Jour 1, début d’après-midi.

Sur la vaste zone d’embarcation de Kendra Kâr, une petite foule s’était rassemblée autour d’un vaisseau volant pas comme les autres. Plus grand, plus clinquant, plus neuf, et sans doute plus confortable, l’Aynore qui était là ne l’était pas par hasard. Les publicités par affiches avaient eu l’effet escompté, et les curieux s’étaient pressés en nombre pour voir le départ de la fameuse Croisière organisée par la Compagnie Air Gris. Les murmures de la populace vaquaient de si de là, à la recherche des chanceux sélectionnés pour participer à ce grand départ, certains admiratifs et d’autres médisants, les uns félicitant la beauté du vaisseau, les autres affirmant qu’il s’agissait d’un tirage truqué.

Majestueux, insensible à toutes ces remarques, l’Aynore stagnait au milieu, entouré par un cordon de protection gardé par une demoiselle au minois frais et souriant, d’apparence humaine, bien que ses traits étaient fins et sa peau plutôt pâle. Elle semblait attendre l’arrivée des fameux participants de cette expédition, qui s’étaient vu se faire offrir une croisière tous frais payés par la compagnie organisatrice, prête à leur ouvrir le filin qui les séparaient encore de la passerelle qui les mèneraient sur le pont supérieur – et extérieur – de la ‘Brise du Matin’, dont le nom était gravé en lettrines d’argent sur la coque.



[HRP : Vous pourrez poster ici lorsque je vous en aurai donné l’autorisation dans le post de préquête.]

Le nain fut un peu dépassé par les événements ... il monta dans un navire volant pour rejoindre l'Aynore de croisière en un temps qu'il ne pensait pas possible. Oh, bien sûr il avait déjà entendu parler des elfes gris et de leur technologie, ses professeurs lui avait appris cela en cours en rajoutant à la fin que de toute façon la technologie des elfes gris n'arriverait jamais à la cheville d'une bonne hache naine. A l'époque Araksis avait acquiescé sans poser de question ... il était en train de réviser son jugement. Après quelques heures de vol ils arrivèrent en vue de leur Aynore de croisière, une foule compacte entourait la machine et des curieux se pressèrent vers eux lorsqu'ils descendirent de la navette. Certains visages étaient outrés de voir un nain de si mauvaise allure se faire offrir une place pour un tel périple. Cette envie qu'il sentait dans le public le mis d'une rare bonne humeur et il ne put s'empêcher de montrer ses fesses en un geste ostentatoire au public tout en improvisant une petite danse aussi provocatrice que ridicule.

Il avait partagé le trajet avec une petite lutine de "dix-neuf centimètres et demi" aux cheveux roux, il lui avait souri plusieurs fois au milieu de sa grosse barbe durant le trajet. Comme à chaque fois ses instincts protecteurs de grand-frère revenaient au-devant de ses pensées lorsqu'il se trouvait en compagnie d'une fille à l'allure plus enfantine et plus fragile que lui. Il n'avait pas put s'empêcher de la trouver sympathique et rigolote et donc de la chambrer pendant tout le voyage, ponctuant ses traits d'esprit plus ou moins fin par un rire tonitruant qui avait arraché plusieurs soupirs au pilote. Oui vraiment cette balade aérienne l'avait rendu euphorique et il oublia tout le reste.

Ils avançaient donc au milieu de la foule et le rouquin alternait entre gestes de provocation et tentative pour soulever des exclamations, courant à tout vitesse vers la populace en s'arrêtant au dernier moment en levant les bras dans l'espoir de déclencher une gigantesque ola. Après quelques centaines de mètres ils arrivèrent devant l'Aynore qui les accueilleraient pour la "croisière". Avant de passer les cordons de sécurité le grognon à crête ne put s'empêcher de se tourner vers la foule en joignant les mains au-dessus de sa tête en signe de victoire. Il finit par arriver au niveau d'une demoiselle à l'apparence humaine qui semblait les attendre. Il l'apostropha

'lut mignonne, c'est toi qui nous fait grimper ?

Le second sens graveleux de la phrase lui arracha un nouveau rire gras, oui vraiment, Araksis n'avait jamais été d'aussi bonne humeur que maintenant, entouré d'envieux, porté en triomphe et se préparant à rejoindre une croisière presque normale ...

La jeune femme semble surprise et troublée par une telle arrivée. Rougissant sous l’invective du nain, elle baisse les yeux et lui répond avec un sourire gêné :

« Oui oui, heu… C’est bien par ici. Si vous avez votre billet. »

Elle ponctue sa phrase d’un petit rire nerveux à peine audible, et ne dérougit pas.

La traversée dans l’ anyore c’était bien déroulée, le nain s’appelait Araksis et il n’avait cessé de me parler, ce qui semblait par contre exaspérer le pilote. Heureusement pour ce dernier, le voyage fut de courte durée. Moi, il me plaisait bien ce nain au langage si coloré, il me faisait penser à mon oncle Gordo. Ce voyage s’annonçait pour être des plus agréables.

C’est ainsi que quelques heures plus tard nous atterrîmes sur une immense zone d’embarcation où trônait une énorme anyore. Cette fois, la piste n’était pas déserte, il y avait toute une foule qui c’était réunie à cet endroit. Probablement des curieux, qui voulaient voir qui avaient eu la chance de gagner un si fabuleux prix.

Tous ces gens, tout ce bruit m’intimidait grandement, ce qui ne sembla pas le cas de mon compagnon de voyage. Il sortit en grande pompe, saluant les gens, sautant, courant et trottinant.

Pour ma part, il en fut autrement. Tout doucement, je descendis de l’habitacle du vaisseau aérien, puis, sans faire de bruit et profitant de ma petite taille, j’essayai d’être la plus discrète possible. Avec tout le brouhaha que faisait le nain, il m’était assez facile de ne pas me faire remarquer.

J’arrivai enfin à la demoiselle à l’habit bleue, les mains engourdies tant j’avais serrée mon petit billet gagnant. Pour rien au monde, je ne voulais perdre ce précieux papier et ainsi manquer ce voyage qui était arrivé au bon moment dans ma petite vie de lutine. Une jolie elfe blanche m'avait devancée, sa grâce, sa légèreté, et son allure contrastait drôlement avec le nain sans manière. Et pourtant, malgré tout, ce dernier me semblait plus sympathique.

La jeune femme au joli minois qui contrôlait les billets, dégageait une douce fragrance que je ne pouvais identifier, mais qui me plaisait bien. Je rassemblai tout mon courage et d’une voix qui se voulait assez forte pour me faire entendre, je l’interpellai :

« C’est à vous que je dois remettre mon billet ? » lui demandai-je très poliment.

zone d'embarcation

Le voyage jusqu'à Kendra Kar fut rapide et quand il arriva en vue de cet énorme Aynore, Sirat en était toujours à se demander ce qu'il lui était passé par la tête d'accepter cette invitation. La foule masser autour de la zone d'envol ne fit que rajouter à son angoisse.

Il avait vu ce prospectus miteux qui parlait de ce fabuleux voyage et le voilà qui tenait dans sa main le sésame tant convoité. Il cracha par terre, laissant échapper quelques jurons envers le destin.

Il savait qu'on pouvait voler, il l'avait entendu dans son enfance, mais son oncle se targuait d'avoir une autre philosophie.

"T'es pas née pour voler, t'es née avec des pieds. C'est fait pour marcher. Si t'étais née avec des ailes tu volerais."

(Logique...)

Pourtant, il éprouvait un certain respect pour ce que les elfes gris faisait, maitriser les lois de l'apesanteur, il fallait en avoir dans le caleçon. Le voyage s'était plutôt bien passé, court et convenable. Il avait eu tout le temps de repenser à la faera et aux conséquences de sa décision. Finalement cela devenait une obsession chez lui, comme si pour chaque situation il entrevoyait l'espace d'un instant les multitudes de futur possible. Et que juste après avoir choisi, il subissait le caractère irréversible de celle-ci.

Il venait de descendre et s'avançait doucement que déjà il entendait les messe basse du peuple. Heureusement, devant lui un nain costaud, couvert de tatouage à la crête orange, avait déjà fait le spectacle et l'arrivée de Sirat malgré sa masse passait relativement inaperçu.

(Plutôt sympa ce nain.)

Il observa la représentation, plus par prudence que par réel curiosité. L'Aynore flottait au milieu de la populace, simplement entouré par un cordon de protection. Une jeune femme le gardait patiemment. Le nain se présenta à elle. Bien que Sirat soit trop loin pour l'entendre, l'air gêné de la jeune femme laissa entrevoir, ce que le malicieux et provocateur petit personnage, avait pu lui dire. Il esquissa un sourire, très vite chasser par une insulte raciale venant sur sa gauche.

Soupirant il continua à se frayer un chemin à travers les curieux.

Une elfe blanche suivait le nain. Élancé et gracieuse, la jeune femme contrastait avec le petit roturier. Elle donna son billet et monta sur la passerelle, affichant clairement un air de mépris pour son précurseur.

(Et de deux...)

Sirat ne cessait d'hésiter, il jaugeait la situation afin de réellement savoir ce qu'il devait faire ou ne pas faire. Mais n'étais ce pas déjà trop tard. Il avait trouvé la feuille, il avait suivi la faera, il était monté dans la première embarcation et il se retrouvait ici sur les quais, prêt à partir, en compagnie d'une elfe et d'un nain.

(Foutu Zewen !!)

Une troisième participante prétendit au voyage. Une petite fée, rouquine et plutôt fluette, tenait fiévreusement son billet.

(Et de trois... enfin, deux et demi. Et maintenant tu fais quoi?)

Machinalement il marcha en direction de l'embarcadère, la plupart des badauds s'écartèrent pour laisser passer l'imposant bâtard. Sa crinière orange flottant au gré du vent, il se positionna juste derrière la petite fée au moment où celle-ci demandait très poliment à l'officier :

"C’est à vous que je dois remettre mon billet ?"

Il considéra la fée qui ne devait pas être bien plus grande que ses deux mains réunit. Il se racla la gorge, essayant de trouver ses mots sans les entrelacés de jurons.

"Bonjour, Moi aussi j'ai un billet."

Les heureux gagnants du concours organisé par Air Gris s’amassaient devant le filin de protection, à hauteur de la jeune femme, qui ne savait plus où donner de la tête entre les quatre participants munis de leur billet. Elle sembla décider de commettre ses réponses dans l’ordre des demandes, et se tourna donc vers l’elfe blanche aux cheveux bleutés.

« Bonjour mademoiselle. Bienvenue à bord. Vous pouvez embarquer sur l’Aynore et prendre vos aises. Lorsque tous les participants seront arrivés, je vous prierais de vous rendre dans la salle commune, à l’intérieur de l’Aynore, pour le départ. »

Elle prit son billet et la salua d’un signe de tête avant de se tourner vers la petite lutine, se penchant vers elle avec un sourire sympathique avant de répéter, comme un discours qu’elle aurait appris par cœur.

« C’est bien à moi. Bonjour mademoiselle. Bienvenue à bord. Vous pouvez embarquer sur l’Aynore et prendre vos aises. Lorsque tous les participants seront arrivés, je vous prierais de vous rendre dans la salle commune, à l’intérieur de l’Aynore, pour le départ. »

Enfin, elle se tourna vers le grand Sirat, un peu impressionnée par sa carrure et sa taille. Elle rougit un peu avant de lui adresser la parole, une fois de plus de manière presque automatisée.

« Bonjour monsieur. Bienvenue à bord. Vous pouvez embarquer sur l’Aynore et prendre vos aises. Lorsque tous les participants seront arrivés, je vous prierais de vous rendre dans la salle commune, à l’intérieur de l’Aynore, pour le départ. »

Suite à quoi la jeune femme se tourna à nouveau vers le nain, dont elle n’avait toujours pas vu le billet, et lui sourit d’un air engageant, comme pour le pousser à vite le montrer.

L’Aynore est composé de plusieurs parties :

- Le pont extérieur (visible sur l’image), large et grand, permettant de profiter du paysage et du soleil, et doté de chaises longues, parasols et autres tables d’appoint. Une avancée vierge de tout meuble est située sur l’avant de l’aynore, et est accessible via une petite passerelle.
- La salle de pilotage, inaccessible pour vous, se situant à l’arrière de l’appareil, un peu surélevée par rapport au pont, et dotée de vitres qui ne laissent rien voir à l’intérieur. (visible aussi sur l’image)
- La salle commune, à l’intérieur de l’Aynore, par laquelle on accède grâce à un escalier et une porte donnant directement sur le pont. Elle contient des sièges confortables et adaptés aux différentes espèces présentes, un bar bien garni, mais sans serveur, et se termine sur l’avant du navire par une volée de vitre donnant une vue magnifique en vol (lorsqu’il volera, bien sûr).
- Une salle de repos (réservée pour les personnages s’absentant) munie de lits et couchettes confortables séparées par des cloisons opaques.
- Un pont inférieur, contenant une salle d’eau, les commodités, et aussi les réserves, la cale, la salle des machines, inaccessibles pour les passagers.

À l’intérieur de l’Aynore une seule personne encore : une jeune femme blonde habillée richement d’une robe verte élégante, assise sur un fauteuil à siroter un cocktail fruité.

Le nabot avait encore une fois tout oublié, après que la jeune femme rougissante de sa remarque l'ai invité à prendre son billet il s'était une nouvelle fois tourné vers la foule. Une grande et belle elfe en profita et se glissa devant lui, il n'en pris pas ombrage tant il était occupé à jouer avec le public. Araksis n'avait jamais été porté sur les préjugés raciaux, sa vie dans les bas fond de la société naine lui avait montrée à quel point certains de ses compatriotes pouvaient être mauvais et mesquins, il en était arrivé à la conclusion que dans n'importe quelle espèce il devait y avoir des salops et des gens bien ...ceci dit les elfes était quand même des sacrés femmelettes, ce qui ne devait pas être un défaut quand on est une femme ... non ? Il adressa un grand sourire qui vint fendre sa barbe en deux à la grande elfe qui le snobait superbement (Bah, elle sait pas ce qu'elle loupe). Derrière l'elfe se tenait sa copine la lutine qui tenait tellement fort son billet que l'extrémitée de ses doigts était blanc il lui adressa un nouveau sourire engageant, oui vraiment il aimait bien cette demi-portion. Puis un colosse arrivait en dernière position, nom de Kubi qu'il était grand et costaud, heureusement il avait moins de barbe que lui ce qui lui évita de complexer à côté de l'hercule. Sa crinière rousse détachée tombait sur ses épaules et suivait avec fluidité le moindre de ses mouvements, le grognon se promis de lui donner un conseil mode durant le voyage : la crête il n'y a que ça de vrai. Après ce rapide tour à détailler ses compagnons il se préoccupa à nouveau du public ... de SON public pensait-il. Il retira sa chemise trempée de sueur et la jeta dans la foule en prenant une pose particulière, les jambes écartées légèrement pliées, les deux bras levés se finissant par un index bien tendu vers les cieux, la tête légèrement rejetée en arrière avec les yeux fermés comme s'il attendait une bénédiction divine, peut être s'attendait-il à ce que les gens s'arrachent sa frusque ... celle-ci retomba mollement entre quatre badauds qui prirent soin de s'écarter de la puante guenille. Heureusement pour l'égo notre rock-star nanesque sa petite taille lui masqua ce terrible spectacle. Après avoir envoyé deux ou trois baisés à la foule, se tenant torse nu, les poils roux et frisés de sa poitrine et de ses épaules collés à sa peau par la sueur, le piercing à son téton gauche portant une canine de loup en pendentif qui virevoltait en tout sens à chacun de ses mouvements, il se retourna vers la jeune femme de l'accueil. Et lui tendis son billet toujours souriant :

"Tien mignonnette ..."

Puis il suivi ses compagnons sur le ponton, arrivé à l'intérieur le nain passa du sourire franc avec les yeux pleurant de joie à une mine sombre ... ses yeux se rétrécirent sensiblement, il observa ce qui se trouvait autour de lui et toucha ses haches passées en croix à sa ceinture derrière son dos pour vérifier qu'elles étaient bien là. Il détailla la femme en robe verte, kendrane, blonde, belle et élégante ... pas de doute.

(Pas maintenant mon gars ... pas maintenant.)

Il pris une attitude plus détendue et essaya de faire renaitre son sourire, en vain.

(Rapelle toi que les gens se méfient rarement des abrutits sympathiques ...)

Dépassant ses compagnons le nabot s'élança donc vers la jeune femme à qui il tendit une main sympathique avec un sourire niais comme s'ils se connaissaient depuis des lustres.

"Bonjour ! Je suis Arak, on m'a invité ici, c'est vraiment bien, quel beau bâtiment, de bien belle facture ... Je me demande si ça vol vraiment. Et vous, vous êtes ?"

Il pris la main de la jeune femme plus qu'elle ne lui tendit et s'inclina en une tentative ridicule de baise-main puisqu'il posa ses lèvres écumantes de sueur et de salive sur le dos de la main délicate. Il se redressa avec un sourire encore plus débile que le précédent ... non vraiment cet attardé ne devait pas être bien méchant ... juste, très lourd.

L’hôtesse, qui avait à peu près mon âge, me sourit, me souhaita la bienvenue, puis me donna des directives sommaires pour l’embarquement. Je lui répondis par mon petit sourire taquin. Elle se tourna ensuite vers le colosse qui venait de se placer derrière moi et lui fit le même baratin, toujours avec le même enthousiasme.

Avant de monter à bord, j’observai du coin de l’œil ce nouvel arrivant. Un frisson parcourut aussitôt mon corps tout entier. Il n’était pas entièrement humain, et c’est précisément son côté animal qui m’effrayait, il ressemblait beaucoup trop à un félin. Je déteste les chats, ce ne sont que de vilaines bêtes prétentieuses et sournoises. Et en avoir une à mes côtés m’angoissait grandement.

C’est ainsi que je me décidai à franchir la passerelle sans tarder. Mais les dieux en avaient décidé autrement. En effet, je n’avais pas fait deux pas, que le malheur fonça sur moi sous l’aspect d’un affreux loup gris aux dents plus que pointues. Je mis un certain temps à me remettre de ma surprise, puis je pris la poudre d’escampette. Le mieux étant de me sauver dans les hauteurs, je grimpai sur la première chose qui se trouvait près de moi. Agile, souple et aidée d’une peur sans précédent, j’escaladai facilement ces grosses jambes musclées recouvertes d’une épaisse fourrure orangée. Je n’arrêtai ma course qu’une fois rendue sur l’épaule de ce géant.

Ma fuite efficace mais un peu trop tardive aurait été vaine et ce gros canidé n’aurait fait qu’une bouchée de moi, si son maître ne l’avait pas attrapé in extremis par la queue. Ce dernier se confondait en excuse. J’étais encore trop sous le choc pour lui répondre quoi que ce soit. Tout en reprenant mon souffle, je le quittai du regard et me retournai vers le visage de mon hôte.

Et ce n’est que là que je réalisai ma bévue. Les yeux tout ronds de stupeur, la bouche grande ouverte, je regardai cet horrible facies de félin, sans pouvoir esquisser le moindre geste. Si j’avais réussi à échapper au loup, je venais du coup de me jeter dans la gueule du chat.

Sirat tentait d'être le plus aimable possible, le moins rustre. Mais la fée ne semblait pas réceptive à sa politesse. Elle présentait un air entre dégout et peur, qui vexa Sirat. Il n'eût pas le temps d'y réfléchir plus longtemps que la fée lui grimpa dessus, complètement alarmé. Elle se réfugia sur ses épaules. C'est alors qu'il vît le loup puis son maitre, qui dans sa tentative de maintenir son animal, percuta le semi-woran.

Quand on le bouscula, le naturel d'arpenteur de tripot reprit le dessus. Il se retourna, l'air taciturne vers l'importun. Le jeune homme avait le teint glabre, les cheveux argentés et des yeux rouges sang. Il tenait son loup qui avait tenté de croquer la petite fée. De sa carrure fine et élancé il mima une révérence.

"Hey ! Gamin fait attention avec ton chiot"

Sirat ne devait pas être bien plus vieux, mais le manque de pilosité de l'étranger jouait en sa défaveur. Il avait reconnu en lui une phalange de Fenris, il en avait déjà entendu parler. Ces peuples du nord étaient de redoutables guerriers, mais cet homme dégageait une drôle d'impression. Il ne répondait pas à aux critères ethnique tel qu'on lui avait décrit, hormis ses yeux et sa couleur de peau. Sans attendre qu'il leur donne une réponse, Sirat donna son ticket et entra sur le pont central, la fée sur l'épaule.

"V'la petite tes en sécurité maintenant"

Il jeta un regard amical à sa nouvelle amie, un sentiment d'apitoiement monta en lui vis-à-vis de ce minuscule être, si frêle. Puis il retourna à l'inspection du bateau. Il suivît les autres à l'intérieur.

L'elfe s'était déjà mis à l'écart, toisant le nain qui ne cessait de le surprendre avec son culot. En effet celui-ci était déjà passé à une autre victime. Sa tentative d'approche d'une humaine se languissant sur une chaise longue était déplorable. Sirat connaissait bien ce genre de gars, il en faisait partie, bien qu'il eût préféré les prostitués.

(ça évite les râteaux)

Il pensa à Azalée, un court instant il la revît, farouche et si sensuelle.

(j'ai peut être changé)

Il se frotta la tête, énervé par ses sentiments. Il marcha jusqu'à l'elfe, évitant le nain. Il le faisait trop gambergé. Il se posa à bonne distance de l'Hiniöne, posant son dos sur la balustre. Il reprit conscience de son invité d'infortune et se présenta à elle.

"Je m'appelle Sirat et toi p'tite c'est quoi ton nom ? "

Svalnir regardait d’un air jaloux le colosse dent-de-sabre et sa nouvelle amie. Ils se lançaient des regards amicaux. Voilà… Avec cette entrée, Svalnir n’avait pas œuvré pour se faire des amis. Il éprouvait une rancœur nouvelle à l’égard de cette espèce de… chat bipède, qui l’avait humilié en publique et en plus s’était présenté en sauveur de lutine en détresse. Elle lui avait grimpé dessus par hasard, parce qu’il se trouvait à côté, ça aurait pu être n’importe qui d’autre ! Alors qu’il ne joue pas le héros défenseur de l’opprimé…
Son regard haineux se tourna vers son loup.

- Tu aurais pu refréner tes instincts… Au moins pour cette fois. Dès le départ, à cause de toi, je suis pris pour un barbare…

Björn regardait le sol en couinant. La queue entre les pattes et les oreilles baissées, il avançait lentement comme s’il trainait le poids de sa culpabilité. Svalnir prit un air un peu moins sévère et estima que c’était suffisant. Le loup avait compris et il ne le referait plus, voilà tout.
Il repensa à ses paroles. Être « pris pour un barbare » était relatif, ici. Entre ce demi-félin qui s’exprimait de façon crue et ce nain exhibitionniste, ce n’était pas Svalnir le plus gros rustaud. Néanmoins il était certains que tous les trois étaient de grands amateurs de bières. Il le sentait, c’était physique… C’est peut être un grand cliché, mais en général, quand on est bourru comme eux, on a l’alcool facile. C’est une valeur sûre.
Svalnir se dit qu’il aurait l’occasion de faire plus ample connaissance avec eux après quelques chopines, le soir venu, une fois un peu désinhibé… Oh, et puis pourquoi ce soir ? La dernière fois que Svalnir avait voulu boire un coup il avait été interrompu. Alors, pourquoi pas ? De plus, étant donné le comportement de ces deux rustres, ça n’allait pas être eux qui allaient condamner son comportement ! Dans un éclair de détermination, Svalnir s’adressa à ses deux futurs compagnons de chope d’une voix puissante et assurée.

- Holà compagnons ! Que diriez-vous de faire connaissance autour d’une belle et bonne chopine de bière ? Il y a forcément de quoi boire sur ce rafiau des airs ! Aller, c’est la maison qui offre !

Dans son emportement, le montagnard ne se préoccupait guère de l’elfe et de ce qu’elle aurait pu penser d’une telle attitude. Simplement heureux de cette croisière et pressé de faire connaissance, il faut dire qu’il se laissait un peu aller…
Björn quant à lui avait trouvé une occupation nettement plus intéressante que cette chasse à la lutine : l’exploration de l’immense vaisseau. Il se dégourdit les pattes en attendant de pouvoir boire un coup, lui aussi.

L’hôtesse à l’entrée de la passerelle rougit à chaque nouveau passager qui monte.

Près du nain, à l’intérieur de l’Aynore (et donc pas sur le pont supérieur, mais dans la salle principale), la demoiselle blonde accueille le Torkin hirsute torse-nu avec un rictus à moitié surpris, et à moitié écœuré. Elle neréagit pas quand il lui prend la main pour l’embrasser, mais sitôt le geste d’Araksis terminé, elle récupère sa main avec dédain, vérifiant même qu’elle n’a rien. Pourtant, malgré un dégout ostensible envers la crasse créature, elle parle d’un ton gentil, quoi qu’un peu pincé.

« Il a intérêt à voler ! Je suis Tihanna Garow, et je suis, comme vous apparemment, participante de cette croisière. Comment êtes-vous donc parvenu à obtenir un tiquet gagnant ? »

Alors que ma bouche était encore toute grande ouverte, le colosse se fit bousculer, ce qui ne l’ébranla pas beaucoup, mais suffisamment pour me faire perdre pied. Je me retrouvai donc assise sur l’épaule droite toute poilue du guerrier. Ce dernier fit une petite remontrance au propriétaire de la vilaine bête, puis présenta son billet à la gentille demoiselle aux joues rougissantes.

Comme s’il avait oublié ma présence, l’homme-chat traversa la passerelle pour se rendre sur le pont supérieur. Moi, pendant ce temps-là, je profitai de la balade m’évitant ainsi beaucoup de soucis. J’étais bien soulagée de ne pas avoir à guetter tous ces pieds qui pouvaient à tout moment m’écraser. Comme je me demandais, ce que j’allais expliquer mon intrusion, mon confortable moyen de transport rompit le silence :

"V'la petite tes en sécurité maintenant »

Sa voix était grave, douce et agréable et puis son regard était bienveillant. De plus, une petite tresse blonde à sa natte rousse dégageait une délicate odeur de fruits des champs. Tous ces petits détails me suffirent amplement pour le classer du côté des gentils. J’allais donc le remercier de son hospitalité et m’excuser de m’être ainsi imposée quand il me devança :

"Je m'appelle Sirat et toi p'tite c'est quoi ton nom ? "

Je replacai mon petit chapeau de lutin, relevai fièrement le menton et me présenta tout gaiement :

« Je suis Guasina Roquin. L’ainée d’une belle famille de 6 petits lutins. »

Puis je baissai un peu les yeux, et prit un air désolé et sincère.

« Je m’excuse d’avoir grimpé ainsi sur votre épaule, sans vous avoir d’abord demandé votre permission. …Mais ce loup m’a effrayé, j’ai cru qu’il allait me manger. »

Fièrement, je rajouta :

« Oh, je ne suis pas une mauviette, mais je suis un délicieux en-cas pour les loups, les serpents et les chats. »

J’avais prononcé le dernier mot sans y penser, et je m’en mordis les lèvres. Il avait été gentil avec moi, et je ne voulais pas le moins du monde lui manquer de respect.