Ce gobelin a décidément un talent dans la déconcentration sauvage, un peu comme si chacune de ses respirations emportaient avec elles ce qui se trouve dans sa tête, mais ne les ramenaient pas toujours dans le bon ordre. Nul doute que le sauvetage ou la mission lui tient à cœur, mais à ce rythme, ils n'arriveront jamais à la cachette de Karsinar. Surtout s'ils doivent s'arrêter pour ramasser tous les cailloux en forme d'on ne sait quoi, toutes les coquilles, coquillages ou objets laissés à l'abandon dans ces cavernes.
Et la tentation de toucher à tout ce qui est nouveau ou bizarre est bien plus grande que sa capacité d'écoute.
Fenouil n'arrive pas à la cueillir et se décide enfin à revenir mais Maâra essaye quand même de le raisonner, se demandant à part elle si elle ne devait pas le ligoter sur Stor Varg pour être sûre d'avancer plus vite.
- On n'est pas … là … pour …
Les yeux de la nécromancienne s'écarquillent et les mots sortent de sa bouche sans constance, tels les fantômes de sa précédente pensée. Son dernier mot : ça, meurt dans sa gorge de peur de rendre trop réel ce qui bouge derrière un Fenouil à l'air piteux.
La tige n'est que l'infime et luisante partie d'une chose énorme, aussi large que la galerie, qui s'extirpe du sol sous lequel elle était à l'affût. Une gigantesque bouche bordée de crocs de la taille d'une main s'ouvre dans le dos du gobelin, avec des tentacules sous la gueule. Elle a un dos rond violacé, bardé de pointes comme des lames de rapières aiguisées, et s'appuie sur des espèces de nageoires.
Figée d'horreur, Maâra s'arme de son couteau. Piètre accessoire, se dit-elle en le faisant tourner dans sa main, avant que ses fluides ne s'agitent à leur tour, toujours à l'affût de la moindre opportunité de violence. Mais elle doit d'abord protéger les enfants, n'est-ce pas ce qu'elle vient de leur dire, presque de leur promettre en proclamant qu'ils n'avaient pas à risquer leur vie à sa place. Maintenant que la situation l'exige, elle se sent impuissante et désarmée. Elle cherche une issue, une manière de les protéger … ou de les mettre à l'abri. La bête ne les a pas traqués, elle se cachait sous terre ne laissant que cette boule à l'extérieur et Fenouil a pu y toucher et revenir avant qu'elle se sorte de terre … et elle se meut lentement, ce n'est pas un prédateur.
((Un appât, elle attend qu'on vienne, comme une plante carnivore. Je dois les mettre à l'abri.))
Elle attrape Fenouil et rejoint la petite restée en retrait.
- Prenez ce tunnel, leur ordonne-t-elle en désignant celui de gauche. Vous vous cachez, et si je ne reviens pas, vous repartez à la bibliothèque, compris ?
Elle n'attend pas leur réponse et se retourne vers la créature à peine arrivée à l'embranchement.
Elle fait de grands gestes pour attirer l'attention du monstre, essayant tant bien que mal de courir dans cette caverne trop petite pour elle. La bête s'élance bouche grande ouverte vers Maâra qui roule et continue de l'éloigner. Stor Varg suit sa maîtresse en donnant des coups de griffes puissants pour contrer et ébranler les attaques. Il pousse des rugissements stridents d'outre tombe, son pelage sporadique se gonfle, ses babines et sa gueule démesurées s'ouvrent sur un corps déjà mort. Une démonstration du lykor pour intimider l'adversaire qui fait son effet car la créature semble craindre l'aura souillée que dégage le mort-vivant.
Dans cet espace, le monstre ne peut pas se servir des dangereuses pointes de son dos mais les murs ne le freinent pas. Maâra et le Lykor arrivent à toucher le monstre mais ne le blesse pas réellement pour l'instant, et la cadence des attaques et des esquives empêchent l'elfe de se concentrer sur sa magie, pourtant plus puissante que ses maigres forces.
Le monstre attaque soudain avec les longues tentacules sous sa gueule et atteint Maâra au pied, qui bascule lourdement en arrière. Elle rampe au sol et essaye d'atteindre une galerie adjacente pendant que les deux bêtes combattent. Stor Varg esquive le tentacule mais se fait salement écraser contre la paroi par le monstre qui avance vers Maâra. Fuyant la bête, elle se retrouve en fait dans un cul de sac mais il est trop tard pour faire demi-tour, les dents de la créatures lui bloquent déjà le passage. Elle se ramasse sur elle-même pour se faire la plus petite possible et agite nerveusement son arme pour se défendre.
Stor Varg s'est entre temps relevé et se retrouve dans le dos du monstre. Il bondit sur la queue et plante ses énormes crocs dans la chair à nue de la créature au moment où elle s'abat sur Maâra. Ses dents claquent dans le vide, ratant l'elfe de quelques centimètres à peine et tente aussitôt de se tourner ver son agresseur, en vain. La cavité est bien trop petite et les aiguilles de son dos s'enfoncent et creusent la roche. Des morceaux tombent autour de Maâra qui tente elle aussi de se sortir de l'impasse mais en rampant sous le monstre. à l'impuissance de la créature, le Lykor renchérit avec un cri strident et encore une fois Maâra sent que le monstre réagit à ce son particulier, plus qu'aux blessures.
Il a peur. Il a peur à en oublier celle qui rampe sous lui.
Maâra, coincée sous le monstre, n'arrive pas à rejoindre son allié mort-vivant. Elle se concentre alors sur sa magie et la seule attaque qu'elle maitrise, profitant de ces quelques secondes de répits pendant que la créature se dépêtre des murs dans lesquels elle s'est coincée. Elle concentre ses fluides sur son arme, puisant dans la nature impure de son pouvoir, retrouvant même jusqu'à l'odeur de la chair en putréfaction à travers les fluides d'obscurité qui parcourent et zèbrent sa peau de leur noirceur. Elle plante son couteau dans la patte de la créature et y déverse la mort et la maladie à travers elle. La nécrose se répand autour de la blessure et continuera son œuvre bien après que le coup est été porté.
Une lame aussi fine ne peut faire bien mal à la créature mais elle hurle et s'agite rageusement, sentant sans doute déjà le mal en elle. Et les murs continuent de s'effriter sous ses assauts répétés pour se sortir de cette impasse. Elle lance ses tentacules sous elle à la recherche de Maâra qui se calle dans un creux du mur, toujours coincée sous la bête. Enivrée par la réussite de son attaque, elle continue à concentrer ses fluides et à réfléchir à un moyen de sortir de là avant que la créature ne réussisse à l'attraper, à l'aplatir ou l'ensevelir sous la roche. Stor Varg continue à l'attaquer à la queue mais il ne peut lui non plus atteindre un point vital.
La bête a peur du lykor, de son hurlement strident d'outre tombe. Les âmes, les cris des âmes … elle qui s'est littéralement imprégnée des nombreux ouvrages de l'université de Tulorim chercher dans sa mémoire. En dehors de son compagnon, elle n'a encore jamais fait appel aux âmes des défunts. Cette idée à peine naissante est reprit en trombe par ses fluides ; ces louveteaux si voraces de pouvoir, qu'ils plongent sans contrôle dans les entrailles de la terre tandis que Maâra se sent soudainement emportée à travers eux, perdant de vue la créature au dessus d'elle, n'entendant même plus le fracas des murs qui continue de tomber sur le monstre. Elle ne voit plus que les âmes défuntes de cet autre monde qui lui appartient, là où tout est sombre, froid et délicieusement tourmenté … ces âmes qu'elle appelle, qu'elle alimente par ses fluides, qu'elle embrase et affole pour qu'elles libèrent leur rage et la violence de leurs tourments.
Mais dans le monde réel, la créature a réussi à faire demi-tour, non sans avoir emporté la moitié des murs avec elle qui retombent dans le tunnel et empêchent Stor Varg d'approcher et d'attaquer avec précisions. Avec ses tentacules elle réussit à attraper Maâra à la jambe. La nécromancienne se retrouve brutalement tirée vers l'avant du monstre et sa gueule vengeresse. Dans un dernier effort, elle plaque l'autre pied au sol pour se retenir et plante son arme dans le ventre du monstre avant de laisser éclater sa magie. Ses yeux révulsés ouvrent les portes du monde des esprits et leur montrent le chemin, leur intimant de se matérialiser autour de sa cible.
Est-ce la douleur d'avoir été touché au flanc ou les âmes qui s'agitent et fondent sur elle, toujours est-il que la créature se redresse soudainement et butte contre le plafond avec une force qui fait trembler toute la zone. Ses tentacules éjectent Maâra contre son compagnon en raison du brusque changement de cap de la créature. L'elfe est la moins rapide à se relever et Stor Varg s'élance comme une bête enragée sur le monstre, profitant de sa faiblesse pour lui sauter à la gueule, lui griffer les yeux et mordre le pédicule de la boule blanche lui servant d'appât. La créature mugit et gesticule pour éjecter le lykor mais, en se faisant, cogne encore et encore contre les parois. Elle réussit à se défaire de la bête sauvage aux griffes acérées et les observe, plus hostile que jamais, prête cette fois à bondir sur eux avec fureur.
Son dos armé de pointes se déloge du plafond qui, la seconde d'après, s'effondre sur le monstre.
Maâra et son allié mort-vivant s'éloigne de l'éboulement de la caverne et réussissent à éviter de justesse de se retrouver pris dessous.
Réalisant brusquement ce qui vient de se passer et l'étendue de la chance insolente dont elle a bénéficié cette fois, l'elfe grise s'affale sur le sol et s'allonge sur le dos.
- Du grand n'importe quoi, murmure-t-elle pour elle-même, imitant ce que très certainement son faera aurait dit à cet instant.
Derrière eux, des pas résonnent. La jeune sindel et Fenouil apparaissent … bien trop vite à son goût.
- C'est comme ça que vous vous restez en sécurité vous deux ! Elle essaye de se montrer autoritaire mais le ton n'y est pas. Elle attrape la tige qui pendouille de la gueule du lykor et la tend à Fenouil.
Tiens … cadeau.
(((hrp : tentative d'apprentissage du skill de nécro : Hantise)))