Ma tentative se solde par un échec, et très vite, un expert en pétrification vient m’éclairer sur mon erreur, affirmant que lui aussi, malgré son apparence tribale et primaire, a de bons yeux et une bonne logique de déduction. Ainsi, il énonce l’éventualité, pas bête, de passer directement l’antidote en transcutanée, via blessure interposée. Une méthode somme toute barbare, à laquelle j’ai espéré échapper en nourrissant de la mixture liquide les lèvres de la statue, mais qui a l’avantage de fonctionner, contrairement à la mienne. Autour, ses comparses viennent en aide aux leurs. Finalement, ce peuple de guerriers modifiés, aux chairs tordues et aux os brisés, a moins souffert de l’attaque que je ne l’avais initialement escompté. Ils restent, pour le moment, des alliés qui peuvent s’avérer précieux, et qui ont cet avantage sur moi qu’ils connaissent bien l’île.
Madoka, après avoir apporté soins et amitiés à mon ami aéromancien, répond alors à mes questions, résumant tout ce qui s’est passé depuis mon départ. L’anarchie, en un mot, alors que j’avais espéré par mes conseils amener un peu d’ordre dans toute cette débandade. Ainsi, j’apprends que chacun a quitté l’emplacement du crash pour partir vers une destination aléatoire et inconnue. Un peu comme moi, finalement, mis à part que je l’ai fait dans une perspective d’éclaireur et d’exploration de la zone afin d’en retirer les atouts et inconvénients à éviter… Comme des alliés tribaux et des lézards paralysants, par exemple, mais aussi la présence d’un village, ou de quelque trace de civilisation.
Elle m’annonce avoir fait face à des ennemis aux chairs torturées, avec des lames à la place des bras et mains… Curieusement, cela me rappelle un adversaire plutôt malchanceux que j’ai croisé sur Gramenou, et que j’ai tué avant qu’il n’ait pu esquisser le moindre mouvement dans ma direction. Hélas, ça ne semble pas s’être si bien passé du côté de l’Ynorienne, puisqu’après les avoir tués avec l’aide d’Aenaria et d’autres voyageurs de l’aynore, ils ont fait face à une créature plus grosse et dangereuse encore, ayant amené la fuite de chacun, et la mort d’un… Lioval, le guerrier kendran. Elle narre ensuite sa fuite jusqu’aux bruits de mon combat.
Le plus perturbant dans son discours, outre la présence de monstres horribles sur l’île, reste l’effet du collier sur son être. J’acquiesce à ses propos d’un air grave, et commente ensuite.
« Par chance, tous ici ne semblent pas agressifs, non. Quant au collier… j’ai moi aussi ressenti un effet similaire au vôtre. Sauf qu’à la place de la prudence, c’était l’effronterie et la témérité aveugle qui m’étaient indiquées. Je n’ai pas lutté, je n’y ai même pas pensé… J’ai tué ces bêtes parce qu’elles m’attaquaient, oubliant toute notion du danger… »
Je me rends compte à quel point c’était stupide, de risquer ma propre vie aussi stupidement. Un brin de prudence s’impose, dans certaines situations. Et je me sens plein de morgue d’avoir risqué ainsi de perdre la vie pour une cause qui ne m’appartient même pas.
Madoka, pendant ma réflexion, s’inquiète de savoir s’il en viendra d’autres…
« Je ne le sais, mais il vaut mieux ne pas rester trop longtemps à cet endroit. Si vous m’avez entendue, toutes les créatures alentours doivent en avoir fait de même. Et l’odeur du sang n’attirera pas les plus sympathiques, je le crains. »
Je me tourne vers les hommes-sauvages.
« Je vous ai aidé à vaincre ces créatures ennemies… Pourriez-vous m’aider en retour, et m’indiquer s’il existe un village où d’autres créatures de Sisstar se terrent ? »
_________________
|