Une Bonne JournéeUne Bonne Santé
Son effondrement se solda par un sommeil noir, profond, vide et glacial. Le néant. Durant ce temps qu'il était pour lui impossible de calculer, il était comme mort. Il se réveilla en sueur, les yeux soudainement ouvert grand comme s'il découvrais à nouveau ce qu'était cette sensation de regarder autour de soi, de ressentir ses sens.
Il ne reconnaissais rien de ce qui était autour de lui. Il n'était pas dans la rue. Il n'était pas chez lui. Et l'endroit était bien trop moche et puant pour être les Jardins de Gaïa. C'était peut-être les Enfers de Phaïtos finalement. Remarque, c'était toujours mieux que le néant éternel.
Il étais dans une petite salle plongé dans la pénombre, un filet de lumière léger arrivant de la pièce d'à côté. Dehors, il faisait apparemment nuit. Comment il le savait ? Simple. Les murs étaient en bois vermoulu et du vent s'infiltrait en sifflant dans les entailles.
Sur ces fameux murs, des étagères à la solidité semblant discutable portaient toutes sortes d'outils de fer à l'usage inconnu, de fioles vides et pleines, de champignons et autres herbes séchées, bref d'un capharnaüm impossible. Ce devait être un fou qui habite ici ou encore un... Une minute.
Ces murs en bois... Ces outils... Oh non !
Il réalisa : Il était dans la baraque du rebouteux. Qui avait bien pu l'amener ici ? Pourquoi ?
Un bruit de deux personnes en train de discuter calmement se faisait entendre à côté, il devait être là. Dommage, il se serait échappé aussitôt sinon.
Le rebouteux n'est pas connu pour sa grande générosité et il faisait payer cher ses soins, alors qui dans la ville avait pu être assez inconscient pour l'amener ici ?
Remarque, si le gentil samaritain voulait payer pour lui, il n'aurait pas cracher dessus non plus.
Quoi qu'il en soit, il fallait qu'il le sache, qu'il s'explique avec lui. Mercurio fit le mouvement de s'aider de ses bras pour se mettre en position assise sur la table matelassée sur laquelle il avait été allongé. Soudainement, la douleur jusque là muette se rappela violemment à lui à son bras et il ne put s'empêcher de rugir.
"Ha, il s'est enfin réveillé ! Alors on va voir ça avec lui !", fit entendre une vieille voix rauque depuis la salle d'à côté.
Deux bruits de pas vinrent rapidement vers sa direction, et un des intéressés semblait être soudain pris d'une quinte de toux étonnamment familière. Les deux individus ouvrirent la porte, et Mercurio les reconnut tout deux immédiatement.
Le rebouteux était naturellement l'un des deux concernés, ce qui était logique, après tout, c'est sa baraque. Mais le second, Mercurio ne s'expliqua pas vraiment de le voir ici... C'était le vieux clochard toussotant, le nuisible de ces nuits. Il ne put s'empêcher de réagir.
"Hé mais je vous reconnais ! Vous êtes le clodo de ma rue ! C'est vous qui m'avez traîné jusqu'ici ? Pourquoi ?"Le clochard s'apprêta à parler, mais le rebouteux, la pipe au bec, s'interposa.
"Plus tard les explications. Le seul truc qui m'intéresse, moi, c'est de savoir combien vous êtes prêt à donner pour vos soins et ceux de monsieur Klaus ici présent.""Combien je suis prêt à donner ? Je... Je n'ai pas de quoi payer, on vient de me voler le peu qui me restait d'argent !""Hé merde, c'est bien ma veine ça !", fit entendre la voix rocailleuse du clochard.
"Bon et bien messieurs, je suis désolé de vous dire que des sans-le-sou comme vous n'ont pas leur place dans mon cabinet. Donc si vous voulez avoir l'obligeance de déga..."La voix du rebouteux se fit hésitante, puis se tut ainsi en plein milieu de sa phrase. Il dévisagea Mercurio comme s'il venait de faire une découverte extraordinaire.
"Attendez... Vous vous y connaissez en magie ?""Pas du tout, pourquoi cette question ?"Le rebouteux continuait à le scruter.
"D'accord... Vous êtes un Humoran. Vous êtes nés à Dahràm ?""Mais qu'est-ce que c'est que ces questions débiles ?!""Répondez s'il vous plait.""Oui oui, je suis né à Dahràm.""Intéressant. C'est curieux, ici les fluides ont tendance à rendre les gens plus orientés vers les magies d'obscurité ou d'eau..."Il se mit à se parler tout bas à lui-même en s'asseyant sur une chaise proche, la main droite massant son front :
"Bon. Par les ancêtres, qu'est-ce je fais ? J'étais le seul ici jusque là et ce benêt ne semble même pas savoir de quoi je parle... Remarque, avoir un gaillard comme celui-là pourrait m'être utile... Les gros bras radins me causeraient moins de soucis et s'il apprend vite, ça pourrait même doubler mon chiffre d'affaire..."
Le rebouteux continua à se parler seul durant un moment, exaspérant Mercurio qui n'y comprenait mot
"Je peux savoir ce que vous me voulez enfin ?!""Oui, écoute mon gars. Tes côtes sont cassés et l'une d'elle semble être, au moindre faux mouvement, prête à te perforer les poumons et te laisser à une mort atroce. Normalement, je ne dis pas ce genre de choses aux patients qui n'ont pas de quoi payer, ils peuvent vite devenir très chiants... Tu n'as jamais remarqué des trucs bizarres dans ta vie ? Genre des blessures qui se soignent plus vite chez toi ou chez tes proches ?""Mais non enfin !""T'énerves pas, c'est pas bon pour tes poumons. Bon alors écoute imbécile, tu as des fluides de lumière en toi. Comment je le sais ? Parce que moi aussi, et c'est grâce à ses fluides que je sais soigner les gens. J'ai appris à les utiliser et les dompter, pas toi. Donc maintenant voilà ce que je te propose : Je soigne tes vilaines blessures et tu bosses pour moi. Je t'apprendrais à maîtriser tes fluides et tu me serviras d'employé à tout faire.""Vous... Vous me proposez un travail ?!""C'est ça. Mais bon mes soins ne sont pas pour autant gratuit et le prix sera prélevé de ton salaire.""Je... Je suis votre homme !"Klaus, essayant d'étouffer son envie de tousser dans sa barbe grise, intervint :
"Hey mec, oublie pas que c'est un vieux grabataire qui a rassemblé ses forces pour te traîner jusqu'ici. Si j'l'avais pas fait, tu serais p't'être bien mort à l'heure qu'il est !""Et pour ça je vous en serait éternellement reconnaissant. Vous pouvez aussi faire quelque chose pour lui, rebouteux ?""Bien sûr, mais ça sera toujours ça de moins sur ton salaire.""Peu importe, soignez-le !"Le rebouteux fit miroiter ses talents et soigna les deux infortunés et, plus, tard, ils sortirent de son cabinet, Mercurio ayant promis de revenir le lendemain pour commencer son nouveau job.
"Merci mon gars d'avoir fait en sorte qu'il me soigne.""Vous m'avez sauvé la vie, c'était la moindre des choses...""Oui et au fait, je pourrais te demander un autre service ?""Quel genre de service ?""Je n'ai nulle part où dormir ce soir..."L'idée de laisser un inconnu rentrer dans son appartement ne lui plaisait guère et encore moins de partager sa couche avec ce mendiant... Mais Mercurio était encore dans la joie d'avoir enfin trouvé un nouvel emploi, bien qu'il n'ait pas bien compris toutes ces histoires de fluides et de soins. Dans sa tête, il allait surtout servir de garde du corps et de transporteur de matériel médicaux. Il accepta alors la compagnie du clochard pour la nuit.
"T'es un bon mec. Au fait, je m'appelle Klaus, ça te dérange pas si je te tutoie ?" lui dit-il en lui tendant sa main.
"Et moi c'est Mercurio, ravi que le destin t'es mis sur mon chemin Klaus. Et bien sûr qu'on peut se tutoyer."La Leçon du Rebouteux
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi