Précédemment : ici((
Certaines scènes de ce rp sont à forte connotation sexuelle/violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.))La petite fille se promenait, heureuse. Elle avait décidément eu beaucoup de chance de tomber sur ce guerrier le soir précédent ! Maintenant, grâce à lui, elle allait avoir une vraie armure... Enfin un peu de joie dans ce triste monde. Petit à petit, ses pas la ramenèrent jusque chez elle. En refermant la porte, elle entendit sa mère tousser à côté, et blêmit. Elle n'avait plus d'argent pour la soigner. Elle se laissa glisser le long du mur, et finit assise au sol. Quelle idiote. Le forgeron avait sans doute déjà commencé son travail sur l'armure, et il n'accepterait pas de rendre l'argent.
Comment allait-elle faire maintenant ? Elle se mit les mains sur le visage, gémissant. Elle était dans le pétrin jusqu'au cou, c'était le cas de le dire. Et le Rebouteux... non, il n'accepterait jamais de soigner sa mère sans une forme de paiement. Elle fouilla dans sa bourse. Il lui restait encore une quarantaine de yus. Soit ce qu'elle avait réussi à dérober à une femme dans la rue la veille, plus l'argent économisé par sa mère.
Un nouveau toussotement la fit sursauter. Elle toussait bien plus fort que le matin même, et il lui faudrait beaucoup de soins pour s'en sortir, estimait, peut-être à tort, la fillette... Elle se leva, et décida, la mort dans l'âme, de préparer quelque chose à manger. Il restait encore quelques fruits pas trop moisis qu'elle était allée chercher il y a deux jours, et un bout de jambon, qui lui datait un peu plus. Et puis, il y avait les restes de lentilles d'hier midi, aussi. Elle emmena tout ça avec elle, et l'amena jusqu'au lit de sa mère.
Cette dernière ne fit aucun commentaire quant à l'absence du Rebouteux. Elle mangea doucement, la petite fille la servant à la cuillère. Elle lui coupa des bouts de viande à la dague, se servant elle aussi pendant que la malade mastiquait. C'était un peu faisandé, mais ça donnait du goût, après tout. Et ils n'avaient pas les moyens de se payer de la viande tous les jours. Surtout si elle faisait des achats aussi insensés que celui de ce matin... Elle éplucha également un fruit pour sa mère, et le coupa en morceaux assez fins pour qu'elle le mange sans problème. Le deuxième, elle le garda pour elle, mais croquait directement dedans.
Une fois cela fait, elle sortit dehors. Il lui faudrait quelque chose pour transporter sa mère. Elle marcha un peu dans le quartier, simplement désert. Tous les habitants devaient être en train de travailler à cette heure. Ou de mendier dans un lieu plus fréquenté.
Dans une ruelle sombre, elle vit un homme qui transportait des objets divers, suivi par sa petite famille : une femme, un bébé dans les bras. Il poussait le tout sur une large brouette, et opérait sûrement à un déménagement. De toute façon, ici, personne n'allait l'en empêcher, puisque personne ne vérifiait jamais. La seule chose qui intéressait la fillette était la brouette. Elle regarda à droite, à gauche. Personne.
Elle sortit sa dague, et lui sauta dessus. Au bout de quelques instants, il ne bougeait plus. La femme en arrière poussait de petits cris stridents, qui agacèrent la jeune fille. Elle y remédia bien vite. Le bébé dans ses bras avait roulé au sol, et pleurait maintenant à chaudes larmes. La fillette le prit dans ses bras, et le berça doucement.
Tout va bien, mon petit... Tu vas rejoindre papa et maman.Sans le moindre état d'âme, elle lui enfonça la dague dans le crâne. Les pleurs s'arrêtèrent instantanément, et la ruelle retrouva son calme. Elle avait procédé au tout très sérieusement, et avait réussi à ne pas s'en mettre partout, même lorsqu'elle avait achevé le bébé. Il y avait sûrement quelques petites gouttes de sang qui avaient giclé sur elle, mais ce n'était pas visible. Autour d'elle, personne n'avait assisté au meurtre. Poussant les trois corps dans l'ombre, elle saisit la brouette miteuse en bois, vida tous les objets de la défunte famille sur eux en guise de tombe, et la ramena, vide, chez elle.
Cette scène, violente et brutale, elle l'avait effectuée rapidement, sans dévoiler la moindre émotion. Un peu comme une banalité. Il lui fallait la brouette, et ces gens ne la lui auraient pas donnée si elle avait simplement demandé. Elle était simplement passée à la vitesse supérieure dès le début.
(Je ne te savais pas si cruelle ! Tu me ressembles beaucoup, tout compte fait.)Elle ne répondit pas à la voix, faisant comme si elle n'avait rien entendu.
Une fois dans la chambre, elle prit d'abord la couette, pour aménager la brouette confortablement. Sa mère frissonna, prenant froid, mais Yurlungur la fit rouler doucement dessus. Ensuite, elle l'emmena dans sa chambre pour prendre sa propre couverture, qu'elle utilisa pour la recouvrir. Ainsi prise en sandwich, elle ne risquait pas de trop souffrir du voyage, certes court, mais tout de même fatiguant pour une malade.
Une fois bien emmitouflé, la femme se rendormit. La petite fille se sentait un peu lasse, mais sortit. Elle emprunta exclusivement des rues désertes, évitant la foule avec le plus de soin possible. De temps à autres, un petit râle émergeait de la brouette, et elle faisait alors un peu plus attention, roulant plus doucement, évitant les nids de poule, faisant en sorte de ne pas trop secouer.
Et, enfin, elle arriva à la cabane du Rebouteux, sans trop d'encombres. Ses bras commençaient à fatiguer, ses muscles n'étant après tout que ceux d'une petite fille, et le poids de sa mère, bien que maigre, assez conséquent. Elle toqua à la porte. La porte s'entrebâilla, et un regard scruta l'extérieur, alerte. La fillette savait qu'il s'agissait du Rebouteux, et le fixa, durement. Il lui ouvrit, mais se plaça en plein milieu, l'empêchant de passer. Elle soupira et déposa la brouette, pour ses bras.
Eh bien... On a besoin de mon aide maintenant, petite ?Il lui adressait un sourire ironique, et elle n'y répondait pas, restant glaciale. L'homme, loin de s'arrêter là, leva un doigt sur son visage.
Tu la vois, l'éraflure que tu m'as faite ? Elle n'a pas encore guéri. Je ne suis pas sûr de pouvoir faire quoi que ce soit pour toi tant qu'elle n'aura pas disparu...En effet, sur sa joue droite, une partie de sa barbe était bien plus courte, et laissait apparaître une courte cicatrice rouge. Un 'cadeau' importun de Yurlungur, que le guérisseur n'avait pas du tout apprécié. Cette dernière ne réagit pas à la provocation de l'autre, et resta là, encaissant sans un mot, fermée.
Et tu crois que tu vas m'intimider comme ça ? Tu es dangereuse, et personne ne veut de toi. Sais-tu pourquoi ta mère te garde ? Parce qu'elle est folle, elle aussi, voilà pourquoi !La petite fille sentait la rage bouillir en elle. Elle savait pertinemment que sa mère était un peu folle, tout comme elle, elle en avait conscience, mais elle ne l'avait sans doute jamais accepté. Être ainsi exclue de la société de par son état mental ne lui plaisait pas, du tout. Ses muscles se raidirent, et elle était prête à bondir, mais se contrôla.
Mais de toute façon, tu t'en fiches, n'est-ce pas ? Tu n'es qu'une assassine, voilà ce que j'en sais. Les rumeurs se répandant plus vite que toi tu ne fuis, tu sais. Tu ne pourras pas toujours leur échapper. Continue comme ça, mets-toi tout Dahràm à dos, et bientôt, tu finiras dans le caniveau, morte.Ce discours moraliste finit par agacer plus qu'autre chose Yurlungur, qui tourna les talons, reprenant la brouette en mains. Cela surprit le Rebouteux.
Mais... Où vas-tu ?Elle ne lui répondit pas et continua son chemin. Alors, étonnamment, elle entendit des bruits de pas rapides, et sentit une main se poser sur son épaule.
Attends. Montre-moi ta mère.Le Rebouteux l'emmena, elle et la patiente, à l'intérieur. Il souleva la femme pour la placer dans un vrai lit, et la recouvrit des deux couches apportées avec la brouette. Pendant qu'il examinait la malade, lui faisant ingurgiter au fur et à mesure divers breuvages étranges, la gamine ne parvenait pas à s'expliquer le geste du guérisseur. Il ne lui avait même pas demandé d'argent, et de ce qu'elle en voyait, il ne tentait pas non plus d'abuser de sa mère.
Il s'en occupait, simplement, calmement, et consciencieusement, prenant sa température avec la main, mélangeant divers composés pour obtenir un breuvage satisfaisant. Lorsqu'il faisait boire quelque chose, il le faisait avec douceur, remontant un peu le haut du corps, et inclinant la tête en arrière, afin de faire couler le liquide dans la gorge. C'était assez astucieux, et la petite fille n'avait jamais eu l'occasion d'observer ce genre de manœuvres de si près. Elle regardait avec la plus grande attention, curieuse.
Il se redressa, et se tourna vers Yurlungur, annonçant son verdict :
Ne t'inquiète pas. Elle sera remise d'ici peu.La gamine, au lieu de le remercier, demanda brutalement :
Pourquoi faites-vous ça ? Je n'ai pas d'argent pour vous payer, vous savez.Il la regarda, un air triste dans les yeux. Sans répondre directement à la question il expliqua :
Tu sais, c'est moi qui t'ai donné naissance, en quelque sorte. J'ai aidé ta mère à accoucher, le regard de ton père sur les épaules, lorsqu'il était encore en vie, et puis, je le connaissais plutôt bien, tu vois... Bon, la situation a beaucoup changé depuis, mais...
Tu ne saisis vraiment pas ?Elle ne saisissait vraiment pas, et son expression ne changea pas.
Tu as été élevée bien durement, petite. Enfin bon, peut-être que tu comprendras, un jour. Mais sache que je ne fais pas ça pour toi, bien au contraire. D'ailleurs, puisque tu en parles, combien as-tu sur toi ?Elle regarda dans sa bourse pour paraître crédible, et mentit, sans changer le moins du monde son expression :
Dix yus.C'est bien peu. Donne-les moi. Pour tous les soins, ça fera cent yus. Et sois heureuse que ce ne soit pas plus ! Je ne suis pas aussi généreux en temps normal. Tu n'as qu'à me laisser, maintenant, tu as d'autres choses à faire. Comme aller travailler quelque part pour gagner les quatre-vingt dix yus qui te manquent.La petite fille tendit les dix pièces à l'homme, mais ne bougea pas. Il ne le remarqua pas dans un premier temps, mais lorsqu'il s'en aperçut, après plusieurs minutes, il parut agacé.
Qu'est-ce que tu fais encore là ? Allez, va-t'en.Je ne vous fais pas confiance.Elle avait prononcé ces mots comme s'il s'agissait d'une vérité universellement reconnue, pour laquelle il n'y avait pas besoin de preuve. Le Rebouteux la regardait maintenant avec des yeux devenus écarquillés par la surprise.
Quel toupet ! Et que te faut-il de plus, au juste ? Je sauve ta mère pour trois fois rien, et te propose de ma payer après coup en plus !Vous allez profiter de mon absence et de son incapacité à se défendre. Vous avez parlé des rumeurs tout à l'heure, eh bien celles qui concernent vos rapports avec les femmes sont assez... crues.Il fronça un sourcil, et affirma, sérieux, sans démentir la rumeur soulevée par la fillette :
Je te jure que je ne le ferai pas. Mais c'est perturbant de te voir dans mon cabinet, et...Cabinet ?Vas-tu donc me laisser finir ? Tu n'es pas une patiente, et n'as donc pas ta place ici. C'est tout.Elle lui adressa un faux sourire, presque grimaçante, et répliqua, à brûle pourpoint :
Et qu'est-ce qui me dit que vous respecterez votre promesse ?Rien ! Rien de plus que le fait que j'accepte de soigner ta mère presque gratuitement, au regard des tarifs que j'applique en temps normal !Ne souhaitant pas plus discuter, et l'air énervé par la discussion et l'absence de reconnaissance chez la petite fille, il la saisit par un bras pour la jeter dehors. Mais aussitôt, la gamine le mordit. Il hurla, secouant sa main meurtrie, et lui beugla :
Mais ! Tu vas voir si je t’attrape !Seulement en entendant ces mots, un vrai sourire apparut sur les lèvres de Yurlungur, qui le provoqua :
Essaie donc seulement !Et elle quitta les lieux à toute vitesse, semblant oublier subitement que sa mère était encore à l'intérieur, toute emportée par le jeu qui s'offrait à elle.
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