<Des terres cultivés de KK>Izakimak et Svengar se baladaient ensemble en forêt depuis un mois maintenant. Le nain profitait de l’expérience du lutin et apprenait autant qu’il pouvait sur les aspects de la vie hors des villes.
Durant les premiers jours, le nain n’était pas très à l’aise et, plusieurs fois, il se surprit à penser qu’il serait mieux chez lui. Il avait déjà été loin de sa famille pendant une longue période mais ce n’était pas cela qui l’embêtait vraiment même si sa famille lui manquait. Non. Après plusieurs nuits à la belle étoile à dormir sous les arbres pendant que l’autre veillait et inversement, il mit le doigt sur ce qui le chiffonnait ; Ne pas avoir de toit au-dessus de sa tête. Il s’en rendit compte au bout d’une semaine lorsqu’une pensée étrange le saisit :
(Y’aurait pas besoin d’une tente dans une bonne mine Naine.)D’où venait cette pensée ? Il n’en savait rien. Certes, il avait vécu la première moitié de sa vie à Mertar mais l’autre moitié à Kendrâ Kar donc cela n’expliquait rien. Il se contenta de se dire qu’après tout il était un nain et qu’une sorte d’instinct devait parfois se rappeler à lui. Il continua sa tâche du moment ; monter pour la troisième fois de la soirée une tente pour la nuit.
Izakimak prenait son rôle de professeur très au sérieux et lui faisait répéter plusieurs fois des gestes simples pour un habitué mais pas pour un nain buté et grincheux.
Monter une tente devait être un acte simple qui n’impliquait pas de niveler la zone choisie et moins encore de creuser des fondations ni de bâtir une palissade. Mais cela le nain avait bizarrement du mal à l’appréhender.
Il avait cependant appris à trouver un bon endroit pour monter un campement sans pour autant abattre la moitié de la forêt.
Il devait se trouver un peu éloigné du chemin emprunté, si possible dans un renfoncement du terrain pour que le feu soit invisible de loin. A bonne distance d’une source d’eau de telle manière à ne pas attirer de bêtes.
Les premiers soirs, Izakimak distillait à Svengar de nombreux conseils sur le choix d’un lieu de campement hors d’une forêt.
Au début, Svengar trouvait cela étrange de se cacher car, pour lui, seul ceux qui avaient quelque chose à se reprocher devait se cacher.
« Les personnes qui ont quelque chose à se reprocher voyagent par les mêmes routes que nous. S’ils trouvent quelqu’un endormi au bord de la route, pourquoi ne le dépouilleraient-ils pas ? » Avait répondu le lutin, froidement.
Après quelques grommellements et une bonne heure de réflexion à tourner et retourner l’idée dans sa tête, Svengar s’était finalement rallié au point de vue qu’un bon campement devait être éloigné du chemin.
Il apprit également à chasser avec son arbalète, à poser des pièges, à pister les animaux et à s’orienter simplement dans les bois. Izakimak tenta aussi de lui inculquer les règles de base du camouflage. Mais essayer de faire se dissimuler un nain qui ne cesse de grommeler sur les ronces, de râler après les brindilles et de vitupérer sur tout le reste, n’était pas une mince affaire.
Le lutin transforma l’apprentissage du camouflage en jeu de cache cache et le nain grincheux qui n’appréhendait pas l’utilité d’utiliser des branches de fougères se transforma en gamin excité par un jeu.
Svengar ne devint pas un expert dans ce dernier domaine, ni dans tous les autres non plus d’ailleurs, mais au moins ils n’étaient plus un mythe pour lui.
Ils mangeaient le soir autour d’un feu en se racontant des histoires ou en rabâchant les principes inculqués le jour. Le repas était frugal car il n’avait rien emmené à part une grosse miche de pain dorée. Celle-ci ne leur tint d’ailleurs pas bien longtemps malgré le petit estomac du lutin. Ainsi le repas était principalement composé de viande cuite avec quelques racines et plantes qu’Izakimak savait être comestible.
« Une fois de retour à Kendrâ Kar, on ira à la bibliothèque pour se renseigner sur les plantes et racines des forêts que l’on peut consommer. » Avait dit le lutin, un soir qu’ils mangeaient pour la cinquième fois de suite du lièvre avec de jeunes pousses de fougères qu’Izakimak appelait des têtes de violons.
« Ça, c’est une riche idée. » Lui avait répondu le nain. Il avait aussi enchaîné en disant, avec un air mi-moqueur mi-sérieux :
« Mais on pourrait aussi emmener des provisions, juste au cas où ! »En réponse, le lutin avait grommelé pour la première fois, ce qui avait provoqué le fou-rire du nain qui se propagea rapidement à Izakimak.
Les journées passèrent donc rapidement entre la chasse pour les repas, la cueillette, les courses d’orientation qu’Izakimak proposait à Svengar, les heures d’entraînement à l’arbalète et à la hache, les longs moments à pister un animal et s’en approcher silencieusement et d’autres activités forestières.
Dans la journée du vingt-huitième jour, les deux compagnons pistaient un chevreuil pour le sport. Le sous-bois était touffu de sorte qu’ils ne voyaient pas bien loin. De grandes quantités de branches cassées, d’arbres brisés et des tonnes de feuilles jonchaient également le sol mousseux suite à la récente tempête. Ceci rendait la lecture des traces dans le sol peu aisé et deux paires d‘yeux n’étaient pas de trop.
Ils avaient donc tous deux les yeux rivés sur la terre meuble lorsque, traversant un sentier d’animaux, Svengar interpella Izakimak.
« Hey !!! Il y a des empruntes que je ne connais pas sur ce sentier. Niveau forme, on dirait une grosse patate avec de petites griffes très irrégulières. C’est quoi ? »« Une grosse patate avec des ?!? Fait voir … »Izakimak, la mine angoissée, franchit d’un bond un tronc couché et rejoignit le sentier où le nain était resté planté. Son visage se décomposa plus encore lorsqu’il vit l’empreinte. Où plutôt en voyant les empreintes ! Comme il ne pipait mot, la bouche ouverte, le nain meubla.
« Au vu des griffes, ça serait plutôt un félin ou un blaireau mais même les empreintes partielles que tu m’as déjà montrées ne ressemblent pas à ça. C’est une bestiole qui n’est pas d’ici ? »« Non, pas trop d’ici…et je ne pensais pas en voir aussi près de Kendrâ Kar…Ce sont des empreintes de gobelins. De quatre gobelins si j’en juge par ce que je vois. »Izakimak releva les yeux vers Svengar qui semblait bouillonner. Il se retenait visiblement de dire quelque chose et, en une fraction de seconde, le lutin sut ce que le nain allait dire. Pris de panique et n’ayant pas du tout envie qu’un nain se remette à grommeler pendant des heures, il tenta de calmer son ami…
« NON NE… »…En vain.
« J’ai HORREEEEEEEEEEUR des gobelins !!! »