Dans le silence pesant de l'attente, elle entend le bruit et la voix perçus par Fenouil. Le son lui parvenant de la voix en elle-même est si aigu et si transformé à son oreille qu'elle doute qu'il s'agisse réellement d'une voix et quand bien même, d'une voix humaine. Difficile donc d'en comprendre les termes et surtout, d'imaginer ce qui se cache derrière. Un autre type de bruit résonne rapidement derrière la porte, trop sourd et trop résonnant pour se trouver juste derrière, mais qui fait perdre un peu de sa résolution à l'elfe grise. Ce sont des coups, tout simplement, des coups brusques qui se répercute dans les murs et le sous-terrain où elle se trouve.
Le son se rapproche. Des marches, se dit-elle en l'entendant, ou quelqu'un à la démarche claudicante.
La porte s'ouvre brusquement. Une brutalité qui fait sursauter Maâra, encore baignée du souvenir de la bête à la carapace de pointes.
Ce n'est pas souvent que Maâra a besoin de lever la tête face à quelqu'un, mais l'homme qui s'impose à sa vue est immense, un colosse large d'épaule vêtu de haillons et d'un chapeau si ample qu'il masque le visage dessous. Il pénètre dans la salle en trombe, une masse en bois à la main, tenue devant lui.
Maâra s'empêche de se questionner sur l'accoutrement étrange du colosse, habillé pour un tout autre type d'endroit, sur la tonalité de la voix entendue quelques secondes avant ; et s'empêche même toutes pensées quant à sa carrure. Profitant de ses rares avantages sur lui, elle bondit depuis sa semi-cachette encore dans l'ombre et lui tombe dessus de tout son poids. Elle ne saurait décrire ses intentions et gestes, ni même d'expliquer comment elle réussit à le désarmer, toujours est-il qu'il tombe de toute sa masse sur son épaule et qu'elle se retrouve au dessus, son couteau contre la gorge de l'homme. Aussitôt, elle ôte le chapeau du colosse afin de voir le visage du geôlier des Silnogures.
Elle qui n'avait jusque là aucun a priori sur le physique d'un tortionnaire habitant dans une caverne, au service d'un barbare, s'étonne tout de même de la relative innocence du visage dévoilé sous ce chapeau. Ses yeux sont la version rougeoyante de ceux de Fenouil, grand ouverts, naïfs … et plaintifs. Mais dans son état, même si le visage qui se présente à elle était celui d'une personne connue, elle n'aurait pas relâchée sa main armée ; cependant, elle reste une seconde interdite en voyant un rat ressemblant au sien, sans le bout de tissu que Morëla porte sur lui, sortir le museau des cheveux tressés du colosse et s'immobiliser sur son crâne.
Quelques secondes à peine, qui suffisent pour que Fenouil entre en scène et laissent au géant le temps de parler. Le gobelin, dont elle ne voit que la tête dépasser par la porte s'empresse de demander son identité à l'homme, qui lui, pousse un cri … perturbant, surtout compte tenu de sa carrure et de son sexe, et parle ensuite d'ombre et de chaleur. Maâra n'y comprend rien et, avant de perdre le contrôle en laissant une seconde occasion à Fenouil d'intervenir, hurle plus fort que l'homme pour se faire entendre.
- Où sont-ils ? Lâche-t-elle comme on crache sa rage. Dites-moi ce que vous avez fait d'eux ou je le laisse vous bouffer un bras, dit-elle ensuite en désignant du regard la bête morte-vivante aux crocs démesurés.