et écouta la conversation. Cela tournait autour de la traversé et du plaisir de regagner la terre. Drôle d'idée que de prendre la mer, si on ne l'aime pas... Mais le sang pourpre attendait aussi avec impatience de pouvoir y retourner. Les autres avaient visiblement beaucoup bu et l'un d'eux insinua qu'il souhaitait rejoindre un groupe de pirate.
« Il paraît qu'un rafiot plein des tient à attaqué un navire marchand non loin d'ici. Ça fait pas rêver ? Hein ? »
L'humain devenait agressif. Le sang pourpre s'énerva aussi, déclarant que tous les membres de son peuple n'étaient pas des pirates. Tout cela aurait sans doute évolué vers une ode à Moura composé en coups de poings si un imprévu ne s'était glissé dans l'affaire.
« Hé ! R'gardez la petite voleuse qui cherche un coup à s'faire ! » brailla un ivrogne dans le dos de Leyna.
Elle ne compris pas tout de suite que c'était à elle que ça s'adressait. Mais les marins qui se disputaient se relevèrent et se dirigèrent vers elle. Elle se releva tranquillement et tendit un doigt vers le sang pourpre.
« Moura ? »
« Hé ! Elle a un joli bijou... »
« Pas que le bijou... J'espère que t'es pas trop chère, petite, parce que de toute façon on va s'offrir tes services... »
L'earionne ne comprenait pas grand chose à tout ça, si ce n'est qu'il y avait un homme derrière elle et plusieurs devant, et qu'ils lui accordaient tous de l’intérêt. C'était intimidant. Mais seul le sang pourpre l'intéressait. Il y avait un bateau des siens non lion d'ici ? Elle devait savoir ! Mais pour l'instant il restait silencieux. Lorsqu'il se décida à prendre la parole, ce fut pour s'étonner d'un air sombre :
« Qui es-tu ? Il y a peu de femmes de mon peuple, mais les earions ne sont pas roux. »
Elle sourit, inconsciente des autres hommes qui s'approchaient lentement avec des regards lubriques, et déclara :
« Moura deux fois. De l'humain et de l'elfe, deux ascendances, mais toujours de Moura. »
Il y eut un silence. L'esprit quelque peu embrumé par l'alcool, l'homme au sang pourpre tenta de déchiffrer l'énigme. Il fini par comprendre qu'elle devait être issu d'un mélange des deux peuples de l'océan.
« Arrêtez, les gars, c'est une simple d'esprit. » lança-t-il.
« M'en fout, grogna un homme. J'veux la pierre de son front. »
« Comme tout le monde... mais je croyais que tu préférait les femmes à grosses miches ? »
« Ouai, c'est vrai qu'elle est plate comme une limande. Tant pis, j'm'en contenterais. »
Et il bondit. Mais le sang pourpre lui fit un croche-pied qui l'envoya par terre. Leyna compris enfin qu'elle était en danger. Elle recula... et heurta l'homme qui se trouvait derrière elle, qui l'emprisonna aussitôt de ses bras.
« Jolie poupée... »
Il l’entraîna, son haleine empestant le mauvais alcool. Mais Leyna savait qu'elle devait être forte pour sa déesse. Elle tenta de donner des coups de coude, sans succès. Des mains odieuses la touchaient, lui faisaient mal. Elle les griffa mais cela ne fit qu'énerver son agresseur qui la serra encore plus fort. Elle gémit... et l'homme à la peau bleu fut là. D'un directe dont la semi-elfe sentit le vent passer dans ses cheveux, il étala pour son compte la brute. Il vint ensuite se placer à côté de Leyna. Encore deux de ses compagnons de beuverie étaient debout, visiblement énervés.
« Qu'est-ce qui te prend, Valgan ? »
« Je vais les retenir... file à l'auberge des voyageurs, c'est le mieux qu'on puisse trouver pour toi, par ici. » murmura de sang pourpre.
Fuir ? Leyna n'aimait pas cette idée. L'océan retire sa vague seulement pour rassembler son eau et en lancer une encore plus forte. Sentant sa rage bouillonner d'un juste courroux, la jeune fille rassembla en elle le don de la dame des flots et cria :
« MOURA !!!!! »
Le sol sembla entrer en éruption sous les pieds les ivrognes, mais c'est un jet d'eau qui s'éleva. Ils crièrent, basculèrent, cherchant à se relever et à trouver l'origine de cette attaque inattendue. Le sang pourpre nommé Valgan la prit par l'épaule et l’entraîna. Voulait-il aussi lui faire du mal ? Les derniers événements commençaient enfin à s'imprimer dans sa mémoire et elle se souvint qu'il avait dit qu'ils étaient tous intéressés par son escarboucle, son précieux bijoux offert par le temple lorsqu'ils avaient découvert ses pouvoirs. À peine avaient-ils atteint une rue parallèle qu'elle glissa des mains de son ravisseur comme une anguille, bien aidé, il est vrai, par le fait qu'il était un peu ivre.
« Hé ! Reviens ! »
Mais elle s'était déjà recroquevillée contre un mur... pour mieux lui sauter dessus ! Pris par surprise, il bascula par terre et elle passa au dessus de lui pour s’enfuir. Mais une main palmée se referma sur sa cheville. Elle laissa échapper un sifflement et donna de furieux coups de talon.
« Arg ! Sale garce ! »
Il parvint finalement à la ramener prêt de lui, mais aussitôt, elle lui griffa le visage et envoya un coup de pied dans son estomac. Elle fut cependant aussi surprise que lui, car le seul résultat fut une douleur. Il était fort, et son ventre était le roc sur lequel s'écrase la vague, inoffensive. Elle tenta de se dégager d'une nouvelle détente et, en même temps, presque instinctivement, son pouvoir frappa à nouveau. Un geyser d'eau pure, magnifique et surprenant spectacle dans ces rues boueuses, s'éleva entre eux, aspergeant le sang pourpre et la semi-elfe. Mais il tint bon, la rapprochant de lui, et finalement emprisonnant ses mains, la retournant sur le dos et s'allongeant sur elle. Elle se sentait tétanisé par la peur, mais il n'avait visiblement d'autres intentions que de la maîtriser. Leurs visages étaient à quelques centimètres, toujours ruisselants d'eau. Il prit l'escarboucle et la regarda. Allait-il la voler ? Elle avait certes beaucoup de valeur...
« Ce saphir... C'est comme s'il y avait une silhouette moulée à l'intérieur... »
Il se releva et la libéra tandis que le jet d'eau se tarissait.
« Va à l'auberge des voyageurs. Je t'y retrouverais et te protégerais. Tu n'es pas en sécurité ici, enfant des eaux. »
Leyna se releva, interloqué. Que signifiait ce comportement ?
« Moura ? »
Il hocha la tête en souriant, comme s'il comprenait.
« Oui, Moura. »
Et il retourna dans la rue où les ivrognes qui pouvaient se relever s'approchaient, attirés par ce nouveau jet d'eau. Telle une nageuse au milieu d'un songe, Leyna s’évanouit dans les ombres, en quête du lieu dit.
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