[
Avant]
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C'est sans mot dire que la noble Julah aide la tulorienne à refermer la robe, mais avec un intérêt que la belle ne peut que noter. La main de sa consœur s'est posée sur sa hanche alors que le problème de la jeune femme se trouvait bien plus haut. Tina songe immédiatement que la sœur du Loup fréquente encore tous ces cercles que Kalahan a fui. Qui sait si les travers des Francisques ne l'auraient pas affecté ? D'un côté, la brune se sent confiante de se savoir en capacité de charmer également les femmes, bien qu'elle n'ait jamais eu l'occasion de s'y essayer en Yuimen. Loin de désarçonner le Rubis, cette nouvelle lui donne un regain d'assurance. Suffisamment en tous cas pour offrir un sourire tendre à son interlocutrice alors que celle-ci l'incite à pivoter en la tirant quelque peu par le bras.
Julah la conduit devant une penderie dans laquelle Tina voit un grand miroir lui offrant la possibilité de se découvrir. Pendant une poignée de secondes, elle demeure stupéfaite, assimilant malgré elle l'ensemble à des dessous plutôt qu'un habit décent. Il lui faut sentir les mains de la noble Dame pour se faire violence, s'efforcer de passer outre, et rester dans son rôle de future sensation du bal. Après tout, celle qui lui prête cette tenue compte sur elle pour rendre la monnaie de leur yû aux Francisques, si la jeune femme a su la lire. La tulorienne inspire lentement, ferme les yeux le temps de se reprendre puis s'observe.
Elle aime la couleur et la robe actuelle en est totalement dénuée. Si elle s'était croisée elle-même dans les rues de Tulorim, et après avoir marqué sa curiosité vis-à-vis de ces vêtements n'entravant en rien la confiance de leur porteuse, elle se serait tenue sur ses gardes. En dépit du côté honnête de la tenue, car il n'est pas aisé de camoufler quelque arme sous un de ses pan de tissu, Tina a la sensation de découvrir une véritable veuve noire. Outre le fait de souligner plus encore ses généreuses formes, la robe lui donne une apparence aussi élégante que dangereuse. Presque froide en vérité. Énigmatique surtout, malgré le peu de place à l'imagination procuré par ses atours. Lentement, la belle incline la tête sur le côté et se redresse, ajoutant un zeste de dignité à son aura.
Elle tend alors l'oreille à Julah, comprenant que l'autre femme compte bien assister à la réception. Salutations des uns et des autres en premier lieu, discours de l'organisateur du bal, quelques danses puis complots entre bons intrigants. Tina note qu'il est également question de boire et de profiter des quartiers résidentiels pour des activités familières à la Maison de sa cible. La belle acquiesce lentement puis se tourne vers Julah.
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Que voilà un bien triste programme.", dit la belle avec une moue désolée avant d'enchainer sur un sourire complice. "
Que je compte égayer avec ma touche personnelle."
Tina jette un regard au miroir pour contempler son dos et sa chute de rein. Puisqu'elle devra rendre cette tenue, autant en graver les détails dans sa mémoire pour le jour où elle rentrera. Cette nouvelle source d'inspiration devrait ravir les femmes de l'atelier. Son ruban glissant quelque peu, la belle entreprend de défaire sa couette lâche et peigne sa chevelure ondulée des doigts. Pendant qu'elle s'affaire, elle reprend la parole.
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Je vous renouvelle ma gratitude, ma Dame. Croyez que j'aimerais vous en dire davantage, mais si le Loup a estimé devoir attendre, alors sachez que je me fie à son jugement.", précise la belle en coinçant une mèche derrière son oreille.
Rien de tel que de faire une déclaration apparemment sincère pour conserver un lien positif. Cela n'est de toute façon pas un mensonge, et Tina se voit mal aborder de but en blanc le sujet de
l'Etrangère sans être contrainte d'abattre nombre de ses propres cartes. Elle choisit alors de légèrement changer de sujet, non sans laisser comprendre qu'elle est prête à être vue par le propriétaire des lieux.
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À quand peut bien remonter son apparition dans une tenue... Contraignante ?", demande-t-elle à voix basse en se tapotant le menton de l'index, le regard tourné en direction de la salle d'eau, puis reportant son attention sur Julah. "
Oh, J'y songe... Quelle ingrate fais-tu, ma pauvre fille...", se blâme Tina en levant lentement les yeux au plafond avant de les river à ceux de son interlocutrice, de les plisser comme si elle ne pouvait plus les soutenir et les baisser. "
Je ne me suis pas même enquise de vos projets lors de cette soirée... Dites-moi que cette présence de dernière minute ne mettra pas à mal vos desseins. ", ajoute la belle en ramenant ses bras devant elle, dans un geste rehaussant sa généreuse poitrine. Lentement, sa main droite enveloppe la gauche devant ses cuisses, mimant un geste nerveux de damoiselle de bonne famille.
Elle relève la tête en quête d'une réaction et tient son rôle de jeune femme angoissée quelques instants, avant de se redresser et d'offrir un sourire charmant mais assuré à Julah. Elle laisse ainsi entendre pouvoir jouer sur plusieurs tableaux.
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Je ne me pardonnerai jamais de vous priver de votre divertissement.", appuie-t'elle d'un clin d’œil complice.
Si elle veut que son interlocutrice puisse la considérer en égale, à défaut d'alliée, autant lui faire comprendre qu'elle peut se faire une place dans ce panier de crabes nobles sans grande difficulté. Et puis, la belle est curieuse de savoir pourquoi une Atalante aussi remarquable a pour habitude de se joindre à ce genre d'événements visiblement peu attrayants.
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