---> Ou faire demi-tour peut-être ?D’ordinaire j’avais le sommeil facile, plus profond que celui de l’homme saoul, plus doux que celui du jeune enfant repu, plus calme que celui du mort. Mais cette nuit ne fut pas ordinaire, elle n’avait même pas commencé comme telle. Je n’avais presque pas dormi. En effet une bruine était venue tremper mes maigres vêtements, ce qui m’avait gelé et empêché de fermer l’œil, le vent froid et salé de la mer proche avait brûlé mon visage. J’étais assis contre un tronc, dans la crainte de voir ressurgir mes agresseurs et abattu par le froid, la faim et l’inconfort. J’étais en fait Willow, un sale petit hobbit désobéissant et seul au monde, abandonné par tous, qui avait ce qu’il ne méritait pas, du moins c’est ce que je pensais.
Je me remis tout de même en route. Il était complètement inutile et stupide de s’abattre sur son sort ainsi et d’une certaine façon, de se laisser mourir ainsi, ici, au beau milieu de nulle part. Finalement décidé à trouver quelque chose à me mettre sous la dent, j’errai vers l’ouest en quête d’un champignon ou d’une racine. Papa m’avait appris à reconnaitre les champignons comestibles. Ce serait grâce à lui si j’arrivais à me nourrir sans m’empoisonner. Je tombai justement, au pied d’un arbre qui surplombait la vallée, sur quelques champignons qui n’avaient pas l’air bien méchants. J’en cueillis quelques uns, fier de ma trouvaille, quand je me rendis compte que je n’avais rien pour les cuire et qu’un champignon cru ne se mangeait pas, encore moins lorsqu’on était un hobbit qui n’avait pas fini sa formation, donc inculte.
Je les enfouis néanmoins dans mon sac, dans l’espoir de réussir à allumer un feu pour la nuit prochaine ou dans celui de rencontrer quelque bonne âme prête à me les échanger contre un peu d’eau et de pain. Je me rappelai alors que l’île de Nirtim était autant riche en faune qu’en flore et que je trouverais peut-être une bête à manger.
Je fis le tour de l’arbre, désireux de débusquer un terrier de lapin ou même un vieux rat perdu, ce qui me nourrirait pour trois jours peut-être, seulement je ne découvris qu’un maigre ver-de-terre qui fouillait la terre pour s’y enfouir. Dégouté et grimaçant je le ramassai, caressa son corps visqueux pour en retirer le surplus de terre et l’approcha de ma bouche.
C’était affreux de penser au fait que j’allais devoir l’engloutir et de voir comme il se débattait avec son petit corps visqueux, comme s’il savait que sa fin était proche, un peu tragique. Etait-il ver-de-terre père ? Une ver-de-terre l’attendait-elle ? Je laissai ces extravagantes, déraisonnables et pourtant conséquentes pensées de côté, elles ne m’apporteraient de toute manière rien et il fallait que je mange.
Je réussis à l’avaler sans en vomir et les détails valent mieux d’être passés sous silence. Toujours est-il que l’estomac un peu moins vide, je me sentis mieux et je repris ma marche. La matinée était bien entamée à présent, mais il m’était impossible de savoir à quel moment de la journée nous étions tant une croûte énorme et basse de nuage cachait le soleil. Le ciel était en fait étouffant et oppressant et je trouvai étonnant que le vent côtier ne chasse pas ces nuages menaçants, surtout que sans vent et sans soleil avant la prochaine nuit, je ne sécherais pas totalement.
Si seulement un cavalier, une charrette ou un convoi passait ! Une petite semaine de marche à pied me séparait encore de Kendra Kâr, en soi presque autant que si je voulais rejoindre Shory. J’avais peut-être pris la mauvaise décision. Quatre à cinq jours de marche seulement et je me retrouverais parmi les miens, des Hobbits, et peut-être trouverais-je maman. Et si elle était là-bas ? Et si j’étais si près du but finalement ? Non ! Non ! Non ! Je ne pouvais pas changer d’avis de nouveau ! La route en ce sens était sinueuse ! Et je ne savais combien de danger m’attendaient dans les basses montagnes. Il valait mieux retourner en terrain connu et être sur une vraie route que de vagabonder seul et sans ressources vers une destination peut-être trop exotique pour un si petit homme.
---> Vent de liberté
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