Je commençai par suivre un sentier au tracé presque longiligne mais qui très vite s’enfonça dans les sous-bois les moins praticables, en tout cas pour tout être ayant une taille d’homme et plus. L’indice le plus probant quant à la population locale fut le nombre grandissant de traces et d’empreintes présents sur les pistes qui rejoignaient ou croisaient le mien. Des traces que je ne cherchai même pas à reconnaître mais que je m’empressai de contourner.
Je marchai alors en essayant de garder une trajectoire directe … mais après plusieurs minutes je dus me résoudre à un état de fait : j’étais complètement perdue.
Rien d’étonnant cependant. Comment s’y retrouver dans toute cette touffe verdâtre où chaque arbre était le sosie d’un autre, quand il était d’ailleurs tout simplement impossible de garder le cap en évitant sans cesse les hautes racines, les arbres couchés et les sous-bois infranchissables en ligne droite.

Tout au fond de mon esprit pragmatique, je laissai cependant une petite place à l’espoir d’avoir choisi le bon chemin … mais la densité et l’oppression de la forêt s’opposaient à la désertification attendue à l’approche de la rivière. L’odeur était certes plus agréable, mais ce n’était pas à mon nez que ce jugeait la précarité de ma situation.

Je continuai ainsi encore plusieurs longues minutes, n’ayant pour seule compagnie que l’écho de ma rancœur, à imaginer quel accueil réserver à celui à qui je devais d’être ici, loin de toute civilisation, à trainer les pieds sans savoir quoi, où, qui ou comment ; à me demander quelle utilité pouvait avoir quelqu’un comme moi dans cet îlot de verdure.


Lorsque je j’entrevis la clairière à quelques mètres de là, l’infime espoir d’être dans la bonne direction était déjà au fond d’un abysse. L’existence naturelle d’un tel lieu aussi proche de la rivière était difficile à concevoir. Même s’il m’était difficile d’être en extase devant la multitude de fleurs aux couleurs matinées, je me devais de reconnaître que cette clairière était incroyable … et rien ne me rend moins confiante qu’une allure trop parfaite ou trop propre, surtout quand elle grandit dans un environnement nocif.
Je m’arrêtai avant de l’atteindre, dissimulée autant que faire ce peut derrière un arbre au tronc tortueux et moussu. Je cherchai des yeux un chemin qui contournait la clairière ; car j’étais presque intimement persuadée qu’elle se refermerait sur moi comme une plante carnivore ; lorsque j’entendis au loin un son enfin différent du piaillement incessant des oiseaux.
Un son familier qui ne me rendit pas plus confiante mais qui avait au moins l’avantage de me donner involontairement un but à toute cette marche. Qu’elles soient réelles ou imaginées par mon esprit, je me dirigeais vers les clameurs qui s’élevaient au loin.

J’y allais cependant avec une prudence à peine disproportionnée. Cette fois, j’avais bien l’intention d’observer de loin avant de me retrouver en un clin d’œil la prochaine pour un aller simple et rapide contre un arbre.