Allons bon, un coup de pied digne d’un cheval de bonne race, et aucun résultat, c’en est décevant… et mortifère aussi, mais je me contenterai du « décevant » pour ne pas faire trop d’inquiéter un public sensible. Comme seul succès de mon élan bien placé, je n’ai qu’une espèce de pot en fer mal foutu qui dégringole le long de la pente de machins pour venir bringuebaler tristement à deux bons mètres de ma cible, ce qui m’encourage à redoubler d’efforts sans tarder et à donner du talon avec une ardeur redoublée pour sauver ma peau verte. Et là, catastrophe ! Le mieux est l’ennemi du bien comme on dit, et en conséquence, j’obtiens bien le déluge que j’espérais, mais hélas, trois fois hélas, à force de mettre trop d’allant dans mes efforts, je me retrouve emporté dans ce torrent de débris meurtrier qui se soulage de son équilibre précaire en dévalant en une suite d’objets contondants qui me meurtrissent sans pitié la peau, semblant faire éclater sous leur pression jusqu’au plus infime et plus reculé de mes os alors que, replié sur moi-même en position fœtale pour limiter les dégâts sans grand espoir, la peur et le désespoir éclatent dans mon ventre en de douloureuses fulgurances. Pour autant, mes autres sensations ne sont pas annihilées, et c’est ainsi que dans le court intervalle que dure mon abominable chute, le frottement doux d’une créature à la fourrure épaisse se faufile en direction de mon visage, dans un but qui ne laisse pas beaucoup de place au doute, d’autant que je sens par instinct le but qui motive cette boule de poil faeresque.
(Remets-toi à l’abri ! M’exclamé-je mentalement, gardant les idées étonnamment claires malgré le tumulte de fracas qui règne autour de moi. - Cours toujours !)
Ah ça pour courir, je galope… je rue, je fonce, je charge ! Mais là n’est pas la question, et je continue de fustiger Manil’ avec résolution :
(Un tout-cassé ça suffit ! A l’abri !... C’est un ordre ! Finis-je par déclamer quelque peu absurdement, à court d’idées pour décider cette petite créature têtue à ne pas se faire laminer elle aussi. - Essaie de m’en empêcher !)
Peine perdue donc, et c’est en un étrange duo de petite taille que nous déboulons à grand bruit jusqu’à ce que le cruel tohu-bohu indescriptible s’arrête, me laissant en une position épouvantable, les jambes à moitié ensevelies et broyées, et le bras droit lacéré par une caisse dont les bords à moitié détruit ont fait fort bien office d’objet tranchant. Sonné, perclus de douleur, je n’essaye même pas de me dégager, sentant que tout effort ne ferait qu’attiser le terrible brasier de souffrance qui brûle en moi, concentrant avant tout mes sensations sur ma compagne de taille réduite dont je sens avec un soulagement plutôt dérisoire la vie palpiter avec une vigueur qui ne semble pas avoir diminué. Non loin de moi, un remue-ménage semble se poursuivre ; sans doute ce démon qui n’aura pas ressenti l’effet de l’avalanche à un point aussi handicapant que moi, mais je n’y prête même pas attention, me sentant désormais étrangement détaché de toutes ces préoccupations tactiques qui ne sont plus à présent d’aucune utilité.
( Je vais mourir hein ? Geins-je intérieurement, plus en une pauvre pensée lancée au hasard qu’en une réelle question. - Je…je ne sais pas. - Ha ha… toi qui disais que tu savais tout ! - Arrête ça ! C’est pas drôle!)
Absolument pas, mais au point ou j’en suis, je me dis qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer sinon ma mort sera vraiment une scène au dernier degré du pathétique… et même pas de foule pour me pleurer ! Qu’est-ce que je suis mal loti décidément : à en juger par les mouvements qui agitent mon capot d’ordures, le seul public dont je bénéficierai sera mon propre bourreau sorti en un seul morceau de son côté, et la dernière vision que j’emporterai de ce monde qui m’a supporté presque une décennie et demi sera le rictus triomphal de ce colosse alors qu’il me saignera malproprement ; on aurait pu désirer plus épique comme fin pour, même pour un sekteg ! Je ferais bien quelque chose pour me protéger, mais avec une carcasse physique aussi amochée, qu’est-ce que vous voudriez bien faire ? Je ne peux même pas me lever, et avec les allumettes malingres écharpées qui me servent de bras, la seule chose que je pourrais faire serait de m’agiter vainement comme un mulot entre les pattes d’un chat. Non, vraiment, tant qu’à faire, autant se montrer vaillant face à ses derniers instants, même si, sous le considérable aiguillon glacé de peur qui me fore l’estomac qui s’ajoute à mes blessures, ma respiration se fait laborieuse et saccadée, et des larmes mêlées de sang naissent dans mes yeux qui ne tardent pas à tracer de petites rigoles le long de mes joues creusées, quoi que je puisse faire comme effort mental pour les retenir.
Un dernier mouvement, puis un rayon de lumière lunaire me toque le regard, en même temps qu’apparaît la silhouette redoutable de ce grand escogriffe qui n’a plus qu’à achever mon travail bâclé d’un simple mouvement. Qu’à cela ne tienne : bravement, je le fixe de toute l’ardeur qu’il me reste tandis que Minil’ se presse contre mon cou, bien évidemment tout aussi impuissante que moi face à un tel monstre de force obscure. Et là, coup de théâtre ! L’affreux se gausse grassement, mais contre toute attente, il décide de me laisser à mes souffrances, ne me jugeant apparemment plus assez digne dans l’état actuel des choses pour avoir l’insigne honneur de me voir porter le coup de grâce par un membre de l’armée d’Oaxaca tel que lui, préférant laisser au cours naturel des choses le soin de me tuer à petit feu tandis qu’il prend du recul pour se mettre à la laborieuse besogne de prendre son envol, agitant ses ailes plus noires que la noirceur comme une espèce d’épouvantable corbeau difforme.
Voilà une négligence qui va lui coûter bien cher ! Jusqu’à mon dernier souffle, je m’accrocherai à lui comme une tique pour ne pas le laisser se faire la belle en emportant en même temps l’enveloppe charnelle de mon Gatch Bratty ! De toute façon, soit tout le monde rapplique fissa de l’endroit où ils se trouvent, quel qu’ils soient, et j’aurai alors des chances de m’en sortir vivant sous leurs éventuels soins, soit ils reviendront trop tard pour que Krochar reprenne le contrôle de son être et pour qu’on s’occupe de moi avant qu’il ne soit trop tard. Avec des gestes d’une lenteur incroyable, et qui me causeraient certainement une douleur qui le serait tout autant si je ne m’étais pas gavé de potion torkine, je glisse la main gauche, celle restée la plus valide, en direction de ma ceinture d’où je tire un de mes trois poignards de métal noir, m’en saisissait par sa lame affûtée. J’ai toujours visé comme un pied, et anéanti comme je le suis, ça n’arrange rien, mais avec un peu de pot et si ce couteau est aussi bien équilibré qu’il me paraît l’être, je réussira peut-être à gagner quelques secondes de plus en le lui fichant dans le lard !
( T’es dingue, arrête ça ! - Essaie de m’en empêcher !)
Et avec un « Rhan ! » d’effort pitoyable, j’exécute un grand arc de cercle de mon bras qui retombe en fin de parcours inerte à mes côtés, ayant lâché au passage la courte arme de lancer qui file comme un dard en direction de sa cible. J’ai désormais fait tout ce que je pouvais et n’ai plus qu’une chose à faire.
Espérer.
_________________ J'ai décidé d'être heureux, parce que c'est bon pour la santé! _____________________________________________ Jakadi, voleur gobelin niveau 4 so unique en son genre vous salue bien. Bilan de la quête 18 : Buffet maritime gratuit , une tenue très tendance (merci beaucoup GM17 ), 1er contact avec les indigènes, découverte des spécialités culinaires locales , rééquilibrage de la balance des possessions Shaakts/Sektegs, tatanage de torkin (c'est une CC messieurs-dames!), un ventousage d'urgence , une obtention de balalaïka , une razzia sur des restes de bataille, du matraquage d'araignées géantes , la perte d'une bonne partie du groupe , un affrontement avec un esprit des ténèbres , un fort agaçant diseur d'énigmes , un combat contre une troupe entière de garzoks, de l'apprentissage de CCs par zigouillage d'araignée .
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