Une Bonne LameUne Bonne Bagarre
Mercurio passa la matinée à traîner dans les rues et ruelles discrètes et peu fréquentées de Dahràm.
On ne dirait pas comme ça, mais c'est difficile de trouver un endroit où se poser quand on cherche à assassiner un quidam. Il faut qu'on puisse bénéficier d'un effet de surprise, que la victime ne s'y attende pas. Un coin obscur a son petit succès, surtout dans une ruelle serrée.
Il faut aussi être sûr que peu de monde passe ici à quelques heures que ce soit. Planter un couteau dans le dos d'une personne sans voir que dix autres suivent derrière est à éviter autant que possible.
Et chose importante : Voir si de la concurrence n'a pas déjà pris place ici. Il aurait été idiot que Mercurio se fasse dépouiller en cherchant un tel endroit et il a dû à plusieurs reprises faire rapidement demi-tour en voyant quelques crapules à la face patibulaire attendre sagement au détour d'une petit ruelle. Heureusement pour lui, ils semblent choisir leurs victimes et ne prendront pas le risque de s'attaquer à un solide Humoran qui pourrait leur arracher la tête d'un coup de griffe.
La mi-journée arriva et il n'avait toujours pas trouvé endroit convenable où se poster. La faim n'aidant pas, il acheta au passage quelques fruits à manger et une amphore d'un demi-litre de rhum-citron (Très prisé par les marins pour lutter contre le scorbut !) chez un marchand ambulant non loin du port.
Il prit tout son temps pour boire et manger, tranquillement assis sur une bitte d'amarrage, et une fois les fruits et surtout l'alcool totalement ingurgité, il resta, pensif, à regarder la mer d'huile qui régnait ce jour-là en se remémorant l'affreux moment de son enfance dans lequel il tomba à la mer et se ridiculisa devant tout le quartier, en rageant intérieurement. Lorsqu'il se rendit enfin compte qu'il avait autre chose à faire aujourd'hui, il se releva. Il ne savait pas exactement si c'était le mouvement qui en était la cause, mais l'alcool se faisait soudainement plus présent, comme si le sang alcoolisé était monté à son crâne sur la même impulsion. Quelque peu tanguant, le choix de la ruelle lui sembla tout d'un coup bien moins important et bien plus facile.
Ainsi, il prit la première ruelle au hasard et, par un certain concours de circonstance, vit ce qui semblait être un citoyen lambda s'amenait vers sa direction. C'était un Ynorien d'une quarantaine d'année, les cheveux grisâtres finissant en queue-de-cheval. Il portait une tunique couleur rouille et un pantalon rouge carmin. Le tout était d'un goût relativement discutable mais assez passe-partout. Il était un peu plus petit et malingre que la moyenne et n'avait aucune arme visible sur lui... La proie idéale en somme. Alors Mercurio fit mine de passer tranquillement à travers la rue, jusqu'à le croiser en arrivant à sa hauteur.
Ensuite, tel le tigre sauvage s'attaquant à un cerf sans défense, Mercurio sortit -non sans quelques difficultés- le poignard de sa ceinture, pivota rapidement et, alors qu'il était sur le point de fondre sur sa proie -en s'imaginant déjà être en train de vider ses poches- en parfait angle d'attaque... Il se prit un gros coup de poing brutal et bruyant dans la truffe, qui se mit aussitôt à saigner. Il avait plus de force dans les bras qu'en apparence, le bougre.
En fait, Mercurio n'était pas encore prêt à l'attaquer que l'Ynorien avait déjà bien compris son petit jeu rien qu'à la manière qu'il avait eu de le dévisager depuis le début, dès qu'il s'était enfoncé dans la sombre ruelle. Avant même qu'il sorte sa lame de sa ceinture, celui-ci s'était déjà retourné en position de défense, les poings aux aguets attendant uniquement que Mercurio attaque pour être aussitôt paré à trouver la faille.
Mercurio se disait alors juste bêtement qu'il ne devait pas avoir été aussi discret qu'il le croyait et avoir relativement mal choisi sa première "victime", qui avait apparemment déjà une expérience assez conséquente au combat. Ce devait à coup sûr être un pirate averti ou un homme de main chevronné... Mauvais choix, vraiment.
Le coup fut d'une telle violence qu'il lui avait fait faire quelques pas en arrière avant de pouvoir retrouver l'équilibre. L'Ynorien, silencieux, se tenait là à attendre que Mercurio tente de l'attaquer une nouvelle fois, dans une bonne position de défense en faisant de petits sautillements nerveux et courts sur place. L'Humoran jugea à peine du liquide écarlate qui coulait de ses narines que l'humain, semblant impatient, lui fit un orgueilleux signe de provocation.
Mercurio, alors peu sur la réflexion, y répondit aussitôt. Cette provocation était de trop. Alors, la lame bien mise à l'horizontale, prête à embrocher l'insolente chaire à saucisse qu'il représentait pour lui et auquel il n'avait d'autre choix que de faire face, il fonça. Mais son attaque n'eût une nouvelle fois pas l'occasion d'aboutir, car le petit humain l'esquiva facilement. Mercurio n'était déjà pas ce que l'on pouvait appeler un grand rapide, mais en plus la nuit qu'il venait de passer et son état d'ivresse étaient autant de facteurs qui ne l'aidaient pas à gagner en vélocité. Il n'eût pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait que celui-ci se retrouva prit dans son propre mouvement, à chuter vers l'avant
L'Ynorien en profita alors pour intercepter le bras armé et le faire cogner contre le mur de brique à proximité en lui tordant promptement. Le tout à très grande vitesse et dans un bruit de craquement d'os inquiétant, la douleur lui força à lâcher son poignard. -Il ne devait pas être destiné à être baptisé aujourd'hui, on dirait- Ça lui faisait déjà un mal de chien, mais son adversaire n'en avait pas fini avec lui et lui administra un grand coup de genou dans le ventre qui lui fit échapper un grognement félin suivi d'une grande frappe dans le dos qui le fit s'effondrer au sol. Son ennemi gisant maintenant sur les dalles humides de la ruelle, l'humain ne se priva pas du petit plaisir revanchard de lui coller quelques coups de tatanes bien placés dans les côtes avant de lui annoncer, le plus sagement du monde :
"Quand on veut s'attaquer à un passant, la moindre des choses c'est de savoir se battre."L'Ynorien partit alors calmement, laissant Mercurio en train de se tordre de douleur au sol...
Une Bonne Journée
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi