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 Sujet du message: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Lun 8 Fév 2016 00:48 
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Illyria - Les alentours

    Cromax et Hrist reprirent leur chemin au travers du bocage illyrien. Au fur et à mesure de leur progression, ils purent constater, bien avant de voir les murs de la ville, que les champs et les habitations se densifiaient considérablement, de même qu'ils croisèrent un nombre croissant de personnes. Finalement, alors que le soleil se couchait à l'issue de leur journée de voyage, ils arrivèrent au-dessus d'un promontoire dominant une gigantesque cité en contrebas, Illyria, la Cité des Hommes. Il s’agissait d’une ville, d'une métropole gigantesque faisant probablement deux fois la taille de Kendra Kâr. Très urbanisée, elle s’ornait çà et là de bâtiments colossaux qui surplombaient les autres, les écrasant sous leur masse. La cité, illuminée de teintes orangées sous le soleil couchant, était si grande qu'ils ne parvenaient à en voir les extrémités. Au loin, ils pouvaient, s'ils se concentraient apercevoir vaguement les contours du détroit d'Illyria.

    Image


    Les deux aventuriers ne pourraient parvenir aux murailles de la cité avant la nuit tombée, mais il semblait que des faubourgs étaient accessibles, à moins qu'ils ne souhaitent passer la nuit dans l'un autre des petits bosquets, quoi que plus rares, qui les entouraient encore.


[Possibilité d'agrandir l'image en cliquant dessus]


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Lun 8 Fév 2016 12:58 
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Sans honte ni dissimulation, Hrist me confirme qu’elle était la baronne de Keresztur. Intrigué, je lève un sourcil pour écouter ce qui suit. Elle minimise ses chefs d’accusation, et les remet en situation. Ses griefs de torture et de condamnation forcenée n’étaient apparemment liés qu’à un sens particulier de la justice sur ses terres, à l’encontre de hors-la-loi ou, comme elle les appelle, les voleurs, menteurs et bandits. Tuer un homme parce qu’il a menti ? Voilà une punition bien rude, mais elle ne semble pas souligner l’incongruité. Sans doute fait-elle là l’aveu de sa propre monstruosité, de son manque de cœur, et de pitié. D’une banalisation du meurtre jusqu’à minimiser la mort et ses conséquences pour les êtres lambda. Elle est morte deux fois… ça doit jouer. Mais était-ce avant, ou après son refoulement du château du Comté de Bouhen ? L’histoire ne le dit pas. Pas encore, en tout cas.

Elle poursuit ses explications en notant une forte rivalité avec la guilde des marchands de Bouhen, dont elle aurait fait taire un… manège. Étrange, je n’ai pas entendu parler de cette affaire. Quoiqu’il en soi, ils semblent l’avoir mal pris, puisqu’ils sapaient son autorité à chaque coin de rue sous prétexte qu’elle était une usurpatrice. Une elfe grise à Bouhen… Quelle légitimité aurait-elle pu avoir, si ce palais est un domaine officiel du Royaume ? À nombreuses reprises, ils s’en seraient pris à elle en tentant de l’empoisonner. Elle y a réchappé en y laissant la mort de nombreux goûteurs. Des goûteurs… Voilà bien un métier que je ne comprends pas. Risquer sa vie pour épargner celle d’un autre. Mais sans technique particulière, sans art de la défense. Juste en bouffant ses plats avant elle. Quelle misère. Comment un homme peut-il en arriver là ? Peut-être est-ce bien payé ? Mais à quoi bon, si c’est pour mourir en vomissant ses tripes et son sang ? Une servitude qui me déplait au plus haut point, et dont l’usage me répugne. Mais ça n’excuse en rien les actes de la guilde, qui semblait réellement lui en vouloir au plus haut point.

Mais l’histoire qu’elle raconte alors, si elle était censée m’effrayer des mœurs de ma nouvelle épouse, m’amuse plus qu’autre chose. Car sa vengeance, elle l’a obtenue, et de la manière la plus classe qui soit : en retournant leurs armes contre eux. Suite à un repas officiel visant, sans doute, à rabibocher les deux partis, et pendant lequel elle a une nouvelle fois subi cinq tentatives d’empoisonnement, elle a fini par faire égorger le moindre membre de la guilde présent ce soir-là dans son sommeil. Marchands, femmes et enfants. Mais comme sa haine n’était pas rassasiée, elle a fait pendre, le petit matin venu, les corps des cadavres jusqu’à ce qu’ils soient rongés par les corbeaux, avant de leur trancher la tête. Ah ben voilà, la baronne sanglante dont j’avais entendu parler ! Le détail le plus sordide de son histoire reste cette affaire de masques de chair humaine constitués à partir de leurs têtes tranchées… Mais bon, passons ses amusements macabres. Alors qu’elle finit son histoire d’une rime et d’un petit rire cristallin, je ne peux à mon tour m’empêcher de pouffer.

Mais bien vite, elle poursuit, alors que la journée avance sous les pas cadencés de nos montures fiables. Elle affirme n’avoir, pour sa part, pas un rôle d’agent double. Aucun ne l’acclame, et chacun la craint. Elle est la lame ensanglantée dans l’ombre, le poison sur le coin d’une lèvre, le cri dans la nuit. Une assassine. Je prends la parole, plus sérieusement.

« Vous savez, Hrist, pour préserver une image de chevalier blanc héro du peuple, il faut avoir plus qu’une part d’ombre. Car vos actes les plus sombres, s’ils éclatent au grand jour ça entre dans votre personnage et instille la peur dans le cœur de vos ennemis. Les miens ne doivent souffrir d’aucun témoin… pas même quand une cité entière a vu. C’est ainsi qu’une population entière d’une cité de Saldana, planète des sables, a brûlé avec tous ses citoyens. Pour couvrir le meurtre d’un seul, qui mettait ma position en doute. Parangon de foi qui, finalement, s’est retrouvé le traître empreint de folie de la version officielle des faits. »

S’en est suivi une alliance ferme entre Saldana, monde allié à Aerq et ses sbires, et Tulorim. Le premier chapitre de mon emprise sur la capitale d’Imiftil. Je la fixe de mes yeux noirs.

« J’ai eu mon lot de massacres, et ils ne sont pas plus héroïques ou moins sanglants que les vôtres. Peut-être sont-ils juste… moins connus. »

Elle s’amuse de relever l’incongruité de voir se retrouver deux serviteurs de la Reine Noire s’unissant pour sauver un monde de la destruction. Je me pare d’un air incrédule pour répondre :

« Un hasard ? On vous a envoyée ici pour que vous me secondiez. Il n’y a aucun hasard. Juste des choix dont on ne perçoit pas toujours les buts ou les conséquences. »

Un maigre sourire se plaque sur mon visage d’argent. Aucun hasard, non. Et je compte ici ne rien laisser au hasard, ni la concernant, ni concernant tous les officiels que nous rencontrerons sur ces terres. Car une fois encore, mes buts sont doubles. Sauver le monde, oui, dans la version la plus officielle et héroïque qui soit, de quoi me faire acclamer des foules et aduler de tous… Mais pas pour rien. Ce monde ne sera que le second chapitre de mon emprise sur Tulorim. Et d’un rapprochement entre l’Empire et ma cité. Hrist dévie d’ailleurs le débat sur mes buts concernant la cité des Whiels. Elle souligne, premièrement, sa splendeur par la neutralité, et la mixité de sa population. C’est aussi ce qui me plait, en Tulorim. Rien n’est blanc, ou noir. Tout est en nuances de gris. Le reste de son discours, pourtant, fait passer une ombre sur mon visage. Elle semble placer en moi l’espoir d’une prise de pouvoir stricte sur la cité, me demandant si les hommes me suivraient, et affirmant que je pourrais être ce genre d’homme. Un héro faisant rêver les petites gens, un modèle pour tous, une légende vivante. Ce qui me pose problème, c’est quand elle l’associe à un asservissement de la population. Je réponds, peut-être un peu plus sèchement que je ne l’aurais voulu.

« Je n’ai pas vocation à diriger. J’espère avoir de l’influence sur le peuple de Tulorim, oui. Afin qu’il s’allie à Oaxaca, sans se soumettre pour autant. Mais je ne leur ordonnerai pas de me suivre. Je les laisserai choisir la meilleure voie. L’asservissement, l’ordre, les lois… Je laisse ça à Kendra Kâr. Je ne crois qu’en la liberté. Je ne crois qu’au chaos. Car c’est ça que propose Oaxaca, et non un ordre mondial dont elle gèrerait le moindre citoyen comme une extension d’elle-même. C’est ce qui la différencie des cités de l’ordre comme Kendra Kâr, Oranan, Cuilnen. C’est ainsi que je la vois, et ainsi que je m’y suis allié, sans me soumettre plus que Tulorim ne se soumettra. »

J’espère avoir été clair sur la question. Je ne vois pas en Oaxaca l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Aucun ordre, même. Juste la liberté la plus absolue, le chaos, chacun vivant selon ses propres envies, suivant qui il a envie de suivre et se faisant protéger par plus puissant s’il le souhaite. Un monde où la force gouverne, et non des nobliaux dépourvu de toute sapience ou de toute qualité martiale ou de survie.

Elle affirme sa haine de Kendra Kâr et de sa volonté de dominer le monde, mettant en marge ce qui ne lui ressemble pas. Mais n’est-ce pas exactement ce qu’elle souhaite à son tour, mais selon sa propre vision du monde ? Elle parle d’anéantissement du monde… Je ne la suivrai pas là-dessus. Ses propos anti-humains me bousculent. Moi aussi, à une époque, j’étais condescendant vis-à-vis de ceux que je considérais comme des faibles, comme des créatures indignes et vulgaires. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de revoir mon jugement, depuis.

« Anéantissement, éradication d’une race… Ce sont des propos que je ne peux pas cautionner. Une révolution est nécessaire, oui. Mais c’est les individus qu’elle doit toucher, non les espèces. Tous les mettre dans le même sac est aussi réducteur que d’affirmer que tous les sindeldi sont des fanatiques religieux épris du pouvoir de leurs pairs. Nous sommes deux exceptions à cette image. Et nombre d’humains valent plus que ceux qui les représentent. Bousculer le pouvoir en place, oui, mais pas au prix de tout un peuple, de toute une civilisation. Car nous ne vaudrions alors pas mieux que Kendra Kâr, lorsqu’elle se débarrassa des orques, des gobelins, et de ceux qu’elle considérait comme de la racaille. »

Dans mon esprit, je sens Lysis en communication avec la faera de Hrist, dont j’apprends qu’elle se nomme Cèles. Mais elle m’en bloque l’accès, sans que je cherche fondamentalement à savoir ce qu’elles se disent.

(Bah… Disons qu’il a l’air un peu lourd avec ses discours pleins de bonne volonté, mais c’est quand même le premier à sortir les lames quand un bon massacre se prépare. Du moment qu’on ne touche pas à sa liberté, et à celle de ceux qu’il considère comme ses amis et alliés, il est prêt à tout. Elle est aussi… barge qu’elle n’y parait, la tienne ?)

Sans que je le remarque, le décor de notre cheminement a changé légèrement. Les plaines herbeuses aux futaies assez nombreuses ont laissé place à des terres arables et cultivées. Des champs aux cultures diverses, et des paysans levant à peine leurs yeux à notre passage, pris dans leur labeur quotidien. Ils ne se doutent en rien des choses qui se trament dans les hauteurs de ce monde, chez les puissants. Et c’est aussi ça que j’apprécie, chez un peuple comme les humains. Une énorme capacité d’abstraction. Vivre et laisser vivre.

Nous croisons la route de quelques villages lointains, sans nous y arrêter, et alors que le soleil doux décline dans le ciel, nous n’avons plus à portée que bosquets épars, au milieu des champs.

« Arrêtons-nous là, pour cette nuit. »

C’est une proposition plus qu’un ordre, mais moi-même je m’y dirige pour descendre de ma monture et l’apprêter pour la nuit. J’attends l’arrivée, et les commentaires de Hrist pour monter le campement avec elle et manger un bout. J’ai du mal à imaginer quel pourra être l’ambiance entre nous… Tout dépend de comment elle prendra mes propres propos, j’imagine.

[1754 mots]

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mar 9 Fév 2016 05:39 
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De toutes évidences, Cromax était pour Hrist une oreille très attentive, chose qui se faisait rare, d'ordinaire, personne n'aurait eu un semblant de sourire en écoutant les exploits de la femme. Cromax lui, non seulement souriait mais appuyait ses dires par une surenchère lui expliquant avec douceur que malgré son idée arrêtée du chevalier blanc et de la tueuse sombre, il avait aussi son lot de massacres pour conserver la blancheur qu'il arborait à toute heure.

Mais brûler un lieu entier pour dissimuler un meurtre, ça, ça parlait à Hrist qui avait aussi l'incendie facile. Elle aimait passionnément le feu. Les flammes dévorant le monde, un appétit maléfique, malin et cruel qui ne faisait aucune différence entre le bien et le mal, véritable chevalier de l'apocalypse, le feu avalait sans peine ce qui se trouvait sur son passage qu'il s'agisse de chair humaine, animale ou de maison, paille... On dit même en certains endroits que le feu sait se faire si ardent qu'il fait éclater les rochers en deux sous l'effet de sa langue brûlante.

(" Saldana ? Jamais entendu parler. Cela dit, planète de sables... Tout ça m'évoque vaguement le désert à qui abrite de nombreux peuples nomades... Comment s'appelle-t-il déjà ?")

Cromax avait su marquer des points avec cette remarque, même si elle semblait avoir été faite pour apaiser le débat, Hrist appréciait les choses simples, la mort, les poisons et les incendies. Son " époux " venait d'en mentionner déjà deux. C'était un excellent début.

Mais vint ensuite un point de désaccord. Cromax venait de stipuler ne croire qu'en la liberté. Hrist lui jeta un drôle de regard le temps d'une seconde tandis qu'il terminait ses dires. Certes, Kendra Kâr était faite de règles et de lois que tous s'imposaient. Mais Omyre aussi, il n'y avait pas que les lois imposées par les Hauts dirigeants des pays. Hrist elle même du temps où elle fut Baronne " Sanglante " avait imposé des lois qu'elle jugeait nécessaire, ça allait du simple " tu ne tueras point "- qui avait fait mourir de rire Cèles- jusqu'au " mens à la Baronne et tu finiras empalé sur le haut d'une colline ". Il y avait aussi d'autres lois plus... Singulières, qui n'étaient pas imposées par des Nobles ou des Prêtres, ce genre de règles officieuses que la mère et le père transmettait à leurs enfants en espérant les voir un jour les appliquer jusqu'à leur tour, les transmettre.

« Omyre... Kendra Kâr, Tulorim ou Oranan. Il n'y aura pas de mélanges. Le grand vaut mieux que le petit. L'homme que la femme. Le blond que le brun. Le riche que le pauvre. Le bien né que l'enfant trouvé. Le beau que le laid et les gobelins et orques, eux, ne valent rien. Voilà. Quand on a des bonnes qualités, on vit entre soi et quand à l'inverse on ne les a pas, on vit encore plus entre soi. Et si, par miracle un grand et beau mâle blanc reconnaît un certain charme à une vilaine petite au teint trop foncé, on trouve alors un côté philosophique comme quoi, même la plus insignifiante petite merde peut avoir une utilité à un moment donné. Avec un peu de chance, la populace s'esbaudit, on fait une fête, on égorge un cochon et après l'avoir bouffé, on retourne à ses serviettes. Sauf les gobelins et les orques qui eux, sont des torchons. »

(" HEY ! Sale copieuse ! C'est de moi, ça !")

Elle pensait justement à Faëlis et Pureté qui illustraient un superbe exemple de ce portrait. Si à cette heure là, l'Elfe blanc n'avait pas perdu son sang froid face au franc parler de la jeune femme... Mais pour en revenir au débat initial, Hrist se devait aussi d'admettre que Cromax n'avait pas tout à fait tort, rien ne servait de faire tomber un système si c'était pour en remettre un équivalent en place. Ca n'aurait aucun sens. Kendra Kâr pourrait bien brûler et laisser Tulorim ou Omyre grandir et prospérer, si l'une des deux villes restantes venait à adopter le même système politique, ces décennies de guerre allaient recommencer en un claquement de doigt et on trouverait cette fois de spectaculaires batailles navales entre Nirtim et Imiftil ce qui convenait assez bien à Hrist, elle aimait beaucoup naviguer.

La tueuse imaginait déjà le spectacle. De vastes étendues d'eau devenue pourpre sur laquelle flottaient au gré des vagues cadavres et bois brisé. On y trouverait de jolies carcasses de superbes bâtiments maintenant réduits en échardes encore fumantes, lentement aspirées par les fonds s'en allant sombrer dans de profonds et inaccessibles gouffres sous-marin.
Avec un peu de chance, les enfants allant au petit matin récupérer des coquillages pour la soupe du pêcheur retrouveraient porté par les vagues nocturnes le cadavre de quelqu'un qu'il connaissaient, l'écume aux lèvres, la peau boursouflées d'avoir été ainsi balloté par les flots. Un doux songe qu'elle avorta aussitôt, il aurait été impoli de ne pas écouter Cromax finir.

Il semblait être là un doux rêveur. Non seulement en annonçant qu'il n'était pas prédestiné à diriger mais aussi en précisant que les humains valaient mieux que ce qu'ils paraissaient. A ces mots, Hrist aurait bien pu se proposer d'aller traquer à elle seule Valérian, tuer sa garde rapprochée et torturer le prince héritier de Valmarin jusqu'à le forcer à devenir son chien personnel et le ramener à Cromax à quatre pattes et bien dressé. Hrist savait parfaitement jusqu'où pouvaient aller les hommes sous la torture et qu'une lame sur la chair savait faire couler plus de mots qu'une plume inspirée sur du parchemin.

Cela dit, elle s'abstint de ce genre de remarques piquantes histoire de garder en réserve ce côté un rien impulsif de sa personnalité.

" Qu'est-ce que la prédestination ? Suffit-il d'être bon dans ce que l'on fait ? Ou alors faut-il être né pour le faire... J'y vois une singulière différence. Revenez quatre-vingt-dix années en arrière et prenez dans vos main le bébé innocent que j'étais. En regardant ce petit boudin rouge là où il n'est pas jaune et ratatiné comme une vieille noix autour d'une glotte vibrante d'indignation, qu'est-ce qui vous ferait entendre que je serais la première tueuse de Xenair ? "

Elle marqua une courte pause, léger sourire aux lèvres, certes, il était possible qu'elle soit un tantinet en train de gonfler son nom en mentionnant qu'elle était la première assassine du Général d'Oaxaca, mais elle estimait que son titre n'était pas tout à fait usurpé.

" Rien ! Il ne s'agit pas d'être prédestiné mais d'être à la hauteur de la tâche. Je n'étais pas plus prédestinée que vous à venir sortir de la panade ce monde mourant et pourtant, c'est devenu ma tâche comme la votre. Je ne pense pas qu'il s'agisse de prédestination. Après ! " Dit-elle en levant l'index en l'air d'un air un rien sévère. " Je suis d'accord avec vous, pas trop d'amalgames dangereux. Tous les humains ne sont pas pareils, certes. Un fait. Au même titre que tous les Garzoks ne sont pas les mêmes. Mais pourquoi détester que les humains lorsqu'on peut détester tout le monde ? J'aime particulièrement maltraiter les Shaakts. Je ne sais pas pourquoi. Ah ! Si. Ils m'ont torturée pendant des semaines ces salauds. "

Elle aurait bien été tentée de lui montrer les cicatrices, mais elles étaient partout sur son corps aussi, voyager nue ne faisant pas partie de son plan, là aussi, elle s'abstint.
Se tournant vers Cromax, elle lui dit d'un sourire radieux :
" Je devais les interroger pour une histoire de trafic d'esclaves. Au lieu de ça je les ai tous fait éviscérer et pendre à la grande voile de mon navire. Nous sommes rentrés au port et on ne voyait plus que nous. Imaginez un peu combien de mouettes une guirlande de presque soixante cadavres les tripes à l'air peuvent attirer. L'interrogatoire n'a pas été mené. Je m'en fichais."

Elle termina en levant les yeux au ciel s'assombrissant de plus en plus avant de murmurer

" J'm'en fiche toujours. "

C'est à ce moment qu'ils commencèrent à croiser la route d'humains. Enfin, il s'agissait là de quelques hommes et femmes sur les routes trainant lamentablement derrière eux quelques charrettes de légumes. Ils ne semblaient pas prêter attention aux deux Elfes, d'ailleurs, ils ne levaient même pas les yeux devant les montures. Hrist se posa alors l'essentielle question de sécurité sur les terres d'Ilyria.

(" Tu as vu ça ? Ils n'ont même as pris la peine de regarder. Ils.. M'enfin quand même ! ")
(" Bin quoi ? Chez eux deux cavaliers ne signifient pas forcément : viol, meurtre, incendie. Choisi l'ordre qui te convient le mieux. ")
(" ... On est vachement loin de chez nous. ")
(" Je te le fais pas dire. Ici, on dirait que les paysans ne craignent rien des visiteurs. Comme quoi... Bon, j'ai commencé à causer avec sa Faera. Une chouette boule de fluide. ")

Cèles à Lysis
" N'empêche, je n'ai jamais vu une telle symbiose entre une Faera et son Maître. C'est étonnant hein, de temps en temps, je fais apparaître des araignées et des bestioles répugnantes pour elle, mais toi, le coup de la boule de feu c'était étonnant ! J'avais pas vu ça depuis des millénaires. Et encore ! Quant à Hrist... Disons qu'elle n'est pas barge... C'est juste qu'elle a un sens de l'humour très approximatif. Et pas de grande expérience dans les relations humaines. Ca fait d'elle un personnage complexe mais je travaille à la rendre plus aimable parfois. Cela dit, ils font la paire, nos deux Elfes. Entre le tien qui est volontaire à tout bout de champ et la mienne qui te dégueule des litres de pessimisme par minute, on peut dire qu'on se trouve bien placées. "

Hrist repensait en silence à tout ce que Cromax avait pu dire jusque là. Certes, l'homme était bien venu pour accomplir sa tâche mais se faisant, il caressait l'espoir incertain de voir une alliance entre Tulorim et Elysian pour profiter à Oaxaca mais il maintenait fermement se dire libre. Au final, Hrist ne voyait là qu'un immense échiquier sur lesquels les pions avançaient, poussés par une main obscure au dessus de leur tête qui leur disait où aller et où s'arrêter.

La Tueuse n'était pas très à l'aise avec le concept de la liberté et du libre arbitre. Elle savait parfaitement que c'était un véritable nid à emmerdes et à mesure qu'ils avançaient sur les terres d'Ilyria, ainsi perdu dans ses songes, elle ne remarquait même plus que les paysans ne les remarquaient pas davantage... Et ils continuèrent, Hrist perdue dans ses songes de plus en plus profonds.

Cromax offrit de faire une halte ce que Hrist s'empressa d'accepter de bon coeur. Son derrière commençait à devenir douloureux de cette journée à cheval et ta tenue raide de crasse ensanglantées avait bien besoin d'un peu d'attention histoire d'être un minimum présentable pour leur entrée en ville. Si les patelins et les champs commençaient à devenir de plus en plus nombreux, il n'y avait nulle trace de cité humaine pour l'instant. Prenant son mal en patience, Hrist descendit de Peste Noire et se fit craque les vertèbres en s'étirant de tout son long dans un miaulement fatigué. La jeune femme avait de petits yeux embués de larmes de fatigue et elle était quelque peu pressée de s'allonger, un campement n'était pas nécessaire à ses yeux, un simple couchage pour tout confort lui suffirait largement.

" Vous comptez refaire un feu ? Pour ma part ça n'a pas d'importance, on a de quoi manger froid et puis... Je n'ai pas vraiment peur du noir. Faut dire que je ne pense pas qu'il y ait danger plus grand que nous en ces lieux. " Dit-elle d'un haussement d'épaule.

Elle rajusta sa ceinture à laquelle pendaient ses deux armes et roula sa cape et sa capuche de façon à en faire un drapé confortable dans lequel elle pourrait s'endormir lorsque le besoin se ferait trop pesant.

" Vous avez donc fait brûler un peuple entier pour cacher vos secrets... Hm. Pas étonnant que peu de rumeurs ne survivent à vos exploits. Pour ma part, cette vie est pleine d'ironie. J'ai tué de mes mains des gens que j'aimais. Une jeune femme par exemple... A Lebher. Je devais infiltrer des assassins eux même infiltrés dans une guilde le tout sans me faire découvrir par mon camp ou le camp adverse. Une mission délicate s'il en est. Je travaillais comme servante, un excellent moyen de pouvoir fouiner partout. Une des jeunes filles avec qui je me suis prise d'une excellente amitié... Un jour j'ai estimé qu'elle avait compris quelque chose. Un beau matin lorsqu'on allait chercher de l'eau au puits... Enfin, nous étions deux puisque l'eau gelait et qu'il fallait au moins être deux pour la briser et se servir. Elle est tombée dans l'eau glacée et est morte. "


Elle leva de petits yeux vers Cromax. Y-avait-il des regrets dans son regard ? Quoiqu'il en soit, elle continua.
" Voyez ce que je disais. Au sujet de la prédestination. Quelle ironie pour une tueuse de tuer presque autant d'ami que d'ennemi. Faut-il y voir un signe ? Qu'il y a toujours un morceau d'innocence à perdre ? " Sa voix se teintait de mélancolie, le timbre légèrement tremblant qui avait terminé sa phrase laissait y entendre un triste souvenir. Puis, lâchant cette facette aussi rapidement qu'elle n'était apparue, elle s'assit à même l'herbe, tira une pomme rouge de son sac pour la croquer et dit la bouche presque pleine.

" Et vous alors. Racontez moi une histoire. "


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2200 mots

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mar 9 Fév 2016 14:30 
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Dans les réponses de Hrist, je ne peux que sentir une réticence certaine à mes propos libertaires. Fille du mal, elle semble pourtant si éloignée de la notion de chaos… Car elle a beau tuer à tour de bras, elle reste fille de l’ordre, avant tout. Un système de libertés pures est dur à imaginer, quand on est contraint soi-même par des règles qui nous semblent justes. Et pourtant, ça reste des règles, une prison, qu’elle soit ou non confortable. Et dans cet ordre de pensée, elle ne peut imaginer la mixité pourtant ouvertement prônée par Oaxaca. Pour elle, les hommes vivront toujours ensembles, et ensembles les orques, ensembles les elfes. Le clivage sera toujours évident. Là encore, je ne m’accorde pas à ses pensées : ne sommes-nous pas deux exemples de cette mixité de population, deux elfes gris se disant originaires d’une cité pourtant humaine ? J’ai beau avoir vu le jour sur Naora, je n’y ai jamais plus mis les pieds, y préférant les contrées de Nirtim et d’Imiftil. Élevé par un elfe vert, héro de divers peuples humains, amant et ami de nombre d’ethnies différentes… Je ne crois pas en ces castes séparées impossible à réunir. Encore une fois, j’idéalise peut-être, et les inimitiés d’aujourd’hui seront toujours présentes demain, mais… si quelques êtres à peine arrivent à s’apprécier malgré leurs différences, alors je saurai que j’ai raison. Je commente brièvement :

« C’est le triste constat de notre temps, oui. C’est ce contre quoi se bat Oaxaca, et ce pourquoi je me suis allié à elle. Pour que ce constat n’en soit plus un. Pour que chacun ait le choix de ses amitiés sans qu’elles ne lui soient dictées par son origine, et sans qu’il ait à en payer les conséquences. »

Sa comparaison des peaux-vertes en torchons en marge de la société de serviettes est drôle, mais grave à la fois. Une réalité pinçante, fer de lance de l’idéologie de la Reine Noire. Un but noble, que nombre des bienpensants voile pour la diaboliser dans son entreprise belliqueuse, en faisant un parangon du mal sans autre but que celui de tuer et réduire le monde à néant. Une erreur de jugement que je ne pardonnerai jamais à ces courts d’esprit.

S’ensuit alors un discours sur la prédestination. Je ne crois pas en celle-ci, et elle semble affirmer que je l’ai soutenue dans mes propos sur le hasard. Il y a eu méprise sur la question, mais j’attends tout de même qu’elle ait fini son discours pour lui préciser. En réalité, à bien des égards, nous sommes sur la même longueur d’onde.

« Je n’ai en aucun cas parlé de prédestination. C’est une invention de faibles n’assumant pas leurs erreurs. J’ai en revanche parlé de choix. Et des choix bien conscients, même si nous n’en voyons pas toujours les conséquences. Et oui, ces choix sont motivés et possibles par notre combativité, nos désirs et nos capacités. Notre entêtement, aussi, parfois. Là où je soulignais qu’il n’y avait pas de hasard dans notre rencontre, c’est que vous avez été envoyée ici en sachant que j’y étais aussi. Vous avez choisi d’obéir à cet ordre, et choisi de vous révéler à moi. Aucun hasard dans tout ceci. Aucune prédestination, non plus. Juste des choix. »

J’arrive quand même à lui arracher, finalement, que tous les humains ne sont pas pareils. Mais au lieu de partir sue le versant positif de cette affirmation, elle glisse une fois de plus dans le négativisme le plus absolu. Car sa haine s’étend aux humains, mais aussi aux shaakts chez qui elle a subi des tortures sans nom pendant plusieurs semaines. Je comprends sa hargne et sa tendance à voir le négatif. Elle a souffert, énormément, et son esprit s’est racrapoté en position fœtale pour refuser désormais toute ouverture. Ce que je ne comprends pas dans son personnage, c’est qu’à part cette rancœur évidente en elle, elle ne semble en garder aucune trace psychologique. Ou alors c’est qu’elle est complètement timbrée.

(Ou qu’elle cache bien son jeu.)

Tout sourire, elle se tourne vers moi pour me narrer une nouvelle histoire macabre, évoquant des elfes noirs qu’elle devait interroger à propos d’un trafic d’esclaves. En lieu et place, elle les aurait fait éviscérer et pendre à la voile de son navire. Il faut lui accorder au moins ça : elle a le sens de la mise en scène. Elle affirme, et j’ai du mal à la croire, qu’elle s’en fiche encore éperdument. Ce sont des événements traumatisants, qu’elle ne peut réfuter ou enfouir indéfiniment dans son esprit. Peut-être ressortent-ils sous la forme de cette cruauté gratuite et extrêmement violente. Mais plus qu’un exutoire, c’est ainsi qu’elle s’enfonce elle-même dans sa propre folie.

Le silence retombe entre nous pour le reste de l’après-midi, alors que nous parcourons les champs, croisant de rares paysans peu curieux de notre passage. Ce n’est qu’au soir, alors que je quémande son aide pour installer le campement, et qu’elle installe ses affaires à même le sol. Elle s’inquiète de savoir si je veux faire un feu, précisant que les flammes d’un camp n’ont que peu d’importance pour elle, ayant en notre possession de la nourriture pouvant être mangée froide, soulignant, non sans un humour presque glacial, qu’elle n’a pas peur du noir. Sourire taquin aux lèvres, je lui réponds, étalant sur le sol la toile d’une tente pour qu’elle nous sépare de la froideur et de l’humidité de la terre.

« Il y a bien d’autres moyens de se réchauffer, la nuit, qu’un feu. »

N’allant pas plus loin dans mon sous-entendu grivois, mais pas faux pour autant, je m’installe à son côté et écoute la nouvelle histoire qu’elle a à me raconter, sortie de nulle part, si ce n’est de son retour sur le massacre d’Ard’Melior, sur Saldana. Une enchère supplémentaire dans le monde de l’horreur et des morts que nous semons ? Peut-être. Elle semble aimer la compétition. Une chose qui ne me touche que peu, d’aventure. Car cette fois, ce n’est pas en nombre mais en qualité qu’elle s’affirme monstrueuse, disant tuer sans peine ses amis aussi aisément que ses ennemis lorsque cela s’avère nécessaire. Mais quelle amitié peut naître et s’épanouir, lorsqu’elle est basée sur un mensonge, comme celle qu’elle me décrit ? Je soupire, un peu défait de cet être si négatif…

« Hrist, vous n’êtes pas libre. Vous êtes prisonnière de vos rancœurs et de vos haines. Lorsque vous tuez, vous semblez le faire par contrainte ou par colère, et non par choix. Sont-ce là vraiment des amis, ceux que vous tuez de peur qu’ils vous trahissent ? En cela nous différons. Je ne tue pas mes amis : ils meurent pour moi si le besoin s’en fait sentir. Et ils le font par choix. »

Mes pensées dérivent vers Sidë, qui a donné sa vie à Sisstar pour que je survive. Mais également à l’inverse, à Estera, avec qui le contact a de suite été bon, mais que j’ai dû éliminer parce qu’il découvrait mon secret. Cette histoire fait écho à celle de Hrist, et appuie mon propre avis sur la question. Attentive à mes propos, quémandant, donc, son histoire, elle croque dans une pomme, le visage à la fois teinté de mélancolie et d’insouciance notable. Un curieux mélange, en vérité.

« Il n’y a rien de mieux que de tuer par choix, et lorsque le moment le veut, de pouvoir retenir sa lame pour un meilleur résultat. Avant que je ne rejoigne Oaxaca, deux de ses sbires, Khynt et Crean Lorener, m’avaient fait prisonnier d’une île expérimentale sur laquelle ils testaient des colliers d’obéissance sur de puissants aventuriers. »

Je laisse voir, sur ma gorge, le trait fin et incrusté dans ma peau du collier qui l’orne toujours, élégant et terrible à la fois.

« Hors il n’est rien de pire que l’on puisse me prendre, à part ma vie, que ma liberté. Nombre, sur cette île, en ont payé le prix. Car s’ils ont pensé me contraindre, ils en ont payé le prix du sang. Alors que je croisais un village d’esclavagistes où les esclaves étaient rassemblés comme du bétail dans une cage, j’ai massacré toute âme qui vive sur place avant de les libérer. Les gardes étaient désarmés, endormis pour certains, encore ivres de la veille, baignant dans leurs déjections. Aucun n’a eu ma pitié, pas même ceux qui fuyaient à plat ventre dans leurs tripes. Jusqu’au dernier, je les ai massacrés avant de libérer les esclaves. Ces meurtres n’étaient en rien nécessaires : ils étaient défaits. Et je ne les ai commis ni par colère, ni par obligation, ni par rancœur. Car si la rancœur avait été présente, Crean en aurait payé le prix. J’ai pénétré furtivement l’habitation où il se trouvait et me suis glissé dans son dos sans qu’il me remarque. Il était à portée de mes lames, j’aurais pu le tuer à ce moment précis sans aucune difficulté, mais… je ne l’ai pas fait. J’ai préféré lui faire subir sa propre déchéance, lui plaçant une couronne d’asservissement sur la tête pour le contraindre à m’obéir et à détruire sa propre œuvre. Une défaite personnelle, et un échec aux yeux de la Reine Noire. Un choix qui m’a ouvert les portes du Palais d’Omyre, et valu la haine éternelle du premier des Treize, Crean Lorener. Vous avez dû entendre parler de cette carrière qui s’est fracassée sur la côte nord de Nirtim. C’est là tout ce qui reste de ce projet auquel j’ai mis terme, me valant le respect d’Oaxaca, l’honneur parmi les Royaumes humains, et la haine de celui que j’ai vaincu à son propre jeu. »

Le soir est tombé, et le soleil disparaissant derrière l’horizon lointain laisse place à la nuit. Une nuit obscure, bien qu’éclairée par les lointaines et pâles étoiles. Dans cette pénombre opalescente, j’approche une main du visage de Hrist. Une main investie du pouvoir calorifique de la peau de Lysis, toujours fusionnée à ma chair. Une main chaleureuse, éloignant le froid de la nuit printanière tombant sur les alentours rupestres d’Illyria. La voix se fait murmure, comme pour ne pas déranger la plénitude nocturne, alors que je m’adresse à l’elfe :

« Déshabillez-vous, et enveloppons-nous ensemble dans nos capes. Ça préservera mieux la chaleur. Je n’ai besoin de feu que celui qui brule en moi. »

Une proposition culottée, sans aucun doute, qui amène ma curiosité sur la manière qu’elle aura d’y réagir. Pragmatique, passionnée, insouciante ou prude, outrée ?

Loin de tout ça, dans le confort de nos esprits, Lysis et Celès se sont réunies dans une salle spirituelle imaginaire pour disserter de nos deux personnalités. Celès s’étonne de la symbiose entre Lysis et moi, ne lui connaissant aucun égal, et pour cause ! Notre relation est unique, presque contre nature avec l’essence même d’une faera. Difficile à expliquer pour qui ne le vit pas. De leur discussion, même si je suis conscient qu’elles l’ont, je ne capte aucune bribe, les laissant à leurs retrouvailles.

(Je ne trouve pas cette rencontre inopportune. Depuis bien longtemps, je suis seule à influencer Cromax sur la piste de son âme : le chaos total, la liberté inconditionnelle. Mais bien souvent, il s’accroche à un idéalisme bienveillant qui ne fait que retarder l’inévitable. Il s’accroche à des gens, s’attache à les aider pour d’autres raisons que pour lui-même. Il essaie, malgré ce qu’il est, d’être humain. Une faiblesse dont il ne peut souffrir. La rencontre de Hrist peut lui permettre de perdre cette foi en la bonté. Et à l’inverse, il peut l’aider à voir un autre versant du monde cruel qu’elle connait et qui la fait tout voir en noir. Un spectacle dont je me réjouis d’avance !)

Dans cette salle spirituelle, Lysis s’installe confortablement, allongée lascivement sur un matelas confortable, lorgnant une sorte d’écran comme elle regarderait par une fenêtre, Celès à son côté.

(Le lien qui m’unit à lui est unique. De mémoire de faera, je n’ai jamais rien entendu de tel. C’est… assez excitant. Nous parvenons, en sus de nos esprits, à mêler l’essence même de nos corps, en une fusion qui normalement conduirait à notre destruction mutuelle. Mais là… ça passe. Et ça passe même bien. Comment Hrist s’est-elle liée à toi ?)

[2044 mots]

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mar 9 Fév 2016 21:37 
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Finalement... Elle avait eu son histoire. Mais Cromax approfondissait les débats et Hrist commençait à perdre pieds sur les divers propos qu'il utilisait afin d'illustrer ses dires. D'un côté, la fatigue commençait à embuer son esprit et de l'autre, sa passion pour ses propres convictions souhait mettre les choses à plat, elle avait l'impression qu'ils ne se comprenaient pas dans le fond et qu'ils étaient bien plus semblables qu'ils ne pouvaient se l'imaginer.

(" Voilà qu'il va m'apprendre quel état d'âme convient le mieux à tuer... ")
(" Je vois ça. Non mais je trouve que vous faites bien la paire tous les deux. D'ailleurs sa Faera et moi allons vous laisser. On doit avoir deux ou trois millénaires à rattraper. ")

Hrist secoua la tête comme étonnée, presque outrée par la remarque cavalière de Cromax qui lui assurait qu'elle n'était pas libre, recluse dans ses sentiments de colère et de haine et qu'il savourait quant à lui le plaisir de tuer quand ça lui faisait plaisir. En temps normal, elle lui aurait jeté sa pomme à la figure en le traitant de dernier des imbéciles mais ravalant sa hargne pour ne pas lui donner raison, elle continua avec une petite pique moqueuse.

" Voyons Cromax ! Vous entendez mais vous n'écoutez pas. Je suis au moins aussi libre que vous. Croyez-vous que les légendes de cette Baronne Sanglante venue jusqu'à vos oreilles sont là des actes de colère ? Voyez-y plutôt de la passion. C'est un terme qui vous connait bien, ça d'ailleurs, passion. "

Elle marqua une courte pause, croquant dans la pomme qui commençait à juter le long de ses doigts.

" Tuer une relation amicale lorsqu'on joue le rôle de quelqu'un d'autre, servante en l'occurrence, revient à tuer une inconnue. J'ai toujours préféré affronter mes victimes de face et pas uniquement en enfonçant une dague dans le dos. J'aime à voir frémir mes proies et sentir quelque chose abandonner leur regard et sentir leur dernier souffle contre le mien. C'est agréable. Apaisant même. Je le faisais souvent avant de me coucher, fut un temps. Enfin, une époque révolue. Kendra Kâr a assez mal apprécié de savoir que les Ermites de Yuimen et d'autres Prêtres finissaient dans mes geôles... Il a fallu se trouver de nouvelles activités. "

Puis en secouant la tête comme pour chasser l'énormité qu'elle venait d'entendre, un rien vexée, elle continua :
" Mais je suis parfaitement libre de mes actions. Je suis les directives qu'on me donne, comme vous mais j'ai mon libre arbitre. J'ai pu instaurer une Caste d'assassins à Omyre et l'étendre jusqu'à Kendra Kâr elle même ! J'ai choisi de massacrer les rivaux plutôt que de les associer à mon affaire, j'ai adoré tuer des Shaakts et piller des villages humains. Ce que je fais, que ça soit sous la colère et la passion est animé par mon seul désir. J'avais déjà commencé bien avant de rejoindre un camp, celui d'Oaxaca, il en va sans dire."


Mais il mentionna alors le nom de deux dirigeants de l'armée Noire qu'elle n'avait pas encore eu le plaisir de rencontrer. Crean, le plus haut gradé selon ce qu'elle savait et Khynt, dont l'objet de ses fonctions lui échappait quelque peu faute d'avoir vraiment de lien avec lui, il lui évoquait vaguement les automates, les armures vivantes mais jusqu'à ce jour elle n'avait jamais rien rencontré de tel.

Cromax avait tout comme elle, une longue cicatrice lui barrant la gorge, celle-ci non pas provoquée par un lame mais par un collier d'obéissance.
(" Encore une fois... Ca tangente à la limite de mes compétences. ")

Mais l'histoire qui s'en suivit était des plus intéressante. Instinctivement, Hrist se mettait à la place de Cromax, se demandant ce qu'elle aurait bien pu faire à la place de ce dernier qui ayant non seulement épargné des esclaves avait choisi de trucider les esclavagistes. - Sur ce point, elle avait quelques réserves et aurait basculé sur ce penchant que dans le cas explicite où les dits esclavagistes auraient été le teint un peu trop nocturne à son goût, autrement dit, n'importe quelle raison pour refroidir un Shaakt était une excellente raison.

La rencontre avec le premier des Treize était... Plus complexe. Là où Cromax aurait pu s'assurer un poste à Omyre, remplaçant Crean, il a préféré le laisser vivre, lui infligeant un supplice qu'il estimait de taille puisqu'il le força à l'aide d'une couronne d'asservissement à détruire de ses mains l'étendue de son travail. N'empêche que, un endroit destiné à asservir de puissants aventuriers... Hrist n'avait jamais entendu parler de ça. A coup sûr, il avait un long passif et de sacrés voyages dans les bottes contrairement à son épouse qui n'avait sévit presqu'exclusivement sur Yuimen.

Elle articula quelques mots étonnés à la fin de son récit, d'abord hésitante puis reprenant un peu de fermeté, elle croqua de nouveau dans le dernier morceau de pomme qu'il lui restait avant de le jeter derrière elle.

" Une histoire bien singulière... Mais. Je dois reconnaître être intriguée. Je me demande bien ce qui se serait passé si vous l'aviez tué. Les portes d'Omyre se seraient-elles ouvertes ou bien, de rage, la Reine Noire aurait-elle envoyé ses assassins vous traquer. Notre rencontre aurait été bien différente alors. "

Épargner quelqu'un... Estimer que le laisser vivre était un supplice bien supérieur à le tuer lui était une tactique bien étrange, pour ne pas dire complexe. Elle avait toujours estimé qu'il valait mieux laisser son adversaire sans vie plutôt que de risquer de le retrouver plus tard. Le terrible scénario arriva alors à son esprit, un vieil ennemi qui la reconnaitrait tandis qu'elle jouerait le rôle d'un agent double. Un vieil ennemi comme l'est Heartless. Ces pensées s'accrochaient au Capitaine de la Rascasse Volante non sans un souvenir partagé entre la colère et la mélancolie. Un soupçon de doute également ? Il était certain à ses yeux qu'un adversaire vaincu était un adversaire mort... Certes, le plaisir qu'avait éprouvé Cromax devait être bien supérieur, mais c'est comme ça qu'il se retrouvera sans doute dans quelques temps, mois, années, décennies avec le même problème sur les bras et en encore plus colérique. Un Sindel, ça vit longtemps, presque une éternité et encore, celui-ci était bien jeune à en juger à son aspect juvénile...

Hrist dit d'un ton un peu amer :
" Enfin... Un nécromancien comme ennemi... Il lui restera une éternité pour se venger et toute la puissance des fluides sombres pour le faire. Un bout de pomme ? Pour ma part, je préfère la sécurité. Je ne sors mon arme face à un ennemi que pour le tuer. Sinon... "

Elle ne continua pas. Au delà de l'horizon, le jour mollissait et le soleil fondait comme du beurre jaune sur la mie bleue et verte de l'horizon. Les ombres des arbres s'allongeaient et noyaient les alentours dans un jus outremer où dansait et tournoyait les petites lucioles.

Comme enivré par ce décor féérique et l'arrivée du froid nocturne, Cromax venait de se rapprocher d'elle, comme de nouveau dans le rôle de l'amant et posant le revers tiède de sa main contre sa joue, lui demanda les yeux dans les yeux de se déshabiller.

Hrist ouvrit de grands yeux suite à cette invitation des plus saugrenues. S'agissait-il d'une blague ? Une plaisanterie ? Ou un usage Elfique qu'elle ne connaissait pas ?

(" Cèles ! C'est urgent !")
('' Ahahaha ! Il veut te faire découvrir les choses de l'amouuuur. ")
(" Il me prend pour qui au juste ? Cette poule de Faëlis ? Ou cette morue de Dupoisson ? ")

Toujours les yeux écarquillés, elle scrutait son regard pour essayer d'un trouver une once de plaisanterie mais elle n'y vit qu'un noir magnétique et presque insondable. Jetant alors l'éponge pour essayer de trouver là une farce, quelle qu'elle soit, Hrist rejoint alors l'idée de Cèles comme quoi Cromax venait de se montrer bien trop ambitieux. Face à cette situation pour le moins inédite, Hrist ne sachant pas trop quoi répondre, elle resta bouche bée un court instant avant de reprendre son assurance et se dégagea de la main de Cromax, reculant d'un pas et d'un geste ample, entoura ses épaules de sa cape et claqua des doigts. A ce geste, sa tenue se modifia et le tissus se resserra magiquement afin de mieux la protéger du froid.

" Tout va bien. On est loin des ères glacières et du vent coulis. Si vous avez de l'énergie à perdre, prenez le premier tour de garde, quant à moi je dors. Et j'ai le sommeil léger. Et une arme à la main. " Avait-elle précipité de dire. Le ton avait été un rien sévère, elle l'avait prononcé tout en sachant que ce ne serait pas là un grand obstacle pour Cromax. N'est pas Général d'Oaxaca qui veut et il avait sans doute une meilleure maitrise martiale qu'elle. Bien sûr, il n'était sans doute pas nécessaire d'avoir un tour de garde en ces lieux, tous deux pouvaient bien dormir et se lever aux premiers rayons de l'aube, espérant voir dans la journée la Cité des Hommes, Ilyria.

(" Je commence à mieux comprendre ce qu'il disait. ")
(" Qu'il y avait mieux qu'un feu pour se réchauffer ? ")
(" Cela même. Je n'en reviens pas ! Il le sait pourtant, que je suis là pour l'escorter et l'accompagner mais quand même ! ")
(" Il veut peut-être... Je sais pas moi. Prendre les choses de l'avant. A bras-le-corps ? ")
(" Son avant garde peut-être... Mais en ce qui concerne son derrière, ça commence à sentir la botte. " )
(" Pas sûre que ça puisse le calmer. ")

Hrist lui tourna le dos, observa une dernière fois l'horizon et ses dernières lueurs et s'allongea toute habillée et emmitouflée qu'elle était dans sa cape, la tête reposant sur sa besace pourtant inconfortable.

De leur côté, les deux Faera modelaient le monde qu'elles occupaient grâce aux réminiscences de souvenirs de leurs maîtres respectifs.

Lysis, confortablement enfoncée dans un matelas douillet observait le vide. Cèles quant à elle opta pour une forme très semblable à celle de sa maîtresse, la peau grisée de temps en temps traversée par de petits éclairs statiques, de longs cheveux noirs et l'iris d'un violet hypnotique.

" On est pas mieux là ? Ah, tiens, moi je veux bien un petit feu de camp. " Clac.

Elle claqua des doigts et fit apparaître un souvenir de feu qui se figea entre les deux femmes. " D'ailleurs, tu n'as rien contre le plein air ? Je préfère moi, si tu veux bien. "
Clac le ciel.
Clac les étoiles.
Clac la forêt.

" On est encore mieux là. Alors, tu disais ? Ah oui, qu'ils allaient se compléter l'un et l'autre. D'ailleurs, c'est ce que le tien vient de lui proposer je dois dire. " Elle en ricana et fit apparaître un petit panier plein de fruits secs.

" Tu veux une noixe ? Je n'ai pas de casse-noixe mais on peut la casser en... Humph. Forçant. *crac* Ah ! Voilà. Je comprends ton rôle oui. C'est important pour une Faera de partager son identité avec son maître. Le tien semble avoir un passé assez complexe d'ailleurs, tu es avec lui depuis longtemps ? J'ai connu la mienne en forêt. Enfin, il y avait Silmeria aussi, elle partageait deux âmes en un corps. Du jamais vu je te dis. Comme c'est Hrist qui a donné le nom, Cèles, en hommage à Céleste, et bien je suis restée attachée à Hrist et seulement elle. D'ailleurs, je connais une Faera qui s'est vue attribuer le sobriquet de Petit-Matin-Brumeux. Tu te rends compte un peu ? Tu la connais ?"


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1979 mots

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Jeu 11 Fév 2016 11:56 
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Hé bien ça y va plutôt dans la prude outrée. Madame a beau avoir un passif certain avec les choses de la chair, sanglante bien entendu, il semble pour elle hors de question de se lover contre un autre être sans remettre en doute les fondements de sa bienséance. Elle reste coite un instant, bouche bée et se dégageant de ma main comme si elle l’a brûlée. Elle claque des doigts en se réfugiant dans sa cape, et son costume semble s’épaissir. Ah oui, pour sûr, voilà une belle ceinture de chasteté. Version pyjama tue-l’amour en promotion. Alors qu’elle se tourne, pour se coucher aussi loin de moi qu’elle le peut, je ne peux m’empêcher de pouffer, sans retenue. Elle a été jusqu’à me menacer de sa lame si jamais j’ai l’audace de l’approcher, précisant qu’elle a le sommeil léger. Ça déclenche chez moi une nouvelle hilarité, et alors que je m’allonge sur le côté, enroulé dans ma propre cape, et tout seul, du coup, je secoue la tête avec amusement. Dame Lenneth est une frigide : ça ne renforce que le côté coquin dragouilleur de son époux frustré. Un rôle qui, décidément, va bien m’amuser.

Je ne réponds rien à ses inquiétudes, la laissant me prendre, si elle le souhaite, pour un violeur de bas fond. Si elle savait… si mon intention avait été de la culbuter, ses réticences n’auraient été que bien inutiles. Elle se serait jetée sur moi d’elle-même, sans même s’en rendre compte. Mais bon… ça elle ne le sait pas. Je la laisse s’endormir, repensant après coup à ses dernières paroles.

Elle s’est insurgée que je lui dise qu’elle n’est pas libre, argumentant sévèrement. Plutôt que de la colère, elle invoque la passion pour expliquer ses massacres. Soit. Je conçois qu’il n’est guère aisé d’entendre que l’on n’est pas libre. Et je ne doute pas, par ailleurs, qu’elle ne fasse qu’obéir aux ordres. Elle n’a rien d’un petit soldat sans sens critique. Il n’empêche, elle parlait d’ordre et de discipline, d’une rigueur presque religieuse. Et ce sont là des signes qui ne trompent pas. Allongé sur ma couche, je grignote un morceau de pain et quelques tranches de lard fumé, seule substance réellement digeste de cette journée de voyage fort mouvementée.

Elle avoue avoir toujours préféré tuer ses victimes de face, comme pour se dédouaner une fois de plus de la vision que j’ai de ses actes d’assassinat. Empoisonnements, meurtres dans le sommeil par ses employés, et non d’elle-même… Elle a beau dire ce qu’elle veut, si elle peut éviter de croiser le regard de sa victime, elle le fait. La raison m’est inconnue, bien sûr, et il est trop tôt pour l’accuser de lâcheté ou de paresse. Il n’empêche qu’à ce titre, nous sommes différents : jamais je ne pourrais dire à un autre de faire ce que moi-même je peux faire. La servitude ne me sied en rien, ni en tant que serf, ni en tant que commandant. N’est-on pas toujours mieux servi par soi-même ?

Elle souligne néanmoins, par-dessus tout ça, un plaisir certain à tuer ses proies, à les voir frémir lorsque le froid de la mort engourdit leurs membres et que leur regard vacille entre deux mondes. Le crime était alors son quotidien. Pour l’apaiser avant de dormir. Des meurtres gratuits, sans sens. Un non-respect de la vie visant juste à s’apaiser elle-même. En réalité, même si nous nous rapprochons l’un de l’autre sur certains points, nous divergeons sur beaucoup d’autres et… j’espère que ça ne posera aucun problème d’ici la fin de cette aventure. Je me verrais dans l’obligation de couper court à ses activités, si elles se font trop licencieuses par rapport à mes objectifs.

Je la revois alors commenter mes mésaventures sur l’île d’entraînement des Treize. Elle en a été intriguée, se demandant ce qui se serait passé si j’avais tué Crean plutôt que de l’humilier. J’ai alors juste haussé les épaules, prétextant que je n’en savais rien, mais… c’est faux : la réponse, je me la suis passée de nombreuses fois dans mon esprit, avant de commettre mon acte. Le tuer serait revenu à nous laisser prisonnier de son île sans espoir d’en sortir en vie. L’île serait encore debout, ou détruite pas l’explosion naturelle du volcan. Et nous avec. Quant à Crean, âme damnée rattachée à Oaxaca, elle l’aurait ressuscité, et il aurait pu recommencer librement. Mon nom, au final, n’aurait qu’à peine été cité. Non, ça ne m’aurait ouvert aucune porte, sinon celles des Enfers de Phaïtos. Ma décision était la meilleure à prendre, à ce moment-là. Mais peut=être Hrist n’est-elle pas suffisamment sensée pour le comprendre. Elle est par trop liée à la mort. Les siennes, et celles qu’elle dispense sans y réfléchir, sans que ça n’ait la moindre importance ou valeur à ses yeux. Preuve en est sa conclusion : elle ne sort son arme face à un ennemi que pour le tuer. Un manque de finesse qui finira par lui être fatal, si elle la sort une fois contre plus fort qu’elle. Si elle la sort une fois contre moi. Je ne comprends pas sa référence à un nécromancien comme ennemi, ni Crean ni Khynt ne l’étant selon mes propres renseignements, mais je la laisse dire. A vrai dire, je n’ai plus rien eu à lui dire pour ce soir-là, raison pour laquelle je me suis allongé sans un mot.

Une fois ma pitance terminée, je me recroqueville sur moi-même, profitant seul de la chaleur prodiguée par Lysis, liée à ma peau. Et je l’imagine non sans sourire greloter dans son épais manteau, maudissant l’air filtrant à travers tous les trous laissés par sa cape dans l’ondée nocturne aux brises légères mais pénétrantes.

Alors que nous dormons, les faeras poursuivent leur conciliabule mental, dissertant encore et encore sur nos propres expériences. Le salon devient une forêt, la lueur des chandelles se mua en celle, pâle et sans vie, des étoiles nocturnes. Celès a changé le décor pour le faire sien, et Lysis, faisant la moue devant un tel inconfort, s’exclame :

(Du moment qu’on me laisse mon canapé, ma foi…)

Un bien curieux commentaire, pour un être immatériel qui ne peut, de facto, profiter du confort d’un canapé, ni-même d’un intérieur fastueux, si ce n’est l’apparence que cela peut avoir.

(Oui, c’est ce qu’il vient de faire. Je ne sais pas ce qu’il lui trouve, d’ailleurs. Quelle idée de vouloir se lover contre une peau de garzok. Répugnant. Mais c’est un joueur, et par pure provocation, puisqu’elle s’est refusée à lui, il retentera le coup. Sans même s’intéresser aux finalités de ses badineries. Il n’a guère besoin de la chair trop froide d’une deux-fois morte pour satisfaire ses besoins de mâle primaire.)

Elle lève la main devant la proposition des fruits secs de Celès. A quoi bon jouer à cela : elles ne mangeaient pas. Tout ce qui entre dans la bouche de Lysis se change en cendre. Enfin… pas tout, bien sûr, dépendamment de ce qu’elle veut en faire.

(Je l’ai mené à moi, jusque dans la forêt de nos sœurs. Là, il m’a donné mon nom sans savoir ce que j’étais. Et depuis, nous veillons l’un sur l’autre. Il a fait se développer des pouvoirs en moi dont je n’avais jamais entendu parler avant. Des pouvoirs influant sur nos deux corps de manière assez significative. Là, encore, actuellement, je suis mêlée à lui. Pas comme d’habitude, dans l’esprit de nos hôtes. Non, là ce sont nos corps qui sont mêlés, nos natures mélangées. Et ce n’est pas désagréable.)

Elle commente après coup l’incongruité de ce que Celès a annoncé sur sa maîtresse.

(Deux âmes en un corps ? Est-ce lié à ses deux morts ? Cette Silmeria, qu’est-elle devenue, si elle n’est plus là ? N’était-elle pas juste cinglée ? J’en ai connu, des vieux psychos qui se parlaient tous seuls dans leur tête.)

Et en dernier commentaire :

(Petit-Matin-Brumeux… On nous prévient, pourtant, de ne pas nous lier avec des gamins. C’est gâcher notre potentiel.)

Lorsqu’enfin le matin se lève, je me lève avec, et m’étire longuement pour dénouer les muscles engourdis par l’immobilité du sommeil. Un fruit comme petit déjeuner, l’une de ces pommes juteuses dont on nous a pourvus, à Ilmatar, et qui n’ont manqué que de peu de finir en compote, lors du combat contre ces ailées créatures. Dans le silence du petit matin, je regarde Hrist se lever à son tour. Muet, je plie ma toile de tente et rattache le rouleau à l’harnachement de ma jument. Je lui flatte l’encolure en lui donnant le reste de ma pomme, qu’elle avale, trognon compris.

« Ne perdons pas de temps, Illyria ne viendra pas à nous. Oh, au fait, Aaria Weïla m’avait laissé ça, pour vous. »

Et farfouillant ma besace, je lui envoie la bourse de ses mille Lys, monnaie locale avec laquelle elle devrait se satisfaire, si elle trouvait des breloques à son goût. Ou de quoi aiguiser ses lames. Et sitôt que nous sommes tous deux prêts, je grimpe sur ma monture et donne le rythme de notre chevauchée. Un rythme rapide, mais qui laisse l’endurance de nos chevaux s’étaler sur toute la journée. Sous le même soleil printanier que la veille, nous traversons les champs et les chemins du pays d’Illyria. Les cultures sont plus denses que la veilles, et de plus en plus serrées à mesure que les heures passent. Les hameaux des paysans sont à la fois plus vastes et plus nombreux, et nous en traversons quelques-uns sans nous arrêter, sous le regard quelque fois curieux de ses habitants troublé dans leur quotidien. La chevauchée de deux elfes ne doit en rien être une coutume régulière, ici-bas. De quoi alimenter les rumeurs dans les petits villages.

Nous chevauchons ainsi tout le jour durant, bien moins prolixes que la veille. Je n’ai pas grand-chose à lui raconter. Garder un peu de suspense sur mon passé n’est pas une mauvaise chose. Je ne la connais que depuis trop peu de temps pour lui révéler tous mes secrets. Surtout vu sa propension à vouloir diriger et réduire à néant tout espoir et toute vie.

Alors que le soleil descend dans le ciel, colorant les murs de schiste de l’orangé de sa teinte, nous arrivons en vue de la cité d’Illyria. Nul doute sur son identité : nul ne peut la manquer. C’est sans doute la plus grande ville qu’il m’ait été donné de voir. Du haut de notre promontoire naturel, petite colline dominant ses versants habités, elle s’étend devant nous de toute sa taille immense. Des habitations, palais, édifices à perte de vue. Certaines bâtisses dépassaient de loin les autres, tels des monuments officiels et importants dans la masse des maisons privées des riches habitants de cette immense cité.

Les hautes murailles d’enceinte étaient tellement encastrées dans la foule des faubourgs qu’on l’eut dit ceinte de plusieurs ceintures. Après un instant d’une muette observation impressionnée, je me remets en route.

(Hé bien, quelle concentration de vie… Comment font-ils pour ne pas étouffer ?)

(Ils étouffent, sans en douter. Mais ils ne connaissent plus que ça, donc ils ne s’en rendent pas compte.)

Il est évident qu’un môme naissant entre ces murs avait de fortes chances de ne jamais voir qu’eux, et d’y périr, qu’importe son âge, sans parcourir les verdoyantes plaines des contrées pourtant si proches de sa maisonnée. Tel est le sort des sédentaires, ouvriers et artisans vivant de leurs mains au sein d’une si grande ville.

Le soir tombait, et il serait malvenu que nous entrions de nuit au palais. Notre arrivée officielle se ferait le lendemain matin, en bonne et due forme. Plus la peine de nous encombrer à dormir à la belle étoile, ce soir : les auberges des faubourgs nous accueilleraient bien. Ça laisserait déjà les premières rumeurs de notre présence arriver aux oreilles des nobles. Autant nous faire remarquer dès à présent, et en bien. Si nous œuvrons suffisamment bien, une escorte nous mènera directement au palais, demain. Parcourant les ruelles, je cherche du regard une auberge d’un certain standing, et lorsque j’ai trouvé quelque chose à mon goût, ou s’en approchant le plus, je démonte et laisse ma monture à un homme qui semble associé à l’établissement, faisant clinquer un Lys doré pour lui envoyer dans les mains d’une pichenette.

« Prenez soin de nos montures pour la nuit, je vous prie. »

Et sans plus m’attarder, attendant tout de même l’arrivée de mon épouse attitrée, je pénètres l’établissement en l’y laissant entrer en premier. Cherchant du regard le tenancier, je clame :

« Y a-t-il ici un repas chaud et une chambrée, pour deux voyageurs pas mécontents d’être arrivés ? »

Espérons que ces êtres ne soient pas des radicalistes anti-elfes. Mettre le grabuge dès notre arrivée serait plutôt mal perçu.

(2137 mots.)

[Total de la mise à jour : 3 posts ; 5935 mots.]

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Ven 12 Fév 2016 04:16 
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Hrist sombra immédiatement dans un profond sommeil. Ses rêves l'emportaient loin de ce monde, sur les terres de Yuimen qu'elle avait connu. Un terrible retour en arrière où elle se vit, désemparée, naïve, au milieu d'une chambre.

La chambre était assez spacieuse, elle en déduisit l'évidence, elle se trouvait donc dans une maison appartenant à quelqu'un de fortuné, il n'y avait qu'à voir tout ce qui ornait les murs et les armoires à la marqueterie détaillée et fine. Le lit à baldaquin était la plus belle pièce artisanale de la chambrée. Un petit voile d'une grande finesse flottait au gré du vent. Là aussi, elle en déduisit que la fenêtre était ouverte. Incapable de bouger, la peur frappa son coeur lorsque la porte se mit brusquement à trembler. Quelqu'un frappait fort sur le panneau de bois avec de plus en plus de détermination. Hrist vit alors que ses mains étaient en sang. Du lit, commençait à couler comme un petit ruisseau rouge dont l'écume sombre s'agrandissait lorsque le précieux liquide heurtait le sol. Deux cadavres étaient empilés sur le pageot et des hurlements se firent entendre. La tueuse, incapable de bouger, était devenue comme un vulgaire spectateur de la scène. Aucun mot ne traversaient la barrière de ses lèvres résolues à être aussi silencieuse que le reste.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, l'aube commençait à percer au loin. Un vol d'oiseau traversait le ciel légèrement éclairci par un timide rayon de soleil et une bise matinale portée par le vent ravit alors ses navires de curieux parfums qu'elle essaya de deviner.

On y reconnaissait l'air des cimes, élégant et puissant, cette note résinée qui se suggérait au lieu de s'imposer contrairement à celle de la poussière, lourde et terreuse qui gênait les narines et faisait pleurer les yeux. Enfin, il y avait l'odeur animale, on y retrouvait des notes de cuir et d'excréments tièdes déposés ça et là dans les hautes herbes et qui faisait là un inoffensif piège de la nature. Au loin, Hrist croisa le regard d'un renardeau curieux qui décida de ne pas attendre de savoir quelle était la nature de ces deux êtres qui dormaient là, étendus à terre, pour se faire la belle et retourner profiter d'une charogne abandonnée par un hiboux ou un autre oiseau de proie nocturne. Elle ferma de nouveau les yeux et lorsqu'elle les rouvrit, elle pu constater au sol discret derrière elle que Cromax venait aussi de se réveiller, quoiqu'un peu plus matinal. Il avait démonté le camp aussi silencieux qu'une araignée et s'avérait être déjà prêt à partir. Lorsque la Sindel se leva à son tour, il l'accueilli avec un salut bien négligeant. Certes, il n'était pas en son tort mais elle avait estimé qu'il pourrait souffler un semblant d'excuse pour sa conduite, ayant vu que ses propos n'avaient pas eu bon accueil.

Hrist repensa quelques instants à ce qu'il disait la veille sur la liberté mais arriva bien vite à la constatation suivante, valait mieux que la sienne vive et tant pis pour celle des autres. La femme fit une légère moue boudeuse et estima qu'au final, elle avait adopté la même philosophie du temps où elle était Baronne. Il était assurément un curieux personnage et ne savait toujours pas si elle devait lui faire confiance ou s'en méfier comme d'un rat pesteux.

Il lui envoya sans ménagement une bourse assez lourde qu'elle pu rattraper par réflexe. Un don de la Reine ? Hrist ne comprenait pas pourquoi la Reine d'Ilmatar ne le lui avait pas confié personnellement, pourtant elles avaient eu l'occasion durant ces longues conversations autour des alcools et de pâtisserie. Soupesant un peu le cuir de la bourse, elle imaginait avoir de quoi faire, à supposer que les Yus et la monnaie de ce monde soit comparable.

" Merci... Mais je ne sais pas si j'ai une véritable fortune ou tout juste de quoi me payer une miche de pain. " Avait-elle lâché la bouche encore un peu endormie. Cromax n'avait peut-être pas entendu, en se mettant en route, ils étaient restés tous deux très silencieux.

Les bourgs, les faubourgs, les ruelles et les petits chemins qui menaient d'un village à un autre défilaient sous les sabots des deux cavaliers. Au début, Hrist avait dissimulé sa tête avec la capuche, une habitude de voyageuse qui faisait qu'au bout du voyage, elle n'avait pas les cheveux éparpillés et emmêlés à cause du vent et couverts de poussière. Mais Cromax, quant à lui défilait autant qu'il avançait sous les regards à la fois surpris et ébahis.

A son tour elle se débarrassa de sa capuche et les regards effarés se portèrent également sur elle. Pourtant, elle était nettement moins grande que Cromax qui, une fois monté à cheval, dominait très clairement les humains même les plus grands. Quittant un dernier village, ils arrivèrent finalement sur un petit promontoire qui dominait de sa hauteur une ville qui, à mesure qu'ils approchaient du bord, se dessinait doucement, comme un brouillon. D'abords quelques tours, perdues dans une immensité nuageuse et rayonnante. Puis le sommet de grands bâtiments, il aurait pu s'agit de temple ou de palais, il était encore trop tôt pour le deviner. Et finalement, Ilyria s'impose, elle recouvre totalement l'horizon, les alentours et lorsqu'enfin, presque au bout de leurs peines, ils furent tous deux arrivés au bord, face au vide, dominait les incroyables tours vertigineuses dont le sommet s'effaçait dans la voûte céleste, leurs yeux se portèrent enfin sur la Cité des Hommes.

" Rien qu'ça ? " Avait-elle lâché la bouche bée. Ne sachant où porter son regard tant il y avait de choses. C'était purement colossal, titanesque. La ville devait sans doute être partagée en plusieurs lieux car il aurait été impossible qu'un seul ne puisse la gouverner. Le Souverain de ces lieux devait avoir une collection de bourgmestres et de subalternes pour garder en main cette cité.

Hrist la trouvait magnifique, partout où ses yeux de Violette se posèrent, il y avait de belles statues couronnant les toitures détaillées. Il lui semblait voir d'immenses porches et de grands arcs, des obélisques, des tours, des temples, des jardins, des places... C'en était étourdissant et la femme en oublia sa peur du vide.

Cromax ne prononça pas le moindre mot, il n'avait pas besoin d'ailleurs. Hrist avait compris ce qu'il avait en tête, le voyant lever son regard noir sur le ciel assombrissant pour deviner qu'ils attendraient le petit matin avant de se présenter au palais Royal... S'ils avaient assez d'une journée pour traverser la ville.

(" Hey ma vieille ! Tu imagines la pègre qu'une ville pareille pourrait contenir ? A mon avis, les Murènes sont des petites danseuses à côté. Enfin, t'auras l'occasion de confirmer ça très vite. Je me demande si le Roi a des Assassins à son service. Ah, bien sûr, je n'aime pas relever des évidences, mais... On ne tue personne sous un coup de colère hein ? Si un page te renverse du vin sur les bottes, tu fais un sourire et tu réponds que ce n'est pas grave. ")

Arrivés dans un village, sous le couvert des quelques habitations qui s'offraient à eux, Cromax choisit alors une auberge. L'apparence tout à fait quelconque, Hrist n'y accordait pas une énorme importance, à supposer que la nourriture soit correcte, le vin fort et le lit sec, c'était déjà suffisant pour elle. Cependant, elle ne voyait pas d'inconvénients à ce que " Amarthan " n'essaie de trouver la plus luxueuse et la plus huppée. Des Ambassadeurs d'Eden n'allaient probablement pas coucher dans une grange sous leurs chevaux. Il fallait dès maintenant entrer dans la peau de leur personnage.

Ils confièrent leurs montures à un jeune homme qui se trouvait devant ladite Auberge. Cromax offrit au garçon une pièce brillante qu'il envoya en l'air. Le jeune homme la rattrapa maladroitement avant de croquer dedans. Satisfait, il récupéra les brides des montures et s'en alla. Hrist salua sa monture d'une tape sur la croupe avant de grimper les petites marches de pierre qui conduisaient jusqu'au parvis de l'auberge.

Cromax avait ouvert la porte et offrit à Hrist d'y entrer. Certes, l'époux se montrait courtois et respectueux toutefois, il venait de faire une bourde. Hrist ne s'en inquiéta pas plus que ça, le véritable usage, peu le connaissait. Mais il était normalement d'usage d'ouvrir la porte et de laisser la femme passer en premier lorsqu'on connaît l'endroit, pas lorsqu'il est inconnu, en ce cas, l'homme entre en premier. Elle le lui souffla doucement avant qu'ils ne soient totalement entrés.

" Hm. Le protocole voudrait que vous entriez en premier dans les lieux inconnus. Un détail qui vous sera peut-être utile à l'avenir. " Elle l'avait dit d'un ton assez neutre, penchant légèrement vers le moqueur amical qu'elle appuya d'un clin d'oeil.

Amarthan chercha alors où pouvait être l'aubergiste qui n'était pas à portée de vue immédiate. Sa façon de le héler évoquait plus une taverne qu'une auberge mais il serait très facile de mettre ça sur le côté hautain des Elfes qui auraient, selon le cliché, un certain penchant à considérer les autres comme légèrement inférieurs... Dans le meilleur des cas.

" En même temps, quand tu inventes des machines qui volent, tu peux sans mal te considérer comme au dessus des gens qui font des maisons en bouse séchée. Un détail qui a son importance."



Cèles à Lysis

Cèles pailla à la première remarque de Lysis. D'une petite voix enrouée elle dit :
" Quoi ?! Il a vu la marque sur son dos ? Nooon ? Et dire que j'ai raté ça. Moi qui attendait de voir sa réaction. Et bien, ce qu'il lui trouve, je n'en sais rien. Elle est pas forcément vilaine si tu fais abstraction des cicatrices et de sa perpétuelle mauvaise humeur. Cromax lui a l'air plus facile à vivre. "

Puis, tout en mâchant un bout de noixe, la mine réveuse elle se rappelait la forêt dans laquelle, jadis, elle avait trouvé sa maîtresse.

" Tu sais, c'est étonnant de voir le nombre de personne qui nous donnent un nom sans même savoir qui on est. Ou plutôt, ce que l'on est. Tu crois que certains pensent qu'on est leur conscience ? Ca serait amusant. Je ne pourrais pas m'empêcher de faire culpabiliser mon maître à chaque faux pas. Ah, tu crois que ce gâteau était une bonne idée ? Vraiment... Tu as acheté cette robe ? Franchement... Ta variole ne va pas disparaître en mettant de la poudre dessus. Et une mouche sur chacun des boutons ? Autant te peindre en noir. Enfin bref. "

Elle revint alors au premier sujet de conversation :" Non non, lorsqu'elle est morte, ça a cessé. Hrist a pris le pas sur sa seconde identité. Certes, on pourrait croire qu'elle a tourné la carte, qu'elle est complètement folle mais... Je crois que le monde s'est bien acharné contre elle. Elle a perdu le peu de confiance qu'elle avait à offrir aux autres et d'ailleurs, elle ne fréquente que très peu de monde. Ca doit se voir, elle n'arrive pas à gérer les ardeurs de ton maître. Enfin... Moi ça me laisse rêveuse, ton histoire. C'est normal de mélanger son esprit mais.. Le corps quand même, c'est quelque chose. Tu crois que c'est à la portée de n'importe quelle Faera ? "

Puis, appuyant son menton sur ses petites mains jointes elle marmonna :

" Ah... Bin non. Sinon ça serait pas la première fois que j'vois ça. Dis, tu crois qu'il se trame quoi dans l'coin ? Je suis un peu troublée ici avec toutes ces agitations fluidiques mais toi, tu as l'air de bien tenir le coup. "

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La petite ombre de la Mort à Elysian.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


Némésis d'Heartless


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Dim 14 Fév 2016 11:56 
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Illyria – Les faubourgs

Les faubourgs, ou plutôt ce quartier des faubourgs gigantesques d’Illyria n’était pas le plus riche, mais ne semblait pas extrêmement pauvre pour autant. Plusieurs villageois vaquaient à leurs occupations nocturnes consistant, pour la plupart, à parcourir le chemin menant jusqu’à une taverne ou tout simplement chez eux. Il s’agissait là manifestement principalement des paysans cultivant les terres autours de la grande cité et préférant marcher plus longtemps le matin pour aller sur leurs champs et être appelés citadins. Aussi, l’auberge que trouva Cromax, si elle était certes plus engageante que les autres, n’en restait pas moins simple et sans fioriture. L’intérieur était relativement simple et propre, quoi qu’une forte odeur de bière se faisait sentir à son entrée. La salle principale était pleine de joyeux lurons ripailleurs qui se gargarisaient de leurs rires gras en tapant des mains sur la table pour manifester plus bruyamment encore leur hilarité.

Le tenancier, un bonhomme replet quoi que musculeux aux cheveux châtains courts et aux yeux marrons, salua les deux aventuriers. En vérité, il semblait se retenir avec plus ou moins de succès de les dévisager, subtilité dont ne s’embarrassait pas ses clients qui dévisageaient avec des yeux ronds les nouveaux venus.

- Une chambrée… oui ! une chambre ! pas de problèmes, bien sûr ! dit le tenancier en se remettant de sa surprise. Suivez-moi, je vais vous montrer.

- Eh ! v’z’êtes bien grisâtre les deux, v’z’êtes pas des morts ressuscités, hein ?! lâcha un des clients, amenant l’hilarité de ses congénères et agrémentant ses mots d’un grand sourire montrant ses dents gâtées.

- Ta gueule, Raf ! répliqua le tenancier en le foudroyant du regard, ce qui eut pour effet de le voir rétrécir sur sa chaise. Pardonnez-le, nous n’avons pas l’habitude de voir des… un… des étrangers.

Il les mena à l’étage et marcha le long d’un long couloir s’éloignant des bruits de la salle principale et ouvrit une chambre à l’aide d’une grosse clé. L’intérieur sentait le propre et la paille dont était fait le lit double, et il n’y avait guère plus qu’un pot de chambre, deux tables de nuit et un guéridon en plus dans la pièce. Le lit n’était pas habité, ce qui dénotait du soin que mettait le tenancier pour accueillir ses clients dans de relatives bonnes conditions.

- Voilà, si ça vous convient, dit-il en leur tendant la clé. Je peux demander à la serveuse de vous apporter de la nourriture en haut si vous ne souhaitez pas manger dans la salle principale, sinon vous pouvez descendre pour le dîner, il est presque prêt. La chambre est payable d’avance, ça fera quatre lys d’argent par personne.


[Vous avez le choix. Soit je vous laisse libre jusqu'au lendemain matin quand vous aurez pris la décision de ce que vous faites, soit vous décidez de discuter avec les péons et là je vous ferai des màj (éventuellement rapides et ponctuelles).]

[Cromax – xp : 0,5 (introspection), 0,5 (discussions), 0,5 (choix de l’auberge), 2,5 (longueur) ;
Hrist – xp : 0,5 (introspection), 0,5 (discussions), 3 (longueur)]


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mar 16 Fév 2016 16:47 
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Alors que le palefrenier vérifie la véracité de mon Lys, paiement royal pour la garde de nos montures pour la nuit, j’observe un petit peu ce quartier de l’immense Illyria qui nous entoure. Des faubourgs. Pas la plus faste zone d’habitation d’une cité, de manière générale. Et si on peut y sentir une pauvreté généralisée, elle est toutefois loin des pires quartiers de certaines cités de Yuimen, qu’il s’agisse de certains coins des docks de Kendra Kâr, où la vermine court à même la rue et fait sa loi parmi les ordures, ou les bas-quartiers de Tulorim, peuplés de misère et aux façades dévastées. Non. Ici, si la populace n’est pas des plus riches, elle reste dans des conditions de vie acceptables. Quelques badauds flânaient dans l’obscurité naissantes, qui rentrant chez lui, qui allant s’en jeter quelques-uns à la taverne du coin pour faire passer le temps et sa maigre paie en alcools ou en putes. Car ils ne semblent pas des plus hautes castes, ces paysans et hères des faubourgs. Mains calleuses et chausses sales font leur quotidien.

L’auberge que je dégotte, donc, au détour d’une ruelle encore assez vive à cette heure sombre, est à l’image de l’endroit : pas riche, mais pas miséreuse non plus. De quoi garantir un confort minimum pour des voyageurs fourbus, mais pas satisfaisant pour des prétentieux de la haute comme ceux que côtoie Faëlis. J’espère que la Baronne Précieuse du Sang Versé n’y sera pas trop mal mise. Je jette une œillade amusée et moqueuse à ma compagne, tendre épouse d’un temps à la pudeur légendaire. Alors que je lui tiens la porte pour qu’elle passe, elle souligne avec discrétion, alors qu’une odeur prenante de houblon frelaté m’agresse les narines, que le protocole voudrait que je passe avant elle dans un lieu inconnu. Je lève un sourcil surpris, n’y connaissant effectivement rien de ces pratiques protocolaires pompeuses.

« Je doute qu’ils connaissent ce genre de chose, ici. Mais je retiendrai le conseil. »

Je lui souffle ma réponse en retour, alors qu’elle cligne de l’œil avec une complicité que je ne lui connais pas encore. J’entre à sa suite, et scrute la salle principale, où les dineurs finissent leur repas en noyant leur panse dans une chopine mousseuse bien pleine. D’où l’odeur assaillant l’odorat à la simple ouverture de la porte, sans doute. Le reste a l’air plutôt propre, ce qui me semble une bonne chose. La pioche est bonne. Car je préfère nettement un établissement plus humble, mais propre, qu’un lieu rempli de faste à la crasse épaisse et cachée derrière les riches tapis et tentures de soie. Les clients, eux, semblent particulièrement intéressés par notre irruption, et leurs regards convergent vers nous sans gêne ni complexe, curieux qu’ils semblent être de voir des individus non-humains franchir le seuil de leur boui-boui quotidien. L’aubergiste, un homme courtaud et dodu à l’apparence bonhomme qu’on accorde souvent aux individus de sa profession, semble avoir le tact de ne pas trop nous dévisager, et répond à ma demande d’une voix légèrement stressée, stigmate d’une surprise qu’il peine à cacher. Il nous invite à le suivre pour qu’il nous montre la chambre où nous dormirons ce soir.

J’acquiesce d’un signe de tête, prêt à le suivre, mais un client se permet un commentaire que d’aucun aurait jugé déplacé, comparant notre pâleur à celle des morts. Une blague légèrement xénophobe qui déclenche l’hilarité de ses compagnons de tablée et fait pâlir le tenancier d’une aigreur professionnelle, dépité sans doute de montrer à une nouvelle clientelle semblant ne pas être n’importe qui le peu de qualité de sa clientelle. Il fait une remontrance un peu rude à ce Raph sans dents, ou en tout cas dont celles qui ornent encore ce qui lui sert de bouche ne sauraient être appelées que chicots jaunis par le temps, l’alcool et le manque de soin. Docile, cependant, l’habitué se tasse sur sa chaise, et l’aubergiste présente platement ses excuses. Je lève une main, préservant sur mon visage un sourire compréhensif.

« Laissez, il n’y a pas d’outrage. Comme vous le dites, il n’est pas courant de voir mes semblables ici. Nous ne saurions vous tenir rigueur de plaisanteries amicales, pourvu qu’elles le restent. »

Facile à vivre, mais strict quand même. Je me tourne vers Raph et réponds à son acclamation :

« Je suis aussi vivant que vous tous, ici. Et pas moins enclin à boire un verre. La tournée est pour moi ! »

Généralement, c’est le meilleur moyen pour bien se faire voir dans un établissement. Nul client ne dira ici le contraire, ni même le tenancier, qui voit son chiffre d’affaire de la soirée grimper d’une tournée supplémentaire. Sans plus tarder, et fier de l’effet que j’ai pu avoir sur cette joyeuse bande aux manières un peu rudes, je suis le petit homme à travers son établissement, jusqu’à l’étage où nous grimpons par un petit escalier. Après avoir suivi un couloir plutôt étroit, question de rentabiliser la place, évidemment, il ouvre une porte donnant sur une chambrée proprette, quoique simple en tous points : un ameublement des plus sobres et au confort spartiate. Des paillasses en guise de lit double, qui a toutefois le mérite de sembler propre et changé de frais. À l’image de l’immeuble, l’endroit est d’une qualité hygiénique irréprochable et tout à fait à l’honneur de son propriétaire. Il nous tend d’ailleurs la clé, s’inquiétant de savoir si ça nous convient.

« Ça ira très bien pour cette nuit, merci. »

Il nous annonce ensuite que la chambre est payable d’avance, selon un tarif de quatre lys d’argent par personne, et que nous pouvons choisir de prendre le repas ici plutôt que dans la salle commune. Il serait plus pertinent, si nous voulons acquérir quelques informations sur la cité, de nous mêler ne fut-ce qu’un peu à la population de l’endroit. Les ragots du bas-peuple sont souvent significatifs des intrigues des hautes sphères. Nous pourrions en apprendre bien plus qu’en quémandant de précieuses informations monnayables chèrement à quelque espion aristocrate bouffi de prétention. Autant que ma tournée serve, en outre d’éviter de nous faire mal voir, à nous faire quelques alliés de fortune, le temps d’une soirée, qui partageront, dans l’alcool et la bonne humeur, ce qu’ils voudront bien raconter. A condition qu’ils ne soient pas trop fermés à deux étrangers. Pour le paiement, je décide même de garder le zèle donné en indice jusqu’ici, et je tends deux Lys d’or à l’aubergiste, précisant à son attention :

« Voilà pour vous. Les chambres, le repas et la tournée. Gardez le reste pour votre excellent accueil et notre possible ardoise de ce soir. Pour le repas, j’imagine… qu’on peut le prendre dans la salle commune. Notre route a été longue, et vos clients semblent une compagnie préférable aux créatures rôdant dans vos campagnes. Ça nous changera les esprits. »

Je me tourne vers Lenneth, ma tendre et silencieuse épouse un peu timide, qui me confirme d’un signe de tête qu’il s’agit de son intention également. Tant mieux, nous serons plus crédibles en couple. Je me tourne à nouveau vers l’homme, saisissant la clé qu’il me tend et répondant définitivement à sa question :

« Nous allons nous installer, puis nous arriverons en bas pour le repas. »

Je le congédie poliment, et attends qu’il soit parti pour déposer ma besace à côté du lit. J’y laisse également ma rapière et ma cape, peu intéressante à garder en intérieur pour une soirée. Je garde néanmoins mon arme métamorphe, à ma ceinture sous la forme d’une dague fermement fixée près de ma bourse. Tout en me débarrassant de ce matériel bien inutile ici, je précise à l’attention de la grise :

« Ne nous attardons pas plus que de rigueur auprès d’eux, mais il peut être intéressant de jauger leur avis sur la situation politique complexe actuellement de la cité, s’ils en savent quelque chose. L’un des prétendants au trône, m’a-t-on dit, un bâtard obscur du Roi, aurait la faveur du peuple. C’est une bonne occasion pour vérifier ces dires. »

Puis, m’approchant d’elle en lui tendant le bras pour qu’elle s’y appuie, entrant dans mon rôle d’époux bienveillant afin de l’inviter à descendre, je poursuis :

« Inutile de nous présenter outre mesure, non plus. Jouons nos rôles sans les exagérer. Gardons ça pour les feux scrutateurs de la noblesse, demain. »

Et n’attendant pas de réponse, je m’apprête à descendre en sa compagnie, curieux de l’ambiance qu’a laissée mon offre de tournée, et non moins avide de ce repas chaud et cuisiné qui nous attend. J’ai beau avoir un estomac d’elfe, je n’ai jamais craché sur la bonne chair, surtout quand elle est copieuse et de qualité. Je ne m’attends bien sûr pas à un met raffiné, mais un bon ragoût chaud ayant mijoté toute l’après-midi sera plus que bienvenu dans ma panse, arrosé de vin, ou de bière, s’ils n’en ont guère.

Poursuivant leur discussion affable dans la salle aménagée par leur soin de nos esprits conjoints, nos Faeras se font complices sans que nous ne puissions le savoir.

(Noooon, non, il ne l’a pas remarquée, sa marque dorsale. Mais moi bien. Ce n’est pas ça qui l’arrêtera, note. C’est vrai qu’elle n’est pas horrible, quand elle sourit. Ses goûts sont tellement… éclectiques en matière de femmes… Et d’hommes.)

De sympathiques mégères promptes aux ragots que ces faeras.

(On peut appeler ça être facile à vivre, oui. Ou facile tout court. Comme je te disais, leur rencontre ne peut être que riche. Si ça tombe, il va la décoincer et lui rendre le sourire, à ta maîtresse. Elle a beau être morte, il n’y a pas plus grand amoureux de la vie que lui.)

Elle ne commente pas la notion de conscience d’un individu proposée par Celès. Pour moi, Lysis est une mauvaise conscience à tous points de vue. Il serait malséant qu’elle s’en vante, ou qu’elle admette l’inverse, toute incapable de mentir qu’elle est.

(Je l’ignore… C’est une première, je le crois aussi. J’ignore le processus de tout ça. C’est Oaxaca elle-même qui a donné l’impulsion de ce pouvoir conjoint entre nous, en vérité. Sans en être pleinement consciente, peut-être. Après tout, elle est investie d’un pouvoir divin. Ça aussi, ça fait rêver. Quand je pense que certaines des nôtres se la coulent douce près d’un dieu…)

Et au sujet des troubles des fluides :

(C’est perturbant, oui. J’ai essayé de sortir de son écrin d’argent, il y a quelques jours, et je l’ai bien regretté. Je crois qu’on ferait mieux de se tenir à carreau avec notre forme faerique tant qu’ils n’auront pas réglé cette histoire de drainage. Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chose. Du coup je reste mêlée à lui, sous notre forme fusionnée. Outre le confort que ça me procure, ça peut s’avérer pratique pour lui, avec un monde aussi hostile.)

Elle n’en dit pas plus, cependant. Même entre elles, les faeras ne révèlent pas tout.

[1830 mots]

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mer 17 Fév 2016 23:14 
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Cromax reconnu alors sans mal son ignorance, il fallait bien le lui accorder. La jeune Sindel n'avait pas eu l'occasion de mettre en pratique tout ce qu'elle avait pu apprendre de la vie de château, les usages, les us et coutumes et la fameuse étiquette. Cette précieuse perte de temps, comme elle aimait à l'appeler. Aujourd'hui, elle avait l'occasion de mettre ça en avant auprès d'un de ses semblables. Ce qui l'amusait le plus, c'était la façon que Cromax avait d'essayer de faire des efforts et de se mettre en avant compte tenu de sa grande ignorance des règles et de cette fameuse étiquette. Hrist, ou plutôt, Lenneth, jubilait d'avance en imaginant à quoi ressemblerait ce spectacle une fois Cromax face à quelques nobles. Peut-être le prendraient-ils au mieux pour un gueux essayant de faire un effort...

Quoiqu'il en soit, ils entrèrent et furent accueilli avec beaucoup de diligence par le maître de maison. Un humain, deux humains, trois... L'auberge ne comptait que deux Sindels pour tout exotisme et leur venue ne tarda pas à installer un pieu silence dans l'assemblée jusqu'à ce que l'un d'eux, l'humour alcoolisé aux lèvres, ne piailla qu'il s'agissait là de deux revenants. Hrist savait que Cromax et elle n'avaient pas le teint hâlé des travailleurs ou encore la peau rosée d'une ambassadrice soucieuse de son apparence, ils avaient au mieux un éclat morne de rayon lunaire sur une onde écumeuse. Et ça, c'était dans les meilleurs jours. Aujourd'hui après deux nuits à la belle étoile et des heures de chevauchée, ils devaient avoir la tronche défaite, les yeux cernés, les traits irrités et fatigués d'avoir tant voyagé et l'estomac au fond des bottes. Pour elle en tout cas, qui n'avait avalé que des pommes, refusant de se nourrir d'autres produits qu'elle ne connaissait pas. Son estomac faible serait bien mal avisé de s'ulcérer d'avoir à dissoudre un met inconnu et peut-être trop aigre à son goût. Toutefois, il s'ulcérait maintenant d'un vide très lourd qui faisait vibrer la paroi de son ventre.

Et toutes ces odeurs qui flottaient dans l'air. Il y avait celle du cuir, de la fumée, de la cendre, du vin renversé, de la sciure de bois, de la pierre chaude et le délicat fumet d'un bouillon tiède qui venait d'être placé au dessus d'un feu ronflant. Ledit " Raph ", bonhomme un rien moqueur qui avait clamé voir là des revenants se fit reprendre copieusement par le tenancier et Cromax en ajouta une couche avec une pirouette pour glaner une fois de plus l'attention du bas peuple.

(" En plus il n'était pas loin de la vérité... Et Cromax... Enfin, Amarthan. Fidèle à lui même il faut croire. Hm. C'est sans doute de là qu'elle vient cette expression, pot-de-vin. ")S'amusait à constater Hrist en voyant les sourires revenir aux lèvres des pochards et du tavernier.

Lorsque le bain de foule fut suffisant, ils furent tous deux conduits jusqu'à leurs appartements du jour. Certes, le confort était sommaire, mais après plusieurs jours à cavaler, Hrist trouvait ça largement bienvenu et plus que suffisant. Une paillasse propre, exempte de toute vermine et sans odeur d'urée, qu'elle soit animale ou humaine. Il y avait largement de quoi contenir deux personnes, Cromax s'en verrait surement ravi mais Hrist grimaça l'espace d'un dixième de seconde, peu enthousiaste à l'idée de rencontrer le même scénario que la veille qui l'avait poussée à se renfrogner dans un mutisme profond.

Le petit tenancier annonça son prix qui était assez raisonnable, quatre lys d'argent. Cromax encore, n'écoutant que le doux son de sa voix envoya deux jolis lys d'or dans les mains du tavernier et annonça, grand seigneur, qu'il n'avait qu'à garder la monnaie pour saluer son accueil des plus chaleureux. Hrist leva un sourcil étonné, si il venait de payer pour la chambrée, il n'y aurait certainement pas de quoi régler pour la tournée ni même le repas et pas plus que de récompenser le pauvre homme de son labeur. Après qu'il ait congédié avec moult délicatesse le tenancier, Hrist compléta la somme nécessaire de quatre pièces d'or afin de rattraper la bêtise de son compagnon.

(" Si vous vouliez passer pour une race à l'intelligence supérieure... Bin faudra trouver une autre auberge. ")

Cromax commença dès lors à détacher quelques affaires de son paquetage, particulièrement une rapière sublimement détaillée. Hrist aurait bien pu croire qu'il s'agissait là d'un travail digne d'un orfèvre et qu'un pareil objet avait plus intérêt à être pendu à un mur en guise de décorum qu'en arme. Rien qu'abîmer un fragment de sa garde devrait être une fortune à réparer et encore, c'était seulement après avoir trouvé un forgeron assez compétent pour réaliser pareille besogne.

Hrist était quelque peu séduite, elle aimait les beaux objets même si Cèles sa Faera ne comprenait pas pourquoi un homme passerait des heures et des heures dans l'enfer des forges à tabasser une plaque de métal à s'en détruire les tympans pour en faire un objet de mort sophistiqué, mais même la petite boule de fluides trouvait à ce coupe-lard un certain charme. Il prit parole. Annonçant qu'il valait mieux ne pas trop en dire ni trop en faire, juste descendre pour jauger la situation, entendre des rumeurs et éventuellement en profiter pour leur approche décisive qui aurait lieu demain en journée. Hrist quant à elle, préféra ne pas quitter son matériel, ne déposant que son sac d provision et descendit derrière Cromax jusqu'à ce qu'une idée ne lui traverse l'esprit.

" On devrait en profiter pour se trouver un guide. Qu'en penses-tu ? " Elle avait délibérément abandonné le vouvoiement pour lui parler tel que le font les maris et femmes. Le rôle venait de s'installer.

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Dim 21 Fév 2016 13:41 
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    Le tavernier accepta les pièces des deux Sindel non sans qu’une grande surprise n’anime son regard et il bredouilla des remerciements étonnés avant de glisser les pièces dans son tablier.

    Lorsque les deux sindeldi redescendirent dans la salle commune, ce fut une petite ovation qui salua leur arrivée, des soudards heureux d’avoir vu l’une de leurs bières offertes par des étrangers.

    Lorsqu’ils se furent installés, l’aubergiste leur amena plusieurs plats, avec soupes, plats en sauce, pain et fromages allègrement arrosé de vin ou de bière, selon leurs désirs. L’alcool lui-même, s’il n’était pas des plus fameux, avait l’avantage de ne pas être coupé à l’eau et de ne pas avoir un goût de pisse d’âne. Le tout était rustique mais étonnamment bon et il semblait vouloir les remercier de leur payement opulent ne leur faisant un repas aussi digne que possible.

    Peu après que le tavernier se soit retiré, un homme se leva et s’approcha de leur table, leur demandant s’il pouvait s’asseoir. Il s’agissait d’un homme aux cheveux blonds cendrés et aux yeux bleu clairs avec une barbe de quelques jours. Deux cicatrices barraient son visage, une passant de son front, entre ses sourcils à la pommette droite et l’autre barrait sa bouche.

    Image


    - Dites, vous avez pas l’air d’bien connaître cette ville et encore moins d’en v’nir et vous savez déjà vous attirer l’attention d’la compagnie. Y s’trouve que j’connais plutôt bien notre grand’ et belle cité, j’peux p’têtre vous aider, dit-il. J’m’appelle Calech.


[Cromax – xp : 0,5 (intériorisation), 0,5 (planifications), 0,5 (tournée), 1,5 (longueur) ;
Hrist – xp : 0,5 (intériorisation), 0,5 (étalage de richesse), 0,5 (longueur)]


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Jeu 25 Fév 2016 11:28 
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Hrist ne semble pas contraire à aller manger avec le bas peuple, et c’est une bonne chose. Alors que je ferme la porte de notre chambrée commune avec la clé reçue de l’aubergiste, elle me suggère qu’il serait pertinent de nous trouver un guide pour la journée à venir. J’acquiesce d’un signe de tête, surpris de l’entendre me parler si familièrement, comme l’aurait fait une épouse à son mari. Finis, Hrist et Cromax. C’est désormais l’heure de Lenneth et Amarthan, époux sindeldi d’Eden. Un guide sera une bonne chose, demain, afin de ne pas perdre de temps à chercher le palais inutilement. Mais comme je lui ai signifié, ce n’est pas le seul objectif, ce soir. Nous devons aussi en apprendre le plus possible sur les idées que le peuple d’Illyria, celui de ces pauvres faubourgs éloignés des hauts quartiers de la cité, a de la royauté en place et des soucis de succession prochains. On m’avait dit à Ilmatar que le bâtard avait la faveur des gueux. Mais rien, jusqu’ici, n’a pu le confirmer. Et si en même temps, je peux me renseigner sur d’autres rumeurs qui traînent dans le coin, et qui sont monnaie courante dans ce genre d’endroit où les gens de passage stagnent le temps d’une nuit ou deux, ça sera idéal. Mais la soirée ne fait que commencer, et j’aurai bien le temps de m’intéresser à tout ça au cours de celle-ci. Après un tour de sécurité supplémentaire dans la serrure de la chambre, je descends les marches nous séparant de la salle commune en tenant Lenneth par le bras.

Confiant dans l’effet que nous avons réussi à instaurer auprès de la populace de l’auberge, tant son tenancier que sa clientèle, j’arrive dans la salle commune en arborant un air jovial, mais pas trop expressif pour autant. Les Gris qui sont les miens ne sont pas connus pour l’expansivité de leurs émotions. Regard vif et sourire circonstancié aux lèvres, je me dirige vers la table désignée par l’aubergiste sous une ovation bienvenue de la faune locale. Une acclamation agréable, qui n’est pas sans me déplaire : ceux-là ont l’air aisément influençable. Pourvu que leurs chefs le soient tout autant. Avec plus d’enjeux, sans en douter, mais me mettre dans la poche tous ceux que je croiserai pourra me servir, le moment venu. Je ne connais juste pas encore ce moment, même si je suis conscient qu’il existera, dans un avenir plus ou moins proche. Car à l’heure où l’épée, la hache et le bouclier seront brandis, l’allégeance de chacun comptera plus que tout. Alors si certains se sentent bien en ma présence… ça ne pourra que m’aider.

Sans toutefois commenter plus que de rigueur ma tournée d’entrée, je m’installe à la table. Inutile de me faire mousser inutilement et de paraitre juste pédant. Mon geste doit rester à leur mesure : simple et sympathique. Tout ce que j’attends d’eux également. L’aubergiste, sans tarder, nous amène prestement plusieurs plats, décorant la table de parfums divers et locaux. Une opulence inattendue, mais bienvenue, que je salue d’un signe de tête reconnaissant. Fromages, pains, plats en sauce ornent la tablée, agrémentés d’un pichet d’étain rempli à ras bord d’un vin sombre aux parfums capiteux. Avant de m’intéresser aux plats, j’avise le pichet et sers ma compagne avant de me servir moi-même dans un godet d’étain simple dans la forme, mais toujours préférable à un godet en bois, qui garde même après lavage le goût de ses anciens contenus. Je lève celui-ci, et regardant Lenneth dans les yeux, d’un violet iridescent lui donnant ce charme mystérieux si typique de sa personne, je clame à son attention :

« A nos projets ici ! »

Et je bois une gorgée de ce liquide alcoolisé, un peu âpre sur la langue, mais pas désagréable pour autant. Et surtout, intègre jusqu’au bout, et non coupé à l’eau comme dans les tavernes de rapiats faussant les boissons en les diluant à mesure que la soirée avance dans de la pisse d’âne venue tout droit du ruisseau. Alors que j’installe dans mon écuelle une tranche de pain que j’arrose de potée à la sauce sombre et épaisse, tranchant pour l’agrémenter quelques bouts de fromage parfumés, une ombre passe dans mon champs de vision et demande à s’installer à notre tablée. Je lève les yeux vers l’humain, que je n’ai pas vu jusqu’alors, plus discret que certains de ses comparses comme le vieux Ralph édenté. Il n’a pas l’air des plus nets, avec ses cheveux cendrés désordonnés et mi-longs, sa maigre barbe mal entretenue et ses frusques usées. Deux cicatrices barrent son visage, de celles que l’on ne reçoit pas innocemment, à moins d’être particulièrement malchanceux, ou maladroit. Ses yeux clairs ne comportent pourtant aucun travers, aucune haine, et ses propos sont, bien que rustiques et simplistes dans la forme, polis et avenants dans le fond.

De la main, je lui désigne une chaise libre, l’invitant à se joindre à nous, et me permets une cuillerée de potée de viande alors qu’il explique son irruption subite. Il dit s’appeler Calech, et nous propose son aide, notant sans ambages que nous avons l’air de ne pas connaître la cité. Avalant ma bouchée, gouteuse et nourrissante, d’une qualité de cuisine plutôt bonne, bien qu’elle soit simple, j’opine du chef et prends la parole en réponse à ses propos.

« Bonsoir. Nous ne sommes effectivement pas d’Illyria, et votre aide est plus que bienvenue. Je suis Ser Amarthan d’Eden, et voici mon épouse, Dame Lenneth. Sauriez-vous nous guider jusqu’au château royal, demain matin ? »

Je ne peux dire s’il est digne de confiance. On nous a tellement dit de nous méfier des gens d’Illyria, à moins que ça ne soit moi qui me le sois dicté comme conduite à adopter, que je ne peux que me poser des questions à son égard : est-il un opportuniste flairant la bonne affaire, intéressé mais nullement malveillant ? Ou un coupe-jarret prêt à nous mener dans un guet-apens. OU pire, mais là on frôle les théories conspirationnistes, un hère qui nous suit et nous espionne depuis notre arrivée ici, et qui cherche à savoir qui nous sommes pour le compte de quelque maître obscur de la noblesse Illyrienne. Je hèle l’aubergiste pour qu’il ajoute à la tablée un godet de plus, et le remplis de vin sombre pour le tendre à notre nouvel invité.

« Toute aide sera bien sûr récompensée à la mesure de votre peine. Pour l’heure, peut-être pourriez-vous, si cela vous sied, nous faire un bref topo de la situation actuelle de votre belle cité ? Quelles rumeurs et faits animent les rues et les palais, ces derniers temps ? »

Puis, m’approchant un peu de lui, prenant un faux ton de confidence, je poursuis :

« Comprenez que j’aime à savoir où je mets les pieds. »

J’attends avec impatience les réponses qu’il pourra nous fournir. Réponses que j’écouterai sans pourtant les valider sans les avoir confirmées par d’autres. J’ai demandé des rumeurs, et je les considérerai comme telles tant que je n’aurai pas eu vérification. Au moins cela pourra me donner un aperçu de ce qui se trame ici, et des préoccupations des gens du peuple. Tournant le regard vers mon épouse factice, histoire de voir si elle a quelque chose à ajouter, je plonge à nouveau dans ma pitance, me restaurant pour le plus grand plaisir de mes papilles et de mon estomac gargouillant.

[1240 mots]

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Ven 26 Fév 2016 05:13 
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Cromax ne semblait pas défavorable à cette idée de guide. Après tout, c'était là un gain de temps assez considérable et ils auraient probablement fort à faire une fois arrivés sur place. Ilyria était d'une immensité incroyable, déportant ses tours à perte de vue, rivalisant avec les plus hauts monts et les plus belles merveilles que Hrist avait pu voir tout au long de sa vie. De ce qu'on lui avait raconté à ce sujet, c'était " la ville des hommes " ou plutôt la Cité. C'était un terme plus adapté compte tenu de l'expansion tentaculaire de ce lieu prodige.

Quoiqu'il pouvait se dire en ce monde au sujet de cette ville, Hrist s'en moquait, son avis, elle se le forgerait elle même et prendrait les décisions adaptées. L'accueil de cette auberge était plutôt bon, la liesse générale et la populace qui s'esbaudit en était un excellent indicateur. Hrist avait toujours pensé que le peuple était un bon reflet de ses dirigeants. Lorsqu'il est écrasé sous les taxes et les devoirs, le peuple gronde et geint, or celui-ci semblait encore bon rieur et volontiers à profiter d'un bon godet. Même s'il était trop tôt pour avancer quoique ce soit en prenant la foule qui occupait le troquet comme facteur, Hrist considéra qu'ils auraient pu mal tomber. Bien mal.

Cromax en tout cas, semblait prendre bien du plaisir. Il avait été bien inspiré d'offrir une tournée ce qui leur avait valu les meilleurs hospices. Les buveurs étaient ravis, le patron affichait une mine heureuse et maintenant, n'avait plus qu'à honorer ses hôtes. L'argent qui lui avait été offert avait provoqué en lui cette fidélité ultime, c'était d'ailleurs impressionnant de voir à quel point il avait effet sur les hommes. Dès lors qu'ils furent installés sur une table rudimentaire, le bonhomme couvrit alors la table de mets divers aux fumets variés. Aucune des tables n'étaient aussi encombrée d'écuelles et de tranchoirs. Il y avait des soupes fumantes dans lesquelles baignaient de gros morceaux de légumes allant de ce qui lui évoquait vaguement un navet et quelques carottes, des pièces de viande bouillie, des pains noirs et épais à la mie compacte qu'il fallait arroser de pain ou de vin afin de les rendre plus faciles à avaler et digestes.

Le clou du festin était probablement les fromages. De forme variés et à la moisissure plus ou moins prononcée, ils avaient en tout cas une odeur puissante qui ne tarda pas à englober le reste des mets. Au milieu de cette grosse écuelle, suintant à la tiédeur de la pièce, une motte de beurre grasse et couverte de brisures de miettes.

Cromax avec beaucoup de gentillesse rempli le gobelet de Hrist et leva le sien, saluant d'avance leur succès.

('' Je déteste l'étain... ")
(" Entre autre, oui. ")
(" Non vraiment; A chaque fois que je devais voyager, Fiori me refilait une de ses saloperies de gourde en étain. Ca donnait du goût à mon Shu-Shen. L'argent ça ne donne pas de goût. ")
('' Personne n'envisagerait de voyager léger avec une gourde en argent. Personne au monde. A part toi. C'est absolument crétin. ")
(" N'empêche, l'argent ça donne pas de goût. ") Cracha Hrist d'un ton à faire taire toutes les discutions les plus analytiques.
(" Tu es épuisante...") Rétorqua Cèles ulcérée face à cet entêtement.

Hrist leva également son verre, les yeux plongés dans ceux de Cromax, un rien rêveuse, elle trempa doucement ses lèvres dans le vin rouge. Bien qu'il soit fort, il ne lui fit en rien regretter son Shu-Shen d'Oranan ou l'absinthe noire des Shaakts. Il était coriace mais bienvenue pour arroser l'abondance des mets présentés. Doucement, presque timide, Hrist récupéra de petits morceaux chiches de viande inconnue qu'elle disposa soigneusement dans son assiette et sélectionna les légumes qui semblaient avoir une meilleure tête que les autres. Plongeant sa cuiller en bois à plusieurs reprises dans le bouillon perlé de gras pour en récupérer quelques légumes racines.

(" En tout cas... C'meilleur que les pommes.")

Malgré son appétit chiche, elle fit tout de même bon accueil aux nombreux plats et essaya la plupart de ce qui se trouvait sur la table quant bien même la portion soit congrue arrivée dans son assiette.

Dans l'auberge, il y avait un peu de passage, autour de la tables à laquelle ils se trouvaient, quelques buveurs s'arrêtaient de temps à autre, cherchant un des elfes du regard pour lever leur chopine le sourire aux lèvres en guise de remerciement. Mais cette ombre, elle venait de s'arrêter, flanquée là, debout sans gêne à observer les deux Elfes gris attablés. Un homme d'âge moyen qui se présenta bien simplement, offrant là ses services de guide.

(" HEY !!! HEY !! Demande lui s'il est venu à cheval ! Demande lui s'il est venu à cheval !!") Beugla Cèles à tel point que Hrist ne fit pas attention aux premiers mots que Cromax adressa à l'humain.

(" Qu'est-ce qui te prend ? Quelle importance qu'il soit venu à cheval ? ") Demanda Hrist, devenue suspicieuse qui leva un regard sur l'homme. ll semblait être du cru, en tout cas, il avait la même gueule que tous ceux qui picolaient là autour d'eux. Il ne se différenciait en rien niveau vestimentaire, arborant là des guenilles tissées au chanvre, usée jusqu'à la corde et probablement grouillantes de tiques, puces et joyeuses bestioles en tout genre.

(" Franchement ! Demande lui s'il est venu à cheval ! ")
(" Non mais non ! ") Râla la jeune femme. (" Je vais pas lui lancer ça à la tronche sans même comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi à cheval d'abord ? ")

En fait, ce qui avait différencié ce type là des autres saoulard de l'assemblée, ce devait être son audace de venir directement rencontrer les deux Sindels. Hrist n'y voyait rien de bien mauvais, il avait sans doute flairé là une bonne opportunité de nourrir sa petite famille. En tout cas, un détail qu'elle n'avait pas raté, Cromax non plus à n'en pas douter, ce devait être cette jolie cicatrice qui barrait son visage. Un vilain coup qui aurait pu lui ôter la vie. Le genre de coup que l'on reçoit rarement en labourant des champs ou encore en vendant des poireaux au marché. Il restait donc deux options, soit il était un ancien soldat, soit il était voleur, ou ancien voleur, ça restait du pareil au même et ça expliquerait qu'il connaisse très bien la ville. Les assassins et les monte en l'air faisaient d'excellents guides pour tout ce qui était coupe-gorge et bas quartier. C'est d'ailleurs à eux que Hrist et Katalina avaient fait appel pour mettre main basse sur les bas quartier d'Omyre. C'était important d'avoir des oreilles et des yeux partout.

( " Sans déconner ! Avec un nom pareil ! Il est forcément venu à cheval. ")
(" Calech ? Cal... Non mais n'importe quoi.")
(" Calèche ! Hey cocher, une calèche pour mon ami Calech ! ")
(" Oui, oui j'ai entendu. ")
(" Reconnais quand même qu'elle est tordante ! ")

Cromax invita le dénommé Calech à prendre place et fit apporter un troisième gobelet à la table afin que le nouveau convive puisse boire également. Hrist secoua sa tenue afin de chasser les quelques miettes qui seraient venu s'installer sur elle. D'un coup d'oeil, elle chercha la place que venait de quitter Calech avant de s'installer avec eux mais elle ne vit rien, comme s'il était venu de nul part. Sans pour autant s'alarmer, elle s'essuya le bord de la lèvre du bout de son index et écouta avec attention ce que disait Cromax. Habile, le Sindel s'était présenté ainsi que la douce et délicate épouse qu'elle était devenue. Il promettait ensuite une récompense à la hauteur de sa peine mais toutefois, ledit Calech avait sans doute compris de lui même qu'ils n'étaient pas venu pour admirer les monuments et l'architecture - qu'on devinait merveilleuse à souhaits - de la ville, mais bien se rendre au palais royal. Le plus rapidement possible. Et de préférence sans être retenus. Il ponctua aussi en demandant quelles étaient les rumeurs de la ville. Pour ça, Hrist aurait plutôt demandé au tavernier mais Calech remplirait sans doute ce rôle avec beaucoup de diligence. Quant aux rumeurs qui animaient le palais, elle émettait toutefois quelques réserves. Il avait plus le profil pour indiquer où se trouvait la fameuse fête-à-la-saucisse et quelle bière avait le meilleur goût. Et comme ils n'étaient ni venu profiter de la bière et encore moins des saucisses... Mais les rumeurs sont parfois surprenantes et il pourrait bien avoir quelques surprises à évoquer. En tout cas, ça ne coûtait rien de l'écouter.

Cromax se pencha donc de nouveau dans son assiette, il avait l'air plus affamé qu'elle ou alors il avait connu une période de disette. C'était assez courant chez ceux qui souffraient de la faim de se jeter sur la nourriture. Hrist avait entendu un jour un homme dire que la famine était utile au peuple, qu'un peuple ayant souffert de famine n'oublierait jamais ce souvenir gravé en lettres de feu dans sa mémoire et réfléchirait à deux fois avant de gaspiller ses cultures. Enfin, elle en revint à ses moutons. Ou plutôt à sa calèche.

" Et bien... Nous avons justement soulevé l'idée. Un guide nous ferait gagner du temps à n'en pas douter. " Elle glissa cinq Lys devant l'homme, lui laissant le loisir de les prendre immédiatement ou non.
" Pour commencer. L'autre moitié une fois que nous serons devant le palais, il est impératif que nous y soyons au plus tôt, si ce travail est à votre convenance, je vous en prie. " Elle avait désigné les pièces, le ton que Lenneth venait d'employer était doux bien que ferme, plus comme une sorte d'entente cordiale qu'un échange qui aurait pu être amical. En tout cas, elle n'avait pas laissé le moindre signe qu'il s'agissait d'une conversation. C'était plutôt quelque chose qui résonnait dans le ton du " à prendre ou à laisser " et par " laisser " elle sous entendait " retourne à ta place sagement et on se débrouillera pour un autre guide ".

Toutefois, elle était assez consciente que l'image du couple qu'ils formaient était des plus importante, non pas seulement pour Calech mais aussi pour le reste de la clique qui les entourait et qu'ils n'auraient pas d'autres occasion de faire bonne impression.

" Vous êtes-vous restauré, Calech ? "

S'il s'apprêtait à rester pour évoquer les rumeurs, Hrist aimait autant qu'il ait quelque chose d'autre qu'un gobelet devant le nez. Elle n'appréciait pas que quelqu'un reste tenir le crachoir devant des mangeurs, c'était bon pour les ménestrels et les troubadours et puisqu'il lui manquait des clochettes et un oud, il pouvait bien partager un peu de ce repas gargantuesque avec ce couple Sindeli.


Cèles, dans la petite bulle éthérée qu'elle partageait avec Lysis regardait les flammes magique d'un oeil rêveur et pétillant.
" Des goûts électriques ? Mouais. J'ai cru voir qu'il croyait plus au coup de foutre qu'au coup de foudre en tout cas. Mais les amoureux de la vie, c'est bien, ça donne du baume à l'âme. T'sais, le problème avec la mienne, c'est pas qu'elle est morte. C'est qu'elle le reste. Bon, elle est bonne actrice hein, mais en temps normal, tu ne la vois jamais jamais jamais à table dans une taverne à picoler et à grailler. Rien que ça tu vois, elle est peu sensuelle, et par là, j'entends pas que son amour de la dentelle est à remettre en question, mais c'est une femme qui a peu d'amour pour les choses de la vie, pas forcément ce que Cromax semble vouloir hein, mais rien que de profiter d'un bon repas les bottes au coin du feu, bin ça déjà, ça coince."

Elle marqua une courte pause.
" Bon... Elle prend du plaisir à sa façon hein. En torturant des chatons, ça lui arrive parfois. C'était une jolie soirée, onirique presque. Les toits d'une ville sous une lune pleine et gibbeuse qui lui faisait de l'oeil en l'inondant de sa céleste clarté. Un peu de vent qui fait danser ses cheveux, le cri plaintif des mouettes au loin... Et elle qui torture un Garzok. Ah je te raconte pas l'état de la peau-verte à la fin ! Il était tartiné. Oui oui, c'est le terme. Tar-ti-né partout. Une soupe ! En moins appétissant. "

La petite femme d'ombre et de foudre s'étendit de tout son long sur l'herbe éthérée et se laissa rêver face au ciel étoilé. Une petite étoile filante traversa la voute Céleste et disparu aussitôt.

" Tu sais. Ils ont tous mis les pieds dans quelque chose qui les dépasse grandement. Ils vont forcément sortir de tout ça un peu changé mais j'espère que Cromax fera entendre raison à Hrist sur certaines choses. Histoire de diluer un peu tout ce pessimisme qu'elle traine plus qu'elle ne porte. Tu vois, sans vouloir faire de descriptions saugrenues ou mal embouchées, c'est comme si dans un bateau de pêcheur, on jetait son ancre dans son filet et qu'on cherchait ensuite à le remonter à la force des bras. C'est long, compliqué, éreintant et il y a une légère éventualité que le navire puisse chavirer. Or elle commence à prendre l'eau. "

Après un temps.

" Moi à ton histoire, j'y vois plus un symbole. Une bénédiction. Oaxaca qui a uni à jamais cette fusion, cette relation. C'en est limite poétique ! On frise l'apogée de la relation mortel et faera. "

Puis, la mine subitement ravie, elle claqua des doigts et se tourna brusquement vers Lysis.

" Hey ! D'ailleurs, tu crois qu'il est venu en calèche ce type ? "

------------------
2325 mots

Donne 5 pièces à Calech pour l'appâter davantage et s'assurer de sa fidélité.

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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Mar 1 Mar 2016 14:17 
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    Calech, à la demande de Cromax, prit place à la leur table et accepta volontiers le godet qui fut placé devant lui. Il écouta les questions qui lui furent posées, à l’issue desquels il empocha d’un geste fluide les lys donnés par Hrist, le tout avec un petit sourire.

    - Pour sûr que j’peux vous emmener au palais pour une telle somme, à l’heure que vous voulez ! Mais j’espère que vous avez d’autres vêtements qu’ça, parce qu’il paraît qu’ils font la fine bouche là-bas, m’sieur dame.

    Son regard s’illumina d’une petite lueur alors qu’il se penchait en avant, prenant des airs de commère conspiratrice.

    - Pour les rumeurs, ça y’en a toujours un paquet qui circulent en ville. Y paraît par exemple que la baronne de Soquin attend son douzième chiard et qu’on est pas bien certain du paternel. Et la fille du Grave d’Hyst a été gaulée dans les bras d’l’Ecuyer Drisdan, ça met l’palais à feu et à sang. On raconte aussi que le Baron Leodos serait en train de signer des accords avec Sihle, mais sans l’aval d’la royauté et si c'est confirmé, ça plaira pas des masses aux marchands d'la ville qui y verraient un abus d'pouvoir.

    Il lança un regard à la bourse qu’il avait à la ceinture et qu’il venait de remplir avant de se pencher encore plus vers les sindeldi pour murmurer :

    - L’roi est mourant depuis un sacré parquet de temps, mais on dit qu’y s’accroche à son trône comme une huître à son rocher. L’problème, c’est qu’y s’rait pas plus capable qu’une huître, justement, et qu’tout l’palais attend en retenant son souffle que l’roi, loué soit son règne, accepte enfin d’clamser. Y’a quelques vautours qui trainent autour et y paraît qu’ils ont arrêté des assassins, mais l’fait est qu’la politique d’Illyria avance plus.

    Il se redressa sur sa chaise et les observa.

    - Mais v’z’êtes pas d’ici, vous, ça s’voit. Vous v’nez faire des accords avec la ville ? Les elfes s’réveillent ?


[Cromax – xp : 0,5 (intériorisation), 0,5 (questions), 0,5 (informations reçues), 0,5 (engagement d’un guide), 1 (longueur) ;
Hrist – xp : 0,5 (intériorisation), 0,5 (informations reçues), 0,5 (engagement d’un guide), 2 (longueur)]


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 Sujet du message: Re: Illyria - Cité des Hommes
MessagePosté: Jeu 3 Mar 2016 17:14 
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Après moi, Hrist quémande l’aide de l’autochtone à l’apparence négligée pour qu’il nous guide jusqu’au palais, payant même la moitié d’une somme rondelette qui ferait sans doute le bonheur de ses enfants, ou le malheur de son foie. Lenneth insiste sur l’urgence de la chose, et indique que nous devrons nous y rendre sans détours, donnant un indice sur les raisons, autres que touristiques, de notre présence dans cette grande cité. Je la surprends plus polie et soucieuse de son image que lors de notre rencontre avec le prince héritier de Valmarin. S’est-elle seulement glissée dans son rôle d’émissaire noble d’une riche planète, ou était-ce alors la retombée directe du combat qui minimisait ses aptitudes au jeu d’acteur ? Ce n’est pas plus mal, au final, qu’elle se montre un peu plus hautaine. Les Sindeldi ont cette réputation d’être un peu pédants et fiers. A-t-elle court sur Elysian, malgré leur lointaine disparition ? Peut-être pas, mais nous ne pouvons pas risquer de déroger à notre réputation, si celle-ci nous précède. Et puis s’ils s’y attendent, au moins nous trouverons-t-ils de bonne composition.

Laissant ma compagne mener la suite de la conversation avant l’intervention de l’inconnu, je profite de mon repas en savourant ces mets simples, mais chauds et nourrissants. Puisque le zèle de l’aubergiste est certain, Hrist prend même l’initiative de proposer un repas à notre désormais invité, en plus du godet qu’il s’empresse d’accepter. Il accepte toutes nos propositions, d’ailleurs, ce brave Calech, empochant largement et sans demander son reste les Lys de ma grise épouse. Il soutient avec enthousiasme pouvoir nous mener au palais, qu’importe l’heure. La main sur le cœur, il nous indique que nos habits ne sont pas exactement suffisamment élégants pour le palais. Ils y feraient la fine bouche. Reluquant sans le vouloir son propre aspect, je ne peux m’empêcher un maigre sourire. C’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité. Il est vêtu comme un pouilleux, et se permet de juger des habits somme toute plutôt élégants pour des voyageurs, quoiqu’un peu fatigués et salis par le trajet et le combat contre ces sales bêtes à tête féline.

« Nous veillerons à être présentables. Je gage qu’ils sauront excuser une tenue moins rigoureuse que leurs standards habituels en apprenant la longue route que nous avons parcourue. Bien entendu, si nous avons le temps de passer dans quelque boutique d’accessoires à la mode de la Cour Illyrienne avant de nous rendre au palais demain, ça pourrait nous être utile, et vous être redevable. »

Cet homme du petit peuple, dont rien dans l’attitude ou la gestuelle n’indique d’indice sur l’origine des marques sur son visage, poursuit alors pour répondre à ma question sur les rumeurs parcourant les hautes sphères de la cité des hommes. Comme je m’y attendais, il décrit là un monde de cancans et de ragots foisonnant en masse comme des gastéropodes en rue lorsque le temps est humide. Rien d’étonnant : déjà que les cours sont des milieux où les racontars sont coutume, mais en sus, les petites gens fantasment souvent sur les rumeurs de la haute, et créent eux-mêmes de nouveaux bruits qui courent, qui amènent un peu de changements et de piment dans leur quotidien ennuyeux et répétitif. Outre cela, notre homme semble tout de même bien au courant de ces chahuts bourgeois, et en sélectionne quelques-uns qu’il se fait le plaisir de nous racoler avec un air goguenard. Je mets tout ce qu’il me dit sur la balance du doute, ne pouvant me baser sur de telles assertions pour me faire une idée de la vérité du milieu. Au moins aurai-je un aperçu des personnes citées, et de la manière dont elles sont vues par les gens du peuple.

Il annonce ainsi, franc battant, qu’une dénommée Soquin, baronne de son état, attend son douzième chiard. Certains doutent de la paternité de celui-là, et peut-être même des autres, même s’il ne le dit pas. Certainement pas son époux, si tant est qu’elle en ait un. Il n’empêche… Douze mômes. Je sais les humains portés sur la procréation, proliférant tels les rats dans le règne animal, mais quand même. Les elfes, eux, n’ont bien souvent qu’un seul enfant de toute leur longue existence. S’ils en ont un, seulement. À ce rythme-là, on peut presque parler de pondeuse, de mère couveuse. De poule coquetant sous les trop nombreux assauts de ses partenaires, et au ventre par trop accueillant pour le développement de ces saletés criardes et pleureuses que sont les enfants.

Une seconde rumeur nous rapporte l’existence du Grave d’Hyst, un titre honorifique, sans doute, et de sa fille qui se serait fait surprendre – et prendre, apparemment – dans les bras d’un jouvenceau et écuyer nommé Drisdan. Une amourette somme toute plutôt commune, ce me semble, mais qui mettrait le palais à feu et à sang, selon les propres termes de Calech. S’ils étaient frères et sœurs, ça pourrait suggérer l’émoi de tout un royaume, mais là ? Une passade bien innocente, ou même une jolie histoire naissante. La maison Drisdan et d’Hyst seraient-elles opposées ? Ou trop liées pour que ça soit correct. Ou peut-être les jeunots sont-ils en bas âge… Ou les relations hors mariage arrangé sont mal vues. Il y a tellement de possibilités autour d’une si banale amourette. Mais toujours, ce sont elles qui font le plus parler les gens.

Un autre sujet qui fait beaucoup parler les gens, c’est la politique. SI les systèmes internes ennuient la populace à en mourir, il n’en est rien de la politique extérieure, toujours croustillante, surtout en pleine crise politique. Ainsi, le sujet suivant de notre guide du lendemain évoque une alliance déloyale entre Sihle, cité marchande aux nombreuses ressources de luxe, mais y préférant l’art de la guerre, et le baron Leodos. Accord commercial ? Alliance martiale ? Le fait qu’elle soit faite dans le dos de la royauté mourante est particulièrement intéressant. Une manœuvre politique maladroite, puisque selon l’avis du hère qui nous parle, bien simple pourtant, les marchands de la cité en seraient fort contrits, soulignant un abus de pouvoir notable. Dans ce cas-ci, soit ce Ser Leodos est un abruti fini ne se posant aucune question sur son avenir à la Cour, ou sur les conséquences de ses actes, soit un anarchiste intelligent voulant créer une atmosphère chaotique en ville, en opposition à la noblesse et haute bourgeoisie du palais. Une piste intéressante à étudier, et surveiller de loin, sans trop s’y mêler. Car même en qualité d’envoyé commercial d’Eden, c’est le genre de rumeur qui pourrait nous intéresser dans notre rôle. Et nous serions légitimes dans nos inquiétudes si nous nous renseignions sur le sujet une fois au palais.

J’opine du chef sentencieusement, tout en l’écoutant, humectant mon gosier de ce vin âcre auquel on finit par s’habituer, ostensiblement intéressé par ses propos délateurs. Innocemment, je commente même le dernier sujet, jouant la carte de l’ignorance pour m’attirer le plus de précisions possibles sur la situation géopolitique d’Illyria.

« Ah oui ? Pourquoi une alliance commerciale avec la cité de Sihle serait-elle si mal perçue ? Il existe des tensions entre les deux villes ? Les marchands ne devraient-ils pas être heureux de voir venir de nouvelles denrées sur leurs étals ? »

D’autant que, comme j’ai pu l’entendre, les ressources de Sihle sont plutôt luxueuses. De quoi faire son fonds de commerce, dans une si grande cité. Mais il serait malaisé d’en parler si ouvertement. Il me faut rester dans la juste mesure.

Puis, sur un ton plus fureteur, loin des grands éclats de voix de ses condisciples, il s’approcha de nous pour nous parler du sujet qui fâche : la crise de succession d’une royauté sur le déclin. Celle évoquée par Aaria’Weïla et ses pairs. Ainsi, le roi est bel et bien mourant, s’accrochant trop longtemps à une vie dont il ne fait plus rien. Et pendant qu’il crève sans en finir, la tension monte, chez ses successeurs. Mais pas uniquement : la ville entière tremble devant cette ingérence actuelle, cette impotence souveraine. Les vautours évoqués par Calech semblent avoir embauché assassins pour débloquer cette situation d’attente interminable et pesante. Je fronce les sourcils, prenant une mine inquiète.

« Des assassins, vous dites ? Rien qui mette en danger la sécurité dans la cité, j’espère ? »

Un bon moyen d’enquêter, encore, sur la situation locale de bien-être populaire. Mais, comme en réponse à nos propres questions, il finit par se renseigner sur nous, nos buts et origines. Avec un sourire affable, mais une mine ferme et un regard assuré, je lui ressers un godet, afin de lui rappeler qu’on le paie pour les informations qu’il distille, et que nous ne sommes guère en conversation avec un ami.

« La raison de notre présence ne regarde que nous, je le crains. À quelle heure seriez-vous disposé à nous conduire au palais, demain, afin que notre arrivée coïncide avec la disponibilité de ceux qui gèrent la ville ? Car avec un souverain aussi impotent, si vénérable fut-il, il doit bien y avoir quelqu’un qui régit les affaires courantes, n’est-ce pas ? »

Et une dernière question pour la route avant d’écouter plus avant les réponses qu’il aura à nous fournir. Et me replonger, laissant le crachoir à ma douce (haem) compagne, dans mon assiette, dont je garnis les bords de nouveaux morceaux parfumés de fromages odorants à pâte dure, aggrémentés d’un peu de pain, pour saucer mon assiette et clôturer ce revigorant repas.

Toujours dans leur décor forestier onirique, les faeras poursuivent leur éloquente discussion critique sur les mœurs de leurs maîtres respectifs. Lysis, n’étant pas du genre à mâcher ses mots, résume assez vite la description de Hrist qu’en fait Celès.

(Ouais. Elle est chiante, quoi.)

Pour la petite boule de fluides flamboyants et obscurs, une femme morte dans l’âme est forcément ennuyante. Sans passion, sans envie de profiter des plaisirs simples de la vie. Toujours vautrée sur son canapé incongru dans ce décor forestier, elle domine sa consœur allongée dans l’herbe.

(Torturer des chatons ? Je connais un endroit où elle pourrait trouver des gens qui seraient prêts à la payer pour leur faire subir de telles choses. Mais peut-être y trouverait-elle moins d’intérêt, s’ils y prennent plaisir ?)

Le Temple des Plaisirs, ce petit monde de déviants… Tout un programme. Mais le sujet redevient sérieux.

(N’espère pas trop de leçons de morale de la part de Cromax pour Hrist. Même s’il ne cautionne pas son attitude négative sur tout, au pire négligera-t-elle celle-ci d’un revers de main. Il n’est pas bien du genre à faire changer sciemment les gens. Après, peut-être la tienne aura-t-elle un exemple sur lequel voir de bons aspects de la vie. Mais… pour ça il faudrait qu’ils restent ensembles, et qu’ils gardent une bonne entente. Avec leurs différences, ça va pas être du gâteau, c’est moi qui te le dis. Et s’il la voit couler, ta barquasse de maîtresse, Cromax sera plutôt du genre à nager loin histoire qu’elle l’emporte pas avec elle dans ses remouds plutôt qu’de souquer ferme. Va falloir qu’on s’accroche, si ça arrive et qu’on veut qu’ils s’entraident.)

Puis, le sujet revient à ce lien entre Lysis et moi. Et finit sur une touche d’humour… douteuse. Lysis pouffa, plus moqueuse que réellement sujette à un rire franc.

(Tu m’étonnes qu’elle soit négative, avec des blagues pareilles, ta deux-fois-morte. Tiens, d’ailleurs, elle en pense quoi de toute cette situation d’Illyria ? Et de cette alliance impromptue avec Cromax ? Lui a beau sembler plus ouvert et avenant qu’elle, il n’accorde pas aisément sa confiance. Du coup, là, il est plutôt soupçonneux de ta maîtresse et de toute son histoire de lien avec les Treize. Il n’aime pas ses masses se sentir surveillé, et vu qu’elle lui a dit que son maître l’envoyait un peu pour ça, si on lit entre les lignes, ben… c’est pas évident-évident, quoi.)

Mes yeux croisent une fois de plus ceux de Hrist. J’ignore pourquoi, mais je me sens lié à elle. D’une manière que je ne peux décrire. Est-ce parce qu’elle possède une faera, et que la mienne discute avec ? Je n’ai que rarement croisé des personnes en possédant. Peut-être est-ce parce qu’elle est de ma race. Peut-être est-ce parce qu’elle vient de mon monde, et que nous ne sommes que deux, perdus au milieu d’une ville bien trop grande.


(2062 mots)

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