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 Sujet du message: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 26 Oct 2008 21:14 
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La bise d’Ynorie, parc de Kendra Kâr


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Voilà treize siècles que les Ynoriens se sont détachés de l’empire Kendran pour fonder la douce Oranan, et rares sont les legs qu’ils laissèrent derrière eux. L’art de la composition et de la présentation du jardin est de ceux-là.

Durant de nombreuses années, les yeux de la noblesse de la Cité Blanche se tournèrent vers la république d’Ynorie, contemplant l’étrangeté subtile, les différences épanouies et l’indépendance raffinée du nouveau peuple. Accueillant le sourcil levé l’exotisme que développaient les Oraniens, la noblesse tâcha de récupérer à son compte quelques bribes de cette nouvelle culture. C’est lors d’une visite de courtoisie d’un haut notable Kendran, que le royaume des plaines d’Haenian remarqua les richesses de la civilisation émancipée.
Le Comte Adrian découvrit les rizières élancées, les champs céréaliers balayés des lumières mielleuses du soleil. Il sentit les bises du vent frais agiter sa barbe grise et porter à ses narines les senteurs sauvages de cerisiers en fleurs, mêlées aux parfums d’essence de prunier effleurant les kimonos de soie délicate. Il vit les jardins, ces étendues verdoyantes et veloutées où se dessinaient harmonieusement des courbes de fleurs chatoyantes bordant des ruisseaux chantants. Il sentit le parfum âpre des bois blancs et fruitiers, courbés comme des vieillards épuisés par l’âge, dont le chapeau fait de feuillage dense aspirait les rigueurs du soleil et nourrissait une ombre fraîche et paisible. Il reposa ses jambes fatiguées et régala ses yeux enchantés sous le couvert des kiosques aux boiseries peintes, composant la musique chuintante du ruissellement de la pluie sur les toits sombres en demi-lunes. Lorsque revint la lumière, il l’embrassa la figure haute vers le ciel en traversant un pont enjambant le murmure des eaux, ramassa un tendre abricot arraché aux frondaisons par l’averse et croqua sa chair sucrée en s’éloignant vers les arches dressées supportant des carillons argentins qui se fendaient de la plus somptueuse des mélodies.

Le Comte Adrian regagna la Cité Blanche et dépensa sa fortune en engageant ces artisans, ces ouvriers de la nature qu’étaient les Ynoriens, afin d'enseigner à son propre peuple les subtilités de leur art.

C’est ainsi que naquit la Bise d’Ynorie, parc du Comte Adrian se nichant au cœur de Kendra Kâr. Jardin splendide aux tons émeraudes, nimbé d’arabesques ingénieusement tramées par la flore rutilante. L’eau y file, étayée des pétales rosés d’arbres chaleureux dont on importa les graines, et l’endroit est un délicieux lieu de détente et de promenade, loin des murs gonflés et étouffants de la Cité. Il y règne une quiétude particulière, bercée des chuchotements solitaires du vent et des clapotis de l’ondée rutilante. Le Comte y a artistiquement instauré de nombreux kiosques et abris, disposés aux endroits stratégiques afin de permettre le repos des promeneurs accablés. Leurs toits protègent des eaux et gardent des frissons de la bise, tout en permettant de garder l’œil sur les arbres aux branches fleuries agitées par la respiration du ciel.

On quitte toujours nostalgique et alangui la Bise d’Ynorie, dépassant les arches arc-en-ciel et leurs cloches argentines et mélodieuses pour regagner les rues grises de la Cité.

Création de Miriel

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 14 Déc 2008 17:14 
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Inscription: Mar 25 Nov 2008 13:07
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~ Accord précédent : chute de Khmer et diatribe de Larc. ~



La tête de Miriel reposait contre le poil de son Gardien. Inlassables, invincibles, les larmes roulaient conquérantes sur son visage fin. Il y avait en la jeune femme, quelque chose qui s’était rompu. Un reste de réserve, une dernière digue de courage, la fragile muraille de sa volonté impitoyablement écrasée par le chagrin. Les souvenirs, vifs et aiguisés comme des rasoirs, prélevaient leur tribut, et la douleur accumulée suppurait des plaies. Ses petites mains s’agrippaient éperdument à la fourrure du Liykor et les sanglots remuaient terriblement son corps fragile. Ses gémissements, palpitants et témoins de la faiblesse d’une demoiselle ayant consumées les limites de sa résistance, auraient saisi et renversé la plus cruelle des âmes.

« Je le sais bien… Hoqueta la musicienne d’une voix piteuse, ses larmes luisant comme des éclats d’étoile dans la pénombre. …je ne le sais que trop bien… Larc… mais je n’arrive plus à m’arrêter… ils sont tous si… mauvais… »
Miriel releva le regard vers son protecteur, ses yeux dépeints à la manière de miroirs d’azur humides, à la surface trouble et agitée, fluant d’une onde chagrine et blessée. Sa voix, basse comme le plus chiche murmure du vent, n’évoquait par son souffle que désespoir et souffrance.

« Je veux partir… je veux partir d’ici… ! Larc… Larc… je veux revoir Niri et Casci… je veux partir… »

La jeune femme embrassa de ses bras le torse du Liykor, son unique point de repère, seul être dont la présence lui évoquait l’ailleurs de son enfance, la chaleur douillette et l’amour de son foyer… dont la présence lui évoquait un bien-être lui paraissant désormais terriblement étranger. Tout était si… terne ici, à Kendra Kâr, les murs, blancs ou mangés par la grisaille, s’étaient étendus et caparaçonnaient le cœur des habitants. Ils étaient froids comme la pierre, durs et glacés, escarpés et si aisément cruels… Le souvenir du dîner auprès des notables de la Cité Blanche lui revint, porté par un nouveau sanglot. Toute cette méchanceté, dispensée si gratuitement ! Tant de rancœur, d’inimitié et d’animosités, tirées comme autant de flèches derrière un arc souriant, hypocrite et mielleux à en devenir aigre. Elle les détestait. Elle détestait ces jeux et ces mensonges. Ces divertissements acides, ces faux-semblants, cette haine si profondément instillée en ces gens qu’elle suintait du moindre de leur propos. Elle détestait cette arrogance, et se détestait autant de nourrir de colère ses pensées. Elle ne voulait pas devenir comme eux… ! Mais respirer leur air vicié suffisait à lui donner cette dégradante impression de se corrompre, de se souiller…

…alors Miriel pleurait. Fébrilement, au contact d’un être qu’elle chérissait, chassant de fins ruisselets teintés d’ambre et d’or liquide par l’artifice qui masquait son teint laiteux, délogeant le dartre talé que laissaient sur elle ces gens de la noblesse.


Et puis, l’arrachant à sa peine, bruirent à ses oreilles les mots louvoyant de son gardien. Dans une complainte sourde, un bourdonnement rassurant que tissèrent les faibles mesures de la voix de basse de l’homme-loup. Un chant tribal qui chatouilla sa mémoire, la piquant de nostalgie alors qu’elle renfonçait son étreinte, étouffant ses pleurs contre la fourrure du Bratien. Miriel écouta, attentive, ses tremblements un peu apaisés, et l’eau toujours vive à ses yeux.
« Je ne comprends pas… » Expia-t-elle d’une toute petite voix alors que les paroles étrangères à son ouïe défilaient dans une vague tranquille, berçant son chagrin de la douceur de l’attention. Tendrement emportée, la musicienne ferma les yeux.
C’était un air sauvage, un peu primitif, naturel, qui portait en lui la musicalité de la louange nocturne du loup pour la lune, émanant et transportant ce sentiment de respect et de dignité qui tenaient tant à cœur aux Bratiens. Miriel comprenait, sans pourtant pouvoir donner un sens aux paroles rêches, mi-aboyées, mais elle devinait, instinctivement ce qu’Il souhaitait lui partager. Ses leçons, ses professions de foi quant à ce qu’était l’Être en comparaison de la Nature, depuis longtemps elles étaient gravées dans son cœur… bien qu’elles ne soient pas tout à fait compatibles avec ses propres croyances…

Se redressant légèrement, la jeune femme chassa du dos de la main ses agaçantes larmes, sans pour autant parvenir à totalement les juguler, et en harmonie, comme s’il sentait que les choses allaient un peu mieux, Larc la repoussa doucement. Le Liykor contempla le désastre : la teinture ocrée poissée d’eau et des poils de sa fourrure, dégoulinant généreusement et striant sa peau claire et ses vêtements bariolés de blanc et de bleu. Avec une gentillesse et un soin touchant, laissant éclore un mince sourire sur les lèvres de la jeune femme, le guerrier la débarbouilla minutieusement.

« Merci… » Murmura-t-elle quand il eut tout à fait terminé. Le dos soudain plus droit, elle étouffa un soupir, s'appropriant de ses yeux océan le regard embrasé du Bratien.
Comme cherchant ses mots, hésitante, elle bredouilla quelque chose, sans doute de vagues excuses, puis prit une courte et courageuse inspiration. Caressant d’une main câline la chevelure rousse enchevêtrée du bouffon sommeillant sur ses genoux, elle s’apprêta à donner un semblant d’explication à son protecteur… quand un bruit assourdissant retentit dans l’étroit cabanon, fracassant de son ampleur les faibles paroles qui quittaient ses lèvres claires.
Se tortillant soudain pour jeter un œil à la silhouette étendue de tout son long sur le parquet, Miriel retint un cri de surprise et demanda aussitôt.

« Vous allez bien… ? »
Sa voix et l’expression de son visage charrièrent un sincère sentiment d’inquiétude, elle se serait d’ailleurs levé et aurait accouru vers l’étrange maladroit pour s’enquérir de son état si le malheureux baladin n’occupait pas son giron, l’empêchant donc de se relever sans le tirer de sa torpeur.

_________________
Miriel / Humaine / Mage : La Bise d'Ynorie (Parc de Kendra Kâr).


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 22 Déc 2008 22:53 
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Inscription: Jeu 27 Nov 2008 01:54
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Précédemment aux Jardins.

Larc s’occupait de Miriel avec toute la douceur dont il fût capable, ses grosses paluches maniant la pièce de tissu, gommant le maquillage qui n’était plus que de disgracieuses tâches semblant écrasées à la va-vite sur le visage déconfit d’ordinaire si beau de la jeune fille, son faciès animal et son attitude ayant repris leur rigueur habituelle alors qu’il essuyait sans dire un seul mot de plus, le regard tranquille. Bah… apparemment, les choses se passaient plutôt bien, et dès que Miriel aurait repris ses moyens, elle pourrait décider d’une ligne de conduite à suivre pour la suite des évènements ; celle qu’elle jugerait bon de suivre, et le Bratien l’assisterait alors de son mieux dans sa réalisation, comme il l’avait toujours fait, et comme il le ferait toujours, étant au service inconditionnel de la jeune héritière.
En voyant l’expression plus mesurée, l’attitude plus maîtrisée et le regard plus pénétrant de celle qui lui faisait face, les braises Liykors prirent une lueur de confiance contentée : si ce n’était pas ainsi qu’elle voulait être, du moins c’était ainsi qu’elle devait se montrer, fière et altière. C’était peut-être un malheur, mais pour elle, beaucoup de joies simples et sincères lui étaient barrées par les devoirs dont elle était cerclée et qu’elle s’efforçait de respecter…quand elle le voulait avec brio d’ailleurs.

Cela était bien.

L’homme-loup était loin de se douter que, si peu loin de la relative quiétude qui s’était installée dans le cabanon sans qu’il l’eût remarquée, et étant à cent lieues de se douter d’une telle proximité, une catastrophe ambulante était toute proche…

Car soudain, un bruit résonna, qui firent se brandir toutes droites les oreilles du Liykor quasi-perpétuellement à fleur de peau, à leur maximum de raideur, de même que sa queue qui se mit à battre furieusement autour d’elle, comme cherchant un potentiel ennemi à affronter. Lui-même, dans un sursaut, détacha son attention de sa Protégée qui l’avait jusqu’ici toute entière, attention détournée par ce vacarme soudain qui frappait en contraste avec celui que faisait la pluie jusqu’ici.

(Un arrivant ! Un intrus ! Un ennemi !)

Cette chaîne logique de suppositions défila dans la tête du Guerrier, rougeoyant dans son esprit comme un signal d’alarme qui criait « Danger imminent ! » à tout son organisme ; et qui voulait dire danger voulait dire nécessité de protéger ! Aussi dans le même mouvement par lequel il se redressait d’un bond de son accroupissement, il dégaina ses armes qu’il portait comme toujours à sa ceinture de façon à pouvoir les empoigner sans aucune difficulté si la situation le requerrait comme c’était peut-être le cas en ce moment même… peut-être car il se pouvait tout aussi bien que le nouveau venu ne fût tombé là que par erreur, sans le moins du monde penser à mal, mais dans le doute, mieux valait être paré à toute éventualité. C’est ce que faisait le zélé Liykor, hache dans une main, lame dans l’autre, en s’interposant entre l’entrée de la petite construction de bois et le jeune duo, prêt à affronter Oaxaca en personne s’il le fallait !
Aussi imaginez donc s’il fut médusé lorsqu’en guise du potentiel redoutable adversaire qu’il s’attendait à retrouver en face de lui, tout ce qui se présenta à sa vue fut une espèce de champignon mauve imbibé d’eau en dessous duquel, en baissant les yeux on pouvait rencontrer deux saphirs brillants qui marquaient le point central d’un visage félin, donnée qui se confirmait dans tout le reste du corps –notamment une superbe queue ondulante- de l’intrus qui se révélait une intruse à en juger par ces rotondités sur sa poitrine. Pendant une longue seconde qui semblait enfler dans la trame du temps pour durer une infinité, avant de prendre fin en éclatant telle une bulle comme éclataient les gouttes au dehors, Larc, stupéfait, se perdit dans ce regard qui dénotait sans aucun équivoque possible une farouche volonté indomptable en même temps qu’une nublesse qui conférait à cet être tout entier comme une vivacité éclatante malgré la pluie qui dégoulinait sur son pelage sombre.

Un pelage… ? Cet « être », qu’était-elle d’ailleurs ? Elle ne ressemblait à rien que Larc eût vu, c’était certain, car avoir un tempérament plutôt bouillonnant ne l’empêchait pas d’avoir une très bonne mémoire ; et c’est justement cette capacité à la souvenance qui lui permit d’aller chercher dans ce qu’il avait appris… loin dans le passé, il y avait bien cinquante ans, alors que Jhyrra s’était chargée de sa culture avec ténacité et incoercibilité, faisant entrer bien des connaissances dans son crâne un peu trop guerrier au goût de la sage Bratienne.
Car au premier abord, avec sa fourrure couleur de nuit, l’arrivante, si petite qu’elle pût être, rappela aussitôt au Liykor ce cousin d’obsidienne sur lequel il était tombé il y avait des années de cela, ce Noir dont la rencontre avait bien failli lui coûter la vie, ce membre d’une ethnie que les Bratiens haïssaient de toute la force de leurs âmes bien trempées, et qui leur rendait cette haine avec la même ardeur. Cette remembrance de ce rude combat alluma les flammèches qui brillaient dans ses orbites d’une colère soudaine alors qu’il serrait ses armes plus fort et qu’un grondement commençait à monter instinctivement de sa poitrine, ses babines amorçant un mouvement de retroussement pour dévoiler les crocs qu’elles masquaient.
Puis à contempler cette silhouette qui lui faisait fièrement face, les souvenirs refirent surface : Woran… oui… Woran, c’était bien cela… ou plutôt, comme les Liykor les nommaient communément, les « Tigres ». Et cette couleur… c’était Sombre ! Et Sombre, que lui en avait dit Jhyrra ? Il fallait qu’il se souvienne, sinon il ne saurait jamais comment aborder cette rencontre sans se débarrasser des tristes prémices d’une défavorable première impression nourrie de préjugés et de mauvaises associations :

« Honorables c’est certain… plus droits que le chêne qui pousse en la forêt avec laquelle ils sont en parfaite harmonie. »

Cette bribe de conversation sonna à ses oreilles comme s’il l’avait entendue hier à peine, de cette voix maternelle qui était littéralement une parole divine pour lui : ce que sa mère disait en sa haute sagesse ne pouvait être que la vérité, et il aurait été un ingrat et un inculte de tourner le dos aux enseignements qu’elle lui avait prodigués avec dévotion et acharnement. Comme pris sous l’effet d’une injonction à laquelle il ne pouvait tout simplement pas désobéir en ayant rappelé à lui ces propos, ses bras bougèrent presque tout seuls pour venir remettre les armes à leur place au repos, emmanchées dans la ceinture, avant qu’ils viennent se croiser contre son torse, pour toiser de haut en bas la Sombre de son regard qui se faisait en ces circonstances inquisiteur, véritable œil d’aigle.
Et Larc devait avouer qu’il appréciait ce qu’il voyait : de la tête jusqu’aux orteils, un corps qui avait très manifestement été formé pour cultiver son endurance et sa souplesse, pourvu de muscles que l’expérimenté Guerrier devinait vigoureux sous l’aspect chétif qu’aurait pu leur donner la petite taille de leur propriétaire. Elle était peu vêtue… encore moins que le Bratien qui se contentait pourtant d’un simple pantalon et de ses antiques épaulières comme tout vêtement ; la Tigresse de faible taille laissant encore plus de sa peau exposée à l’air libre, ce dont le Liykor ne se formalisa toutefois nullement, la pudeur n’étant pour lui qu’une notion bien vague, l’apanage des humains, et qu’il avait encore aujourd’hui un certain mal à appréhender en dépit des ans qu’il avait passés à leur contact. Dans son attitude, elle laissait transparaître un brin de quelque chose de « mignon », duquel Larc passa outre, n’étant en rien touché par ce charme vain qu’elle prétendait donner à sa personne (du moins c’est ce qu’il aurait prétendu, et ce dont il tâchait de se convaincre… tout comme il tâchait de se convaincre qu’il ne faisait toujours que remplir ses devoirs de Gardien dans sa relation avec Miriel).

Le Loup resta ainsi quelques secondes, sans trop savoir comment réagir lorsqu’une odeur piquante provenue tout droit de l’épiderme de la Tigresse lui assaillit littéralement les narines, celles-ci se plissant et s’agitant en un tressaillement qui se répercuta insensiblement dans tout son corps : cette fraîcheur, cette fragrance tranchée et odorante…

(De la menthe ?)

Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas senti de la menthe… de la menthe sauvage s’entendait, car de la menthe de culture, on en faisait bien entendu pousser à Ascalanthe à des fins culinaires, mais l’être indomesticable qu’il était percevait toujours ces subtiles petites nuances qu’il y avait entre le dompté et le sauvage ; et bien entendu, il avait toujours eu une nette préférence pour ce dernier. Mais cette senteur était-elle bien réelle ou n’était-ce qu’un effet de son imagination exacerbée par la découverte de ce membre d’une nouvelle espèce qui n’avait jusqu’ici jamais croisé son chemin ? Il devait savoir…

Ainsi, sans autre forme de procès, l’imposant Bratien se pencha en avant, et se mit à humer la jeune Sombre : sans jamais toutefois la toucher, elle pouvait sentir l’air qui, alternativement, fluait et refluait par le museau du Liykor, faisait presque imperceptiblement tressaillir ses poils sous l’infime souffle provoqué par cette investigation par l’odorat. A cette réaction pour le moins inattendue, elle se raidit, mais ne manifesta pas autrement son vraisemblable et légitime étonnement. Des cheveux, Larc passa rapidement au visage et aux tempes, puis un moment aux aisselles avant de se diriger vers la partie qui lui apporterait sans doute le plus d’informations, se saisissant du bras droit de la Sombre avec des égards presque religieux, comme si ce qu’il avait devant les yeux était la relique de quelque monde révolu de son enfance et pourtant bel et bien existant dans ses souvenirs, et désormais devant lui. A sa poigne ferme mais précautionneuse, son poing à elle se referma en un réflexe d’autodéfense, alors que des griffes acérées sortaient de ces doigts qu’on aurait pu croire délicats et inoffensifs, accroissant encore l’étonnement presque émerveillé du Liykor : cette précaution dans son attitude, qui avait quelque chose d’une incertitude juvénile, et n’en conservait pas moins une attitude de la plus haute dignité, quelle prestance ! Et peu le taraudait que ces griffes eussent pu lui asséner un mauvais coup, tant il était absorbé dans cette découverte qu’il faisait, aussi curieux qu’un louveteau.

Fermant un bref moment les yeux afin d’être au maximum de ses capacités de reconnaissance, il inspira un bon coup, capturant les effluves qui s’échappaient de cette peau recouverte d’un fin duvet soyeux, les faisant affluer en plus grand nombre possible à travers ses conduits nasaux, laissant le soin à sa mémoire d’interpréter les senteurs qu’il découvrait alors qu’il laissait obligeamment le bras tranquille tout en reprenant sa position initiale, se passant la langue le long des lèvres en un rapide geste machinal, comme s’il goûtait les odeurs qu’il avait recueillies, sans cesser de fixer celle dont elles provenaient.
Et sa première impression ne l’avait pas trompé : oui, c’était de la menthe, et qui possédait une arrière-senteur tonique et boisée toute particulière qui ravit durant une fraction de seconde les sens du Liykor. A cette fragrance s’ajoutait celle du bois… et non pas le bois humide, comme celui de ses arbres soumis à l’homme dehors, trempés par la pluie, mais du bois sec, vif, vigoureux ! Enfin venait une senteur musquée, légèrement plus agressive, mais qu’il savait apprécier à sa juste valeur car elle émanait généralement de personnes qui n’avaient pas peur de l’effort, qui ne craignaient pas de prendre sur elles et de se lancer dans une tâche afin de la mener à bien, si ardue pût-elle être.
C’était véritablement une enfant de la forêt : tout en elle respirait l’ardeur sauvage de cet environnement boisé et fourmillant de vie, et par sa simple présence, émergeant comme par enchantement au milieu de cette véritable tempête de pluie, elle paraissait la princesse d’un peuple trop longtemps opprimé par d’ignorants blasphémateurs qui venait au cœur du territoire ennemi qu’étaient ces Jardins réclamer son dû. Aux yeux de Larc, qui aspirait tant à cette spontanéité inhérente à un être qui avait quelque chose de purement bestial, cette Sombre pourtant bien de chair et de sang transportait comme une étincelle divine, qui épandait autour d’elle, comme une éclatante corne d’abondance, ce qui faisait la Nature. Oui, c’était cela même ! Feuille de menthe posée sur le bloc de marbre gris et terne qu’était Kendra Kâr, elle frappait par sa fraîcheur toute naturelle ! Lui qui recherchait si ardemment et sans succès cette essence, s’il avait écouté sa nature sauvage, il aurait pu en plonger son museau en plein dans cette fourrure emplie d’odeurs vivides de manière à s’en imprégner le plus possible, comme un retour aux sources, à ses racines.
Si il avait écouté sa nature sauvage, car la décence et surtout la réserve qui lui étaient propres le retinrent de se laisser aller à pareille familiarité.

Mais ce n’était pas tout : de pair avec cette sauvagerie incarnée qui se présentait face à lui, le frappant pour ainsi dire de plein fouet, une autre sensation prenait jour dans son esprit pour se répercuter dans tout son corps, l’agitant d’invisibles tremblements, l’amenant à contracter ses muscles alors que les battements de son cœur s’accéléraient. Faisant écho à ce trouble, ses yeux, véritablement miroirs de son âme, se mirent à flamboyer comme ils ne l’avaient jamais fait depuis un moment… ce n’était pas tant une question d’intensité qu’une question de ce que signifiaient ces flammes aux teintes écarlates qu’abritaient ses orbites : ce désir violent, presque brutal, qui montait en lui, et son adrénaline qui semblait prête à jaillir à la simple perspective de ce que leurs deux corps pourraient accomplir !
Il ne ressentait pas souvent cette impression ; c’avait été le cas avec Mylène, ainsi qu’avec Rosie bien que ce fût dans une moindre mesure, et il savait ce que cette émotion prenante signifiait. Ses instincts de Guerrier se faisaient entendre, et il voulait un combat, voulait voir comment cette fougueuse Tigresse pourrait se débrouiller les armes à la main, au moment où les muscles des deux opposants s’échaufferaient comme à plein régime en cette situation d’épreuve de force ! L’expérience serait assurément riche, et Larc se promit intérieurement de tacher de la concrétiser si jamais l’occasion se présentait. Il se contenta de se le promettre, car étant donné les circonstances présentes, ce n’était pas le moment, alors qu’elle était trempée jusqu’aux os, et surtout que Miriel n’avait pas besoin d’une exposition de tels faits d’armes, le Gardien sachant de longue date que sa Protégée abhorrait la violence sous toutes ses formes.

En tout cas, il ne voyait pas en quoi, dès cette première impression qu’il avait ainsi digérée et remuée dans sa tête en l’espace d’à peine quelques secondes, il ne pouvait pas lui faire confiance, et l’inviter à prendre abri de la drache qui tombait en trombes toujours aussi impitoyables dehors, trempant le dos de la Sombre et faisant par ailleurs rentrer en fort vent déplaisamment froid et humide. En des circonstances plus… tribales, Larc aurait prononcé l’Aherntoeh, formule d’invitation et de bienvenue qui signifiait, vulgairement traduit dans l’insuffisance du langage humain « Entre et ébroue toi. », mais revêtait pour les Bratiens des sens beaucoup plus subtils et ancestraux. Or, dans ce cas là, il ne serait sans doute malheureusement pas compris, aussi opta-t-il pour une formulation beaucoup plus simple, ne s’étant toutefois pas départi des consignes de silence de Miriel :

« Entrez… ce toit vous appartient autant qu’à nous. » Dit-il d’une voix neutre mais cordiale, se décidant pour cette formule qui n’impliquait pas trop de leur part.

En même temps, il s’écarta sur le côté d’un pas souple, se préparant à fermer cette porte qui était demeurée ouverte trop longtemps dès que la Sombre en aurait franchi le seuil pour ensuite se replacer aux côtés de Miriel sans se départir de sa vigilance. Puis il lui vint à l’esprit que malgré ce premier contact, ils ne savaient tous les trois rien l’un de l’autre, à commencer par leur nom :

« Je suis Larc… » Se présenta-t-il laconiquement tout en laissant sa phrase en suspens, invitant Miriel à lui faire suite par un regard teinté de connivence.

_________________
"Je suis un loup pour les hommes, et une ombre pour les loups."

Larc, Guerrier Bratien Niveau 3


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 28 Déc 2008 15:55 
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Il était clair que l'erreur de jugement que j'avais faite au clocher - si flagrante et heureusement sans conséquence - découlait d'un sommeil trop exploré, auquel il me fallait maintenant palier. Il me fallait ne plus faillir, ne plus trébucher sur un simple détail. J'avais autrefois exigé un prix de moi-même, un prix inscrit dans ma chair immonde - et maintenant plus qu'à aucun autre moment je ressentais son poids, sa flamme ravivée par les odeurs fétides de la race humaine, si médiocre qu'elle ne valait même pas l'intérêt de ma Sombre Déesse.
Il me fallait parcourir le monde, inlassablement, irrévocablement obnubilé par la seule volonté de ma Sombre Déesse, cette haine héréditaire et si puissante.
Aussi, c'était avec une mine sombre où luisaient deux rubis pourpres que je pénétrai dans les couleurs vertes et émeraudes du jardin. Violets et rouges pétales tranchaient sur les tons clairs de l'herbe soignée, et une odeur parfumée montait avec le faible vent du sud qui agitait les branches d'un mouvement serein. Au loin, finement voilée par les bosquets de roses et les plantes exotiques une fontaine de marbre clair donnait vie aux instants paisibles en un jet inéluctable d'eau, rythme lent mais régulier.

Cette fois-ci, sous le regard de ma foi, rien en moi ne s'arrêta sur les beautés cachées et les parfums soignés de toute cette vie végétale tant épanouie.
J'avais ainsi rejoint mon masque; ce masque sombre qui enfin était placé dans les encoches qui lui étaient dues, plaqué par ma volonté de vivre.
Et c'était sans même me confectionner une nouvelle attitude que je m'approchai du banc où Émeline, jeune femme aux attraits si stimulants et aux formes si soutenues, attendait d'un œil absent que je pointa mon visage sans nez sous le grand cyprès taillé en parasol occupant les lieux.
Elle tourna la tête à mon arrivée, surprise de me voir ainsi :

"- Il y a un problème?"

"- Aucun, sache le bien, si ce n'est que j'ai que trop abaissé ma vigilance en un sommeil prolongé. Mais qu'importe! Ce n'est que du passé."

J'allai m'asseoir lorsqu'elle se leva, visiblement pressée d'honorer sa part du marché. Et ce d'autant qu'elle devait prendre peur.

"- Marchons, je vous montrerai les quartiers marchants, et nous passerons ainsi devant les hauts murs de notre fier château!"

Je me tournai vers elle, alors que je la suivais près de la fontaine, sourire malsain en coin sur une joue, yeux toujours aussi sombres:

"- Non, non. Je connais déjà Kendra Kâr, si telle est ton approche de ce que j'ai appelé visite. Ce que je t'avais demandé est bien plus recherché: montre-moi les ficelles de cette citée, les attaches qui lient ces habitants. Je me fiche des lieux, ce que je veux c'est apprendre. Et ce n'est pas en regardant un château que l'on connaît ce que cachent ses murs..."

Perplexe, elle s'arrêta soudain, plongeant dans mes yeux calmés et emplis d'une soudaine sympathie que je n'éprouvais point son regard bleu. Nous étions au niveau de la fontaine. Je détournai le regard, dans l'attente de sa réponse, et plongeai dans l'eau transparente et froide mes mains usées. je me nettoyai le visage, prenant plaisir de se complément de réveil; un sombre plaisir qui ne fit qu'accroître ma détermination. Lorsqu'elle parla, son ton était évidemment étonné.

"- Je ne m'attendais pas à de telles désirs de votre part. J'en suis surprise, mais cela ne fait rien. Soit, je vais vous amener dans un lieu où vous aurez tout le loisir d'apprendre sur cette ville et ses habitants. Mais je ne peux rien vous garantir..."

Je la coupai d'un mouvement sec de la main : peu m'importait, ce que je demandais était ainsi satisfait. Elle ne se souciait en réalité même pas de mes plans, sombres toiles tissées en réponse de mon échec au clocher. J'avais trouvé un moyen sombre, qui en moi faisait rire ma déesse Haine, de gagner en expérience...

"- Alors guide-moi!"

Soulagée, elle finit même par me sourire, étonnante attitude pour une étudiante qui rencontrait une anomalie telle que moi.

(Peut-être croît-elle me cerner. Mes dires, aussi peu convaincants pour moi, le seraient donc pour elle? Qu'importe! Cette assurance montre et affirme son sentiment de supériorité par ses connaissances, son trop grand égo. Mais le voile de sa prétendue emprise sera transpercé par le dard de mon courroux...)

Je me mis à rire à gorge déployée, acte qu'elle interpréta faussement en souriant :

"- Quoi? Avais-je l'air si défaite lorsque vous m'avez surprise?"

Je me tus et opinai de la tête, sourire en coin au rendez-vous. Elle me prit par le bras, m'attirant en avant.

"- Venez, il s'agit de ne plus traîner : le soleil disparaît, et je ne veux pas rester trop tard dehors : j'ai du travail, demain."

Nous traversâmes le reste du parc d'Ynorie, enchevêtrement de petits ponts sur de calmes cours d'eau bordés de pierres soigneusement disposées, bosquets de fleurs murmurantes de parfums délicats sous les caresses calmes du vent du sud. Parfums m'étant à jamais inaccessibles...

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 16 Mar 2009 20:07 
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<-- Les Rues de Kendra Kâr

Impassible, Gwerz ne pipe mot, comme s'il ne t'avait pas entendue du tout, alors que vous pénétrez sous les verdoyantes frondaisons riches en senteur des luxueux jardins royaux, la végétation autour de vous bruissant d'une vie certes limitée comparée à celle d'un milieu sauvage, mais bien présente, se manifestant notamment par les pépiements d'oiseaux nichant dans l'un ou l'autre arbre.
Parfaitement à l'aise dans ce milieu, le furtif caméléon se glisse incognito jusqu'à un buisson touffu pouvant parfaitement faire office d'abri, et derrière lequel le cavalier met pied à terre d'un bond leste, avant de passer pensivement sa main le long de l'échine du reptile en apparence toujours aussi indifférent à ce qui l'entoure.

« Cheshire est complètement sourd aux paroles que toi ou moi pouvons prononcer.» Commence-t-il d'une voix des plus neutre. « Son langage, ça passe par le toucher, et pour ça, j'ai besoin de me concentrer: même avec des années d'expérience commune, c'est pas toujours facile de communiquer, surtout dans l'urgence. C'est pour ça que j'ai besoin d'être le plus directement possible en contact avec lui. Tu comprends ? »

Ce disant, il se tourne vers toi, le regard toujours aussi dénué d'un sentiment qui pourrait prêter une intention à ses paroles: il ne semble ni peiné, ni fâché, ni revanchard, ni caustique... simplement explicatif.


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 5 Avr 2009 01:39 
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Patiemment, j’attends une réponse, mais rien ne vient, pas de discours ou de remontrances, pas même un mot ni le moindre soupir!

(M’a-t-il entendue? A-t-il décidé de ne plus m’adresser la parole?)

Résignée, je me concentre sur les odeurs qui émanent du jardin. Une senteur plus prédominante que les autres m’est familière, mais je ne réussis pourtant pas à l’identifier. Et ce, jusqu’à ce que Cheshire ralentisse légèrement son allure afin de se faufiler entre les deux imposantes portes légèrement ouvertes.

(Du cèdre! Des portes de cèdre! C’était donc ça!)

Nous adorons cette essence dans la famille à tel point que nous trouvons toujours un prétexte pour l’utiliser. Qu’il s’agisse d’armoire, de coffre, de porte ou de clôture, aucune idée n’est rejetée. Au moment même où nous traversons le portail de cèdre, je tends mon bras gauche et je réussis à effleurer, du bout des doigts, le grain de ce bois cassant réputé pour éloigner les insectes et pour ses propriétés d'imputrescibilité.

Nous voici enfin arrivés dans le jardin! De magnifiques lierres grimpent allégrement le long des palissades. À leur pied, je reconnais des lys blancs, des iris jaunes et de délicats jasmins dont l’arôme s’est répandu au-delà de la bise d’Ynorie. Et puis, plus à gauche s’élèvent d’époustouflantes fleurs orangées à corolle profonde qui dégagent une fragrance de menthe. M’attardant davantage sur l’une d’elle, je remarque en son centre un petit oiseau au coloris chatoyant. Celui-ci, au bec démesurément long incurvé vers le bas, fait d’abord du sur-place, puis recule avec des battements d’ailes extrêmement rapides, pour mieux se rendre à la fleur suivante et y enfoncer son bec. Un peu plus à l’écart se dressent de majestueux chênes plus gros encore que l’Ancêtre, notre arbre familial. Un chœur de gazouillis attire mon attention vers le ciel: de charmants petits passereaux jaunes au bec noir se déplacent d’arbre en arbre en exécutant d’éblouissantes acrobaties. J’assiste à un véritable ballet aérien, le spectacle est grandiose!

Je ne sais plus à quel sens me vouer, puisqu’ils sont tour à tour sollicités. Je voudrais tout voir, tout sentir, tout entendre : j’en suis étourdie. Le reptile, qui pendant tout ce temps n’a pas cessé sa progression, s’approche maintenant d’un buisson épais d’un vert intense et d’un parfum fort particulier, qui s’apparente étrangement à celui du gin de mon grand-père. Je soupçonne mon aïeul d’utiliser les ramilles de cette espèce de bosquet pour aromatiser sa boisson alcoolisée préférée.

Cheshire s’immobilise à cet endroit précis. À l’abri derrière cet arbuste touffu, ma vue profite d’un petit moment de répit. C’est à moi de m’occuper de mon odorat. Sans hésitation, j’exécute le geste contraire auquel on aurait pu s’attendre. En effet, au lieu de me boucher le nez, j’inspire profondément à plusieurs reprises en prenant soin de bien faire pénétrer l’air par mes narines et l’expulser ensuite par la bouche. Par expérience, je sais que ce geste est efficace sans que je puisse pour autant expliquer la cause de son succès. C’est un peu comme si mes narines blasées, tel un estomac bourré, ne voulaient plus transmettre d'information olfactive. En à peine quelques secondes, je me suis ainsi débarrassée des effluves reniflés depuis mon entrée dans ce parc resplendissant.

Pendant ce temps, relativement court, Gwerz est descendu de sa monture avec une agilité qui ne me surprend plus. Si j’oubliais ses rides et sa barbe blanche, et que je me fiais à sa forme physique, je croirais que ce lutin est dans la force de l’âge. S’approchant de son compagnon à sang froid, il lui caresse l’encolure silencieusement.

Demeurée assise sur l’animal, j’observe quelques instants ce duo. Puis, comme s’il avait senti mon regard sur lui, le grand lutin lève les yeux vers moi et m’adresse enfin la parole :

« Cheshire est complètement sourd aux paroles que toi ou moi pouvons prononcer. Son langage, ça passe par le toucher, et pour ça, j'ai besoin de me concentrer: même avec des années d'expérience commune, c'est pas toujours facile de communiquer, surtout dans l'urgence. C'est pour ça que j'ai besoin d'être le plus directement possible en contact avec lui. Tu comprends ? »

Ces mots furent prononcés sans que la plus petite trace d’émotion ne transparaisse dans son visage, dans ses gestes ou dans sa voix. Il m’a tout simplement expliqué la raison pour laquelle il m’a déplacée à l’arrière, ni plus, ni moins. Mon attitude, disons plutôt mon enfantillage, ne l’a apparemment pas affecté, ni choqué. De plus, il a répondu positivement à ma requête en me tutoyant. Je suis soulagée, mais je me sens également honteuse. J’aurais dû deviner qu’il n’agissait pas sans raison au lieu de me comporter comme une lutine égoïste et immature!


« Maintenant… oui » J’essaie d’esquisser un sourire, mais tout ce que je parviens à faire, c’est d’étirer maladroitement mes lèvres.

Sur cette réponse, je descends à mon tour de la bête docile, tentant d’imiter le bond agile de M. Porsal.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 5 Avr 2009 12:00 
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Shpof ! Avec un faible bruit d’herbe foulée, tu touches terre sans heurt, les majestueux jardins de la Bise d’Ynorie te paraissant encore plus immenses maintenant que ta taille a quelque peu diminué en quittant le porteur reptilien qui t’a conduite jusqu’ici ; l’air bruit d’une symphonie de cris d’animaux et du frottis des végétaux, et si ce n’était une voie proprement pavée que tu peux distinguer à à peine quelques mètres de ta position, tu pourrais te croire plongée au beau milieu d’une jungle exotique jaillie soudainement là par le caprice d’une puissance supérieure.
Si tu es désemparée, tel n’est pas le cas de ce vieux renard de lutin qui commence par te rendre ton sourire avec chaleur et sincérité, ponctuant son expression faciale d’un hochement de tête amène, avant de s’affairer sur les fontes accrochées de part et d’autre du dos de Cheshire pour en sortir une robuste canne en chêne d’une bonne vingtaine de centimètres dont le bout dépassait jusqu’ici légèrement des sacoches de cuir. Il gratifie ensuite la peau écailleuse d’une bonne tape, ajoutant :

« Allez vieille canaille, quartier libre ! »

Le placide lézard ne se le fait pas dire deux fois, et c’est d’une démarche tranquille légèrement dodelinante qu’il s’achemine dans le sein de la végétation environnante, son dispositif de camouflage naturel ne tardant pas à le réduire à une vague forme floue qui se confond très vite parfaitement avec ce qui l’entoure.
Si la monture s’en est allée, le cavalier semble bien disposé à rester avec toi, marquant sa position en fichant dans le sol son ustensile de marche, englobant les alentours d’un regard acéré qui n’est pas dénué de circonspection : comme un homme simple qui se retrouverait dans une noble demeure regorgeant de richesses, l’œil de Gwerz ne se départit pas d’un certain éclat critique à l’égard de toute la luxuriance locale.
Il se tourne alors vers toi et ouvre la bouche pour t’adresser la parole, mais s’interrompt soudainement et te fait signe d’un doigt sur la bouche de faire profil bas, recommandation qui trouve sa justification lorsque des bruits de pas sur le chemin se font entendre, accompagnés d’une voix d’homme adulte au timbre précipité et secoué :

« …que je l’ai vu ! Au moins deux mètres, avec une fourrure noire comme du charbon et des yeux rouges-sang !
- A d’autres ! » Réplique une autre voix plus grave, railleuse. « Des femmes-chats, des hommes-loups… et des lutins aussi ? »

Entre l’éloignement et les éclats de rire de son interlocuteur, la réponse du premier larron est indiscernable, et le bruit de la conversation se trouve bientôt réduit à un murmure inintelligible, l’ambiance sonore revenant à ce qu’elle était précédemment. N’ayant manifestement plus de quoi s’inquiéter, ton compagnon de route laisse échapper un rire rigolard quant à la dernière réplique de l’incrédule, puis reprend là où il en était :

« Bien. A toi les rênes désormais ! » Dit-il d’un ton entraînant, joignant le geste à la parole par un ample mouvement de la main droite.


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 18 Avr 2009 01:53 
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C’est avec toute la souplesse d’une jeune lutine de cent vingt ans que je mets pied à terre. Il va sans dire que l’herbe tapée a considérablement facilité mon atterrissage.
Plongée au cœur de cette flore remarquable, je ne suis plus une simple spectatrice. Je fais partie de cet environnement qui semble maintenant différent une fois au niveau du sol. C’est un peu comme si j’étais à un autre endroit, tellement mon champ de vision diffère, et ce, à peine une vingtaine de centimètres plus bas. Ce qui m’avait échappé sur le dos de Cheshire, s’offre maintenant à moi et m’émerveille : de jolies sauterelles vertes striées de jaune frottent leurs ailes ensemble émettant un doux cliquetis. Malgré leur taille considérable pour un lutin, ces insectes ne m’intimident pas, au contraire, leur tête formée de gros yeux et de mandibules acérées, me fascine. Personne n’est dupe, si le régime alimentaire de ces bestioles n’était pas végétarien, mon sentiment à leur égard serait totalement différent.

Beaucoup moins impressionné par ce parc et ces occupants, Gwerz me renvoie un sourire honnête et chaleureux, ce qui me réconforte enfin. Le cœur plus léger, je poursuis mon exploration, sans pourtant bouger d’une semelle, ébahie par les minuscules papillons qui virevoltent gracieusement autour de moi. Pendant que j’admire cette chorégraphie céleste, Gwerz s’affaire sur les sacoches situées sur les flancs du reptile. Je réussis enfin à m’arracher du spectacle aérien pour fouiller moi aussi dans mon sac et en retirer le casque nasique.

Après l’avoir examiné quelques secondes afin de m’assurer que la réglette est en position neutre, je le cale sur ma tête, déplace mes nattes pour éviter un quelconque inconfort et noue les sangles sous mon menton. Les yeux fixés sur une première bille coincée entre le pouce et l’index, j’hésite. Obstruer mes narines de la sorte ne m’enchante guère, à vrai dire, cela me dégoûte royalement et me rappelle amèrement de mauvais souvenirs.

(Fais preuve de maturité Guasina! Oublie cette mésaventure de grêlons dans le nez. Cette fois-ci, il s’agit de billes d’acier. Et puis, tu ne cours aucun danger, puisque c’est M. Porsal, ton ange gardien, qui t’a offert ce couvre-chef!)

Après m’être sermonnée comme il se doit, j’insère la première petite boule dans ma narine droite. Pendant un court moment, je ressens une légère sensation de froid, le temps en fait que le petit objet rond s’adapte à la température de mon corps, puis plus rien. Tout semble normal, l’air passe aisément comme si mon petit trou de nez était vide. Avec un sourire exprimant mon soulagement, j’enfile sans plus de préambule la deuxième petite sphère. Tout va bien, j’ai eu plus de peur que de mal! C’est à peine si j’ai conscience que mes orifices nasaux sont remplis.

Ainsi affublée de ce chapeau particulier, curieuse, j’observe Gwerz sortir de sa besace une robuste canne en bois au moins aussi longue que ma personne. La légère courbe de cet instrument de marche dévoile son origine : une branche de chêne sans doute arrachée par le vent. Même si nous, les lutins, adorons fabriquer des objets en bois, nous respectons cependant la nature, jamais nous n’abattons d’arbres. Nous recueillons plutôt ceux tombés par les bourrasques, les tornades ou la malveillance des humains, et nous leur redonnons une seconde vie.

Retournant son attention vers son fidèle complice, Gwerz lui signifie qu’il peut disposer de temps libre en lui assénant une tape ferme, mais amicale.

« Allez vieille canaille, quartier libre ! »

Le reptile à la crête imposante se met aussitôt en marche, et en peu de temps sa peau d’écailles prend la teinte de l’écorce du bouleau derrière lui, si bien que je le perds de vue. Est-il grimpé dans cet arbre ou a-t-il passé son chemin? Je n’en ai aucune idée, il s’est tout simplement volatilisé sous mes yeux!

Quant à Gwerz, il est toujours près de moi, sa présence me rassure. J’admire ce jardin, mais je ne m’y sentirais pas en sécurité si ce lutin n’était pas à mes côtés. Seulement un peu plus d’une journée en sa compagnie et il a déjà acquis toute ma confiance. Comme me le répète souvent ma grand-mère adorée, ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Autrement dit, ce n’est pas le nombre de jours ou d’heures passés avec quelqu’un qui fortifie les relations, mais les expériences, les épreuves vécues ou surmontées ensemble pendant ce laps de temps. En fait, en moins de vingt-quatre heures, Gwerz , aidé de Cheshire bien sûr, m’a sortie par deux fois du pétrin, sans compter que ce vieux lutin m’a hébergée, nourrie et guidée, malgré son âge avancé, jusqu'au jardin.

(Et moi, qu’ai-je fait pour lui?)

Pas grand-chose en fait, c’est pourquoi je devrai bientôt m’acquitter de cette dette envers lui. Ce qui devra pour l’instant attendre, puisqu’il est maintenant le temps de passer à l’action. Je dois utiliser les facultés de ce heaume pour m’aider à retrouver Audaz dans cette jungle luxuriante.

(Mais par où commencer? Devons-nous d’abord emprunter cette voie pavée que j’aperçois à quelques mètres devant moi? Ou au contraire, est-il préférable que nous restions à couvert? Et puis, dans quelle direction doit-on avancer?)

Tout en ruminant ces pensées, je pivote sur moi-même; un demi-tour à gauche, puis un quart de tour dans l’autre sens, je reviens ensuite à ma position de départ, les bras ouverts en geste d’impuissance, la tête légèrement inclinée, je questionne du regard ce grand lutin afin qu’une fois de plus, il vienne à mon secours.

Tourné vers moi, il ouvre la bouche. J’attends patiemment une réponse, les sourcils froncés, mais rien ne vient. Il me fait plutôt signe de ne pas parler. Lui obéissant, silencieusement je rabats mon capuchon sur ma tête afin de me dissimuler davantage.
Je ne tarde pas à comprendre la raison de cet état d’alerte, d’abord des pas, puis des voix d’hommes, provenant du sentier aménagé, parviennent à nos oreilles. Le premier, anxieux, apparemment sous le choc, parlant avec un débit rapide, exprime son angoisse à un second plutôt incrédule. Il est question d’une immense bête à fourrure noire arborant des yeux rouges sang. Cette description semble sortir tout droit d’une légende ou d’un conte pour faire peur aux jeunes enfants désobéissants. C’est sans doute aussi l’opinion du comparse, puisque ce dernier, railleur, répond :

« Des femmes chats, des hommes-loups… et des lutins aussi? »

Cette réplique semble bien faire rigoler mon compagnon de route, quant à moi, elle me laisse plutôt perplexe. À notre première rencontre, M. Porsal m’avait mentionné que les lutins se faisaient assez rares à Kendra Kar, mais je ne croyais pas que c’était au point où notre existence même, pouvait être mise en doute!

Les humains partis, m’indiquant d’un geste de la main le chemin à suivre, Gwerz m’invite à prendre les devants.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Dim 19 Avr 2009 15:27 
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(Il est grand temps de tester les capacités de ce casque.)

Tout en poursuivant mon chemin vers la voie pavée, de l’index, je déplace la réglette afin d’activer le mécanisme du chapeau et percevoir ainsi plus d’odeurs. L’effet est immédiat, je perçois de nouvelles senteurs et pour ce qui est de celles déjà perçues, elles s’infiltrent plus facilement dans mes narines. C’est un peu comme si ce casque aspirait les fragrances, ce qui me plaît plutôt bien. Affichant une mine réjouie, sans dire mot, je poursuis la marche, suivie de près du grand lutin, en me délectant des divers parfums au passage. La détection d’une émanation particulièrement nauséabonde m’évite de justesse de mettre les pieds dans un petit monticule brunâtre, laissé récemment par un petit rongeur. Cet obstacle passé, je m’empresse d’amplifier encore plus les pouvoirs de mon couvre-chef.
Ralentissant peu à peu mon allure, je me laisse envahir par ces parfums fruités et capiteux. Ensorcelée par le plaisir que procurent à mes narines ces arômes grisants, j’arrête ma progression et m’assieds par terre. Un peu étourdie et enivrée, j’en oublie la présence de Gwerz à mes côtés ainsi que le but de l’expédition dans ces jardins. Installée au sol, en position de tailleur, je me sens bien et je n’en demande pas plus. J’inspire et j’expire, plus rien d’autre ne compte que de rester là à humer tout ce qui peut parvenir à mon nez. Je suis un peu comme dans un rêve où tout est flou et où seules les odeurs meublent celui-ci. Souvent les rêves tournent au cauchemar et le mien, qui n’en est pas vraiment un d’ailleurs mais plutôt un état second, ne fait pas exception. En effet, une odeur menaçante s’immisce lentement et finit par me sortir de mon état euphorique. Libérée de ma torpeur, en état d’alerte, j’abaisse d’abord la réglette suffisamment pour reprendre le contrôle et juste ce qu’il faut pour pouvoir identifier ce que je viens de capter. Si ce n’était de cette odeur inquiétante, je ne sais pas combien de temps je serais restée là comme une abrutie à respirer à pleins poumons. Bien sûr, Gwerz m’aurait certainement sauvée, mais je suis heureuse que pour une fois, même si c’est par hasard, je m’en sorte toute seule.

J’hésite un peu, on dirait bien l’exhalaison d’un chien, mais beaucoup plus prononcée, marquée et piquante. Pivotant vers M. Porsal, j’exprime mon inquiétude :

« Un loup. Ça sent le loup! »

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 20 Avr 2009 23:46 
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Ton protecteur et guide qui se tenait jusqu'ici au repos avec une paisibilité qui n'avait peut-être rien à envier à ton attitude d'extase sensorielle sursaute à ton exclamation, se tournant aussitôt vers toi pour arborer une expression de perplexité prononcée, ses sourcils épais recourbés au-dessus de ses prunelles marron clair.

« Un loup ? Mais ce n'est pas possible...nous sommes en pleins jardins...» Marmonne-t-il entre autres paroles inintelligibles d'un ton dubitatif tout en soulevant légèrement son chapeau pour se gratter l'avant du crâne.

Finalement, plutôt que de théoriser, il semble choisir de passer à la pratique, et tire un mouchoir en coton de sa poche, celui-là même dont il s'était servi pour sécher tes larmes tout à l'heure, expirant à fond avant de plonger son nez dans la surface d'étoffe propre pour se remplir les poumons et les canaux nasaux d'un air aux senteurs les plus neutres possible. Ensuite, fermant les yeux, il inspire généreusement l'air ambiant, à petit débit, jusqu'à ce que sa cage thoracique semble arriver à saturation, les boutons de son pardessus tendus par l'appareillage respiratoire gonflé à bloc, stade auquel il laisse repartir tout ce qu'il avait emmagasiné comme une véritable pompe, et donne son diagnostic après avoir repris son souffle, à moitié incrédule.

« C'est bien un loup...mais c'est bizarre. Quelque chose cloche avec ce loup. » Te jaugeant du regard, il semble estimer la situation, une main plongée dans son abondante barbe au niveau de son menton, puis poursuit :
« Je ne sais pas toi mais moi ça m'intrigue. Tu veux aller voir ou tu préfères éviter ? »


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Mer 22 Avr 2009 16:49 
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[Réponse à Miriel et Larc.]



Confuse, j’avais le regard rivé à terre, attendant la semonce, telle une gamine. Que j’étais, d’ailleurs, il fallait bien que je finisse par l’admettre… Jamais une adulte n’aurait commis telle erreur ! Et tout cela à cause d’une curiosité malsaine ! Une vraie Sage aurait su se contenir ! Enfin… Il ne me restait plus qu’à faire amende honorable…

(Relève les yeux.)

Non… Je n’étais vraiment pas fière de mon intrusion, du chaos que j’avais apporté, alors, ce que me commandait le minimum de décence qui me restait était d’afficher une attitude clairement humble et repentante. Quoi qu’il m’en coûte. Et mon orgueil payait le prix fort, bafoué qu’il était ! Avait-on déjà vu Sombre en âge de raison pénétrer dans un territoire déjà occupé pour une raison autre qu’une défense rapide et efficace de nos principes ? Et avec la délicatesse d’un bûcheron gorgé de bière ? Par les Plateaux, non, cent fois, mille fois non ! Nous n’étions pas des bêtes sauvages ! Et j’avais agi comme telle… Uniquement poussée par un instinct que je n’avais su réfréner. Il était maintenant temps de prouver que j’étais aussi capable d’agir en être doué de raison.

Et, raisonnable que j’étais, je ne baissai pas ma garde.

J’avais transgressé l’une des lois les plus élémentaires que l’on m’avait inculquée, soit. Mais résonnait encore en moi cet avertissement, prodigué à chacun de nous, dès notre plus jeune âge, et ce avec une insistance particulière :

« La Nature est impitoyable, puissante et inconstante. Votre seule et mince chance de survie : ne la laissez pas vous surprendre. Cherchez à atteindre l’Eveil.»

Je n’en étais pas encore à ce stade, presqu’ultime, qui correspondait à un tel niveau de perception à son environnement que la relation avec tout extérieur était presque… Symbiotique. Mais c’était une voie que je suivais avec application. Ne sachant encore ressentir, je m’attachais à me souvenir. Ce qui expliquait que restait présent en mon esprit le cri qui avait déchiré la paisible ambiance du Jardin. Ainsi que le fait que la source de ce hurlement pouvait se trouver juste là, à quelques pouces de moi. Voilà pourquoi je ne fis pas un geste lorsque je perçus le mouvement rapide de l’imposante masse humanoïde que j’avais dinstinguée. Mais l’éclair argenté des lames me fis redresser immédiatement la tête.

(Amende honorable… Tant pis ! Je ne suis pas assez forte pour pouvoir parer une attaque armée sans regarder mon adversaire.)

D’autant plus que je sentais que je ne pourrais pas exploiter au maximum mes capacités. Je balayai rapidement les alentours du regard. La pluie pouvait s’avérer une alliée de valeur. Elle tombait toujours, brouillant plus ou moins la vue, mais de cette perturbation, j’en avais l’habitude. De plus, elle avait soigneusement humecté mon pelage, le rendant plus glissant et, par là-même, me conférant une capacité d’esquive non négligeable. Capacité qui saurait s’avérer précieuse, car je n’avais jamais combattu en terrain boueux ; je risquai donc de perdre de mon agilité, surtout si je prenais en compte le grognement sourd de ma jambe, prémice d’une douleur aigüe si je devais la bouger rapidement… Allons bon, voilà que j’évaluais le terrain comme si l’affrontement était inéluctable ! Et en effectuant une grave erreur tactique, qui plus est.

(Commencer par se focaliser sur l’adversaire avant de se préoccuper du relief… Eh bien, tu parles d’une journée ! J’espère que c’est tout ce que j’ai oublié !)

Je décidai de stopper là mes analyses. Ledit adversaire affichait, sans équivoque, une attitude protectrice. Si je ne bougeais pas, il n’y aurait aucun débordement. Du moins l’espérai-je. Cependant, alors que je me contentais de le dévisager, une lueur étrange s’alluma dans ses yeux, et… Après tout, peut-être n’était-ce qu’un lointain écho du tonnerre, mais… Il me sembla qu’il avait émis un grognement. Du genre menaçant. Je me tendis immédiatement, et sentis tous mes muscles gagnés par une vibration presque mélodieuse, telle une corde d’arc bandé au maximum. J’hésitai à sortir mon arme ou, du moins, mes griffes. Mon cœur pompait vigoureusement dans ma poitrine et le sang rugissait dans mes veines, baîllonnant la plainte geignarde de ma jambe, renvoyant dans les abîmes la sensation de froid que me procurait la fracassante ondée. J’eus la sensation, physique, que mes yeux s’allumaient, véritables torches prêtes à enflammer mon opposant. Oui, il était presque deux fois plus grand que moi ; oui, il était puissamment armé ; oui, son poignet avait la taille de mes biceps ; oui, oui et oui ! Mais j’étais Khmer, l’indomptable, la Sauvage ! Qui a besoin d’être grand, quand on peut se faufiler sous les jambes de l’autre ? A quoi servent les armes, alors qu’il suffit de deux doigts pour aveugler ? Que peut une puissante musculature lorsqu’un coup de dent peut arracher un anneau d’une oreille sensible, et ainsi coucher même un colosse ? A cet instant, plus rien ne m’importait ! Peut-être était-ce dû à l’atmosphère, ou bien à la fatigue, ou aux émotions fortes de la journée, voire l’accumulation de tout cela, mais j’étais électrisée, débordante d’une énergie venue de nulle part, brusquement ! Je me sentais emplie d’une puissance brute, je savais, à cet instant, que quoi que je fasse, je serais impossible à endiguer ! Je brûlais qu’il fasse un mouvement, si léger soit-il, pour pouvoir déverser ce flot avec toute la véhémence dont j’étais capable !

Mais il rangea ses armes. Et me désarma.

(Comment peut-on passer d’un extrême à l’autre, comme ça ?)
(Tu parles de lui ou… De toi ?)

D’un haussement d’épaules, je dispersai ces remarques inopportunes. Ce brusque afflux de vitalité était allé piocher dans mes réserves les plus profondes… Et, fatalement, je me trouvai maintenant suante et tremblante, complètement vidée, pareille à un bûcher de paille qui aurait flambé en quelques secondes…J’eus une conscience plus acérée du poids de ma cape détrempée, du glissement de mon couvre-chef alourdi par un millier de gouttes, qui tirait sur mes blessures encore fraîches… J’étais tellement… Lasse… Que n’aurais-je donné pour un bon hamac, encore une fois ! N’eût été le regard inquisiteur du musculeux Homme-Loup, je me serais effondrée et aurais pleuré toutes les larmes de mon corps. Je n’aurais pas pu plus détremper le sol, de toutes façons…

Mais…

(Mais tu es Khmer.)

Je serrai les crocs. Oui… Sans aucun doute, je l’étais. Mais j’étais fatiguée… Je ne me tenais dressée que par la force de ma volonté, et je la sentais vaciller, pareille à la flammèche oscillante d’une lampe à huile commençant à manquer de combustible… Je me sentais moi-même perdre contrôle, devenir flageolante, malgré mes efforts pour garder contenance… Ce n’était plus seulement la pluie qui brouillait mon champ de vision…

(Et tu es l’Al’Ungesellig.)

Ce fut comme si la foudre s’était abattue sur moi. Ce mot… Mon nom ! Réveillait en moi tant de souvenirs, de fierté ! Goûter sa sonorité si étrange me procura une chaleur intense et bienfaisante dans la nuque, en un point condensé, similaire en tout point aux bouillotes de noyaux de cerises que Luwwa me préparait ! Et, avec un effet semblable à la sève nourricière qui gagne jusqu’aux plus petites ramures d’un arbrisseau, ce feu ouvrit ses ailes et, veine après veine, se répandit, papillonant, dans mon corps douloureux en touches délicates, me revigorant mieux que ne l’aurait fait une journée entière de repos languide ! Je deserrai la mâchoire. Et sentis, malgré moi, un sourire narquois se dessiner sur mon visage, que je m’empressai de dissimuler aussi vite que je le pus. Il aurait décidément été trop facile que je conserve le même état d’esprit plus de quelques minutes… Heureusement que j’étais moi, sinon, je me serais giflée d’agacement devant une telle inconstance ! Et d’ailleurs… Heureusement que je n’étais pas masochiste, tiens, ni sadique, sinon, je m’en serais donné à cœur joie sur moi-même ! En fait… Je devrais même être malheureuse de ne pas pouvoir abuser de moi ! Non ?

(Non mais n’im-por-te quoi, moi !)

Comment avais-je pu partir si loin dans les débilités ? Un souffle court à hauteur de mon visage me fit cligner des yeux et me ramena à la réalité, loin, bien loin de ces digressions tordues qui étaient mon fort. L’imposant guerrier était en train de me renifler ! Mais qu’était-il ? Un chien de garde ? Franchement, mais ces manières !? Désarçonnée, je le laissais faire, ne sachant ni pourquoi il faisait cela, ni combien de temps cela allait durer. Laisse couler, ma petite… Je laissai mon regard s’égarer dans les zébrures ocres qui striaient son torse, et me perdit en conjectures sur leur origine, leur signification, toutes plus farfelues les unes que les autres… Et m’emmenant, une fois de plus, au-delà du réel. Il me surprit néanmoins lorsqu’il se saisit de ma main Ma première réaction fut de la lui mettre dans la figure, paume, phalanges et griffes comprises, la grande totale, mais je sus me contrôler. Enfin… C’était surtout que lui asséner un coup, dans la position dans laquelle je me trouvais, était du suicide pur et simple. D’une légère torsion, il pouvait me briser un bras, et d’un autre mouvement simple, faire ce qu’il voulait de moi… Mais il finit par me relâcher.

J’en ressentis une pointe de… Déception, oui, de déception ! Alors qu’il se pourléchait, c’était bien ce sentiment qui me taraudait, avec, dans son sillage, une puissante envie de combattre. J’avais réussi, par je ne savais quel miracle, à réveiller mon corps, et là, là ! Il fallait que je le remette en berne, parce que Lui, au corps forgé en machine de guerre, préférait se cantonner à défendre plutôt qu’à pourfendre ! Alors que je ne demandais qu’à lui sauter à la gorge, à pilonner son large corps de la fureur de mes poings, à déchirer ses chairs rudes avec vigueur, à hurler sauvagement alors que je le chargerais ! Une fougue inextinguible m’avait envahi, et lui restait là, placide ! Mais c’était inconcevable ! Avait-on idée d’allumer de telles envies pour ensuite en faire fi ? Il fallait que je me frotte à lui ! Ne serait-ce que parce qu’il y avait une éternité que je ne m’étais pas battue contre un adversaire de valeur ! Et lui, si proche de moi et pourtant ! Cela aurait été un véritable défi pour moi ! Je mourais d’envie de savoir si j’étais toujours aussi valeureuse, ou si…

Mais ! N’était-ce pas une lueur trahissant de semblables intentions que je venais de percevoir dans ses iris de feu ? Ah, enfin il se décidait !

En lieu et place d’une sommation à prendre les armes, j’eus droit à une invitation à partager la bicoque, avec juste ce qu’il fallait d’aménité lorsqu’on parle à un étranger.

« Entrez… Ce toit vous appartient autant qu’à nous. »

Frustration. Je me renfrognai.

(Par la Balance ! Tu sais ce que tu peux en faire, de ton toit ?)

Je regardai l’abri. Puis le Jardin. Et revint au cabanon.

« Je suis Larc… »

L’envie était forte de lui tourner le dos et de partir, fière, la tête et la queue dressées, en une attitude de dédain suprême. Plus qu’une envie, c’était une tentation. Lancinante. Comme si quelqu’un me chuchotait à l’oreille : « N’y va pas… N’y va pas… C’est t’abdiquer… N’y va pas… N’y va pas… » en un mantra envoûtant. Mais, fulgurante, une autre phrase, que j’avais formulée, fusa : « Je veux être une Sage. »

Cette sentence, aussitôt, se substitua à cette sensation ensorcelante, qui s’estompa. Avec un dernier coup d’œil de regret à la Nature dépravée et soumise, je passai devant le gigantesque garde du corps et me présentai à mon tour, sobrement, d’un signe de tête :

« Khmer. »

A peine avais-je passé le pas de la porte que toute ma vitalité, privée d’un objectif sur lequel se focaliser, disparut comme par enchantement, me laissant aussi désemparée qu’un saumon privé de cascade à remonter. Comparaison qui prenait toute son ampleur car, telle la queue du poisson hors de l’eau, je sentis ma jambe commencer à convulser. Le ressenti était pour le moins étrange… J’avais l’impression qu’il s’agissait d’un être vivant à part entière, indépendant de moi et pourtant rattaché à mon corps… Mais je n’eus pas l’occasion de m’attarder sur le pourquoi du comment. Incontrôlable, elle se mit à vibrer frénétiquement.

(Non, non…)

Blam !

(Eh si !)

Je décochai un coup de poing rageur à la traîtresse. « En direction de » serait plus juste ; ma capacité à viser ma patte folle a toujours laissé à désirer, plus particulièrement quand j’avais le nez par terre, allez savoir pourquoi… Me laisser choir ainsi, devant des inconnus… Je me représentais presque les balafres former un sourire arrogant sur mon mollet.

« Vous allez bien… ? »

La voix était jeune. Et sonnait juste.

« Ça ira, merci… » grommelai-je. Je pris appui sur mes coudes douloureux et… Bon sang ! Mais ce n’était pas une tignasse rouquine, ça ?
Mon cœur manqua un battement.

Lili.

Je fronçai les sourcils.
Non. Ce n’était pas elle. Ce ne pouvait être elle. Parce que ma petite était trop futée pour se laisser prendre. Et que l’enchevêtrement de cheveux presque roncier n’avait absolument rien à voir avec les délicates boucles de la fillette.

Je m’assis, finalement, et abandonnai l’étude de la malheureuse… Chose que j’avais prise pour Eleanor pour me préoccuper de l’autre personne présente. Elle était si jeune, si menue, avait les traits si fins… Elle aussi me semblait pareille à une poupée ! Si ce n’était que son visage portait traces de tourments récents… Je ne voulais pas lui paraître trop rustre à la dévisager, aussi reportais-je mon attention sur le pauvre être qu’elle couvait d’un œil presque maternel. Je n’étais pas une Guérisseuse. Peut-être que cela viendrait avec le temps, mais pour l’instant, j’étais plus à l’aise en infligeant des souffrances plutôt qu’en les allégeant. Mais je devais faire quelque chose. Elle paraissait tellement triste, tellement perdue… Si je pouvais la soulager de ce fardeau, ce serait un bon début.

« Laissez-moi vous aider. »

Je me débarrassai prestement de mon béret, qui devenait de plus en plus inconfortable. J’avais dans l’idée de lui trouver une utilité plus immédiate. Je lui fit subir une torsion qui le délesta d’au moins l’équivalent de son poids initial en eau. Ce qui eut pour résultat de former une belle flaque. (Bravo, Khmer ! Chercher un endroit sec pour le mouiller, ça tient du génie.) Peu importait. Je roulai mon couvre-chef jusqu’à obtenir un boudin de tissu humide, que je déposai précautionneusement sur le front de l’endormi tourmenté. Si mon action n’était pas bien vue, eh bien ! Qu’ils l’enlèvent !

Je me ré-arrangeai quelque peu les cheveux. J’aurais voulu fourrager violemment dedans, comme à mon habitude, mais à peine les effleurer me faisait grimacer… La garce avait vraiment failli me rendre chauve. Je suspendis mon geste. Je sentais une certaine tension s’installer… Que je ne savais comment dissiper. Je cherchais un sujet de conversation. Et à qui m’adresser, aussi. Parler combat ? Oui, mais avec l’immense Homme-Loup seulement… Il avait refermé la porte et s’était rapproché de la jeune fille. Son anneau, à son oreille, me perturbait… Je n’en voyais pas l’utilité. Chez nous, ce genre d’ornement était totalement inconnu… Les seules que j’avais vu arborer ce genre de parure étaient toutes des femmes, des pures Sans-Fourrure. Alors comment se faisait-il que lui, un mâle… ?

Je me rendis compte que je recommençais à le fixer. C’était sans appel, je ne pouvais m’empêcher de les détailler, au mépris de toute convenance ! Je détournai la tête et cherchai, désespérément, quelque chose qui puisse intéresser ces deux êtres, si différents l’un de l’autre, et pourtant si proches !

« Et… Comment ça se fait, que vous soyiez là ? »

(Communication : un point. Subtilité : désolée, je ne sais pas compter en-dessous de zéro.)

« Enfin, je veux dire… Vous n’avez rien à faire là ! »

(Enlise-toi, c’est bien.)

« Non, ce que je veux dire, c’est que vous n’avez pas l’air d’être faits pour ici, alors je ne comprends pas… Déjà que vous n’êtes pas faits pour aller ensemble, alors ! »

(Et si tu t’étouffais avant de mourir dans d’abominables souffrances, maintenant ?)

Confuse, consciente que chaque phrase que je prononçais était pire que la précédente, je rabattis mes cheveux devant mes yeux et fis mine de m’absorber dans la contemplation de mes doigts qui essoraient mon pelage… Avant de redresser la tête et de les regarder, avec un brin de défi. Ce qu’ils allaient me dire promettait d’être intéressant, il serait stupide de ne pas en profiter !

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 9 Mai 2009 19:44 
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Ma petite phrase d’à peine six mots a eu tout un impact sur ce grand lutin. D’habitude calme et placide, il s’est retourné vivement vers moi. Tout sur son visage exprime la surprise avec un soupçon de scepticisme; front plissé, sourcils froncés et yeux presque fermés sans oublier les lèvres pincées.

« Un loup? Mais ce n’est pas possible…nous sommes en pleins jardins »

« Je vous assure, ça sent le loup »

Il semble douter de mes paroles et je le comprends, je ferais de même si je ne l’avais pas détecté de mes propres narines. Que peut faire un loup au milieu d’une ville? Comment aurait-il pu traverser Kendra Kâr sans se faire remarquer et surtout sans se faire tuer?
À moins qu’il soit domestiqué! Après tout, le passant de tout à l’heure a bien parlé d’un homme avec un loup et d’une femme avec un chat. Quoi que je trouve ce dernier couple plutôt banal. Je ne comprends pas ce qu’il y a de surprenant à ce qu’une humaine se promène avec son chat.

Après s’être gratté la tête comme le fait mon grand-père lorsqu’il réfléchit, Gwerz expire tout l’air de ses poumons puis plonge son nez dans le mouchoir qu’il m’a prêté un peu plus tôt. Intriguée, j’observe attentivement sans dire un mot. Il retire ensuite le bout de tissu pour inspirer profondément, mais à petite dose, l’air du jardin.

J’attends l’avis de Gwerz un peu inquiète, puisqu’en plus de l’odeur de loup, j’en ai reniflé une autre plus délicate, raffinée, qui s’apparente, selon moi, à celle d’une eau de toilette utilisée par les humaines. Ayant une facilité déconcertante à m’imaginer les pires scénarios, je crains avoir détecté l’odeur d’un prédateur, en l’occurrence un énorme loup sanguinaire, s’attaquant à une naïve jeune fille qui innocemment se promenait dans le somptueux jardin.

Son expression ahurie m’annonce son verdict avant même qu’il n’ouvre la bouche : J’avais vu juste! Cependant, il me précise que ce loup dégage une fragrance étrange et particulière.

« Je ne sais pas toi mais moi ça m'intrigue. Tu veux aller voir ou tu préfères éviter ? »

Curieuse comme toujours, je lui esquisse un petit sourire espiègle :

« C’est avec plaisir que j’accepte votre invitation »

Il semble déjà regretter de m’avoir fait cette proposition, réalisant sans doute que cette exploration pourrait s’avérer dangereuse. Il se permet donc un moment de réflexion avant de me répondre par l’affirmative.

« Comme tu veux, mais sois prudente. Je surveillerai tes arrières »

Il est vrai que je suis impulsive, mais cette fois je serai plus prudente car je suis consciente du risque encouru, enfin je crois.

Prenant mon rôle d’éclaireur avec le plus grand sérieux, je me focalise sur l’odeur de loup et je bifurque légèrement vers la gauche où elle est plus prononcée.

« Ka yak, Ka yak »

Ce cri d’oiseau m’est familier, sans arrêter de marcher, je lève la tête au ciel pour apercevoir un rapace. Aucun doute possible, cet oiseau est un faucon, on le reconnaît par son cri, mais aussi par ses ailes longues coudées aux poignets.
Concentrée, sur ce volatile qui me rappelle Faël, notre faucon domestique, je ne vois pas la branche au sol et au lieu de passer par-dessus, j’y prends mes pieds. Je tombe face à terre pour voir cette branche bien vivante se tourner la tête vers moi et émettre un sifflement, puis ouvrir sa grande gueule.

« AAAAH ! » (Un serpent)

Alors que je crie, Gwerz réagit très rapidement. Il m’empoigne par la taille puis me tire vers lui suffisamment pour me mettre hors de portée du reptile. Une fois à l’écart, je saisis mon arc, l’arme d’une flèche, puis me mets en joue. Tant que je demeure immobile, il ne bougera pas. Ce type de serpent perçoit mieux les proies en mouvement. Il attend donc patiemment un geste avant de passer à l’attaque. Malgré la peur qui m’habite, j’examine en détail cet animal à sang froid. Ses pupilles rondes me dévisagent et sous celles-ci prédomine un museau pointu. Sa livrée gris-jaune est caractérisée par deux traits noirs reliés par des lignes transversales.

(C’est une couleuvre juvénile!)

Cette couleuvre ne peut me manger, par contre elle peut me mordre et me tuer en m’étouffant après m’avoir enlacée. Je n’ai jamais vu de couleuvre de si près, ni de loin d’ailleurs. Faël a toujours été là pour nous protéger. Si je connais si bien ses traits d’anatomie et son comportement de chasseur, c’est grâce à l’oncle Gordo. Celui-ci égaie nos longues soirées d’hivers auprès du feu de foyer en nous racontant toujours avec verve et charisme ses nombreuses aventures du temps où il était un jeune lutin fringant. J’aime bien l’écouter relater ses histoires des plus abracadabrantes. Je suis heureuse de constater que la description qu’il a faite de cet animal qu’il a baptisé la couleuvre à échelle est très fidèle.

Je retiens mon souffle et me prépare à tirer ma flèche lorsque surgit en piqué un énorme rapace. Avec ses serres, il attrape sa proie et remonte en flèche très haut dans le ciel pour mieux redescendre à la verticale et laisser tomber la couleuvre sur une roche; ce qui met fin aux souffrances du reptile.
Après quoi, le faucon se pose en douceur au sol et s’approche de moi en émettant un petit cri traînant.

« Faël »

Son plumage gris foncé au dos et crème sur le ventre, ses joues blanches avec la petite tache noire en forme de moustache, sa calotte et sa nuque noire formant un casque caractéristique, me confirment mes doutes; c’est bien Faël. Sans attendre davantage, je me précipite à son cou.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 16 Mai 2009 12:21 
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Faël s’abandonne à mon étreinte. Cet animal représente pour moi beaucoup plus qu’un moyen de transport, je le considère comme un ami et il me le rend bien.
Je demeure ainsi quelques temps, la tête appuyée contre sa joue et mes bras autour de son cou. Lorsque je le relâche enfin, c’est pour constater qu’une sacoche est accrochée sur son poitrail. Intriguée, j’ouvre celle-ci pour y trouver un rouleau d’écorce de bouleau.

« Tiens, t’es un messager maintenant Faël »

Avec empressement, je déroule le morceau d’écorce. L’écriture fine de mon frère remplit ce parchemin artisanal. Ravie, je m’empresse de lire à voix haute cette missive.

«Ma Guasie adorée,

Si tu savais comment je peux espérer que ce message te parvienne!
Je suis consigné à la ferme jusqu’à nouvel ordre. Je dois faire tes corvées en plus des miennes.
Tu dois vouloir savoir ce qui s’est passé avec moi après mon plongeon dans la charrette? Et bien, aussitôt atterri, je suis allé retrouver le conducteur. Imagine, celui-ci m’a pris pour un génie, un être magique qui exécute des vœux si on leur rend service. En échange d’un vœu, il a accepté d’arrêter le premier véhicule qu’il croiserait. Ensuite, ça m’a coûté un deuxième vœu pour qu’une deuxième charrette me reconduise jusqu’à l’Ancêtre. Je leur ai aussi mentionné que s’ils voyaient un chat durant cette même journée, leur vœu serait annulé.
Bon, le conseil de famille s’est réuni, tu as un choix à faire. Tu peux revenir à la maison à dos de faucon ou explorer le monde et revenir dans un an. Mais attention, ils veulent que je te précise que si tu reviens avec Faël maintenant, c’est dire que tu renonces à ton droit de partir à l’aventure à ta maturité (dans 5 ans). Dans la sacoche, je t’ai laissé de quoi écrire. Prends soin de toi. Maman fait dire qu’elle t’aime.
P.S. : Au cas où tu hésiterais, Pedro…. »


À la lecture de ce nom, je baisse les yeux et je rougis. Je termine ensuite la lecture de cette phrase en silence.

«m'a demandé de te dire qu’il t’attendra le temps qu’il faut. »

Sans perdre de temps, je fouille dans le sac en bandoulière et je trouve un paquet de coton renfermant un petit morceau de charbon de bois. Audaz est un artiste. Dessiner, c’est sa passion. À la maison, lorsque le foyer est éteint, il fourrage dans les cendres à la recherche de bois calciné pour griffonner. Je m’empare vivement de cet accessoire, puis je dessine maladroitement un cœur autour du nom de Pedro pour ensuite écrire au bas de la feuille :

« On se revoit dans un an frérot ! »

Comme à l’habitude, sous l’impulsion, j’ai pris ma décision. Je me sens soudainement plus légère, après la lecture de cette lettre, toute mon inquiétude s’est envolée. Je range le message dans le sac puis m’adresse au rapace :

« Va, va à la maison »

Obéissant à mon ordre, il s’envole immédiatement et je l’observe s’éloigner jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un point dans le ciel.

Une profonde inspiration m’indique que l’odeur traquée est maintenant omniprésente. Un nouvel enthousiasme s’empare de moi.

« Ce loup est maintenant tout près, je préfèrerais vous laisser prendre les devants. »

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 16 Mai 2009 17:56 
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Pendant toute la touchante scène de retrouvailles que toi et Faël offriez, ton aïeul a pris grand soin de rester à l’écart pour ne pas vous déranger, se cantonnant placidement au rôle de sentinelle bienveillante qu’il remplit avec le plus grand soin, son regard acéré balayant chaque recoin des vastes étendues végétales qui, pour être artificielles, n’en recèlent pas moins mille dangers pour des créatures de petit gabarit comme des lutins. Heureusement, comme tu peux toi-même t’en rendre compte, rien de risqué n’est à signaler, et l’homme vieillissant n’a donc pas à te faire quitter ta rêverie à la lecture de ta lettre, ne pouvant toutefois réfréner un sourire sous cape lorsque tu en viens à rougir, le roublard ayant apparemment bien compris ce dont il était question.
Lorsque tu donnes l’ordre d’envol au vaillant faucon, ton partenaire de route revient à tes côtés aussi souplement qu’un renard, et regarde le volatile disparaître dans les cieux avant de se tourner vers toi sans un mot, se contentant de hocher la tête d’un air entendu avant de reprendre le chemin avec une démarche d’une apparente nonchalance que dément son pas alerte, ses gestes vifs et ses mouvements contrôlés lorsqu’il évolue dans ce milieu naturel où rien ne semble lui échapper. Lorsque, émergeant presque du couvert des arbres, arbustes et buissons divers, vous n’êtes plus qu’à quelques mètres du « loup » comme peut te l’indiquer ton odorat exacerbé, Gwerz ordonne l’arrêt d’un geste de la main et écarte quelques feuilles d’une fougère derrière laquelle vous êtes confortablement camouflés pour observer, t’enjoignant à faire de même avec une excitation perceptible.

Et de fait, le spectacle a de quoi frapper : plutôt qu’un loup, c’est bel et bien un homme-loup comme l’avait prétendu cet humain de tout à l’heure qui n’avait manifestement pas la berlue, car difficile de trouver plus réel que cet être qui doit bien faire dix fois ta taille, et qui se meut pourtant avec une souplesse guerrière tout simplement animale : apparemment, vous le surprenez en plein exercice, car il est occupé à une sorte de danse combative, agitant sa hache avec agilité comme s’il était en train d’affronter un ennemi invisible, pourfendant le vent, taillant dans le vif du vide et estoquant l’air.
Mais de peur de dépasser mon rôle de GM et de te voler une description de ton cru, je vais laisser la parole à ton gardien, qui te souffle à l’oreille avec enthousiasme :

« Nom de Yuimen ! Tu as vu ça Guasina ? C’est un Liykor ! Incroyable qu’il y en ait un à Kendra Kâr ! »


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 25 Juin 2009 12:33 
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Sans un bruit Gwerz revient à mes côtés, ce qui m’arrache un léger sursaut. En effet, Gwerz a été tellement discret pendant ce moment d’intimité avec Faël que j’en ai oublié sa présence. D’une humeur rayonnante, mon sourire demeure figé sur mon visage. Depuis la lecture de ma lettre, ma situation a changé. La mission de sauvetage en est devenue une d’exploration. Ce n’est plus une course contre le soleil, personne n’est en danger.

D’un signe de tête, Gwerz me confirme son accord pour reprendre les rennes et sans tarder, on se remet en route. Suivant en toute confiance à la trace mon guide, je permets à mon esprit de s’évader. Toute heureuse, je répète dans ma tête certaines phrases de ma missive. En fait, je me préoccupe d’une seule d’entre elles :

« Au cas où tu hésiterais, Pédro fait dire qu’il t’attendra le temps qu’il faut. »

Pedro, ce séduisant lutin de dix-huit ans mon aîné est de stature moyenne et costaud. De larges épaules et des hanches étroites, sa carrure est impressionnante, mais n’est pas le résultat d’entraînement intense qui gonfle les muscles; il bénéficie naturellement de ces attributs. Ses cheveux noirs légèrement ondulés cachent en partie des sourcils fins tout aussi noirs. Ses petits yeux couleur charbon contrastent avec sa peau blanche, son visage est plutôt rond et il a de petites oreilles. Sous son nez légèrement retroussé se dessine une lèvre supérieure trop mince compensée par celle inférieure charnue. Bon vivant, Pédro nous fait entendre souvent sa forte voix et quand il rit, c’est toujours de bon cœur. Lorsqu’il parle, ses mains l’accompagnent et leur enthousiasme crée parfois des incidents, il est en effet maladroit….. Parfait, ce lutin est parfait pour moi.

La première fois que je l’ai rencontré, c’est à la maison. Il était venu voir Audaz. Il était charmant, cependant je trouvais que mon frère avait choisi un ami trop vieux pour lui. Il continua tout de même à le fréquenter et les visites de Pédro se firent de plus en plus fréquentes. Je me surpris même à guetter son arrivée où à me sentir nostalgique les jours de son absence. Puis, un après-midi, il vint à la maison alors qu’Audaz était absent. Lorsque je lui en fis la remarque, il me regarda sans dire un mot. Son regard était d’une intensité qui me fit rougir. Puis doucement, presque dans un murmure, il me révéla que c’était moi l’objet de sa visite, de toutes ses visites en fait. C’est ce même après-midi que nous avons échangé notre premier baiser et c’est ainsi que notre petite histoire à deux a commencé.

Perdue dans mes pensées, je n’ai pas vu tout de suite que Gwerz avait levé la main pour me faire signe d'arrêter. Heureusement, j’ai redressé ma tête juste à temps pour éviter une petite collision. Nous sommes arrivés, je le sens très bien, l’odeur intrigante du loup est omniprésente.

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