Cromax a écrit:
Puis soudain, dans le vacarme incessant des cris lugubres des morts-vivants, cachés par la brume et menaçants nos vies à coups de griffes et de dents, alors que la rage me ronge, que la haine m’habite et que mes yeux flamboient, je vois arriver auprès de nous une aide, deux compagnons, deux amis parmi les cadavres debout.
De et le médecin bien dépourvu dans ce monde cruel et sans pitié, approchent de la position où Lillith et moi nous tenons toujours, défendant cher nos vie contre les assaillants nombreux, mais faibles. Me débarrassant d’un nouvel ennemi, d’un geste souple des deux lames, je saisis mon amant par la taille… La présence du Cryomancien et de mon ami drow m’apaisent un peu, même si ma colère est toujours présente envers ceux qui ont osé nous attaquer, envers ce visage enflé rougeâtre qui flotte dans le ciel comme un gros ballon maudit.
Je retrouve mon côté elfique, petit à petit, délaissant la bête qui m’habite, laissant partir la haine, retrouvant ma joie de vivre. Je suis toujours vivant, et les personnes auxquelles je tiens également. Mais où sont nos autres compagnons ? Morts ? Perdus dans la masse ? Où est Lothindil, Où est Bogast ? Où sont Lelma, Seyra, Seldell et Keynthara ?
(Où êtes-vous bons amis ? Vous reverrais-je un jour ?)
(Ils sont en vie, mais préoccupe-toi de la tienne avant tout !)
Rassuré par ces paroles de Lysis, j’arrive avec mon amant près du Drow et du médecin humain. Ils ont l’air fourbu… je le suis aussi, las de me battre avec autant d’acharnement pour sauver une vie à laquelle je tiens tant… Pourquoi avoir choisi l’aventure, pourquoi ne pas s’être installé dans une maison paisible avec un boulot sans soucis, des amis, des marchands, des habitudes…
(Parce que ce n’est pas la vie qui te convient, tu le sais ! Tu as besoin d’aventure, tu as besoin de changement, de la vraie vie, et non pas d’un semblant…)
Elle a raison, comme toujours, et elle sait que je m’accorde à ce qu’elle dit… Je lève les yeux au ciel, vers la tête immonde qui semble toujours me fixer. La colère gronde, cet ennemi qui ne s’est pas présenté, ce monstre horrible qui envoie sur nous son armée de morts. Tout me répugne en ce crane écarlate dont je veux voir le sang couler depuis le premier regard.
Puis, tranchant toujours des têtes, broyant des cages thoraciques, nous frayant un chemin vers l’inconnu parmi les cadavres animés, j’aperçois au loin, à travers le brouillard, une forme sombre, qui s’élève au dessus de la plaine, une colline de roche, une montagne naine, mais imposante… je crie à mes camarades, arrachant sauvagement le pied et la jambe d’un cadavre d’un coup de sabre dans l’aine :
« Regardez, devant ! Une montagne ! Allons-y, c’est le meilleur moyen de se repérer… Si les autres pensent comme nous, ils nous rejoindront ! »
Puis je continue ma marche vers la pente, traînant avec moi Lillith, De et le médecin, qui suivent tant bien que mal mes assauts acharnés. De forme à lui seul une arrière garde sûre, alors que je fais l’avant poste de notre armée de quatre. Et nous protégeons les deux mages privés de leurs pouvoirs, qui se défendent quand même tant bien que mal contre les assaillants latéraux, les laminant de leurs armes moins performantes que les miennes.
Puis, progressant petit à petit, je distingue une source de lumière bleutée au dessus de nous, au sommet de cette montagne qui nous domine de toute sa hauteur. Poussé de plus en plus par la curiosité, nous avançons de plus belle pour découvrir la source de cette lueur vive, sans qu’elle nous soit jamais transmise ni révélée.
Nous approchant toujours plus, nous finissons par voir disparaître la lumière alors que l’entrée d’une grotte peu à peu se dessine devant nous… Curieux et prudents, nous nus approchons, et j’oublie presque cette curiosité disparue à nos yeux… C’est une mine qui nous fait face… Mais que peut donc faire une mine dans un cimetière ? Que donc cache ce tunnel qui s’étend devant nous ?
Curieux, je m’empresse d’y entrer sans même demander l’avis de mes compagnons, qui me suivront sans doute, ou du moins je l’espère… Si on fait une rencontre peu recommandable, il faudra bien laisser un de nous pour avoir le temps de nous enfuir… Et qui d’autre que le médecin couard et geignard pourrait correspondre le mieux à ce rôle ?
Je pénètre donc avec vigueur et enthousiasme dans le tunnel sombre, avec une impression de déjà vu… J’en suis d’ailleurs étonné puisque dans ma mémoire, je ne me souviens pas avoir visité une grotte ou autre excavation de ce genre…
(Les tiens étaient plus humides…)
(Ah ? Tu crois ?)
(Oui… Et ils sentaient moins fort)
En effet, une puissante odeur infâme de décomposition avancée me parvient cruellement aux narines, submergeant tout mon odorat qui s’irrite en sentant ce fumet cramoisi qui nous parvient en un vent froid, comme si la mine respirait de son haleine putride et nous soufflait à la face pour mieux nous avaler.
J’entre donc le premier, glissant telle une ombre dans l’obscurité des lieux. Le brouillard se dissipe dans les profondeurs de la terre, et malgré une obscurité oppressante, je vois parfaitement tout ce qui se passe autour de moi, autrement dit, rien. Je marche, les autres derrière moi, Lillith très derrière moi, le coquin, et nous ne tardons pas à arriver à un croisement où un triple choix s’offre à nous, alors qu’autour de nous, des râles et gémissements plaintifs apparaissent, provenant de la voie d’en face. Je me tourne alors vers mes compagnons…
« Nous pourrions nous séparer et tout explorer, mais nous sommes plus forts ensemble… Il semblerait que l’on souffre par devant, si nous allions voir ? »
(Tu comptes les aider ? Toi altruiste ?)
(Non, mais ils feraient d’autres appâts à laisser aux monstres que nous rencontrerions…)
(Machiavélique… Tu me plais de plus en plus…)
(Oui je sais…)
Je reprends donc la parole.
« Nous pourrions les sauver et nous en faire de précieux alliés… Mais il faut d’abord voir ce qui se cache là-bas… Attendez-moi là, je vous préviens dès que je vois quelque chose… Je suis le plus discret d’entre nous, je me faufilerai pour regarder tout ce qui se passe… Si je crie, venez me sauver… »
Je pose alors un tendre regard sur Lillith, lui embrassant la main en lui disant doucement :
« Je reviens vite… »
Puis, me couvrant de ma cape aux couleurs changeantes, je marche sans un bruit vers les cris, me dissimulant dans les ombres et les recoins afin que nul ne me voie…