Ses deux adversaires à terre, la magicienne pénétra dans la chambre où se trouvait encore le marchand. Sirat se redressa péniblement et une fois de plus tenta de charger la démone qui n’esquiva le marteau que de justesse, jusqu’à ce que celui-ci ne revienne. Perdant un peu de son assurance, elle grimaça par l’effort. Non vaincue pour autant, loin de là, elle lança un nouveau sort à Sirat. Ce fut en fait ce que Sibelle en déduit lorsqu’elle vit le musclé humoran se prendre une fois de plus la tête entre les deux mains et tomber à genoux. Puis à quatre pattes, le souffle court, il tentait de récupérer.
Toujours étendue sur le plancher, secouée par le choc, Sibelle se releva enfin. Elle vit la vilaine magicienne s’approcher de l’humoran et lui caresser la joue. Le narguant, elle l’invitait à changer de clan et la rejoindre plutôt que de l’affronter. Telle une statue, qui fit penser à Sibelle au sort jeté sur les combattants par le titan sur Aliaénon, Sirat demeurait immobile, paralysé. La magicienne regarda Sibelle la dévisager avant de se pencher plus en avant offrant ses atouts à la vue de l’humoran et apposer ses lèvres sur les siennes, lui volant un baiser puisque celui-ci ne pouvait bouger.
Sibelle, hors d’elle, ramassa son sabre tombé et voulut entrer elle aussi dans la chambre pour fracasser la tête de cette sordide aguicheuse lorsque le cri de l’humoran la figea. Tout en hurlant, il brandit son marteau en direction de la magicienne. Aussitôt, une lumière éblouissante en sortit et se diffusa dans la chambre tout entière. Le rayonnement fut si intense dans la pièce que Sibelle ne put rien voir. Elle discerna par contre un cri de femme qui fut plaisant à ses oreilles. Sirat était venu à bout de son adversaire à talons hauts. Le colosse se releva et Sibelle entra dans la chambre pour lui prêter main-forte, mais ce fut inutile. L’humoran frappa la magicienne désormais affaiblie qui passa à travers la fenêtre pour atterrir dans la rue. Pendant ce temps-là, Sibelle se rendit au chevet du marchand. Les draps étaient maculés de sang surtout au pied du lit. En fait, il lui manquait désormais deux orteils à chaque pied. Sibelle déchira un bout de drap intact et lui enveloppa les pieds, puis le prit dans ses bras et se retourna vers Sirat. Ce dernier, adossé au mur, épuisé, tentait de reprendre de ses forces. Il avait jeté une boîte de bois dans les mains du marchand. Il s’agissait sans doute d’un précieux objet que la magicienne était venue chercher. Sirat recommanda à l’homme d’aller voir l’oracle.
Sibelle pour sa part informa Sirat de ses intentions :
« Je le ramène à sa famille. » Et c’est ce qu’elle fit.
Sortant de la chambre du marchand, elle se rendit à la sienne annonçant sa présence pour qu’on lui ouvre la porte. Ce fut la femme qui pleurant autant que son mari qui l’accueillit.
Quelques membres de la milice arrivèrent au moment même où Sibelle déposait l'homme blessé sur le lit près de sa petite famille. Nokora avait envoyé quelqu'un les chercher dès qu'elle avait entendu du grabuge à l'étage supérieur. Cette dernière qui suivait l'officier supérieur de la milice, un homme en bonne forme malgré la cinquantaine avancée, entra dans la chambre en courant s'inquiétant pour la santé de ses clients.
Quelques minutes à peine après leur arrivée, les soldats avaient récupérés et identifiés les quatre cadavres, il s'agissait de bandits qu'ils connaissaient sans avoir réussi à leur mettre la main aux collets. Après avoir examiné la scène de crime, ils demandèrent à Sirat de les rejoindre dans la chambre afin qu'ils les interrogent tous.
Ce fut la mère de famille qui prit l'initiative de faire un compte rendu à l'officier d'expérience. Debout à force de gestes et de paroles, elle leur expliqua de sa voix un peu enrouée, mais agréable à entendre ce qui s'était passé. Elle parla de l'intrusion des trois malfrats dans leur chambre alors qu'ils s'apprêtaient à se coucher. Avec de l'émotion dans la voix, elle raconta les tortures que son mari avait dû endurer avant l'arrivée de Sirat et de Sibelle. Elle narra avec reconnaissance, le combat que Sibelle et Sirat avaient effectué afin de leur porter secours. Puis pour terminer, elle relata l'arrivée de l'étrange magicienne à la peau grise et aux cheveux blancs qui avait presque réussi à terrasser Sirat et Sibelle qu'elle considérait comme des héros. Le mari mal en point et toujours sous le choc confirma d'un geste éloquent de la tête la version de sa femme.
Lorsque l'officier de la milice fit remarquer les dégâts subis dans l'établissement, Sibelle s'approcha de la propriétaire, et sortit de sa bourse quelques pièces d'or, d'argent et de cuivre pour une somme rondelette de 1200 yus. Les miliciens semblèrent croire aux récits bien racontés par la femme du marchand, mais demandèrent tout de même à Sibelle et Sirat de les suivre à la milice afin de compléter déclarations et dossiers.
Après avoir salué brièvement Marcus, la propriétaire et la petite famille, Sibelle ramassa ses affaires et suivit les soldats de la milice. Elle se délesta cependant de sa pelle qui ne lui semblait plus utile.
(((873 mots -abandon de sa pelle de Sura dans l'auberge et don de 1200 yus pour réparer les dégâts.)))