Ce fut le son de la cloche qui m’éveilla. Je me souvins vaguement de l’avoir entendu plus tôt mais sans parvenir à me lever.
Le réveil était lent et je laissai filer les derniers rêves en essayant de retenir le sucre de l’un d'entre eux. Mais déjà, l’absurdité de la causalité aléatoire de ces constructions mentales m’échappait. D'ailleurs je ne me souvenais que rarement de mes rêves, sauf lorsqu’ils traitaient des marelles et cela n’avait pas été le cas cette nuit.
J’avais la langue pâteuse mais dans l’ensemble, je constatai avec soulagement que je me sentais beaucoup mieux que la veille.
Après ma rencontre avec messire Lilo, mes souvenirs devenaient flous. L’afflux sensoriel de la journée précédente avait saturé ma mémoire. Le dernier élément clair était l’accueil plutôt courtois du tenancier de l’auberge lorsqu'il m'avait présenté la chambre. J’avais certainement dû me déshabiller avant de me coucher mais mon esprit n’en avait gardé aucune trace.
A la clarté ambiante, j’estimai que le jour n’était pas trop avancé et mon estomac gargouillant précisait même que l’on ne devait pas être très loin du petit-déjeuner. Que mon estomac gargouille était d’ailleurs une excellente nouvelle en soi.
Avec un ferme sentiment d’optimisme, je me levai mais ce fut probablement trop rapide pour mon organisme affamé. Il me fit comprendre par moult points brillants et une sensation de vertige affreuse que je devais procéder doucement et je me rassis donc à la pointe du lit.
Je remarquai, à mes pieds, un large sceau contenant de l’eau claire ainsi qu’un pain de savon. L’air n’était pas particulièrement chaud et l’eau était totalement froide, mais je réussis à me laver. J’en profitai pour nettoyer mes affaires du mieux possible et je les fis sécher au rebord de la fenêtre. L’air vif me fit me réfugier sous les couvertures, attendant patiemment que le vent fasse son office. Je dus me rendormir car lorsque je rouvris les yeux la matinée était déjà bien avancée. La fenêtre ouverte de ma chambre avait permis à mes vêtements de sécher mais il régnait désormais dans la chambre une température hostile pour un homme nu.
Avec regret, je rejetai les couvertures et m’habillai rapidement mais mes testicules eurent le temps de se rétracter sous l’effet du froid intense. Aussi, me dépêchai-je de quitter la chambre.
Après avoir descendu deux escaliers, je me retrouvai dans la pièce principale de l’auberge où un feu de cheminée devait crépiter en permanence. Il faut dire que même les étés, dans cette région du monde, semblaient frais.
Je fus accueilli par un homme qui se représenta sous le nom de Sam Timùn, nom qui me disait vaguement quelque chose. Un léger souvenir me permit de remettre l'homme dans ses fonctions : c'était le tenancier de l'auberge . Il me proposa une table et un menu que j’acceptai volontiers en sentant le fumet qui se dégageait des cuisines et qui torturait mon estomac.
La pièce était occupée par différents badauds et je crus en reconnaître certains qui avaient participé, la veille, au début de lynchage de messire Lilo. S' ils m’avaient reconnu, ils n’en manifestèrent rien.
J’engloutis le déjeuner fait de choux et de chair de sanglier et réglai la note auprès de Sam. Ragaillardi, j’avais de nombreuses choses à faire et un moral en très sensible hausse.
Après m’être renseigné sur la direction à suivre pour atteindre la bibliothèque, je ramassai mes affaires, éructai discrètement et sortis de la taverne. En voyant cette fontaine que j’avais admirée la veille, je remplis ma gourde et partis en suivant les informations données par messire Timùn.
< La grande rue >