L'île Mystérieuse - Chapitre XXVIL’île Mystérieuse
Chapitre XXVII
Au pied du navire, l'humoran se retrouva face à un problème des plus idiots. Le seul accès vers le pont était un filet de pêche assez léger. Il pourrait faire office de filet d'escalade, mais grimper avec Lioval à son épaule était assez inenvisageable. Encore, s'il n'avait pas été épuisé par sa course, ça aurait pu être faisable. Mais là, même avec la puissance du collier, il ne le sentait pas. Se sentant un peu idiot en reconsidérant cette réflexion de fainéant, ces blocages de paresseux qu'il se trimballait depuis trop longtemps et qu'il cherchait à travailler depuis son départ de Dahràm, il se dit qu'il prendrait sur lui cet effort. Il se disait ne plus en être à ça près, et ça le revigorant d'une fierté parfaitement ridicule, comme s'il avait pris une décision héroïque.
Il attela Lioval sur son épaule d'une manière plus confortable à sa grimpée et entreprit de monter avec une seule main. Il gravit les premiers mètres sans vraiment être à l'aise. Ce n'était franchement pas pratique et il avançait à un rythme vraiment lent, devant s'atteler à pratiquement chaque pas à replacer l'inconscient sur son épaule. Frustré d'avoir autant de difficulté pour une tâche aussi simple, il se décida, à mi-parcours, d'escalader tout le reste sans s'arrêter avec la confiance du ras-le-bol. Décision qu'il regretta vite, lorsque, la gravité étant ce qu'elle est, Lioval lui glissa de l'épaule, son poids mort se projetant vers l'arrière. Dans un réflexe de survie immédiat et non réfléchi pour éviter sa chute, il lâcha son fardeau qui alla s'effondrer comme un sac de patate sur le sable mouillé quelques mètres plus bas. L'humoran fit une grimace, jura contre lui-même et balança quelques blasphèmes au passage.
Maintenant que le mal était fait et qu'il se trouvait si près du pont, il s'imagina une autre astuce pour amener Lioval dans le bateau. Il continua donc de monter et, une fois sur les planches de bois, il alla chercher une corde. Il la noua au bastingage et la fit tomber au sol, tout prêt du barbare. Il descendit, fit un nœud autour de sa ceinture, grimpa une nouvelle fois, défit le nœud du bastingage et entreprit de tirer sur la corde pour élever Lioval. Médicalement, ce n'était franchement pas pertinent d'avoir le corps d'un inconscient tiré d'une telle manière, la tête et les membres se laissant aller vers le bas et tournicotant dans tout les sens. Mais bon, il se débrouillait comme il pouvait. Il continua de tirer. A plusieurs reprises, sa tête cogna contre la coque du navire. A le voir œuvrer de loin, on aurait dit un spectacle burlesque et lui, il était dans le rôle de l'idiot du village plein de bonnes intentions mais totalement incapable. Quelques cognements plus tard, Lioval était enfin à portée de bras. Il le souleva et le plaça aussi sec sur le pont.
Grimper jusqu'au pont fut d'un effort démesuré par rapport à l'exploit qu'il n'était pas et il souffla un grand coup. Il regarda brièvement le corps toujours inconscient du barbare, en espérant qu'il ne venait pas se s'épuiser à trimballer un cadavre et tourna le regard vers le seul point de lumière lui restant visible. La lueur bleue, qui ne devait pas être si loin que ça, en fait.
Selon son idée de base, une fois Lioval à l'abri, il pourrait repartir à pied essayer de retrouver Heartless. A s'énerver contre la poiscaille, il devait certainement pouvoir facilement se trouver en longeant la plage.
Mais il eût une meilleure idée en considérant le navire sur lequel il se trouvait maintenant.
Il avait appris pas mal de ficelles de matelots avec les filles de Garriar et, plus tard, avec Elias et son équipage. Il pensait pouvoir se débrouiller à manœuvrer un brin. Il irait voir de plus près l'origine de la lueur et, si Heartless était un peu malin, en voyant l'Innomable voguait, il se ferait remarquer.
L'humoran emmena Lioval dans un couchage mais il n'en avait pas alors fini de suer, manœuvrer un bateau seul, ça impliquait de courir d'un bout à l'autre du pont sans arrêt. Rien que le fait de sortir du sable était un calvaire incroyable. Lever l'ancre seul, tirer tout les cordages permettant de hisser la voile... Et ça ne garantissait en rien que le navire repartirait aussitôt. Mais, il eût, pour une fois, une certaine fortune. Une bourrasque se leva et poussa le bateau loin de la plage. Il dût alors courir jusqu'au gouvernail et manœuvrer.
Mercurio dirigea donc l'Innomable vers la lumière et, en s'en rapprochant, commença à comprendre. Il s'agissait en fait d'un navire et les lumières bleues étaient un système d'éclairage utilisé par ses marins. La coque et la voile du navire était d'un blanc éclatant et, dans cette nuit, reflétait énormément cette lumière. Il ne put s'empêcher de s'interroger sur qui était ces étranges personnages et ce qu'il pouvait bien ficher ici. Pour une île perdue, on s'y ruait autant que dans une maison close qui aurait réduit ses tarifs de moitié un jour de festivité et offrirait un bon tord-boyaux avec ça. En y regardant de plus près, il vit des archers qui tirait en direction de la plage. Ne comprenant pas, il tourna le regard vers leur cible. Il n'aurait pas pu le jurer à cette distance, mais il s'agissait d'un homme et il pensa directement à Heartless. Ah non ! Par les dieux ! Pas encore des gens qui veulent nous tuer ! Le danger, il commence à y en avoir marre là ! C'est trop demandé qu'un instant de répit ?!
Il hurla :
"Hé ! Arrêtez ! Non mais ho ! Ne lui tirez pas dessus !"Il fallait pouvoir leur parler.
Ayant peur de ne pas être entendu, il se demanda un instant comment on pouvait dire un truc du genre "Ho les gars, on se calme et on discute d'accord ?!" à la manière des marins. Il ne connaissait pas les codes mais voulut quand même essayer quelque chose. Il courut alors vers la voile et fouilla dans un tonneau. Il en sortit le drapeau blanc et le hissa. En espérant qu'ils le voient, dans cette obscurité.
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi