"Ouais, c'est ça, casse toi..." Grommela Pauly entre ses dents en observant le gus qui voulait faire de la pub s'en aller sur son pétardant engin.

Auparavant, il s'était excusé de façon étrangement timide auprès de Lubie.
Il ne s'attendait visiblement pas à ce qu'elle soit si impulsive et son étonnant accent (il n'avait aucune idée de quel pays ce dernier provenait) renforçait le côté sévère de sa tirade. Cela donnait un petit côté fermier à sa voix qui lui rappelait celle de sa mère. Contre toute attente, la quadragénaire qui s'était faite toute petite depuis le début ne semblait pas être le genre de femme à se laisser marcher sur les pieds... Et heureusement, car Pauly fonctionnait avec certaine personne comme un gros toutou. Il faut à tout prix lui montrer qui est le maître...sinon, à la longue, ça ne va pas aller du tout.

Sans voir la silhouette du nouveau venu qui se détachait, plus loin, sur la route, le colosse tourna brusquement les talons, faisant voler de la poussière et brandit sa batte, qui manqua de peu le visage de Quentin au passage, vers l'horizon, en fanfaronnant :

"Dites, on a pas une tour a péter, là ?"

Le départ du péteux à chemise semblait l'avoir mis de bonne humeur. C'était déjà ça...

L'odeur qui m'avait incité à enfiler mon masque à gaz ne tarda visiblement pas à atteindre les narines des autres survivants. En effet, tandis que la femme lâchait une exclamation disgracieuse, l'énorme fermier éternua pas plus gracieusement et son nez projeta une ignoble substance un peu partout devant lui ... y compris sur les sandales de la dame ...

Ainsi, alors que je rentrais mon visage dans le masque et que je réglais les sangles à l'arrière de ma tête, je pouvais entendre leurs voix s'élever. La femme mûre était parti chercher un mouchoir dans sa voiture et tentait tant bien que mal de nettoyer l'ouvrage de son interlocuteur en l'accablant d'un étranger dialecte dont je ne comprenais que la moitié tandis que celui-ci essayait maladroitement de s'excuser.

Finalement, après une petite minute, mon masque était réglé et je pus entamer mes longues respirations quelques peu bruyantes qui me donnent un petit air de Dark Vador. Qu'est ce que j'adore respirer là dedans ! Ça procure une telle sensation de calme et de tranquillité ... si seulement il n'y avait pas tout ce beau monde en train de crier autour de moi.
Mais à cet instant, la seule représentante de la gente féminine du groupe se dirigea dans ma direction et se joint à moi en manifestant également son envie d'aller régler son compte à cette fichue tour.

( M'aurait-elle vu ? M'aurait-elle remarqué ?? ) Songeai-je, partagé entre la stupeur, l'espoir et la joie.

Le kéké, quant à lui, n'avait guère eu de sucés avec ses tracts bidons et ses arnaques. Surement vexé et déçu que son entourloupe ait échoué, il se dirigea vers son scooter en râlant, grimpa dessus et démarra au quart de tour. Quelques instants plus tard, il était partit et avait disparu dans un nuage de poussière ...

« Nous voila enfin débarrassé de ce crâneur ! » Lâchais-je, soulagé de voir qu'aucun des deux autres membres du groupe n'essaya de l'empêcher de partir, préférant regarder l'engin bruyant s'éloigner sans hausser un sourcil. Cependant, le plastique de ma protection étouffa ma voix et je doutais fort d'avoir été entendu ...

Lorsque le bruit de moteur s'estompa et que la poussière se retomba, l'imposant paysan réitéra sa proposition de se mettre en route, manquant à nouveau de me filer un coup de sa lourde batte.
J'étais assez d'accord. Rester ainsi immobile, avec cette déplaisante odeur qui ne présageait rien de bon, pouvait se montrer fort dangereux.

Mais alors que j'allais approuver le mastodonte en chemise et me mettre en route, quelque chose attira mon attention, plus loin sur le chemin ... Une silhouette ... Seule et l'air perdue ...

« Euh ... Regardez ... Commençais-je, avant de me rendre compte que mon masque étouffait encore ma voix. Regardez ! Là-bas ! On dirait qu'il y a quelqu'un ! » Essayai-je donc de crier tout en articulant ... Une tâche sacrément plus facile à dire qu'à faire.

Pour toute réponse à la question de Lubie, le jeune homme séduisant nommé Criss, enroula ses affiches, ramassa ses bombes aérosol, démarra sa petite motocyclette et prit la poudre d’escampette. Aucun commentaire n’avait été nécessaire, il était clair que sa petite excursion avait un but mercantile et qu’il n’avait jamais eu l’idée saugrenue d’attaquer une des grandes tours noires.

(Et ben, plus que trois !)

Elle se détourna soudain en regardant le colosse qui lui avait manqué de respect un peu plus tôt, celui-ci tout penaud faisait de timides excuses à la vieille dame. En guise de réponse, celle-ci lui sourit gentiment, bien qu’elle avait un tempérament assez impulsif, Lubie ne possédait pas une once de rancune, elle avait déjà oublié l’incident et regardait l’autre étrange jeune homme qui sous son masque à gaz semblait vouloir leur dire quelque chose.
Lubie se passa la main dans ses cheveux courts et se gratta la tête puis elle se plissa le nez. Elle était en pleine réflexion, elle se demandait comment ces jeunes hommes avaient prévu attaquer la tour. Elle s’apprêtait à leur demander s’ils avaient un plan lorsqu’au loin elle aperçut un nouveau venu et comprit alors les simagrées de Quentin. Il avait vu, avant Lubie, qu’un jeune adolescent les rejoignait. De petite taille, mince comme un fils, ce dernier plut tout de suite à Lubie, qui sans même le connaître aurait considéré ce mignon adolescent affublé de grands yeux bleus comme un petit neveu. À le regarder arriver la tête dans les nuages, elle se demanda s’il faisait partie de la petite troupe qui s’était donnée rendez-vous ici.

Il y avait du monde par ici. Un homme qui fila en scooter, une dame déjà assez âgé et un colosse armé d'une batte.
David arrêta son insignifiante carcasse et analysa les données qu'il recevait.

Le colosse agita sa batte en déclarant qu'ils avaient un tour à détruire. Se pouvaient-ils qu'ils aient le même objectif ? Cela semblait raisonnable, en effet. David l'avait appris en regardant des trucs qui s'appellent des 'film' : lorsque quelqu'un part pour une quête, il se trouve toujours des compagnons pour l'aider. Il sourit donc :

"Vous venez pour détruire l'icône là-bas, vous aussi ?"

Il pointa du doigt vers la sinistre tour.

"Je suis Dave1.0, je peux intégrer votre logiciel ?"

Pauly regarda le nouvel individu qui se tenait devant lui. Il l'observa de haut en bas d'une façon peu discrète puis grogna en tapant le bout de sa batte par terre et cracha bruyamment un bon gros glaire verdâtre qui s'écrasa sur le sol.

Un maigrelet de parti et en voila aussitôt un autre !

Le colosse s'approcha de quelques pas en bousculant le pauvre Quentin sans le faire exprès.

"Déja, mon pote, on appelle ça une tour et pas un cône. lança-t-il, fier de, pour une fois, "battre" quelqu'un à l'intelligence, même si pour le coup, c'est lui qui passais pour un débile. "Ensuite, tu..."

Il y eut un moment de flottement de quelques secondes. Ce nouveau gus l’énervait déjà avec son regard vide. Ou fou. Le colosse avait l'impression que cette demi-portion se foutait de lui.

"Je..."

La colère monta en lui comme du champagne qu'on aurait trop secouer. Il en fallait peu pour l’énerver, surtout ces temps-ci.
Les muscles de ses mâchoires, très visibles, saillirent quand ses dernières se serrèrent.

La bouteille de champagne n'allait pas tarder à exploser...

L'énorme brute se dirigea vers lui en grognant que c'était une tour. Puis, comme épuisé par cette phrase trop compliqué, il se mit à balbutier et à bouillonner. David reconnu les signes précurseurs à un tabassage en règle. Il avait vite compris que dans le monde réelle, les femmes âgées étaient souvent ses alliés tandis que les garçons de son age préféraient le frapper et le raquetter comme font habituellement les orcs et les dragons dans les autres univers.

Et celui là était armé !

Paniqué, il se précipita derrière la femme en criant :

"Au secours, un mob !"

Notre vieille vacancière ne se sentait pas trop dépaysée en compagnie de ces deux jeunes gens et de l’adolescent. Elle avait des enfants d’à-peu-près le même âge et souvent elle avait participé à des activités bénévoles afin d’aider les jeunes à réaliser leurs projets. C’est donc aimablement qu’elle sourit au petit freluquet armé de jolis et grands yeux bleus. Après qu’il se fut présenté, Lubie secoua la tête de droite à gauche un peu découragée de cette nouvelle génération, mais se garda bien de faire ses réflexions à voix haute.

(Pauvres gosses ! Ils passent tellement d’heures devant leur écran d’ordinateur, que même lorsqu’ils n’y sont plus, ils s’y croient encore. Ils ne semblent pas réaliser qu’ils déambulent dans le vrai monde)

Mais le colosse un peu soupe au lait ne semblait pas apprécier la présence du nouveau venu. L’ambiance commençait à s’échauffer et la femme mûre qui n’était pas de taille à séparer deux jeunes hommes qui se battent préféra faire distraction afin d’éviter le pire.
Tout en claudiquant, bien que cela s’avérait inutile puisqu’elle n’avait aucun problème avec ses jambes et pouvait courir quelques kilomètres sans problème, elle s’approcha du plus timide qui portait un masque à gaz.

Elle toussa une fois ou deux pour attirer leur attention et déballa ce qui lui trottait dans la tête depuis quelques minutes.

« Nous ne sommes que quatre, si on veut détruire cette tour, on doit s’organiser. Il faut établir un plan et puis regarder ce que nous avons pour nous défendre. »

Ce disant, elle retira son sac à dos de son épaule, puis fouilla un petit moment pour en ressortir une bombe fumigène et un pesant rouleau à pâte en marbre.

« Et vous autres, vous avez quoi ? » s’enquit-elle

Sans surprise, ma remarque et mon exclamation passèrent inaperçues pour les deux personnes restantes du groupe. Cependant, lorsque le nouveau venu - que je m’évertuais toujours à pointer du doigt - ne fut plus qu'à quelques mètres, la femme rousse et l'énorme fermier disgracieux le remarquèrent enfin.

A vrai dire, il n'avait pas l'air méchant ... Louche et dérangé sans aucun doute, mais pas méchant. Sa frêle silhouette, son teint pâle et ses yeux perdus dans le vague n'arrangeaient pas vraiment cette impression. Pas plus que l'étrange gadget scotché à son bras, ni son vocabulaire pour le moins ... particulier ! En effet, dès son arrivée, il s'empressa de se présenter et de nous demander si nous étions là pour la tour, ainsi que s'il pouvait se joindre à nous.

( Icône ? 1.0 ? Logiciel ? ... Mais ce type est taré, ma parole ! ) Songeai-je en écoutant son histoire à peine compréhensible.

Mais à peine avait-il finit de parler que la brute épaisse armée de sa longue batte rétorqua sans attendre. Elle essaya de le reprendre sur son vocabulaire, mais ses propres difficultés à comprendre ce qu'on lu disait ne semblait pas rendre les choses faciles ... D'ailleurs, son baragouinage ne dura pas bien longtemps puisqu'il s'arrête subitement, comme ça, au milieu d'une phrase et se mit à s’énerver sans raison !

( Waouh ! Ce truc est une vraie bombe à retardement ! ) M'inquiétais-je en me relevant et en tapant mes genoux du plat de mes mains ... Parce que oui, dans son entreprise, le bourrin fermier barbare et psychopathe m'avait violemment bousculé et j'étais tombé tête la première dans les graviers ... Mais ça, personne ne l'avait vu, bien entendu !

En tout cas, le petit nouveau prit la sage décision d'aller se cacher derrière l'unique femme du groupe en appelant à l'aide ... Cette dernière ne se démonta pas et, se rapprochant de moi ( consciemment ou non ), elle attira l'attention du groupe pour leur expliquer qu'il allait falloir s'organiser si nous voulions détruire cette maudite tour ...
Puis, tout en invitant les autres à faire de même, elle ouvrit son sac et en sortit quelques objets pour les leur présenter ... Il y avait là un robuste rouleau à pâtisserie et même une bombe fumigène !

Conscient que l'on ne ferait probablement pas attention à moi, j'en fis quand même de même en posant un genoux au sol, posant mon sac et farfouillant son contenu.
« Bon, moi j'ai ça ! » Dis-je en déballant mon grand ciré tape à l’œil ... Peut-être qu'avec ça, on me verra ... « Ça ... » Enchainais-je en sortant le peu de nourriture et de boisson que j'avais emporté. « Et puis ça, aussi. » Finis-je en dégainais mon couteau suisse multifonction. « Bon, et puis bien sûr j'ai mon masque à gaz !»

Puis je m’intéressai à l'aspect stratégie du plan ...
« Je pense que foncer tête baissée ne serai pas une bonne idée ... Un peu d'investigation et de repérage serait déjà un minimum si on veut s'en sortir vivant. Pourquoi pas du côté du hangar, là-bas ? Sinon il y a un petit village un peu au Nord ... Ça peu valoir le coup, non ? »

« Et au fait ... C'est quoi vos noms ??»

Pauly, les mâchoires toujours aussi serrées, regarda Lubie d'un œil sombre pendant qu'elle sortait des objets de son sac, disant qu'il fallait s'organiser, trouver un plan et voir ce qu'ils possédaient qui pouvait servir d'arme.

Conscient qu'elle faisait de son mieux pour calmer les choses, il décida d'y mettre un peu du sien, même s'il trouvait tout cela inutile et superflus. Pour lui, il fallait juste casser la tour...
Il inspira à fond pour tenter de se calmer pendant que le dénommé Quentin -que le colosse avait presque oublié - déballait le contenu de son sac à son tour, puis pointa un gros doigts sale, malpropre et menaçant devant le nez de "Dave1.0" et grogna :

"Bon, je vais tâcher de supporter ta petite tête de comique parce que je suis pressé d'en finir. Mais fais gaffe."

Sur ceux il tourna le dos du pauvre Dave (qui n'avait rien fait), posa son vieux sac de randonné sur le sol et fouilla à l'intérieur en grommelant, sa batte entre les jambes.
Quelques secondes plus tard, il se redressa et, non sans avoir lancé un regard meurtrier au jeune geek, annonça :

"J'ai que mon bâton. J'ai aussi des gâteaux au chocolat si quelqu'un a faim. Faut les manger avant qu'ils soient tout fondus."

Suite à quoi, Quentin, que personne n'entendait jusque là, prononça une phrase interminable et leur demanda leur nom.

"Moi, c'est Pauly, mon gars." répondit le grand dadais, avec, chose rare, un ton amical. "Et pour le plan, continua-t-il. je propose quelques chose de, ma foi, assez simple : Avec nos pieds, on marche jusqu'au "cône" (regard noir en direction de Dave) en écrasant tout sur notre passage. Une fois arrivé, on débranche la tour et on rentre chez nous après avoir bu du whisky pour fêter ça."

A priori, le brave Pauly n'avait pas vraiment la même façon de penser que ces compagnons...

Avec un soupir de soulagement, David vit la brute se détourner de lui après quelques dernières menaces. Les autres voulaient savoir ce qu'il avait. Il posa donc son petit sac à dos presque vide.
Au passage, il remarqua un genre de créature biomécanique avec un groin qui affirmait s'appeler Quentin.

"Oh, j'avais pas vu que vous étiez trois !"

La femme avait proposé de sortir leurs affaires pour voir ce qu'ils avaient. Il avait eu du mal à la comprendre à cause de son accent, malheureusement, il n'avait pas réussi à brancher l'iPhob' sur google trad' vu que ce machin ne fonctionnait que quand il voulait.
Il en avait tout de même comrpis suffisamment et sortit ses quelques affaires en essayant d'éviter de regarder le mob.

"Ben moi, comme je l'ai dit, je m'appelle Dave1.0, mais vous pouvez m'appeler David. J'ai un peu de matériel de bricolage et de la nourriture !"

Il brandit triomphalement les restes de son antique pizza groseille-calmar. Les formes de vies qui l'habitaient ayant eu le temps d'évoluer jusqu'à ce stade étant donné son ancienneté, de nouveaux calmars lancèrent des regards mauvais à l'assistance, prêt à mener une action de fuite coordonnée avec la pâte s'il semblait que quelqu'un voulait les manger.

"Et bien sûr, j'ai mon iPhob' ! J'ai tout ce qu'il faut dessus pour pourrir leurs ordinateurs ! Enfin, si ce truc veut bien marcher..."

Alors que nos trois... pardon, quatre compagnons préparent leurs plan d'attaque. Une menace, attirée par le raffût des quatres aventurier, trace son chemin dans le champ de maïs en écrasant les épis et en défouraillant la terre. La chose fais un raffut du diable et bien qu'elle soit encore à une certaine distance de vous, il n'est pas difficile de savoir qu'elle sera là d'une seconde à l'autre. Ami ou ennemi ? Les aventuriers ont un pannel de choix restreint et un temps limité pour décidé de leurs action.
- Fuirs dans une direction
- Se cacher (monter un guet-apens n'est pas possible, vous n'êtes pas un commando stratégique formé mais une bande de survivant surpris)
- Attendre la chose de pied ferme en espérant qu'elle soit amicale ou faible (le % que ce soit l'un ou l'autre est faible. Les monstres OGM sont rarement faible.)
- Une autres idées ?

la satisfaction de Lubie, les jeunes gens obtempérèrent à sa suggestion et firent tour à tour l’inventaire de leurs biens. Le jeune homme plus discret qui possédait outre son masque à gaz, un couteau suisse, suggéra la discrétion. Le colosse grognon possédait pour sa part essentiellement sa grosse batte de baseball et il proposa naturellement l’attaque de front. Quant au dernier, prénommé David, plus enfermé dans son monde virtuel, possédait à son poignet, une espèce de gadget électronique qui selon ses propres confidences n’était pas très fiable.

« Moi c’est Lubie ! » Dit la petite dame d’un mètre cinquante-sept afin de compléter le tour des présentations.

« Je pense comme Quentin et contrairement à toi Pauly que nous devons agir avec discrétion. Nous ne sommes pas assez nombreux pour risquer une attaque à découvert. Et surtout, nous n’avons pas ta force et ta corpulence pour tout écraser sur notre passage. »

La petite femme aux cheveux très courts et à l’attitude énergique allait poursuivre en proposant le plan qu’elle venait d’avoir en tête lorsqu’un raffut abominable attira son attention vers le champ de maïs.

Le bruit était infernal, le danger était imminent, il aurait fallu être inconscient pour le nier, mais Lubie se refusait de fuir sans savoir ce qui les menaçait. Elle se souvenait que trop bien de l’histoire que lui racontait son paternel alors qu’elle n’était qu’une fillette naïve aux longues nattes frisées. Alors qu’elle revenait à pied d’une soirée avec ses copains, le père de Lubie entendit un cri effroyable à glacer le sang des plus braves hommes qui soient. Le premier réflexe qu’ils eurent, lui et ses copains, fut de prendre leurs jambes à leur cou et de fuir le propriétaire de cet affreux hurlement, qu’ils croyaient n’être nul autre que le diable en personne. Mais piqué d’une curiosité dangereuse, le père de Lubie avait plutôt choisi d’aller au fond des choses et s’était rendu à l’origine du cri. Une fois sur les lieux, ils constatèrent avec soulagement qu’il ne s’agissait que d’un mouton qui s’était pris la tête dans les broches d’une clôture de métal. Coincée dans cette position depuis quelques heures, la pauvre bête était à l’agonie. De cette histoire, Lubie avait retenu les leçons suivantes : Ne pas sauter aux conclusions hâtives, et aussi de ne pas se fier aux apparences.

C’est donc ainsi, qu’en position de défense, son sac à son dos, son rouleau à pâte dans sa main gauche, d’un geste du doigt de sa main droite portée à sa bouche elle intima le silence à ses comparses et attendit avec impatience que la mystérieuse chose sorte du champ de maïs.

L’espèce de fermier, là, avec sa batte et ses fringues de paysans, il s'appelait Pauly. Hormis son arme contondante, il possédait une boite de gâteaux aux chocolats qu'il déballa de son sac pour bien mettre tout le monde en appétit.
Il se mit aussi à parler d'un plan. Un plan bien à lui ! Il s'agissait de marcher jusqu'à la tour, la démolir, puis repartir pour aller boire du whisky.

( Fin et discret ... J'aime ça. ) Songeais-je ironiquement en haussant un sourcil sous les lunettes de mon masque à gaz.

L'autre s'appelait Dave, mais ça il l'avait déjà dit. En fait, il venait tout juste de remarquer ma présence. Il s'affaira à sortir de son sac un peu de matériel de bricolage ... ainsi que quelque chose qu'il désigna audacieusement comme de la nourriture. Il s'agissait en réalité d'un restant de pizza sur lequel toute une faune et une flore propre à ce nouveau milieu semblait avoir prit pied.

( Très intéressant ! Mais certainement pas comestible ! ) Constatais-je, bénissant mon masque à gaz de me préserver de l'odeur de cette ... chose.

Le fameux Dave présenta également l'appareil curieusement scotché à son avant-bras. Un "Iphob". Il expliqua aussitôt - quoique sans grande certitude - que ce truc électronique pourrait s'occuper des éventuels ordinateurs ennemis.

C'est alors que la femme, l'ainée du groupe, prit la parole. Elle n'était pas très grande, et ses cheveux étaient coupés courts, mais elle dégageait une attitude charismatique et en elle semblait résonner la voix de la sagesse. Elle se présenta sous le nom de Lubie, appuyant du même coup ma proposition de prôner la discrétion, contrairement à ce que prévoyait le grand Pauly.

Mais alors que nous débattions tous à haute voix, un bruit attira subitement mon attention ! Quelque chose bougeait dans le champs à côté duquel nous discutions allégrement ... Quelque chose de gros, à en croire le véritable boucan de tiges écrasées et de terre retournée qui se rapprochait de plus en plus de nous.

« Oh merde, c'est quoi ça ? » Lâchais-je en me dépêchant de ranger mes affaires dans mon sac à dos. Cependant, par simple sécurité, je gardais en poche mon couteau suisse ... Non pas que je sache m'en servir, mais on ne savait jamais ...
Puis, une fois mes affaires rangées en vrac, je repris mon sac et commençai à reculer pour m'éloigner du champs de mais, sans pour autant le quitter des yeux.

C'est à ce moment que je vis Lubie. Loin d'avoir l'air d'avoir envie de fuir, elle faisait face au champs d'un air déterminé avec son massif rouleau de pâtisserie en main.
Devant cet élan de courage venant d'une personne au moins deux fois plus âgée que moi, je me repris en main et stoppais ma fuite stratégique. A la place, je posais mon sac et sol et dégainais mon petit couteau ...

J'étais stressé, on aurait pu même dire que j'avais assez peur de ce qui pourrait sortir de ces plantations ... Cependant, je fis face quand même, le cœur battant la chamade et ma respiration haletante, commençait à dessiner des auréoles de buées sur les lunettes de mon masque.

Il était désormais clair que le plan du colosse n'était pas très apprécié de tous et il était aussi très clair que la petite dame avait définitivement pris le commandement. Cela ne dérangeait pas Pauly.
Il n'était pas assez orgueilleux pour se vexer et pour croire qu'il pourrait commander trois personnes. Et elle était plus sage que lui. En tout point.

Il soupira tout de même.

A priori, son groupe voulait la jouer finement. Soit.

Avant que le colosse n'est put s'exaspérer sur Dave et ses affaires, il remarqua que Lubie et Quentin regardaient dans la même direction, une mine grave pour l'une et un masque à gaz sur l'autre. Dans la même direction qu'un bruit lointain mais distinct.
Le colosse se tourna vers les champs.

"Qu'est-ce que..."

Les yeux écarquillés, il regardait des tas de terre s'envolés par mottes et les épis de maïs se coucher sous la chose qui arrivait à toute vitesse.

"Une taupe géante ? Ça existe, ça, maintenant ?"

Le colosse reprit son sac à la hâte et le mit sur ses épaules, sa batte dans sa grosse main droite et demanda de sa voix grave avec un ton nerveux, de la sueur perlant sur son front :

"On fait quoi, on se casse ?"

En réalité, il était surtout inquiet pour sa petite "bande". Deux maigrelet, dont un fou et un autre avec un masque à gaz et une petite dame, qui, bien que sachant se faire respecter, était un peu frêle. En plus, il avait sembler à Pauly qu'elle boitait...
Lui, il avait peur bien sûr, mais il n'était pas du genre à fuir.

Toutefois, il savait que par les temps qui courait, rien n'était sûr...
Si la chose s’avérait hostile et qu'en plus elle était dangereuse, ça risquait de très mal se passer...

Les autres présentèrent aussi leur matériel. Apparemment, tout le monde n'était pas d'accord sur la marche à suivre ensuite.
La femme et le drôle de type en masque à gaz voulaient ruser tandis que le mob qui n'en était peut être pas un en fait voulait foncer dans le tas.
Il n'avait peut-être pas tort, pourtant :

"Pourquoi perdre notre temps ? Puisque le problème, c'est la tour, autant y aller directement. Et puis, on ne trouvera pas d'interface ailleurs alors..."

Il fut coupé par un bruit que visiblement tout le monde trouva plus intéressant que ses propos.
Il soupira et s’assit sur les caillou tandis que les autres se préparaient à accueillir la chose, quelqu'elle soit. Pianotant sur son i'Phob', il se mit en recherche d'informations pouvant expliquer l'origine du bruit. Malheureusement, internet n'était pas très doué pour identifier les sons. Il faudrait qu'il arrange ça un de ces jours.
Toujours tranquillement assis, il chercha dans sa mémoire s'il avait déjà entendu quelque chose de semblable...