De ma proposition de descendre sans plus tarder vers l’aval de cette montagne forestière, l’elfe conclut qu’il serait bon de prendre de la hauteur, pour avoir un point de vue général sur l’île. Proposition pertinente, si je n’en venais pas déjà. Suite à quoi, elle jette un regard sur les cadavres des Labradaks avec, sans doute, une idée en tête, qu’elle n’énonce qu’à moitié en disant vouloir en profiter. Ainsi, elle se place en lieu et place des charognards et prédateurs dont je crains voir l’arrivée. Point de vue intéressant, mais finalement assez peu sécurisant. Mon estomac est certes vide, mais il n’en est pas moins noué par l’embarras de cette situation inexplicable qui met en danger ma vie à chaque instant de plus que nous passons sur cette île.
« Je viens du sommet, c’est là que j’ai rencontré les êtres qui m’ont aidé à combattre les lézards. J’ai observé les alentours, et n’ai remarqué que la formation géologique de l’île : beaucoup de végétation dense au centre. Un volcan domine l’ouest, la côte sud est composée de criques et de rocs, et celle du nord de plages et d’ilots isolés. Un marécage inonde le nord-ouest. Je n’ai aperçu aucune structure, et pourtant Nar’Granok les a évoquées… »
J’argumente un peu plus mon choix de descendre vers ces maisons de pierre.
« La seule zone civilisée de l’île que nous connaissons pour l’instant. Si les autres apprennent son existence, c’est là que nous les retrouverons. Et même si ces maisons de pierre sont l’habitat d’ennemis, je m’y sentirai déjà plus en sécurité, avec un ennemi déclaré et dont on connait la position, qu’au milieu d’une jungle hostile dont le moindre roc peut devenir un ennemi, et où le moindre arbre cache un nouveau danger. »
Au moins a-t-elle, en tout cas, abandonné l’idée de rester ici, immobile. Il était temps de parler de nourriture…
« Libre à vous de prélever ce que vous voulez sur ces créatures, mais je ne goûterai pas de cette chair transformée par des pouvoirs aussi sombres que ceux des Treize Sergents d’Oaxaca. »
A choisir, j’aurais préféré manger la chair de la jolie Madoka, si celle-ci n’avait pas fondu après sa mort, ne laissant que ses os. Et tant qu’à parler de chair, je m’avoue préférer, dans les situations délicates comme celle-ci, préférer partager la mienne avec une conquête que dévorer celle de mes ennemis… Mes yeux tombent, finalement, sur les restes écœurants de l’Ynorienne. Nous ne pouvons décemment pas laisse toutes ses affaires sur place, à la portée du moindre ennemi. Je m’approche de son cadavre, et me penche dessus, pour empocher l’entièreté de sa bourse, fermée, dans mon sac. Ma main, ce faisant, frôle le collier, désormais sans propriétaire… Une curieuse sensation s’empare de moi, à son contact. Comme s’il m’appelait. Je ne peux pas le laisser là, lui non plus, et je le glisse à son tour dans mes affaires, avant d’ouvrir le sac de la défunte pour constater ce qu’il contient. Autant ne pas laisser au milieu de la jungle le moindre objet de valeur, qu’elle soit matérielle ou sentimentale. Avec la résurrection surprise de Salymïa, lors de la dernière mission des Amants de la Rose Sombre, les mystères de la mort me sont d’autant moins révélés. Et son côté définitif nettement moins avéré, comme peut l’attester également la rapière noire que je porte au flanc.
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