>> La tempête avant la tempêteLa salsa du démon
Haple écarta d'une main tremblante l'épais manteau pour mieux respirer. La pauvre enfant haletait tant les restes du rêve étaient vivides. Elle avait vraiment dû puiser dans ses retranchements durant l'ascencion pour tomber dans un état de stase aussi profond. Se redressant sur son séant, celle-ci jeta un regard autour d'elle pour s'assurer qu'elle était bien toujours dans le temple abandonné. Et comme pour répondre à son interrogation, un vrombissement tonitruant retentit gravement entre les murs de pierre blanche. (
Et elle ronfle, j'en étais sûre! « je monte la garde, hein ? »). Machinalement, comme si elle faisait son lit, l'enfant plia le manteau du prêtre puis entrepris de l'accrocher dans les sangles de son sac. Soudain, un coup de tonnerre la fit sursauter. Ce n'était donc pas uniquement dans son rêve... Haple leva les yeux et ouvrit les oreilles plus attentivement. Entre les ronflements intermittents de sa guide, elle entendait le sifflement du vent, distant mais constant, et la lumière pâle du petit matin révélait un tapis de neige en formation sur le parterre de la chapelle surplombé par une Yuia aux larmes de givre. A nouveau, un éclair déchira le ciel matinal, plus proche celui-ci, éclairant la pièce de sa lumière bleutée et projetant l'ombre élancée des piliers de pierre contre les murs du temple. Haple écouta le craquement tonitruant qui suivit aussitôt se répercuter en écho entre les flancs de montagne rocheux. Encore et encore, la voix de l'orage résonnait dans le temple de la dame de glace. Mais, ce n'était pas tout. Une autre voix s'y joignait. (
Comme un cercle de percussions...?) Cela se pouvait-il, aussi isolée qu'elles étaient ? Pourtant, la jeune fille entendait bien une rythmique endiablée de cliquetis aigus et clappements sourds, et aucun doute ne demeurait car celle-ci montait crescendo, prenant presque le dessus sur le grondement du tonnerre.
Haple hésitait à se lever pour aller voir à la porte la venue de ces percussionnistes improbables... Mais une once de prudence la retint et, avant qu'elle ne se soit décidée, la musique rythmée s'était arrêtée au-dehors. Un silence ponctué uniquement des bruits de l'orage s'ensuivit, dans lequel l'enfant guettait le retour des percussions. Mais au lieu de cela, elle entendit une série de raclements sur la coupole qui lui firent lever la tête. (
... qu'est-ce que ...?). Pour la première fois, elle n'était pas mécontente d'avoir l'aventurière à ses côtés et son instinct lui dicta de se rapprocher d'elle.
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Roche... (
...mais qu'est-ce que… des bruits de pas, sur le toit...?)
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ROCHE Réveill...Mais plus efficace encore que les secousses de l'enfant sur la guide profondément endormie fut le vacarme qui s'ensuivit. Passant la tête par l'ouverture de la coupole effondrée, une créature horrifique apparut à la faveur d'un éclair. Et l'instant d'après, un pan entier du toit s'effondrait sous le poids du monstre qui lâcha entre ses crocs acérés un cri strident à percer les tympans alors qu'il tombait dans la chapelle dans un maëlstrom de pierre, de neige et d'écailles. Bondissant sur ses pieds comme sortant d'un cauchemar, Roche jeta un regard égaré en tous sens et se figea presque aussitôt sur les décombres du toit où la créature s'apprêtait... à atterrir sans égragtignures. En effet, la créature hideuse était pourvue d'ailes cuirassées et flottait à mi-hauteur dans la chapelle, devant les yeux larmoyant de la déesse de beauté. Ses pattes griffues et sa queue terminée par une masse de pics chitineux s'agitaient tout en souplesse pour contrebalancer les mouvements puissants de ses ailes sortant de son dos musclé. Et Haple eut la désagréable surprise de voir sur sa face couverte d'écailles maronnâtres un sourire moqueur étirer ses lèvres émaciées. Son visage entier exprimait une joie impatiente, celle de celui qui brûle de s'amuser avec un nouveau jouet... Enfin, le démon volant posa ses serres écailleuse sur un bloc de pierre brisé et laissa retomber ses ailes comme une cape de cuir sur son corps disgracieux.
Tandis que l'elfe découvrait dans un mélange d'horreur et de dégoût le physique cauchemardesque de l'intrus, Roche, elle, s'était ressaisie. D'un geste habile du pied, elle fit sauter son bâton de marche et le tenait à présent fermement entre ses mains. La tête légèrement inclinée, son regard fixé sur l'espace les séparant du monstre ailé, la montagnarde marmonnait à voix basse, comme à elle-même mais avec une intensité vibrante, quelque chose que l'enfant ne parvenait pas à discerner. Jusqu'à ce que, tout à coup, la litanie de l'enchanteresse ne se transforme en un flot violent tel un torrent de montagne en crue :
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...et que la fange sur les pieds du mendiant s'affermisse. Et que la poussière sur les jambes du marcheur durcisse ! Et que la Terre sur les bras du laboureur nous protège !!!Alors une fumée ocre s'extirpa lentement de chacune des extrémités de son bâton et s'étira en deux minces filets dans la direction de chacune des voyageuses. Haple tendit sa main forte à la rencontre de l'étrange émanation, aussi légère qu'un gaz mais aussi visqueuse qu'un fluide... Et aussitôt sa peau entrée en contact, cette vapeur de boue s'affermit prenant la texture d'une pâte grumeleuse et collante qui semblait ramper d'elle-même depuis le dos de sa main jusqu'au coude, s'épaississant au centre de son avant-bras pour former un disque d'argile sèche.
Un nouveau cri perçant empêcha cependant la petite de s'émerveiller plus longuement sur cette prouesse magique. L'initiative de l'enchanteresse n'avait pas plu à la créature qui battait des ailes furieusement en dévoilant ses crocs acérés. Et sans laisser le temps à Roche de préparer un autre sortilège, il se propulsa sur elle. Avec les réflexes d'une aventurière aguerrie, la montagnarde porta aussitôt son bâton en avant pour écarter d'un coup circulaire les pattes griffues tendues avidement vers son visage et, dans le même mouvement rotatoire, exécuta une pirouette pour asséner une violente riposte sur le flanc de la créature déstabilisée. Couvrant la plainte de douleur et de rage de celle-ci, Roche cria par-dessus son épaule:
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Ton tambour ! Le Djinn, joue lui du tambour … !Est-ce qu'elle avait perdu la raison ?!
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Ne discute pas ! C'est notre unique chance !Percevant l'urgence dans la voix de la blonde, Haple couru sans réfléchir davantage et se jeta à genoux devant son sac. Des ficelles attachaient l'instrument à son barda ; il fallait défaire les solides nœuds que Roche avait faits. Alors que ses mains fébriles s'y efforçaient désespérément, les bruits de combat se poursuivaient derrière elle. La bête beugla à nouveau, sous une attaque réussie de l'aventurière espérait Haple, et l'instant d'après c'était le glapissement déchirant de celle-ci qui transperça l'espace sonore. Les cheveux de l'enfant se dressèrent sur sa nuque ; elle écarta de son esprit aussi net toute pensée de griffes lacérant la chair hâlée de la jeune femme pour se concentrer sur le nœud qui lui résistait. Mais Roche risquait à tout moment de succomber malgré son habileté évidente au bâton ! Allaient-elles toutes deux rejoindre le squelette du prêtre dans sa veille éternelle ? Le crâne à ses côtés semblait figé dans un sourire narquois qui semblait lui dire que oui, ce temple serait leur dernière demeure ! Alors, poussée par l'instinct de survie, la jeune elfe laissa tomber le nœud et se saisit du sac avec vigueur, le passant sur ventre de manière à avoir accès au tambour resté attaché sur le côté, puis d'une main déterminée, piocha un tibia parmi les os effondrés pêle-mêle dans les fripes du prêtre décédé et se releva en faisant frénétiquement sonner le tambour de guerre Garzork sous les coups de sa baguette macabre.
D'un volte-face, l'enfant découvrit un spectacle alarmant. Roche avait du essuyer un coup puissant du Djinn car elle avait un genoux en terre et les restes ébréchés d'un bouclier de terre finissaient de se déliter sur son bras levé en position de défense. La fureur de vivre se lisait cependant dans la grimace de son visage et Haple devina à cette assurance et cette combativité que la jeune femme était à force égale avec son adversaire, aussi mauvaise sa posture présente fut-elle. Puisant dans cette lueur d'espoir, la petite se mit en marche d'un pas régulier et déterminé vers les deux combattants, son tambourinage erratique se muant progressivement en un boléro vindicatif. Se figeant dans un nouvel assaut sur l'enchanteresse en difficulté, le Djinn tourna ses yeux globuleux vers la jeune percussionniste. Un regard diabolique, souligné par un sourire mi-carnassier mi-amusé. Puis délaissant sa proie précédente, la créature gonfla ses ailes d'un large geste d'ouverture et, gênée par la bassesse de plafond du transept, se propulsa gauchement à la rencontre de la petite joueuse de tambour. Mettant de côté sa rancœur envers Roche, l'enfant décida de croire l'aventurière lorsque celle-ci avait dit que l'instrument leur viendrait en aide et s'empêcha de prendre la fuite devant le chiroptère abominatif. Pour cela, l'enfant s'évertua à s'enfermer dans sa musique, occultant les pas maladroits de la géante chauve-souris, l'odeur fétide que véhiculait son haleine de charognard et ces yeux de braises qui la dévisageaient intensément. Cet univers chaotique et menaçant s'effaçait un peu plus à chaque mesure devant un monde de vibrations que la percussionniste ordonnançait de sa baguette d'os. Un monde façonné par la magie de sa volonté ! Et bientôt, sa musique gagna en puissance et chaque coup résonnait dans le temple joint à l'arrière plan par les encouragements vigoureux de la montagnarde et les coups de queue sur la pierre du monstre mélomane battant la mesure à l'unisson. Lorsque Haple tourna de nouveau son attention sur la scène de combat, elle put effectivement voir que sa ferveur musicale avait été contagieuse : le Djinn avait mis de côté sa soif de sang pour l'accompagner dans sa transe rythmique et Roche se dirigeait vers elle un sourire de victoire sur les lèvres.
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Continue, lui dit-elle.
Surtout ne t'arrête pas et suis mes pas, doucement. Et une main posée sur son épaule, Roche l'entraîna lentement en arrière, marchant à reculons vers l'entré du temple. Le monstre les suivait bien que maladroitement car il devait marcher de plus en plus courbé du fait du plafond incliné qui s'abaissait à mesure que la petite troupe s'approchait du seuil de la coupole. Et tout à coup, une voix à la limite de son inconscient lui intima qu'elles avaient là une porte de sortie. Car elle savait bien qu'elle ne pouvait pas éternellement apaiser le Djinn avec sa musique. Assurément, c'était la stratégie de sa guide : la créature ailée ne pourrait pas les suivre à travers la porte de l'édifice car celle-ci était à taille humaine et la seule manière de couper le lien entre la musicienne et elle était de jouer de son envergure à son désavantage pour leur laisser le temps de prendre la fuite. Alors, exultant à l'idée de cette issue inespérée, Haple se mit à tambouriner avec une énergie sans pareille, encore et encore.... ! La petite mobilisait son corps tout entier pour faire tonner l'instrument, armant son bras jusque derrière ses oreilles avant d'abattre sa baguette d'un ample mouvement vertical, le plus puissant possible. Jusqu'à ce que... dans un déchirement sinistre... l'os ne perfore la peau usée du tambour !
Pendant une seconde d'éternité, un silence de mort prit place dans les oreilles encore grisées des trois protagonistes. Aucun ne respirait ; seul régnait le bourdonnement du néant qui fait suite au final d'un trouvère virtuose. Et, comme la grêle des applaudissements d'un public enfiévré, l'orage tonna d'un coup de tonnerre cataclysmique aussitôt suivi d'une intense explosion de lumière crue peignant l'elfe, l'enchanteresse et le Djinn d'une blancheur cadavérique. Comme réveillé par le coup de semonce des éléments, un spasme agita les lèvres grises de ce dernier. Un grondement féroce monta aussitôt dans sa gorge, en écho avec la tempête déchaînée, annonçant la venue imminente d'un nouveau hurlement strident. Et, sans surprise, l'instant suivant les deux femmes se couvraient les oreilles sous la violence du cri de rage que poussa la créature, ailes et gorges déployées, une pluie de bave éclaboussant leur visage figé dans une grimace de crainte. Alors, la blonde poussa vivement la petite en arrière, manquant de la faire tomber dans le volte-face qu'elle lui imposa, et lui hurla sans se retourner :
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COURS !!! Que Zewen te guide !Autant emportée dans son déséquilibre que par la peur, l'enfant prit ses jambes à son cou et s’enfuit par la porte principale. Cependant, aussitôt eut-elle franchi le seuil du temple qu'une violente rafale de blizzard la stoppa dans son élan. La tempête battait son plein au dehors, le bruit de la foudre n'ayant été qu'un épiphénomène. Ses ardeurs refroidies par la morsure du vent, Haple se retourna alors, espérant voir venir la montagnarde en courant … elle avait besoin d'elle ! Qu'elle la conduise à travers cette purée de pois vers un lieu sûr... ! Mais la jeune femme ne suivait pas. En plissant des yeux, l'elfe parvint à distinguer à travers le rideau de neige la silhouette de Roche en prise avec celle du monstre la surplombant, son bâton dressé à l'horizontal retenant les griffes acérées dans une tentative éperdue de contenir sa puissance bestiale. La scène était celle d'une épreuve de force entre titans, l'un de roche et l'autre d'ombre. Tous deux figés dans ce bras-de-fer décisif, c'était le monde tout autour qui par contraste semblait saisi de tremblements chaotiques, que ce soient les tourbillons du vent, les vibrations du sol... Le sol vibrait ? Amorties par la couche de neige sous ses pieds, l'enfant ne s'en était pas aperçue tout de suite, mais à n'en pas douter les dalles du temple autour des deux combattants étaient animées d'un mouvement ondulatoire à la manière de courtes vaguelettes de pierre radiant en cercles concentriques depuis l'enchanteresse ! Et sous les yeux éberlués de l'enfant elfe, Roche rompit sa position de défense et abattit son bâton de toute ses forces sur le sol provoquant une série de violentes secousses qui déstabilisèrent le Djinn. La petite distinguait les gesticulations désordonnées de la créature tentant de s'affranchir du sol instable en s'envolant. Mais ses ailes l'handicapaient plus qu'autre chose, le plafond lui bloquant la voie, et elle ne parvint pas à s'écarter à temps, avant que le rideau ne tombe sur cette lutte épique. Haple regardait, angoissée, le linteau déjà délabré du seuil s'effriter encore davantage sous les mouvements du mur ébranlé par les tremblements du sol. Et avant qu'aucun des trois protagonistes n'ait le temps de changer l'issue fatale du combat, un pan de plafond s'effondra lourdement sur le dos du monstre ailé et ensevelit sous d'innombrables pavés de pierre la montagnarde aux cheveux d'or.
La chute était presque irréelle. Autant par l'incroyable démonstration de magie tellurique à laquelle elle venait d'assister, que par l'impensabilité de l'acte de Roche. Elle s'était sacrifiée pour... (
...moi?!) Depuis leur premier échange de mots, leur courte relation n'avait été qu'une suite incohérente de moments de complicité superficielle et de brusques remontrances. La blonde lui avait envoyé un crochet dans la tronche pardi ! Elle l'avait moquée, insultée, malmenée physiquement durant toute leur échappée nocturne... et voilà qu'elle donnait sa vie pour l'enfant ? Ca ne se pouvait pas. Haple n'avait entendu ni fracas d'éboulement, ni cris de trépas... emportés par le vent glacial, lui souffla une voix intérieure. Alors, guidée par un besoin impératif de certitude, l'elfe fit un pas prudent dans la neige puis deux, s'attendant à tout instant à entendre Roche se débattre sous les gravats, puis trois, redoutant de voir le Djinn surgir plus furieux encore qu'avant... mais le vent stérile était la seule source de mouvement, le seul gémissement plaintif dans l'enceinte de ce temple maudit. Dès lors, la solitude de l'enfant livrée à elle-même dans les hauteurs désolées de Nirtim la frappa. Elle ne savait pas où elle était ni dans quelle direction marcher. Elle ne savait pas même d'où elles étaient venues, leurs traces de pas recouvertes par la neige fraîche et la tempête ne permettant pas de distinguer à plus de quelques mètres. D'une démarche absente, Haple poursuivait donc vers le tombeau de pierre, seul point de repère dans cette nouvelle conjoncture. Alors elle aperçut une main. Une main calleuse et ridée avant l'âge, le bâton qu'elle avait maniée ayant roulé à côté, brisé en deux sous l'impact d'un bloc de pierre anguleux. Une main dont elle avait tant honni les tapements condescendants et l'étreinte autoritaire...
La stupeur laissa alors rapidement place à une colère sourde. Car elle ne pouvait désormais plus légitimement reprocher à l'aventurière lunatique ses sautes d'humeurs et ses brusqueries. Elle se sentait spoliée d'une vengeance puérile qu'elle avait espérée exercée sur la montagnarde. Et ce greffant sur ce terreau de frustration, l'absurdité de sa situation la révoltait. Une révolte contre le Destin. Quelle absurdité que Roche ait tant redouté d'être traquées pour finalement mourrir à cause d'un Djinn cherchant abri lors d'une tempête ! Et pourquoi avoir fait la rencontre de cette enchanteresse hors-pair si ce n'était pour apprendre auprès d'elle la maîtrise des fluides telluriques ? A quoi cela rimait-il d'avoir survécu à la traversée du Col Blanc, à l'épreuve du Likyior, à la traque hypothétique du voyageur nocturne, à l’ascension forcée vers le temple et enfin à cet affrontement fatidique... tout cela pour se retrouver dans une plus mauvaise posture qu'elle n'avait été depuis le début de son exil ? Alors les larmes retenues durant tout ce temps, enfin, rompirent la digue de sa fierté adolescente. Elle ne pleurait pas la montagnarde cependant. Elle déplorait la mort de ses illusions d'enfant. A l'image de l'horizon noyé dans la grisaille, cette vie d'aventure n'était plus porteuse d'aucune promesse. Il n'y avait pas de progression dans son chemin de vie, pas de raison d'être aux rencontres qu'elle faisait, aux difficultés qu'elle surmontait. Tout n'était qu'un ramassis de rêves attendant d'être brisés, de songes dans lesquels l'enfant sédentaire se plaisait à s'échapper. Et les questions auxquelles elle avait tant voulu une réponse, comme les intentions réelles du Fujonien, comme les motifs de ceux qui la traquerait prétendument ou de celle qui s'était sacrifiée pour elle... toute ces question lui semblait désormais vide de sens ! Peut-être ferait-elle mieux de se coucher là, dans ce temple isolé, et d'attendre que le froid ne l'emporte lentement dans un engourdissement indolore ? Mais même ce plan morbide lui paraissait faussement empli de signification. Comme si de rejoindre ses parents ainsi que Roche dans l'étreinte de Thimoros avait la moindre importance... Non, elle n'avait pas même le goût de se donner une fin tragique. Au lieu de cela, Haple secoua la tête et s'essuya les yeux en reniflant. (
" Que Zewen te guide ") Quelle ironie ! Et avec une aversion croissante pour ce prétendu dieu du Destin et un mépris plus grand encore pour les simplets, les faibles, les irresponsables qui s'adonnaient à son culte, l'enfant s'emmitoufla dans le manteau de fourrure du prêtre, le passant par-dessus son sac de voyage et se mit en marche au hasard à travers la neige et le vent. Il s'agissait peut-être de sa dernière marche, peut-être pas. Peu importait.
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Guide moi donc... Zewen, lâcha-t-elle dans le blizzard avec toute l'amertume d'une adolescente désillusionnée.