Kerkan a écrit:
Assis près du rocher, je vis les insectes me contourner, aucun d'eux s'en était allé. J'eus quelques secondes de répit, mais, ils entamèrent une nouvelle salve, les dards pointaient dans ma direction. Je réussis à en éviter deux en me penchant sur la droite, cependant les autres me mordirent sans retenue la jambe gauche, un nouveau gémissement sortit de ma bouche. La douleur me lancinait de toutes mes blessures et je sentais la fièvre apparaître ainsi que des nausées. Le poison continuait son chemin dans mes veines sans que je pusse faire quoi que ce fût. Mon corps était de plus en plus lourd, je dodelinais du chef, il aurait fallu un miracle pour que je m'en sortisse.
Non loin de moi, le griffon me regarda et poussa un petit cri comme s'il avait compris ce que je lui avais demandé. D'un nouveau coup de bec, il se chargea d'une bête volante et se releva péniblement sur ses pattes. Il se mit à faire quelques pas vers moi, un, deux, trois...
(Il fait de multiples efforts, je ne peux pas le laisser venir seul...)
Rassemblant mes dernières forces et mon courage, je me mis debout moi aussi. Aidé de mon bâton, je marchais vers le griffonneau, respirant avec d'énormes difficultés. Cette image était émouvante car nos deux corps mutilés s'approchaient l'un de l'autre, souffrant ensemble, poussant des cris de douleur à chaque pas;il y avait quelques minutes de cela, nous étions comme des étrangers et à présent nos malheurs similaires nous rapprochaient. Cependant, cette scène n'en paraissait pas moins effrayante, j'étais quand même en train d'avancer vers une créature sauvage, capable de me déchiqueter d'un coup de griffe. Elle aurait très bien pu profiter de ma faiblesse pour me dévorer...
(Stop ! Kerkan, ne pense pas à cela, c'est trop glauque !)
Faisant abstraction de mes peurs, je me mis à déclarer au griffon pour le rassurer et pour qu'il s'habituât à ma voix :
« N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal.»
(Comme si j'étais capable de l'attaquer dans l'état dans lequel je me trouve. Dans ces moments-là, je peux être d'une bêtise incroyable.)
Nous allions bientôt nous rencontrer, mon coeur n'avait jamais battu aussi vite. De près, j'observais ses nombreuses plaies maculées de sang, à certains endroits la substance écarlate avait déjà coagulée, laissant place à de nombreux caillots plus sombres. Derrière lui, la horde de grosses mouches allait bientôt arriver à notre hauteur, tout comme mes ennemis qui me suivaient toujours.