Vedd a écrit:
Emporté par, ou suivant le flux de marchands et de commères, je me retrouvai rapidement au centre de la cohue. Je commençais à penser que le moment était venu de faire les poches de ces badins lorsqu'une patrouille débarqua dans mon dos. La panique monta en flèche. Comment m'ont-ils retrouvé ? Je fis un grand écart, tentant de me fondre dans la masse...
« Laissez passer ! criaient-il, Ordre de la milice ! Circulez citoyens ! »
D'une pulsion anodine de son fier bouclier, un milicien m'envoya choir dans les bras d'un robuste bonhomme. Je me dégageai fébrilement et me faufilai plus loin dans la foule, surveillant mes arrières. Mes mains se crispaient sans que je m'en rendisse compte, se tordant l'une l'autre, et mon regard était certainement affolé, guettant seulement un casque ou un bout d'armure qui dépasserait encore. Ils n'étaient plus là. Peu à peu, je me décontractai, et alors je pus remarquer les volutes de fumée qui se dressaient sur la ville en masquant la ligne des remparts. Qu'était-ce donc ? Je n'eus pas dû m'en soucier, ce n'était pas dans ma nature; pourtant, remis de la frayeur que les gardes m'avaient infligée, je poursuivis ma progression dans la bousculade, me rapprochant le plus que possible en jouant des coudes, me glissant sous les gros bras et contournant tout obstacle. Lorsqu'enfin j'approchai mon but, je cernai la lisière des bourgeois en quête d'un bon point d'observation, loin des miliciens et près des bourses. Je cherchai pour un creux dans un mur, un détour de ruelle bien caché, ou juste quelque grosse dame dont la masse me déroberait aux regards sans difficulté. Je trouvai rapidement la dernière option. A fortiori, il s'agissait d'un gros monsieur. Un habit bien taillé serrait ses bourrelets, une gourmette d'étain pendait de sa poche et ses doigts boudinés tenaient une loupe devant son visage transpirant. Un nez épais, de petits yeux porcins, des cheveux noirs et fins qui collaient à sa nuque. L'homme était très absorbé par cette fumée noire qui s'envolait au-dessus des toits. Je vis bientôt une bosse dodue à droite de son pantalon, qui ressemblait beaucoup à une bourse. Je jetai un coup d'oeil à gauche, à droite, et dépassai finalement l'homme. Où était la milice ? Cette situation était bien trop tentante. Mes doigts effleurèrent le manche de mon poignard. Une seconde après, je tentai de découper la poche du marchand. Je surveillai mes gestes du coin de l'oeil, serré par la foule de toute part. Je glissai ma lame au bord de la supposée bourse, appuyant doucement, testant le tissu. La lame s'enfonça... Rien qu'une petite fente, une toute petite, et l'homme se sentirait plus léger.