L'espoir de Maâra s'échappe comme le dernier souffle d'un mort. Le lit et l'armoire, aperçus par le trou de serrure, sont les seuls éléments qui garnissent la pièce. Aucun bureau ou table, plus susceptible, selon elle, de contenir des informations utiles. Mais alors qu'elle reste sur le pas de la porte, les enfants entrent et la dépassent, enthousiastes, déterminés à participer. Ils se pressent vers le lit et Fenouil fouille jusque sous les draps, les secouant comme si la moindre petite chose à découvrir ne pouvait être qu'un trésor à ses yeux.
Malgré le sentiment oppressant d'impuissance face à l'ampleur et l'inconnu grandissant de leur mission, Maâra se rattrape à l'engouement des enfants comme à une bouée de sauvetage. Elle se dirige vers l'armoire en bois vieillissante et ouvre les deux vantaux. Au premier coup d'œil, il n'y a rien ou presque ; à part une odeur forte de poussière et de renfermé. Aucun vêtements posés sur les étagères mais elle trouve plusieurs gobelets au fond de la plus haute, à hauteur de bras pour quelqu'un de sa taille ou plus grand. Ils sont posés pêle-mêle, certains à l'envers, d'autres sur le côté ont roulés à l'autre bout de la planche, où se trouve une bouteille.
Elle rapproche tous les gobelets en bois vers l'avant, ainsi que la bouteille et les renifle. Certains sont seulement poussiéreux et n'ont pas servi mais d'autres ont un dépôt de couleur foncé. La bouteille est vide mais l'odeur est encore très forte et Maâra rejette la tête loin du goulot avec un pincement de nez, n'ayant jamais aimé l'odeur piquante, dégagée par l'alcool en général. Elle les tend à Martin en lui demandant de les poser dans la pièce centrale.
Dans le premier des deux tiroirs sous les portes, elle ne trouve rien ; mais en ouvrant le second, un parchemin enroulé glisse vers l'avant. Maâra le déplie aussitôt et reconnait rapidement la liste des différentes races de Silnogures. Tous y sont notés dans le désordre mais deux d'entres eux ne sont pas entourés. La race des Chelartéa et des Ithilartéa sont simplement rayés, sans avoir été entourés.
((Chelartéa et Ithilartéa … deux mois d'hiver, pourquoi eux … pourquoi seulement eux ?)) Se demande-t-elle en enroulant le parchemin d'un geste précieux, comme si la délicatesse de son geste pouvait atténuer les souffrances déjà subies par les créatures.
L'armoire est vide mais elle décide, motivée par la première trouvaille, de chercher autour. Sous l'armoire, l'espace est infime et en dehors de quelques moutons de poussière balayés par sa respiration, rien ne s'y trouve. En prenant appui à l'intérieur de l'armoire, elle trouve quelque chose sur le haut, caché par le rebord de la corniche. Des chaines, en bon état et robustes, qu'elle attrape du bout des doigts avant de sauter à terre.
Les mains pleines elle retourne dans le hall et demande au passage à sa jeune congénère :
- Tu peux aider Fenouil à soulever le matelas, on ne sait jamais. J'y cachais des choses sous le mien.
- Il n'y a rien à manger ou à boire ici, mais j'ai trouvé ceci, dit-elle ensuite à l'attention des adultes.
Le colosse blanc se place tout près d'elle, très proche et tente de lire le parchemin qu'elle vient de dérouler, la tête moitié penchée et les yeux furetant partout, comme un Fenouil géant et blanc. Il lui demande ce qui est inscrit dessus et l'elfe lui fait signe de prendre les lourdes chaines qui pendent à son bras, afin d'être libre de montrer les mots sur le parchemin.
Ce sont les noms de toutes les races de Silnogures. Les noms sont dans le désordre mais ils représentent normalement notre calendrier Sindel. Deux noms sont barrés : Chelartéa et Ithilartéa qui sont des mois d'hiver. Février et Mars ... et contrairement aux Silnogures du mois de Janvier qui vivent dans des grottes, ces deux races vivent dans les hautes montagnes, à l'extérieur, et sont presque devenus imaginaires tant il est difficile d'en trouver. Le parchemin nomme le cœur d'un roc et évoque une chaleur suffocante, espérons qu'ils ont été barrés parce qu'introuvables et non tous morts de chaleur.
Elle repense alors aux cages, au nombre de dix et garde à l'esprit ce mince espoir, que deux races au moins puissent être épargner.
- Je pense que nous devons continuer dans les tunnels derrière nous. Il y en a un, très proche d'ici, suffisamment récent pour que la petite ne le connaisse pas. Juste assez large pour une personne à la fois mais où je peux me tenir debout, contrairement aux autres chemins. Celui qui gardait les Silnogures captifs est forcément passé par là.