Personne n'est vraiment rassurée en voyant Dems s'esquiver vers le tunnel d'où venait les voix, moi la première à vrai dire. Mais je préfère ne rien montrer et paraître impassible, comme devrait le faire de toute façon une jeune fille de chevalier bien éduquée. Même si... je suis vraiment inquiète en regardant le dos du jeune homme disparaître. Les minutes s'égrainent, lentement, trop, beaucoup trop. J'ai du mal à me concentrer sur la réponse de Maude, neuf enfants, et donc possiblement autant d'aventuriers, voire peut-être même plus. Cela pourrait nous aider, si nous parvenions à les retrouver. En attendant, il nous faut survivre et sans doute se reposer un peu, c'est ce à quoi j'aspire d'ailleurs, mais les enfants d'abord. Je me demande déjà comment le petit Phil peut rester à la fois si sage et si éveillé à son âge, en espérant pour lui que ça ne soit pas la peur qui le maintienne ainsi.
"Surveille par là, Evangelina et vous les enfants, essayez de dormir un peu."
Aucune chance que je parvienne à dormir comme une bûche dans un cadre pareil. Les histoires sur les Shaakts que me racontaient ma mère et ma nourrice remontent à la surface au moindre chuintement à peine audible et au moindre souffle du vent. Ce sont des êtres cruels, de redoutable assassins capables de voir la nuit et de manipuler la magie de Thimoros pour réduire à néant les gêneurs avant même qu'ils les perçoivent. Nul intérêt donc à éteindre les lumières, cela ne ferait que les aider. On raconte même qu'ils craignent la lumière et le feu et qu'ils sont aveugles au soleil de la mi-journée.
Pour tâcher d'oublier un minimum tout cela, je m'assieds sur un rebord, cale la torche que j'ai en main, et sort mon grimoire bleu, au chapitre deux : "Fluides et effets magiques".
Il existe, comme tout à chacun le sait, huit sortes de fluides dans le monde, qui s'opposent deux à deux. L'eau et la foudre, le feu et la glace, le vent et la terre et la lumière et l'ombre. Comme nous l'avons déjà évoqué au chapitre premier, il est impossible pour un mage d'absorber deux fluides d'éléments opposés. La déduction classique est donc de dire qu'un même mage ne pourra, au maximum et s'il choisit de ne pas se spécialiser, manipuler que quatre type de sorts.
Jusque là, ce chapitre est relativement inutile, c'est une constatation que j'avais déjà faite, et je n'avais pas l'intention de dépasser les deux éléments pour l'instant de toute façon. La suite cependant, promet d'être nettement plus instructive.
C'est cependant faux et très réducteur vis-à-vis des possibilités réellement offertes par la magie dans notre monde. Il existe une autre forme de magie, utilisable avec n'importe quel élément. Nous l'appelons "magie neutre" justement pour cette raison. Cette magie, basée sur la manipulation mentale, est nettement plus difficile à utiliser et les sorts de cette spécialité demande un doigté dont peu de mages sont pourvus. A vous qui êtes entrain de nous lire sachez qu'il est vraiment improbable pour vous d'y arriver à l'heure d'aujourd'hui. Malgré tout, si c'était le cas, je vous saurais gré de vous rendre à l'université de Pohélis où je me ferais un plaisir de vous rencontrer. Ne désespérez pas pour autant, un jour vous pourriez y arriver.
Il est pas gêné cet auteur, tiens. Je me crispe cependant en lisant le nom de la ville des glaces et sa prestigieuse école de magie. Pohélis, la ville de glace, ancienne ville capitale du Nosvéris, réputée pour son métal élémentaire dont était faite Croc de Neige, la claymore de mon père, mais aussi et surtout pour son université à la pointe sur la recherche magique. Pohélis, la cité tombée il y a sept ans aux mains d'Oaxaca la Dame Sombre -que Phaïtos l'emporte d'ailleurs-; Pohélis la cité aux sept portes, on raconte qu'elle a été rasée, brûlée ou simplement capturée; que l'Université a été rayée, détruite et ses professeurs tués. Ce livre date donc d'il y a huit ans, au minimum, sans doute dix ans voire plus.
Nous arrivons donc à neuf types de magie, et un maximum de cinq manipulable par un magicien expérimenté. De nombreux mages ignorent qu'ils peuvent eux-même mélanger leurs fluides pour créer des sorts dits "combinés". Imaginez un bouclier parfait fait de pierre et de glace, capable de protéger autant de la magie que des lames de vos adversaires. Ou encore des tempêtes de flamme et de terre. Avant de créer des sorts de ce type, il est nécessaire de savoir utiliser chacun de vos éléments séparément. Le reste de ce chapitre sera donc consacré aux huit types de magie élémentaires et à leurs applications.
Nous allons enfin arriver à une partie intéressante. Je note l'idée de ces sorts combinés, même si je ne me sens pas de les utiliser, du moins pour l'instant. Je feuillette le livre jusqu'à un premier élément qui m'intéresse directement : l'application de la glace.
La glace s'oppose directement au feu et à ce titre, comme nous l'avons vu pour cet élément, s'il représente la flamme qui brûle, il représente aussi la chaleur. Il en est de même pour la glace, qui se manifestera autant par des stalactites de glace, que par de la neige, mais aussi, pour ne pas dire surtout, tout ce qui touche au froid.
Dans la magie de combat, elle sera utilisée comme un élément de gène, qui viendra ralentir voire immobiliser l'adversaire, le rendant parfois incapable d'agir. D'un point de vue purement offensive, elle est un élément de puissance somme toute relative, mais pouvant parfois toucher dans une large zone. Mais cet élément est surtout prisé pour sa capacité à défendre magiquement le porteur, quel sort en effet fourni en effet une défense du niveau du miroir ? Nous trouvons ainsi comme sort : "miroir" qui non seulement protège une zone des sorts lancés, mais les renvoie vers leur lanceur. "Neige" qui génère un blizzard piquant. "Déferlement de grêle" qui lève une tempête de grêle autour du magicien, blessant et gênant les adversaires. "Terrain glissant" qui va créer une plaque de verglas autour du lanceur, avec toutes les conséquences que cela peut avoir. ou encore "Somnolence" qui porte bien son nom.
En dehors des combats, c'est sa capacité à tenir au froid qui est très appréciable, que ça soit avec le sort de doux froid qui va permettre de refroidir un plat, ou feu tiédi qui permet de rendre une flamme froide. Notons d'ailleurs que nombreux sont les prêtres de Phaïtos a avoir en commun avec des bouchers cryomanciens le sort de "conservation" qui permet de ralentir d'une bonne semaine la dégradation d'un corps mort qu'il soit humain ou animal.
Si on enlève la dernière remarque qui, sur le coup, me semble pour le moins glauque, j'avoue que cet élément est intéressant et promet d'être plus efficace que je ne l'imaginais. Je prends le temps de sortir un peu de ma lecture pour voir un peu la situation.
_________________ Naya, fille du chevalier Cyrial de Rougeaigues, seigneur de Melicera
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