Précédemment : iciLa petite fille arriva comme convenu alors que le Soleil disparaissait tout juste à l'horizon. Elle n'était pas rentrée à la maison et se sentait assez fière de cette fugue improvisée. Elle avait après tout réussi à subvenir à ses besoins sans problème : une pomme piquée sur cet étal, un pain ici et et un gloam importé de Kendra Kâr là. Ce faisant, elle avait pu décharger un bon nombre de vendeurs de petits aliments qui encombraient leurs étals.
Même sans avoir beaucoup mangé, elle n'avait pas faim. Elle entra dans la Taverne du Gros Néral et lança discrètement un regard à l'intérieur. Avant qu'elle ne le remarqua, un homme encapuchonné lui tira le bras sur le côté et l'emmena vers l'arrière-boutique en longeant le mur, veillant à passer tel une ombre et à cacher la fillette derrière lui. Elle ne parvenait pas à distinguer son visage et ne put dire s'il s'agissait de la même personne que ce matin, mais préféra ne pas opposer de résistance et le suivit sans mot dire.
Ils passèrent la porte derrière le comptoir et ils descendirent les escaliers, lui la lâchant enfin. Arrivés au sous-sol, elle préféra le suivre de près. Il n'allait pas au bureau du Gros Néral, qu'elle connaissait, mais plus loin. Finalement, il s'arrêta et sortit une clé pour déverrouiller l'une des nombreuses portes espacées le long du couloir. Ils entrèrent et elle put remarquer ce qui semblait être une armurerie. Du métal luisait à la lumière d'une faible torche et il y avait même un miroir à un mur.
Que fait-on ici ? Vous voulez m'offrir une arme ?Elle avait dévoilé sa pensée à voix haute, toute excitée qu'elle était. Mais l'homme, sans lui répondre, se détourna des armes pour saisir une cape identique à celle qu'il portait, en version réduite. La déception se lut immédiatement sur le visage de la gamine, qui ne sut comment prendre cela. C'était une provocation de lui montrer toutes ces armes et de se rabattre sur une vulgaire capuche. Mais l'homme n'était pas de cet avis et lui lança la cape, attendant qu'elle l'enfile, toujours coi. Elle ronchonna et s'exécuta.
Elle constata que la cape lui était parfaitement ajustée. Elle dégagea ses cheveux, préférant les laisser à l'air libre, mais son accompagnateur lui rabattit brutalement la capuche de la cape sur la tête.
Mais-euh !Cependant, elle n'osa pas faire quoi que ce soit d'autre et garda la tête cachée. En regardant dans un miroir, elle fut stupéfaite de constater que son visage était devenu complètement invisible dans l'ombre de la capuche. Mais l'homme ne lui laissa pas plus de temps pour se contempler et sortit. Elle trottina pour rattraper son pas rapide.
Qu'est-ce que je fais là, au juste ? Pourquoi vous m'avez donné cette cape ?Le son de sa voix résonnait dans le couloir désert et silencieux et une voix féminine lui répondit froidement :
Ferme-la.Yurlungur fut stupéfiée. C'était bien une femme qui lui avait répondu ? À la fois docile et étonnée, elle suivit sans mot dire sa guide. Ils descendirent de nouveaux escaliers – dont Yurlungur ignorait l'existence jusqu'à ce jour –, et encore d'autres. Le dernier couloir était bien moins long et seules trois portes s'y trouvaient. La femme se dirigea sans hésiter vers celle la plus à droite.
Dans la pièce spacieuse, seule une table était éclairée, autour de laquelle quelques autres personnes vêtues de capuches identiques étaient rassemblées. À vue de nez, il y en avait six ou sept, mais la pénombre rendait ce calcul difficile. La petite fille trembla. Que faisait-elle donc là ? Mais elle n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage et la main de sa guide la saisit au bras pour l'emmener jusqu'aux dernières places encore vides. Soudain, le Gros Néral émergea de l'ombre.
Bien. Maintenant que nous sommes tous là, nous allons pouvoir commencer. Vous êtes neuf. Il est inutile de chercher à connaître l'identité de l'un de vos homologues, vous n'en aurez pas besoin. La phase préliminaire est simple : une fois la mission achevée, vous n'êtes jamais venus ici aujourd'hui et vous n'avez jamais participé à cette discussion ou mission. Bien.Il avait énoncé ces quelques phrases comme une formalité et personne ne sembla s'en étonner. Seule Yurlungur, sous sa cape, tremblotait. Autour de la table, toutes les personnes présentes étaient sans aucun doute des adultes au vu de leur taille. Une main rassurante se posa sur son épaule. C'était sa guide, qui avait ressenti son angoisse. La fillette reprit le contrôle d'elle-même et se mit à inspirer et expirer de manière ample et lente, les yeux fermés et continuant à écouter. sur la table, l'index boudiné du Gros Néral montra sur une carte de Nirtim un itinéraire maritime.
Il y a cinq jours, un vaisseau est parti de Kendra Kâr avec une cargaison précieuse. Le vaisseau avait pour destination Bouhen, afin d'y entreposer ladite cargaison. Le fait est que des serviteurs d'Oaxaca ont réussi à obtenir la nature de cette cargaison et le trajet qu'elle prendrait. Ce qui nous a permis de le découvrir aussitôt après.
Au cours de la journée de voyage vers Bouhen, le lieutenant Xenair en personne a envoyé des centaines d'oiseaux de sa création attaquer le bateau pour le détourner de son itinéraire. Le bateau a été la proie de ces escarmouches incessantes pendant à peu près deux jours, peu à peu dévié de son itinéraire. La quasi-totalité des créatures furent vaincus durant ce laps de temps, mais le vaisseau se retrouva entre Oranan et Omyre, au nord-ouest du continent.Le doigt changea de place pour désigner l'endroit sur la carte.
Là-bas, une petite ribambelle de pirates aux ordres de Xenair attendait le vaisseau déjà affaibli et le vainquirent rapidement. Ils prirent la direction de Dahràm, pour amener la cargaison au camp des forces d'Oaxaca. Là-bas, l'un des officiers de Xenair l'attend pour le récupérer et le ramener à son maître. Demain dans la journée, les pirates devraient accoster. Au port, ils effectueront la transaction avec la Milice qui apportera la cargaison au campement. Pour cela, ils ne sont pas assez équipés et préféreront ne pas courir de risque donc envoyer quelques uns des leurs à la Milice. La transaction se déroulera donc au port même.Il retira son index de la carte et lança un regard aux personnes présentes.
Commençons maintenant avec les choses sérieuses. Le but est bien évidemment de récupérer l'objet sans attirer l'attention. Pour cette mission, vous aurez tous un numéro de code.Il désigna l'encapuchonné à sa gauche et prononça :
Numéro un.Puis il désigna successivement toutes les personnes présentes dans le sens horaire en leur attribuant un numéro. Yurlungur se vit attribuer le numéro sept et sa guide le numéro six.
Vous recevrez également tous une petite fiole de poison. Que vous utiliserez si vous vous faites attraper.
Entre le moment où le bateau accostera et où la Milice arrivera au port, nous aurons entre vingt et trente minutes. Huit, c'est-à-dire numéro huit, s'est déjà infiltré dans la Milice. Il les retardera au mieux. Pour cela, il emmènera neuf avec lui, pour le faire passer pour un criminel tout juste arrêté. Une fois à l'intérieur, huit laissera neuf s'échapper de manière à faire passer ça pour un incident. La Milice en sera gênée.
Pour plus de sécurité, deux, trois et quatre resteront dans les rues de Dahràm entre la Milice et le port. Vous devrez arrêter tout pirate qui tentera de venir jusqu'à vous. Un sera quant à lui placé dans les égouts pour surveiller que personne ne passe par là.
Pendant ce temps, six aura pour objectif de distraire les pirates restés proches du bateau. Ainsi, cela fait, sept s'infiltrera à l'intérieur pour récupérer la cargaison. Six sera couvert par cinq.Il se tourna alors directement vers la petite fille qui s'était remise à trembler. Fort heureusement pour elle, cela ne se voyait pas dans la pénombre ambiante.
La cargaison en question est contenue dans un coffret. Il faudra sans doute chercher ledit coffret, mais là où il y aura des gardes, il y sera. L'unique objectif est de récupérer le coffret. D'après les informations dont nous disposons, il doit faire entre quarante et soixante centimètres de long, pour une vingtaine de haut et de large.Il se tut et la pièce redevint silencieuse. Puis, sans d'autres indications, il se leva et quitta la pièce. Peu à peu, tous les convoqués en firent autant et sortirent sans mot dire. La petite fille se retrouva seule, seule six restant encore. Après quelques instants, cette dernière s'adressa à Yurlungur :
Tu trembles encore. Allez, viens.La fillette se retourna et s'agrippa à la manche de la femme.
Je... Je ne sais pas nager.Celle-ci en parut estomaquée et répondit après quelques secondes d'ahurissement :
Comment ? Tu es sérieuse ?Elle se mit à réfléchir et la petite fille baissa piteusement les yeux au sol.
Est-ce que tu serais capable de monter sur le bateau en t'accrochant aux amarres ?Euh... Peut-être... Mais je...Ça ira. Viens avec moi.Sans attendre de réponse, elle se dirigea vers la sortie. Yurlungur s'empressa de la suivre à son tour. Dehors, il n'y avait plus personne. Ils quittèrent les sous-sols puis la Taverne et la femme l'emmena dans son repaire.
Suite : ici