L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Sam 17 Oct 2015 13:47 
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Tout en esquivant les sales paluches des sektegs curieux, je couve du regard mon compagnon ailé. La vieillarde fait pareil. Non, pire, elle le scrute des pieds à la tête. Et son sourire édenté dégoutant me donne envie de lui arracher son œil ouvert ! Arrête de le regarder comme ça, saloperie de femelle ! L'irritation croît en moi, jusqu'à ce que mon abruti d'élève elfique et brun me masque la vue pour esquiver une main. Je suis interloqué. J'aurais envie... De monopoliser le protecteur ? Non ! Non, je suis juste écœuré de voir une femelle le lorgner comme un bout de viande ! Toutes les mêmes !

J'agrippe mes manches de cuir, m'efforçant de patienter sans éborgner un ou deux curieux tentant d'attraper mon long pagne. Finalement, Andha'Rïl et Dae'ron reviennent. Apparemment, ils ont réussi à négocier un délai. Ce groupe puant et crétin ne bougera pas avant de savoir ce qui résultera de la tentative des éclaireurs. Ben voyons ! Laissons à d'autres le soin d'agir pour mieux les blâmer ensuite ! Bande de trouillards !

"Aux suivants !", sifflé-je à l'intention du guide.

Le sekteg à l'oreille manquante nous mène sous le pont gigantesque, nous présentant au couple menant le groupe voulant aller plus loin sous terre. Je ne les regarde qu'à peine tant leur vue m'irrite. Des tuniques longues et grises assorties, le même nez pointu et une tignasse boue presque absente. Ils se ressemblent tant que j'ai l'impression de voir des rejetons d'une même fratrie. Ignoble ! Et eux aussi rejettent le poids de leur décision sur les éclaireurs. Ils ne veulent pas se risquer plus profondément sans l'appui des sektegs de terrain, mais se joindre aux créatures en armes pour reprendre la salle-nourriture leur parait stupide. Ils ne veulent pas se battre, mais ces imbéciles envisagent par contre de partir dans l'inconnu, sans savoir s'ils vont trouver de quoi subsister, et peut-être en étant confrontés à plus grave péril. La logique gobeline...

À la suite du guide, nous nous dirigeons donc vers l'accès à la salle envahie.

"Quoi ?", fais-je en voyant soudain le regard appuyé et amusé de Dae'ron dans ma direction.

"Finalement on y vient, mais on aurait presque pu commencer par là. Les éclaireurs.", répond-il comme s'il avait préparé son coup depuis longtemps.

"Et alors ? T'y gagnes un truc, peut-être ?"

"Eh bien... Je te sentais tendu, mais à ce point...", me fait-il avec sa foutue expression concernée. J'en grimace un peu et croise les bras de plus belle. "Tu devrais essayer de te calmer un peu. La marque a encore progressé.", me dit-il en agrippant ma manche pour me faire ralentir, tout fixant mon visage.

Je le sais parfaitement, par mes ailes ! La corruption laisse ma peau enfiévrée et franchement désagréable sur toute la droite de mon corps ! Et cela m'agace ! Ceci dit, j'y suis plutôt habitué maintenant, alors qu'elle ait progressé ou pas, je ne m'en rends pas bien compte.

"À quel point ?"

"Pardon ?"

"Où en est-elle au juste ?", insisté-je en écartant ma tignasse blonde de mon visage et en me posant sur l'un des cristaux éclairant la zone.

Le protecteur marque un temps d'arrêt puis finit par faire de même. Je sens alors son index frais toucher mon front de façon hésitante et descendre lentement en une petite courbe dessus. Plus il progresse, et plus j'imagine la tête que je dois avoir. Le contact se poursuit. À travers mon nez, sous ma pommette puis au coin de ma bouche, là où démarre ma balafre. Un frisson violent parcourt mes ailes au contact prolongé de la peau claire contre mes lèvres. Dae'ron les regarde longuement, avec insistance même.

Mon instinct s'éveille, et j'agrippe vigoureusement son poignet, l'écartant brutalement de mon visage. Par mes ailes ! Pourquoi j'ai retenu mon souffle ?! L'aldryde lâche un hoquet de surprise et toussote lorsque les géants font soudain attention à nous. Je reprends vivement mon vol, talonné par un protecteur silencieux. Bravo ! Je lui laisse l'inestimable droit de me toucher, et il... Il... Il le fait. Mais il n'a pas à le faire comme ça !

Je jette brièvement un regard indécis dans la direction du responsable. Il a posé les mains de part et d'autre de son nez, et quand nos regards se croisent, il détourne la tête. Son embarras est visible, et surtout il me frustre. S'il avait plaisanté sur ma réaction ou avait fait un simple commentaire, cela serait passé ! Enfin presque. Mais là, à se montrer aussi coupable, il me fait redouter que son geste ait caché quelque intention à mon endroit. Et je ne peux pas me laisser aller à un espoir naïf. Cela m'a déjà grandement blessé auparavant. Refaire la même erreur serait de la stupidité pure ! Mais en sachant cela, pourquoi je l'ai laissé faire ? Pourquoi je n'arrive pas à en faire fi comme du reste ?

Cette colonie souterraine doit affecter mes nerfs. Être coincé me rend malade et nerveux. Plus vite nous serons de retour à la surface, et mieux cela vaudra ! Je colle mon poing contre mon torse, faisant au mieux pour faire taire ce rythme inhabituel dans ma poitrine.



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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Mer 30 Déc 2015 12:49 
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Tant de douleur et de sacrifices pour en revenir là. C'est franchement frustrant ! Je sais bien que je n'ai pas le choix, et voir ma liberté encore une fois entravée me donne des envies de meurtre ! Debout, caché sous la longue tignasse de l'elfe brun, je prends bien soin de tirer sur sa foutue oreille dès qu'il fait un mouvement d'épaule de trop. La raison pour laquelle je joue les oiseaux de compagnie ? Parce que les éclaireurs ne voulant rien entendre, seule une démonstration de force peut les ralentir dans leur action. Surtout leur abruti de meneur, presque aussi grand qu'un garzok, aussi massif, mais pas complètement crétin.

Sauf que le seul moyen de prouver sa force, c'est d'utiliser de la magie. Noire, évidemment. C'est ainsi que l'éarion s'est toujours fait respecter et écouter. Et comme mon incapable d'élève semble avoir oublié tout ce que je lui ai appris, c'est encore à moi d'agir ! Et à couvert, parce que ma petite taille élimine mon autorité d'office ! Maudits êtres de grande taille ! Une fois sortis de cette situation, si Dae'ron émet encore une fois le souhait d'aider un colosse, je le plumerai moi-même !

En attendant, mon amertume m'aide grandement à canaliser mon énergie magique dans mon bras corrompu. J'ai terriblement envie d'utiliser mon sort de plumes sombres, mais si j'en tue un à cause de sa propre faiblesse, je ne serai guère avancé. Et il faut que ce crétin de Rhûda'Rïl puisse le reproduire sans moi... J'opte donc pour un sort d'ombre destiné à terrifier ma cible.

"Pointe le gros dur à droite.", grondé-je à l'oreille claire.

Et ma marionnette imbécile de faire exactement ce que je lui ordonne, pour une fois. Ma main sombre se plaque contre son épaule, me permettant de faire courir ma magie jusqu'au bout de sa main puis de la libérer sitôt son doigt atteint. Une ombre géante se déploie, et il n'en faut pas plus pour que le costaud tombe à la renverse et surtout tente de la percer de son pieu durci. Quel crétin ! Mais au moins, cela fonctionne.

Il faut une poignée de minutes pour que la tension retombe et qu'un plan soit discuté. Et ce, pendant que je suis encore obligé de me tenir sur l'épaule tremblante du grand couillon pour ne pas griller ma couverture. J'apprends alors quelque chose d'intéressant. Les arctosas sont en fait seulement quatre dont un véritablement massif et endurci. Il y a fort à parier que buter celui-là jetterai la confusion dans le reste de la meute. Sauf que les sektegs ne peuvent pas rivaliser avec. Aucun n'a vraiment l'apparence d'un guerrier.

La solution vient de la suggestion d'un éclaireur expérimenté. Si on peut d'une s'appuyer sur ses dires, de deux compter sur d'autres créatures potentiellement aussi dangereuses. Sur des paroles que je lui souffle, l'elfe brun invite le groupe à rester aux aguets mais ne rien tenter pendant qu'il se penche avec son lumineux de frangin sur la question. Dès que le champ est libre, je quitte ce perchoir plus qu'inconfortable et suis rejoint par le protecteur.

"J'ai eu peur que tu te laisses emporter au dernier moment, mais je vois que j'ai eu tort.", avoue-t-il de façon énervante. Qu'il doute de moi m'agace, mais qu'on me colle une responsabilité que je n'ai pas demandé est pire !

"Si ça ne tenait qu'à moi, il n'y aurait plus un sekteg debout. Donc plus de problèmes.", lâché-je froidement en le fixant.

Je suis sérieux, et il le sait. Et pourtant il continue de me regarder sans s'offusquer. Cet aldryde est décidément incompréhensible ! Je n'arrive toujours pas à le cerner, et ça m'énerve d'autant plus !

"Alors ! Vous attendez quoi ? On récapitule, oui ou non ?!", fais-je aux frangins elfes, encore coincés dans une accolade.

La salle-nourriture juste à côté est donc envahie par quatre bestioles type araignées humanoïdes, gigantesques, dangereuses, mais sans doute moins affamées si on en juge par les bruits immondes et réguliers de carapaces déchiquetées. Il faudrait aller y voir exactement ce qui s'y passe, et tenter de pousser plus bas. D'après le vieux, il existerait d'autres créatures férues de combat, présentes dans les étages inférieurs de la grotte. Elles seraient capables de grandement gêner les bestioles voire pourraient en triompher. Mais cela comprend le risque qu'elles deviennent les remplaçantes des envahisseurs actuels.

Bande de trouillards ! J'ai déjà buté des créatures faisant dix fois ma taille, sans trembler, et seul ! Plus ils sont grands, plus ils ont peur ces abrutis. Trapaht se mêle à la conversation, semblant suggérer de faire patienter les éclaireurs jusqu'à ce que l'elfe bleu paralysé se remette. Je croise les bras, entendant les uns arguer que ça peut être long, d'autres indiquer que sans le sac à venin de la bête, élaborer un remède peut s'avérer impossible. Mais ils sont unanimes sur un point : aller se battre directement est inenvisageable.

Et ça cause, et ça cause. Pour rien. Alors que j'ai maintenant tout ce dont j'ai besoin pour progresser. Eh bien qu'ils continuent à jacasser ! Moi, je n'ai aucune intention de m'éterniser ici, alors je vais agir ! Mes membres de plumes se déploient et me portent à la large plaque de pierre scellant le passage. Aucun sekteg pour la mouvoir, mais je n'en ai pas besoin. Il y a là un léger interstice sombre qui suffira amplement à ce que ma magie me permette de m'y glisser.

Alors que je me concentre et colle ma haute botte dans une ombre la rejoignant, ma manche est subitement agrippée par le Protecteur. Il ne dit pas un mot, mais toute son expression me demande clairement ce que je suis en train de faire.

"Le temps que ces abrutis se décident, les sektegs se seront bouffés entre eux.", grondé-je, agacé de le voir me retenir. "Remarque, ça ne me dérange pas, moi...", fais-je avec un sourire cruel.

"Encore ce même discours... Mais ils ne t'ont rien...", commence-t-il avant de se taire de lui-même. Il a l'air d'avoir réalisé quelque chose, mais je ne compte pas le lâcher sans d'abord avoir enfoncé le clou.

"En effet. M'enfermer des lieues sous terre, m'obliger à les aider pour pouvoir partir, manquer de m'arracher des plumes parce qu'ils n'ont jamais vu d'aldrydes...", piqué-je froidement. "Mais si tu ne t'étais pas fourré dans le crâne de les aider, je n'en serais pas là !", claqué-je finalement en arrachant mon bras de ses mains.

"Tu me l'as déjà dit. Je n'y peux rien, moi.", dit-il en s'assombrissant. "Et si cela t'agace à ce point d'être coincé ici, tu n'as qu'à partir de ton côté ! Voilà !", gronde-t-il à son tour. Éclat de colère aussi vif que passager, car il pâlit aussitôt après.

"J'ai déjà essayé.", répliquè-je en avisant le passage. "Et un certain aldryde brun ne l'a pas entendu de cette spirale. Il en a eu de sacrés problèmes." Je lui tourne le dos et canalise ma magie sombre à la fin de ma tirade amère.

"Euh je... Nessandro, tu sais que je n'avais pas l'intention..."

"Plus tard.", coupé-je sans ménagement.

"Plus tard... Toujours plus tard...", l'entends-je souffler dans mon dos.

Je passe dans les ombres, me faufilant entre la pierre et la paroi. J'émerge de l'autre côté, accueilli par une odeur étrange de chair, d'humidité, et la même lueur que dans la pièce principale. Mes yeux sombres se tournent vers la porte minérale un instant.

( Oui, plus tard. Après tout, pourquoi pas ? Il me tape souvent sur les nerfs mais... )

Mais c'est l'être dont je suis le plus proche, avec mon harney. J'ai même perverti ma magie pour lui venir en aide. Je lui parlerai, et s'il ne m'accepte pas...

J'aviserai. Maintenant, j'ai plus urgent à faire.




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Dernière édition par Nessandro le Ven 8 Avr 2016 14:09, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Mer 3 Fév 2016 15:57 
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Partout, les même cristaux enchâssés dans les murs, mais je m'en contrefiche. Volant à ras terre, je m'abrite de pic rocheux en cachette identique, les yeux balayant la zone et les spirales attrapant le moindre bruit. La pièce où j'ai débarqué est longue, presque artificielle dans sa forme rectangulaire, et barrée de nombreuses tentures sur les parois. Sur le mur de droite, il y a même une sorte de petit balcon. Le plafond de cette "salle-nourriture" doit bien culminer à une dizaine de mètres. De légers crissements se font entendre, et des bruits plus réguliers, chitineux. Dos à une pierre, casque bien enfoncé sur le crâne, je jette un regard prudent le long de mon abri.

Et retiens brutalement mon souffle.

Un gros œil rouge me fait face, appartenant à une tête faisant ma taille. Un énorme scarabée me fixe, m'envoyant un frisson glacé entre les ailes. Mais cela ne dure qu'un temps, lorsque je finis d'interpréter ce que je vois. Pas de mouvement de mandibules. Pas de réaction. C'est bien une tête de scarabée, mais c'est tout. Par contre, juste derrière, une gigantesque patte arachnoïde frappe le sol, me faisant lever le nez.

Un cri, entre grincement et sifflement aigu, s'élève dans la salle. Immobile, je découvre alors par mes propres yeux ce qu'est un arctosa. Un corps doté de pattes effilées au bout, piquant dans le sol à la manière d'une lance. Noir. Puissant. Surmonté d'un buste presque humanoïde doté de pattes type mante religieuse et de bras. Sa tête à multiples yeux est dotée d'une bouche s'ouvrant comme une fleur. Et en quelques instants, une main griffue amène le corps de la proie à cette gueule béante, son autre patte ramassant la tête gisante.

En apnée, je m'efforce de ne pas être remarqué. D'un autre côté, si des humains ne sont pas foutus de me repérer, des choses faisant la moitié de leur taille en plus ne devraient pas y parvenir non plus.

Ma peau bleutée se hérisse quand entre en scène un deuxième arctosa. Même taille que le précédent, qui siffle de façon mécontente. Elle tente d'arracher au premier la tête de la proie et lui fait même cracher le corps qu'elle avait dans la gueule. Leurs mains se repoussent. La salle s'emplit de bruits plus immondes les uns que les autres. À les voir évoluer, je commence à me demander s'il est vraiment possible d'abattre ce genre de créatures. Elles s'empoignent devant moi, et leurs hautes pattes se mettent à percer lourdement le sol entre mousse et poussière. Malgré moi, je déglutis en les regardant passer au-dessus du rocher où je me colle, dans une dangereuse et fascinante valse. Leur bagarre fait trembler mon point d'appui.

Puis c'est le silence.

Jusqu'à ce qu'un impact puissant renverse presque les bagarreurs. Immobile, je me sens pâlir un peu. Un autre arctosa est apparu. Massif, plus gros que ses congénères et plus grand d'une bonne tête. Son sifflement est profond et lourd. Il s'empare des morceaux de cadavre relâché par le premier que j'ai vu, et les engloutit. Cette bête me fait froid dans le dos. Dans ses pattes comme dans son dos, j'aperçois des sortes d'excroissances. Il me faut quelques instants pour comprendre qu'il s'agit de pointes en pierre ou en matière animale, fichée dans sa chitine. Elles n'ont même pas l'air de le gêner.

J'attends. Un peu partout, des scarabée géants courent ou se repaissent des restes des leurs. Leur présence attire l'attention des arctosas, que je vois se disperser dans la salle. Une fois que ces choses se sont éloignées à la recherche d'une nouvelle proie, chose plutôt facile puisqu'elles pullulent sous leurs pattes, je file en direction du rideau le plus proche. Le creux dissimulé derrière contient de grosses caisses ou des "meubles" en pierre. J'inspire lentement, regardant évoluer le dominant de cette meute. J'en serre la mâchoire, jetant un regard à la manche où se trouve ma sarbacane.

( Si des lances à taille au moins sekteg n'ont rien fait, ce ne sont pas mes fléchettes qui vont percer sa carapace... Par mes ailes ! Cela ne s'était encore jamais produit ! )

Enfin si, contre cette horreur de cocatrice. Mais il avait été possible de lui faire sauter des écailles et crever ses yeux. Mais là...

( Ma dague ne servira pas à grand-chose non plus. Ma magie, peut-être ? Une chose après l'autre, mon aldron. Trouve d'abord le passage vers les autres niveaux. )

Décidé à économiser ma puissance magique, je guette et progresse avec prudence dans cette salle immense. La plupart des rideaux mènent à des réserves sous scellé. D'autres à des sortes de caves sombres où poussent toutes sortes de champignons. Dans l'une des cavités, je constate qu'une paroi s'est effondrée. En la suivant un peu, je descends de plusieurs mètres avant de tomber sur un éboulis partiel, donnant sur une nappe d'eau. Sous la surface, un cristal me permet de deviner un passage plus profond. Chemin impossible à emprunter pour moi. Est-ce là d'où viennent ces saloperies ? D'une galerie submergée par un cours d'eau souterrain ? Et comme des rats, cela les a poussé à remonter jusqu'ici ?

J'en hausse les épaules. Je m'en contrefous en vérité. Ce n'est pas ce que je cherche. Je poursuis donc dans la salle et emprunte un couloir plus étroit. Celui-la n'a rien d'artificiel. C'est véritablement la grotte qui se poursuit. Et il y fait de plus en plus sombre. Allumer une torche serait tellement imprudent que je chasse l'idée dès qu'elle me vient. Par contre, une idée me pousse à faire sauter quelques éclats d'un cristal lumineux proche. J'en conserve un tout petit dans le poing et constate que sa lueur décroit avec le temps. Le secouer un peu ravive la lumière deux fois, puis il s'éteint définitivement.

( Je vois. )

Je m'échine contre le minéral, faisant sauter des éclats de tailles diverses. L'un d'entre eux se rebelle et frappe mon casque. Le son soudain me surprend, et je m'immobilise. Cette sensation de ténèbres et d'isolement m'est familière, et pourtant elle me rend tendu. Il faut croire que je me suis habitué à fréquenter la vie. Alors que je sens mes pensées se diriger malgré moi vers mon compagnon ailé, je les chasse d'un rapide mouvement de tête. Ce n'est pas le moment ! Et puis, je lui en veux toujours de nous avoir entrainé là-dedans !

Après avoir profité de quelques instants pour retrouver mon calme et ma concentration, j'avise le passage et m'y dirige. À pied cette fois. Il serait stupide de me briser une aile par accident !

Les échos de mes pas me parviennent, l'un après l'autre, mais avec aussi peu de force que le son des gouttes d'eau s'écrasant sur la pierre. Ce calme me fait le plus grand bien, mais en même temps, dans cette pénombre, j'ai encore plus l'impression de percevoir la présence de l'esprit du Cœur Sombre. D'instinct, je porte la main à mon bras corrompu, pour m'apercevoir que la protection dorée le recouvre déjà. Bel indice pour me rappeler que je ne fais pas une promenade.

( Reprends-toi, aldron ! Tu te perdras dans ces foutues impressions une fois libre ! )

Je hoche la tête résolument et m'enfonce dans ce boyau de pierre.



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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Dim 14 Fév 2016 12:08 
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Silence. J'observe depuis mon promontoire. Après avoir passé un long moment dans ces galeries, glissé plusieurs fois sur des surface humides, et avoir manqué choir dans une cheminée naturelle, j'ai fini par trouver des traces laissées par les précédents éclaireurs. La piste a été plus simple à suivre, et quelques marches ont parfois été taillée dans la roche pour aider à la progression. Cette fois-ci, je pense avoir trouvé ce que je cherchais. Et j'ai encore du mal à comprendre ce dont il s'agit.

Le long du mur, un unique cristal éclaire faiblement la zone. Mais assez pour que je puisse distinguer quatre silhouettes. J'ai d'abord cru à des humains, mais leur grande taille m'a plutôt fait pencher pour des elfes. Jusqu'à ce que mes yeux parviennent à déceler des détails. Depuis mon surplomb, j'ai tout le loisir d'observer ces créatures. On dirait une espèce d'insecte, doté de deux ailes façon cape, et surtout de deux mandibules ressemblant à d'immenses pattes effilées. Deux grandes antennes partant dans le dos, et surtout une allure de guerrier en armure. Le plus bizarre est d'en voir trois sur les quatre manier des équipements. Épée et bouclier. Deux d'entre eux font d'ailleurs des passes d'arme, sous le regard attentif des deux autres.

( C'est quand même moins impressionnant que les arctosas. )

Mais à bien y regarder, nombre de colonnes de pierre et de murs semblent porter des traces de coups. Ces choses auraient assez de cervelle pour non seulement porter les armes, mais en plus s'en servir ? Voilà qui pourrait être intéressant. Je ne sais pas si ces soi-disant guerriers seraient de taille face aux monstres de la salle-nourriture, mais ils pourraient faire une distraction efficace. Même infoutus de tenir une dague, les éclaireurs pourraient alors se battre sans risquer de se faire écraser.

Pas trop rapidement, en tous cas.

"Eh, vous en bas !", crié-je, devinant leur attention se porter dans ma direction. "Fini l'entrainement ! Si vous voulez vous battre, je vous en offre l'occasion !"

Les quatre têtes se tournent les unes vers les autres. Je vois les antennes s'agiter un peu et... Et les choses se détourner totalement de moi. Frustration. Je rêve ? Je viens de me faire totalement ignorer ! Pas une parole de ces sales bestioles, pas un geste dans ma direction, pas même la plus petite once d'agressivité ! Un dédain notable et auquel je ne m'attendais pas vraiment. J'en grimace sous mon casque. Ces saloperies ne font pas que ressembler à des géants, ils en ont aussi l'attitude. Et cela m'énerve.

"Oh ?", piqué-je. "Finalement ces équipements ne sont qu'atours ? Décorations pour insectes bipèdes ?"

Ignoré, encore une fois. Mon agacement est complet. S'ils ne veulent pas me suivre sans une bonne raison, je compte bien leur en donner une ! Vivement, j'agrippe ma sarbacane, la charge rageusement d'une fléchette et vise le plus grand. C'est le seul qui n'ait pas d'armes, de profil par rapport à moi, et qui garde les bras croisés. Mon projectile file vers l'une de ses pattes-mandibule. Brièvement, j'ai la sensation d'avoir senti son regard sur moi. L'instant d'après, je constate que ma fléchette s'est perdue au sol. En à peine un pas de côté, il a esquivé mon attaque.

Claquement de langue puis sourire mesquin. Cela veut tout de même dire qu'il est conscient de ma présence. Sa tête n'est cependant toujours pas tournée vers moi. Qu'à cela ne tienne ! Je réitère mon geste, bien décidé à attirer son attention. Il évite encore une fois, puis une autre, faisant croître mon irritation un peu plus à chaque mouvement. J'ai presque l'impression qu'il joue avec moi.

( Tch ! On va voir si tu t'amuses toujours quand j'y mets du mien... )

Au son des épées qui s'entrechoquent habilement, je concentre mon énergie physique. J'inspire, bloque mon souffle, puis relâche la munition en même temps que mon envie de le prendre au dépourvu. La fléchette part, mais pas dans sa direction. Elle file entre les adversaires se parant mutuellement, passe sous leurs bras armés, et poursuit sa course jusqu'à...

Impact peu audible, mais qui fait cesser tout mouvement dans la pièce naturelle. Celui que j'ai pris pour cible attrape l'une des antennes pendant dans son dos. Oui, ma fléchette s'est plantée dedans. Je suis parvenu à toucher une cible difficile, malgré la distance qui me sépare de lui, et sa capacité à éviter mes coups. Je n'y ai volontairement pas mis assez de force pour la sectionner, mais j'aurais très bien pu le faire. Et il doit s'en douter, alors qu'il retire la munition et lisse la zone touchée. L'humanoïde-insecte lève la tête vers moi, comme ses semblables.

"Aww ! Alors ? Fierté blessée ? Des insectes peuvent en avoir ?", me moqué-je, rictus au visage dans la pénombre. "Prouvez-le moi, cafards."

Sur ce, j'envoie un éclat de cristal le long d'une paroi. Il éclaire doucement des aspérités. S'ils ne sont pas trop débiles, ce qui serait quand même étonnant, ils seront capables d'escalader jusqu'à moi. Je mets alors toute mon amertume et ma provocation dans une ultime réplique.

"Si vous n'êtes pas juste une bande de nuisibles."

Le désarmé demeure immobile. Mais cela ne dure pas. C'est même le premier à amorcer l'escalade jusqu'à mon promontoire. Un souffle méprisant accompagne une sensation de fierté. Qu'importe leur taille, mes adversaires finissent toujours par agir comme je l'entends.

Je prends un peu d'avance sur eux, me retournant juste pour voir la tête du meneur à l'orée du tunnel. Il a l'air de ne voir que moi, chose qui me flatte et m'agace en même temps. Cela risque de poser un problème. Il faut juste espérer qu'être mis en danger par un arctosa sera suffisant pour détourner son attention de moi. Déjà que lutter contre ces immondes araignées risque d'être difficile, je n'ai pas l'intention de devoir faire en plus attention à ces étranges guerriers.




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Dernière édition par Nessandro le Ven 8 Avr 2016 14:20, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Jeu 17 Mar 2016 16:28 
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Vivement, agitant puis jetant les éclats de cristaux pour éclairer ma route, je guide les insectes de grande taille. Coup d'oeil par-dessus mon épaule. Ils me suivent assez rapidement, mais je m'aperçois toutefois que le dernier du groupe prend le temps de faire des marques régulièrement sur les stalagmites ou les parois. Je ne sais pas ce que sont ces choses, mais elles sont capables de penser autrement qu'à court terme. Rictus alors que je songe à leur rencontre avec le quatuor d'arctosas. Je n'aurai pas à me mêler à leur combat. Il me suffira de me tenir en hauteur, à l'écart, de les laisser s'entre-déchirer, puis de prévenir pour que les éclaireurs achèvent les survivants.

Simple, propre et efficace. Pour une fois.

Je fais irruption dans la salle-nourriture, me figeant en devinant la forme d'un arctosa à la sortie. Le bruit des équipements et des pas de mes suivants attire l'attention de la bestiole-araignée. Ses yeux se braquent dans ma direction. Retenant mon souffle, je fais un piqué entre ses quatre pattes. Autour de moi, je perçois le son de ses membres chitineux et effilés, qui poignardent le sol en cherchant à m'atteindre.

Vivement, je contourne quelques caisses de pierre puis prends de l'altitude. Attentif, j'observe ce qui se passe en-dessous de ma position. La créature noire me scrute de ses nombreux yeux, m'envoyant un frisson immonde me hérisser les plumes. Autour d'elle, des scarabées géants grouillent, fuyant son déplacement. Et alors que la gueule dégueulasse de la bête s'ouvre, laissant passer un crissement affreux, les insectes armés font à leur tour irruption dans la salle.

J'attends, ma sarbacane à la main, et scrute la scène. Les arrivants s'immobilisent en découvrant l'endroit, mais avant même que l'arctosa ait pu se tourner vers eux, les cafard bipèdes ont fondu sur lui. Sifflement strident qui alerte les autres prédateurs. Je les vois émerger des réserves au moment où le premier quadrupède s'effondre. Rictus amusé, presque surpris. Les combattants que j'ai entrainé à ma suite viennent d'agir comme une escouade. L'un d'eux vient de charger l'ennemi d'un coup de bouclier qui l'a jeté à terre. Le désarmé s'est saisi d'un bras presque humain, et les deux autres ont abattu leur lame dessus. Envers moi, les épéistes se sont montrés indifférents, mais contre cette chose, ils ont agi avec la vitesse et la hargne d'un groupe d'enragés.

Le sang de la bête gicle de son moignon. Son sifflement se fait entendre plus fort encore, mais elle bondit sur ses pattes et lance son autre bras griffu en arc-de-cercle. Salement blessée, elle n'en a l'air que plus apte à en découdre. Impressionnant.

Sauf que je ne m'y intéresse qu'un instant. Prudent, je demeure à proximité du plafond et m'éloigne en direction de la porte de pierre. J'avise puis me pose sur une aspérité de la paroi, observant ce spectacle. Assister au combat acharné entre des créatures gigantesques sans que j'ai à y prendre part est très divertissant. Coups de griffes. Parades au bouclier. Riposte à la lame. Esquive. Les deux quatuors dansent, encerclés par les scarabées géants cherchant à se mettre à l'abri des uns et des autres.

Mes yeux sombres suivent principalement les deux adversaires les plus proches de moi. L'énorme arctosa et le cafard désarmé. Ils tournent au même rythme. Sifflement menaçant d'un côté, agitation des mandibules de l'autre. Puis la bestiole à quatre lances en guise de pattes se jette à l'assaut. Esquive et riposte par un coup brutal à l'amorce d'une patte sur l'abdomen sombre. Réplique. Un membre chitineux s'élève et s'abat vers la jambe du bipède. Saut rapide, appui sur une caisse de pierre, et le truc que j'ai touché de ma fléchette lui saute sur le dos, ses bras enserrant la tête noire.

Je sens mon regard happé par cette lutte, au point de ne voir plus qu'elle. L'insecte est bien plus petit que son adversaire, mais il a l'air de parfaitement le maitriser. Les quatre pattes effilées poignardent le sol pendant que ses bras griffus cherchent à atteindre son passager. Elles touchent. Malgré la blessure, l'insecte se cramponne. Il a l'air de prendre le dessus, cherchant apparemment à tourner violemment la tête de son adversaire, quand il commence subitement à se raidir. Sans aucune explication, je le vois perdre ses forces. Un mouvement vif de l'arctosa, et le désarmé est jeté à terre. Il roule et roule, arrivant presque à l'aplomb de ma position. Je découvre alors des sortes de pics sombres, enfoncés dans son abdomen.

( C'est quoi, ça ? On dirait... )

Des aiguillons. Des dards. C'est vrai. Les envahisseurs disposent de la capacité à sécréter un venin paralysant, afin que leur absence de mâchoire ne gêne pas leur capacité à dévorer leurs proies. Déçu, je regarde le combattant être ramassé d'une patte, et servir de bouclier alors que l'arctosa fonce vers la paroi. Et un impact... Et un autre... Le bipède est cogné contre la pierre de l'entrée.

Un son, différent de celui de la chitine à son point de rupture, parvient à mes spirales. Intrigué, je décolle de mon perchoir, restant proche du haut de la salle, et prends un peu de distance. Je comprends soudain ce qui se passe. Si la porte de pierre exige plusieurs sektegs pour être ouverte, les puissantes frappes semblent l'avoir ébranlée.

Un craquement sinistre se fait entendre. L'insecte bipède cesse de se mouvoir, brisé par un coup d'une extrême violence. Une pointe d'effroi se fiche dans mon torse. La bête laisse choir sa proie, puis elle la poignarde encore et encore de sa patte avant. Quand elle finit par s'arrêter, je retiens mon souffle.

( Non... Non ! )

Si. Les multiples yeux rouges aperçoivent l’entrebâillement de cette porte minérale, puis les griffes la grattent, cherchant à se glisser entre le mur et la partie mobile. J'essaie de me calmer, de chasser toute pensée inutile. Elle ne peut pas y arriver. Ce bout de roc est vraiment lourd. Et cette chose n'a pas assez de cervelle pour...

Effroi. Les deux mains de l'arctosa se faufilent dans l'ouverture. Elles tirent. Le roc s'ébranle. Et à chaque impulsion, je le vois se mouvoir. Mon sang ne fait qu'un tour, car depuis ma position, l'espace d'un instant, j'ai cru apercevoir un éclat blanc dans l'ouverture. Lorsque cette barrière de pierre cédera... Mains en porte-voix, je hurle.

"Dae'ron ! Tu m'entends ?! Éloigne-toi immédiatement de cette porte !"

"La paroi bouge, Nessandro ! Que se passe-t-il ?", me parvient sa voix teintée d'angoisse.

"L'arctosa dominant ! Il tente de forcer le passage !", hurlé-je encore plus fort.

"Oh non... Non ! Les sektegs ne sont pas prêts ! Il sont en pleine querelle juste à côté !"

Mon cœur palpite. Il ne me faut qu'un instant pour imaginer la suite des événements.

L'arctosa libérant le passage pour lui et les siens voire ces combattants insectes. Les gobelins rassemblés derrière pris au dépourvu, et se faisant faucher comme du blé mûr. Je me fous de cette vision de géants mourants. Que des créatures emmerdeuses claquent dans le sang et les tripes ne me fait rien ! Je pourrais même me réjouir de leur trépas ! Mais...

Mais pas de celui de Dae'ron... Ce fichu Dae'ron, qui ferait connerie sur connerie pour tenter de les sauver ! Et je commence à le connaitre ce Protecteur. Il le ferait. C'est dans sa nature... Ma main tremble, serrée sur ma sarbacane. S'impose à moi cette vision de mon partenaire d'infortune, baignant dans son sang... Ma tête tourne un peu. Mon cœur cogne lourdement. Je... Je refuse de le voir gésir encore une fois ! Je veux... Je veux qu'il vive ! Qu'il continue de sortir ces imbécilités de bons sentiments inutiles ! Qu'il sourit en pensant avoir gagné dans une quelconque rivalité avec moi ! Qu'il... Qu'il soit là pour m'écouter déverser mon fiel sur les grandes-gens ! Je veux...

Oui... J'en prends conscience en cet instant, et pire, je parviens à mettre des mots dessus. Je veux... Le protéger... Et pour cela, je dois éviter le massacre de ces débiles de sektegs. Défaire ces choses monstrueuses, ici et maintenant !

La corruption sur mon visage recule, et je sens la douceur de l'orbe doré s'avancer sur mon bras opposé, sans comprendre pourquoi. Je plaque une fléchette dans ma sarbacane et montre les dents. Résolution. Détermination.

"Je vais attirer leur attention ! Toi, préviens les sektegs ! Vire-les de là !", crié-je encore une fois. "Allez !"

Quand suite à une autre impulsion de la bête j'en viens à apercevoir son visage, je n'hésite plus. Je dois me battre contre un adversaire bien plus féroce que tout ce que j'ai affronté jusque-là. Un truc qui n'est toujours pas une raclure de mon passé... Une bestiole que jamais, sans avoir connu cet aldryde, je n'aurais eu à affronter. Là, c'est décidé...

C'est la dernière fois que je laisse Dae'ron m'impliquer dans des emmerdes de géants !



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Dernière édition par Nessandro le Ven 8 Avr 2016 14:38, édité 3 fois.

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MessagePosté: Mer 23 Mar 2016 23:16 
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Bruits de lutte. Déchirures. Les insectes que j'ai conduit ici se battent férocement, mais je n'en ai cure. Je scrute cet arctosa massif, porte ma sarbacane à mes lèvres et propulse la fléchette. Frustration, liée à cette certitude devenue évidence. La pointe a ricoché contre son bras sans y pénétrer. Pire, il s'acharne encore contre la porte ! Être ignoré par un ennemi de grande taille ravive ma colère. Je la canalise dans ma poitrine, mes bras et mes ailes sombres, bien décidé à frapper assez fort pour percer sa carapace !

La pierre bouge, j'attaque. La pointe érafle la protection naturelle, mais la bête n'y porte que brièvement l'attention. Quel idiot ! À frapper bêtement, j'en ai occulté les pointes de flèches criblant déjà sa carapace ! Ce ne sont pas mes pauvres fléchettes qui pourront faire mieux... Mais pas question d'abandonner si vite ! Il doit bien y avoir un moyen de la buter ! Peut-être que si je concentre suffisamment ma force en un point précis... Mais lequel ? Elle semble porter une armure naturelle.

La vue de ses globes rouges, reflétant tout sauf ma personne pour une fois, me donne envie de les lui éclater ! Alors j'en vise un avec précision, maintenant ma position aussi haut que possible dans les airs. Mon cœur accélère. S'il me met le grappin dessus, je suis fichu. Alors je ne dois pas me laisser atteindre, quand bien même cette bestiole avoisine les trois mètres.

Ma flèche guidée par ma volonté de lui nuire part, file dans les airs, me tirant un air confiant. Erreur. Mouvement de tête, effleurement de la bille rouge. Échec. Sueur froide, remplacée par une haine primaire. Même l’œil de cette saleté est comme couverte d'une protection transparente !

"Eh ! Fais-moi le plaisir de souffrir, saleté !"

Mouvement d'ailes, approche du flanc de la bête tout en enfonçant rageusement un autre projectile dans ma sarbacane. Je concentre ma force encore une fois. Il me faut lui porter un coup décisif ! Nouveau mouvement de pierre. Cette fois-ci, la bête peut passer son bras dans l'interstice, et elle le fait. De l'autre côté, le Protecteur apparait dans l'ouverture. Souffle court puis sang-froid. Il s'est mis hors de portée et lance Plume d'Argent dessus. Mais même la javeline ne parvient pas à se ficher dans la bête.

Je croise le regard de Dae'ron alors qu'il rappelle son arme. Il se tourne vers les sektegs, mais ses paroles sont couvertes par le crissement de l'arctosa. Assourdissant, il résonne contre la paroi. Quel cri immonde ! Il faut faire taire cette saloperie ! Tant pis pour la prudence, je m'approche davantage, concentrant ma puissance physique dans mon abdomen. Je vise bien, décidé à faire éclater cette boule de vue. La fléchette obéit, mais ne fait qu'érafler la base de l’œil.

Non, pas que cela.

Réaction de la bête. Violente. Elle siffle et passe le revers de son autre patte à l'endroit touché.

Là, juste là... C'est ce point-là que je dois frapper ! Je rassemble ma puissance physique, visant un endroit précis, sous son œil. Avec de la chance, le bout de bois parviendra à se loger assez loin pour... Non, pas de "si" ! Je dois tuer cette immense saloperie ! Rien ici n'est immortel ! Prise de risque. Ma poitrine se gonfle sous l'armure dorée, et je poignarde du regard cet œil que je veux éclater. J'accompagne mon nouveau tir par la pensée, la muant par ma volonté de percer son armure. La fléchette file, mais un mouvement imprévu de sa part me fait rater ma cible. Par contre, sa puissance est suffisante pour faire filer le projectile droit sur un scarabée. Et le tuer net en le frappant entre les deux yeux.

Frustration, que je convertis en puissance. Je sais user de mon arme mieux que cela ! Je peux le faire ! Frapper assez fort pour que ce soit la caboche de l'arctosa qui éclate !

Au son de la grosse patte griffue s'échinant contre la pierre, je porte l'assaut. Comme si j'étais dans cette parcelle végétale, j'accompagne la trajectoire si vive et puissante que je tressaille quand l'impact se produit. Éclatement. Hurlement. L'arctosa retire son bras de l'ouverture pour se couvrir l’œil. Qu'elle n'a plus ! Un filet de sang dévale sa sale trogne. Effet secondaire imprévu. Ma fléchette a non seulement transpercé la peau sous le globe, mais la puissance que j'y ai placé l'a fait éclater sous l'impact. La bille rouge a l'air de se dégonfler, percée de multiples échardes.

Volte-face de la bête. Le reste de ses mirettes me cherche et me voit. Vivement, j'agite mon arme puis la recharge.

"Par ici, saloperie ! ", lui hurlé-je dessus.

Sifflement. Sa bouche s'ouvre, étirant une membrane luisante et maintenant tachetée de rouge. Ses pattes poignardent le sol. Cette fois-ci, elle veut ma peau ! Rictus moqueur. Qu'elle essaie ! D'un coup d'ailes, je me rapproche du plafond, bien décidé à ne pas la laisser m'atteindre. Je vole entre quelques cristaux pendant de la paroi, devinant la bête s'agiter au sol.

Hoquet de surprise. Un coup, juste à côté de moi. Un morceau de la chose-insecte changée en bouillie, utilisé comme projectile. Je fronce le nez et frissonne. Coup raté, mais la chair de la chose a éclaté, éclaboussant d'un truc visqueux le cristal voisin. Yeux ronds, je vois le gros arctosa arracher un autre morceau de cadavre. Vif, je file de ma cachette. Bruit immonde après son atroce, le plafond se colore au gré des lancers ratés.

( Créature stupide ! Que croit-elle faire ? )

Je recule dans la salle, survolant les autres créatures en train de se battre. L'araignée quadrupède amputée git au sol, une de ses pattes tranchée. Mais je n'ai pas le temps de m'y attarder. Le gros me suit toujours, sifflant et ouvrant en grand sa mâchoire. Cabriole, sarbacane à mes lèvres, je tire. Sa grosse patte bloque la pointe.

Constat alarmant. Il a l'air de grossir ! Non... Il se rapproche ! Effroi alors que je comprends. La bête a maculé le plafond de choses gluantes, me poussant vers la partie plus basse de la salle. Accidentel ! Ce ne peut qu'être une coïncidence ! Jamais aussi dangereuse bestiole ne pourrait en plus savoir user le terrain à son avantage !

Dents serrées, je m'efforce de rester en mouvement. Je vole, moi ! Je peux lui échapper encore un moment !

La pensée a à peine traversé mon esprit que l'arctosa me donne tort. Ses pattes, transperçant les cadavres de quelques scarabées, se détendent d'un coup. Réflexe, j'applique ce que je viens de tenter contre son œil. Mon tir part, cognant sa grosse patte qui se referme à un rien de moi ! Je pensais gagner du temps, et tenir hors de portée, mais je suis en danger. J'ai énervé cette saloperie, et son sifflement strident m'apprend qu'elle ne va pas me lâcher. Ma fléchette a réussi à s'enfoncer dans sa paume, mais elle est arrachée aussi simplement qu'une écharde. Un court instant de fatigue m'atteint. Ce n'était pas un point faible de la bête, et mon tir a eu un effet bien moindre.

J'agrippe une autre fléchette, rechargeant le tube creux pendant que la chose retente un bond vertical puis retombe lourdement. Sale bestiole ! Mon ressentiment revient à la charge. S'il me faut tant d'énergie sans parvenir à grand-chose, la suite va être pénible. Je sens mon instinct de survie me hurler de fuir, de me cacher n'importe où. Et cette peur me frustre. L'amertume remonte dans ma gorge. Moi ? Avoir peur d'une chose si immense qu'elle peut presque toucher le plafond à chaque saut ?

Et puis quoi encore ! J'ai triomphé de géants plusieurs fois ! Une créature aussi laide qu'un humain croisé araignée ne va pas changer la donne ! Qu'elle vienne et soit le premier arctosa à claquer par la main d'un aldryde blond !




Tentative d'apprentissage de la CCAJ "Tir critique" : L'attaquant vise les points sensibles de l'ennemi, augmentant les chances de lui causer une blessure fatale. (L'intervalle des coups critiques aux dés passe de 95-100, à [95-lvl] - 100, minimum 50. For+1/lvl).

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Dernière édition par Nessandro le Ven 8 Avr 2016 14:54, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Mar 29 Mar 2016 13:46 
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Nouveau saut de la chose. Esquive de justesse. Plus le temps passe, plus cette charogne est précise ! Et j'ai beau tenter de la percer de mes fléchettes, sa grosse patte humanoïde arrête les projectiles. Et sans avoir l'air d'en souffrir le moins du monde ! Frustration. Colère. Il doit bien y avoir un endroit de cette saloperie que je puisse frapper pour lui faire mal ! Pour la tuer ! Tenter de percer ses autres yeux est une idée, mais dès que je les vise, la charogne place sa patte en protection. Elle apprend vite... Trop vite. Si des assauts physiques ne fonctionnent pas, peut-être que ma magie fera l'affaire ! La bête émet son sifflement courroucé. Sa sale gueule ne me revient vraiment pas !

Vol rapide sur le côté, manquant me faire toucher un cristal luisant. Ses griffes ripent dessus dans un bruit strident. Et ses yeux braqués sur moi... Si j'avais un moyen d'affaiblir son armure naturelle ! Décidé, je manie mes fluides noirs, visant à attaquer sa sale carapace. Ce doit bien être un truc vivant, même si c'est résistant ! Je déploie mes fluides, mais grimace en constatant que l'habitude m'a fait matérialiser une main sombre. Sifflement de la chose, alors qu'elle cherche à agripper ma magie appuyant sur son cou.

Plissement d'yeux, accompagnant une hargne renouvelée. Ce truc semble à peine le sentir... Qu'à cela ne tienne ! Je peux y arriver ! Que la hargne qui me ronge devienne si tangible qu'elle s'attaquera physiquement à mon adversaire ! Ma magie pulse, s'imprégnant de mon vœu de la faire souffrir... Agoniser... Regagnant mes sens, je vois l'arctosa courir vers une paroi. Et cette bestiole y prend appui pour m'atteindre !

Trop près ! Je plonge vers le sol, perdant ma concentration. Une ombre se rapproche alors que je fais un piqué dangereux. Quatre sons immondes de pattes rigides crissant sur le sol de pierre. Elles poignardent tout autour de ma position. Coup d’œil par-dessus mon épaule. Les pattes se relèvent. Les yeux rouges restants me cherchent... Me trouvent ! Instinct. Je vole au ras du sol, droit vers une excroissance de pierre. Derrière moi, seconde après seconde, les pattes se fracassent contre le sol ou les restes de scarabées géants.

Mon cœur bat à tout rompre. Je retiens mon souffle. Grimaçant, je contourne rapidement le roc. Vif, ragaillardi par cette crainte que j'exploite à mon avantage, je file en sens inverse sous la créature. Vision sur l'articulation d'un épieu vivant. Tir brutal. Touché ! La patte est poussée, déséquilibrant la chose ! Mais elle ne suinte même pas... Alors qu'elle bascule d'un côté, je vole de l'autre. Reprise d'altitude, volte-face. Je manie mes volutes noires. La sensation de la corruption rongeant ma peau, à l'époque où j'étais maudit par le Cœur Sombre.... Si la chair n'était pas agonisante, elle n'en semblait pas loin. Vidée de toute vie... Le souvenir est précis. Je m'en sers pour modeler ma magie. Je la sens pulser, avide de destruction et de vie. Pas pour me l'offrir, simplement pour la détruire !

Mais ma volonté la modelant, comment lui donner corps ? Concentration interrompue par le lancer d'un bout de scarabée dans ma direction. J'y perds quelques plumes noires, mais la mélasse ne m'alourdit pas assez pour me faire chuter. L'arctosa siffle, reprend sa course vers moi. J'inspire brièvement puis bloque mon souffle. Réaction plutôt que réflexion. Ses pattes prennent appui sur tout ce que ce gigantesque adversaire trouve. La créature bondit vers moi. Élan de crainte. Mes talons passent tout juste entre ses griffes. Trop près ! Beaucoup trop ! Je dois en finir vite !

J'ai tellement envie de lui crever le reste de ces yeux qui me scrutent ! Déclic. Idée. Je vrille dans les airs, rassemblant ma puissance magique. La souffrance... Comme des centaines d'aiguillons s'enfonçant sous la peau... Inarrêtable... Intolérable... Une arme subtile employée par les moustiques, que je compte rendre plus dangereuse encore ! Rendre à ma puissance noire sa facette liée à la mort ! La forme est clairement présente dans mon esprit... Un voile sombre constitué de dards distillant la décrépitude et le trépas. Forme plus qu'appropriée pour cette saleté !

Vol rapide, contournement de cristal sommital. Tenter de prendre de la distance ! Regard par-dessus mon épaule. Cette charogne continue de me filer le train ! Petite faiblesse dans mes ailes. À ce rythme, je vais m'épuiser avant de la tuer ! Armement de la sarbacane et projection d'une fléchette, emplie de ma volonté de ralentir la bête. Petit sourire en coin. La munition percute sa forme assez violemment pour perturber son équilibre. La créature ralentit, s'appuyant sur un piton pour ne pas choir. Je me tourne vers elle, ajustant ma magie noire. Le voile de corruption s'étire, chargé de ma volonté de faire souffrir et affaiblir. Mais il se déchire avant de l'atteindre. Trop de précipitation. Trop de pression.

Je vole plus vite, plus loin sans me retourner. Il me faut de la distance ! Du temps pour retrouver ma concentration ! Je me déplace vivement entre un arctosa et un combattant, obligeant mon poursuivant à les percuter. Instants de gagnés. Respiration rapide et désagréable, gorge sèche. Je fais appel à ma magie en volant presque sur place, le temps que mon poursuivant se redresse.

Esprit focalisé sur mon immense ennemi. Assaut magique... Raté. La chose ne tressaille même pas. La magie sombre la couvre, mais elle a perdu ses propriétés avant de frapper ! Grimaçant, je suis en train de recharger mon arme quand un horrible pressentiment m'étreint. Le dominant, le gisant et le renversé sont les seuls arctosas visibles. Il en manque un. Un bruit dans mon dos. Mais je l'ai à peine remarqué que l'effroi me submerge... En même temps qu'une gigantesque patte griffue, surgissant depuis mon angle mort.

(Urgh !)

Impact. Projection brutale. Réception douloureuse sur un reste de carapace au sol. Étourdi, je cherche à comprendre ce qui vient de m'arriver. La douleur agite mes sens, mais mon instinct me pousse à prendre immédiatement appui pour me redresser.

Sueur froide. Angoisse me secouant de frissons violents.

Un son de percussion, juste à côté de moi. Pas de douleur, mais une gêne que je ne peux que reconnaitre. Mes plumes tirent atrocement à chaque inspiration. Mon aile est épinglée sur les restes de l'insecte, par une patte-épieu. Bouger ! Plonger dans les omb...

Coup brutal contre mon flanc, qui me coupe le souffle. L'air est froid contre ma peau. Je sens mon corps percuter quelque chose de solide. Les échos de douleur se propagent sous mon armure dorée. Grimaçant, j'ouvre un œil, comprenant enfin avoir été pris par surprise par un autre arctosa. Le gros et un autre se rapprochent. Zeste de terreur. Mon corps est encore engourdi par le choc. J'étends mes ailes, poussant sur mes jambes pour redécoller.

Un geste rapide. Une impression affreuse. Je viens de faire exactement ce que le dominant avait prévu. Une main énorme s'abat sur moi et m'intercepte brutalement. Souffle coupé par le choc. Je sens le coup se répercuter sous ma protection, alors que les doigts me retiennent contre le roc. La poigne se referme cruellement sur moi.

Non... Non ! Je ne peux plus bouger ! Cette chose... M'a littéralement mis la main dessus ! Juste ce que je voulais éviter ! J'agite mes ailes libres férocement, tapant de mon poing droit sur le doigt ceinturant mon torse et mon autre bras. Un sifflement féroce parvient à mes spirales.

"Lâche-moi !", hurlé-je en tentant d'extraire mon autre bras de son emprise.

Horrible réalisation. Un son métallique accompagne une pression de plus en plus forte. Ce truc... Ce truc veut m'écraser ? Je sens sa prise se serrer sur moi. Inconfort. Pointe aiguë de douleur. C'est encore supportable, mais pour combien de temps ? Non ! Une créature géante ne peut pas me tenir en son pouvoir ! Je ne le permettrai pas !

La patte se détend violemment. Mes ailes m'amènent des échos sourds. Un coup. Encore un. Par réflexe, j'atténue les conséquences du choc en bougeant les ailes au dernier moment. Mais je ne suis pas le combattant insecte ! L'arctosa se fait aussi mal en cognant. Je refuse de crier. Ce monstre n'aura pas ce plaisir ! Un œil clos, mâchoire serrée, je scrute ces yeux rouges. Je me sens mal, mais empli d'une volonté de résister plus forte que jamais ! La pression s'accroit, faisant crisser mon armure magique d'or. Elle tient, mais je perçois mes muscles malmenés en-dessous. J'ai peur... Mais je suis surtout parcouru d'une colère si intense que j'en tremble ! Je vais lui faire lâcher prise ! Personne ne retient Nessandro contre son gré !

Ma puissance magique se rassemble dans ma main libre. Je modèle le voile en faisant appel au soutien de l'orbe maudit. C'est son domaine, mais ma volonté ! Je veux pourrir sa face ! Un regard rouge et un sifflement me font hésiter. La magie se dissipe avant d'avoir planté ses multiples crochets sur sa carapace. Assaut raté...

Je dois me reprendre ! Je ne peux pas me permettre cela ! Je recommence entre deux grincements inconfortables et fais courir ma puissance magique le long de mon bras noir. Je le sens. Le lien de mort que j'ai avec cette créature. Sa vie pulsante sous cette protection épaisse ! Une vie que je veux ralentir, faire périr, comme l'acidité ronge une plante et la fait faner ! Flétrir ! Mais elle me cogne une nouvelle fois avant de serrer davantage. Étourdissement ruinant ma tentative. Mais hors de question d'abandonner ! Je plaque ma main sur ses doigts épais, canalisant toute ma volonté de lui faire du mal. Et surtout pour lui faire lâcher prise !

Sa peau épaisse semble ternir et se racornir, mais... L'effet se dissipe trop vite. Encore ! Maintenir ma magie ! Mes yeux remontent sur les siens, sur cette gueule béante s'ouvrant encore sur un son atroce. La pression sur mon torse est horrible. Cet inconfort, cette douleur de plus en plus présente... Ma hargne et mon amertume façonnent ma magie noire. Elle s'emplit de mon désir de mort et de souffrance à son encontre.

Je me décide. Le voile court le long de son bras puis remonte droit sur le haut de son corps. Et une fois en place, je le déchaine. Il s'abat comme un lourd tissu, déployant ses crochets comme des aiguillons chargés d'un venin destiné à tuer ses chairs. À affaiblir sa protection naturelle. À dévorer la vitalité de ses chairs. À faire flétrir sa sale gueule !

L'arctosa gigantesque reste de marbre pendant un moment durant des siècles, puis un sifflement de douleur suraigu se fait entendre. Rictus sur mon visage. J'ai réussi ! Je vois sa tronche craqueler et suinter, comme si toute la surface de sa tronche était soudain à vif ! Sa poigne commence à se relâcher. C'est le moment de me dégager !

Crissement... Craquement sourd qui fait naître un frisson glacé entre mes ailes noires... Mon sourire s'efface. Une horrible sensation m'envahit... J'ai du mal à respirer... Je... Étourdi... Par une douleur fulgurante, sourde, et annonciatrice de désastre... Ce... Cette main qui me retient prisonnier... Un spasme. Elle... S'est resserrée. D'un coup. Mon corps entier hurle sa douleur, sous une armure subitement plus étroite. Je ne sens plus mon bras gauche... Non... Je le sens trop... Comme mon flanc...

Je déglutis mal... Cherche à inspirer... La pression est trop forte... La peine colossale... Je... Je ne dois pas...

Ma vision... Se parsème de tâches grisâtres... Une chaleur fiévreuse s'empare de moi...

( Non... Je ne... Il ne faut pas... Que... Je... Per... )





Tentative d'apprentissage du sort d'obscurité "Cruelle obscurité" : Fait flétrir les chairs de plusieurs ennemis en absorbant la vie de leurs cellules par les pouvoirs de l'ombre. (-0,5PV/lvl à lvl/4 cibles)

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Dernière édition par Nessandro le Mar 12 Avr 2016 12:53, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Mar 29 Mar 2016 17:45 
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Spirales sifflantes... Corps qui ne répond pas... Une douleur sourde pour premières sensations... Et qui se propage à chaque pulsation de mon cœur.

Battement... Battement...

Peu à peu, je réalise une chose. Je suis en vie. J'ouvre péniblement les yeux. Seule la pénombre m'entoure. Ma joue me fait mal. Des propres dents ont blessé ma chair. Je sens une petite flaque poisseuse contre mes lèvres. L'air est lourd... Mon corps est engourdi... Je meus lentement mes ailes. Ah... Je suis étendu sur le ventre. Et quelque chose d'humide touche à mes jambes... Non... Pas humide... Ou si ? Mais... C'est étrange...

Lentement, je tente de ramener mon bras noir devant moi et d'y prendre appui. À peine mes muscles contractés, la douleur me frappe de plein fouet. Mais au lieu de hurler sous l'assaut, je m'étrangle sur ma propre salive. Une toux incontrôlable me prend, amenant des larmes amères à mes yeux. Tourmenté, mon estomac ne tient plus le choc. Une remontée acide s'échappe de mes lèvres, ravivant la peine de ma bouche.

Je m'efforce de calmer cette nausée en respirant le plus lentement possible. Pas de danger immédiat apparemment. Je commence à reprendre le dessus, mais ressens une lassitude inégalée. L'humidité sur mes jambes s'accroit et je ressens comme une morsure lente, progressive... Serrant les dents, je plaque mon bras noir sur ce sol presque lisse, agrippant de rares excroissances sous ma protection dorée. Je tente de ramper pour me redresser. Un bruit immonde parvient de mes cuissardes de cuir, et d'un seul coup, je les sens se déchirer. Alors, la sensation d'inconfort se fait brûlure, presque aussi forte que si j'avais sauté dans un brasier. Je gronde, pousse sur mes ailes pour me sortir de ce fluide collé à ma peau. De la mélasse ? Qui brûle ?

Malgré les brumes de mon esprit, je parviens à saisir ma dague-croc. Péniblement, je réussis à prendre appui sur mon poignet et mes genoux. D'une main tremblante, je sectionne les lanières de cuir retenant mes hautes bottes à mon pantalon court. Dans ce noir presque absolu, j'entends mes habits glisser dans une étendue liquide. Basculant sur mon flanc droit, je pousse sur mes jambes douloureuses. Le sol est instable. Je le sens vibrer à mes mouvements. Mais je m'en fous... J'ai déjà eu mal par le passé, mais là, la sensation est telle que réfléchir est un supplice...

Poing serré sur ma dague, étendu contre cette surface, je m'efforce de faire cesser ce tremblement qui m'agite. Il faut... Que je m'accroche... Quoi qu'il me soit arrivé. Je redoute de le faire, mais je finis par passer le revers de ma main contre mon bras gauche. Il est là, mais je sens nettement l'armure dorée enfoncée dedans. Lentement, je tente de bouger mes doigts. Ils n'obéissent pas. Je déglutis, ravivant la sensation immonde de mon renvoi. La pénombre doit exercer son pouvoir cauchemardesque... Me faire imaginer des choses... Non... Non, ce n'est pas qu'une simple impression... La terrible douleur que je ressens en est la preuve. La créature m'a écrasé le bras, et contre ma propre armure...

Tout mon corps est secoué de frissons, mais je suis incapable de discerner à cause de quoi. Allongé, je m'efforce de respirer plus profondément. Je cesse aussitôt. Toute la gauche de mon torse se rebelle. J'ai peur, incapable de faire autre chose qu'imaginer les blessures qu'elle m'a faite. Bouger mes ailes tire atrocement sur ma poitrine. Je dois... Au moins avoir... La clavicule voire des côtes brisées... Et tout mon bras... Ne doit être cocassement maintenu que par cette même pièce qui l'a broyé... Oui... Mais sans cette protection magique... L'arctosa m'aurait certainement donné l'aspect d'un fruit mûr dans un pressoir.

Un petit rire dépité et nerveux m'échappe, coupé par un souffle douloureux.

Mes plumes se gonflent au soudain mouvement du sol. Par réflexe, je plante ma dague dedans, me retenant comme je le peux. Douleur atroce. J'en larmoie au point de me donner mal au crâne... Mon souffle s'accélère, mais je fais de mon mieux pour m'engueuler. Pour ne pas paniquer. Pour... Pour... Les secousses cessent et un silence oppressant tombe.

Je ne sais pas où je suis, mais si j'étais encore dans la pièce avec les arctosas, je ne me serais probablement pas réveillé.

Je profite de l'accalmie pour m'asseoir lentement et tâtonner ma besace. Je veux savoir. Non, je dois savoir ce qui m'est arrivé. Nul appel autour de moi. Le son est comme... Confus. Difficile de dire si c'est lié à mon état ou à cet endroit. J'extirpe l'un des fragments de cristaux bleuté, grimaçant de toutes les sensations affreuses que mon corps trouve utile de me faire percevoir, et le secoue. La lueur soudaine me fait mal aux yeux. Je les cligne plusieurs fois, m'efforçant de m'y habituer, puis me trouvant indécis quant à ce que je vois.

Le sol est noir, mais d'un ton familier. Il repose sur un tas de débris et surnage dans un liquide opaque. Mes yeux sombres s'attardent sur les parois qui m'entourent. Les murs suintent et pulsent, se mouvant lentement à la mesure de petits canaux. Mon sang ne fait qu'un tour quand l'horrible réalisation se fait. Malgré la douleur, je me dresse sur mes jambes, faisant tanguer mon radeau. Mes yeux sombres sont inexplicablement attiré par quelque chose... Que j'identifie avec effroi.

"Par... Mes... Ailes...", parviens-je à dire entre deux haut-le-cœur.

Une tête... Celle du scarabée...

Je...

Je suis...

Dans le ventre... De la créature.



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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Jeu 31 Mar 2016 20:26 
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[:attention:] Ce RP contient des passages gores et glauques. Les lecteurs sensibles sont priés de s'abstenir.



-10-



Le cristal perd progressivement sa lueur, me plongeant dans un noir atroce. Je le secoue, ramenant la faible lumière qu'il produit. Il faut que je sorte d'ici. Je ne peux pas finir comme... Comme une proie ! Être prisonnier est ma plus grande peur, mais l'être d'un estomac gigantesque double l'angoisse qui m'étreint. Non ! Je suis fort ! J'ai... J'ai déjà pu me tirer de plus grave ! Mais... Ai-je vraiment vécu pire que d'être... Dévoré vivant ?

La carapace tangue brutalement, me faisant choir. Écho de douleur, depuis mes jambes brûlées à ma poitrine. Je... Je ne sais pas ce qui se passe dehors, mais tout l'endroit se meut de plus en plus fort. La bête bouge, rendant la mare acide plus instable encore. Non... Pas qu'instable. Avec un effort colossal, je me relève. Le liquide monte lentement, me poussant avec la carapace vers une paroi. Quand elle la percute, toute ma capacité à me tenir debout est mise à rude épreuve. Lentement, je m'efforce de convertir la terreur d'être englouti en haine envers cette bestiole.

Ici, elle ne peut plus m'échapper. Sans retenue, je manie ma magie d'ombre avide de vie, et en plante les doigts crochus directement dans la chair pulsante. Un vrombissement secoue la zone, alors qu'un sifflement semble retentir, dehors. Violente secousse, mais je n'en ai cure. Tant que je tiens debout, je ne compte pas baisser les bras ! Ma magie noire m'apporte un léger soulagement. Je peux respirer plus profondément.

Mais la sensation de triomphe ne dure pas. Dehors, des bruits résonnent contre ma prison de chair, mais mon regard sombre est rivé à pire. Je vois avec horreur mon radeau commencer à mollir sous les effets du liquide. Poussé par les hurlements de mon instinct de survie, je me tourne vers la paroi pulsante et y plonge ma dague. Une fois, deux fois. Un liquide sanguin en coule. Les à-coups se font plus forts. Les mouvements de la bête aussi. En proie à une panique naissante, je cherche à creuser la chair, me faisant éclabousser de substance poisseuse. J'ai la nausée, mais je ne peux pas m'arrêter ! J'entaille encore et encore, mais le creux que je parviens finalement à faire donne sur... Une épaisseur rigide. Ma dague ne parvient pas même à l'érafler... La... L’armure naturelle de la bête ? Non... Non !

"Allez ! Allez ! Cède !", hurlé-je en m'échinant contre la matière.

En vain. Mon élan d'espoir se fracasse en même temps que mon radeau contre d'autres débris ingurgités. Mes yeux sombres scrutent les alentours, à la recherche de... De quoi ? Aucune idée, mais je dois trouver ! Un mouvement brutal fait se rapprocher la tête de scarabée, et des giclées d'acide m'aspergent. Mon armure m'en protège, mais je sens quelques gouttes se loger dans mon col. Je me mets à haleter, écœuré par ce que je renifle. Si seulement cette saloperie pouvait aussi avoir la nausée !

L'idée me percute comme un coup de poing. Je lève les yeux vers le tube qui me surplombe. Alors, comme un forcené, je me mets à agresser les parois autour de moi. L'estomac finit par répondre à mon attaque. Il se contracte violemment, écrasant et repoussant le contenu. Perte d'équilibre, je chute et me rattrape lourdement sur mon bras écrasé. Un hurlement s'échappe de ma gorge à la douleur aussi soudaine qu'insoutenable, mais je ne l'entends même pas. Je sens des larmes se former au coin de mes yeux, que j'essaie de rageusement essuyer, barbouillant mon visage de sang au passage.

D'un coup, alors que la lueur baisse, j'aperçois l'entrée de la panse s'élargir. Instinct. Survie. Je prends appui sur la carapace et donne un coup d'ailes puissant. Détendant mon bras, je plante ma dague dans le tube et m'y accroche désespérément. Mâchoire si crispée qu'une crampe la gagne, je me hisse autant que possible. Mes ailes sont subitement soumises à une pression intenable, qui me coince dans l'accès. Mon cœur accélère. Et subitement, l'endroit où je me trouve bascule. Autour de moi, des sons stridents, des clameurs.

Je me hisse à la force de mon bras, écartant les ailes pour maintenir ma position dans ce tube. Je rampe autant que possible, plantant mon arme comme une pioche. Elle se teinte de sang, la rendant de moins en moins facile à tenir. Un fluide ignoble me glisse dessus alors que je force sur mon corps pulsant de douleur pour me diriger plus loin. Vers sa sale gueule.

Je ne sais pas depuis combien de temps je rampe ainsi. Nulle ouverture ne semble m'attendre. Pire, alors que je plante une nouvelle fois mon appui dans sa chair, le cristal que je tenais m'échappe. Mes yeux sombres suivent son éclat, jusqu'à sa disparition.

Renouveau d'angoisse.

L'angle change subitement, m'obligeant à me crisper sur la garde de ma lame. La bête s'est redressée, et sa gorge se resserre sur moi ! Coincé, je sens mon souffle me manquer. Enragé, je poignarde ce que je peux atteindre. Encore. Et encore. Frustré, terrifié, je sens le fluide me couler dessus. Je m'étrangle sur le goût sanguin. L'odeur me fait tourner la tête. Rassemblant mes forces, je pousse un cri bestial en abattant la dague. Ma prison vivante s'agite. La gorge où je suis se resserre de plus belle, me paralysant presque sous une douleur si forte que toutes mes pensées ne sont que brouillard. Mais je dois tenir ! Continuer ! Lutter ! Si je faiblis à cause de ce que je ressens, je suis perdu !

Bloquant le souffle que j'ai peine à prendre, je rassemble toute la violence qui me permet de tenir, et porte un coup d'une rage inouïe à côté de ma tête. La crispation sur mes ailes s'accroît d'un coup. Désespéré, visage crispé en une grimace maculée de sang, je suis d'un coup frappé par quelque chose. De la lumière... De la lumière ! Là ! Autour de la lame !

Un soudain regain de volonté et de brutalité m'étreint. J'arme mon épaule et cogne. Et cogne encore ! Mon bras vibre de douleur et d'inconfort. Et puis...

Un craquement.

Mon poing armé vient de passer. À travers une giclée sanguine, j'aperçois la lueur bleutée de la grotte. Tout devient flou. Mon corps bouge de lui-même. Il frappe. Lacère. Découpe. Les griffes de la bête cognent en sens inverse. Une vibration. Un sifflement strident. Mon bras valide passé à travers la brèche est saisi entre deux griffes et tiré. Le sang le rend glissant. Je l'arrache à la prise, le ramenant à l'intérieur pour mieux repartir à l'assaut. Un conduit se déchire sous ma lame, m'aspergeant d'un liquide chaud et immonde. La gorge de la bête est ouverte. Je vois ses sales pattes s'y plaquer, griffer le passage que je viens d'y faire.

Instinct, douleur me faisant friser la perte de contrôle, je plaque mes ailes contre mon dos et passe le bras armé puis ma tête casquée par la béance. Brutalement, je fais passer mes épaules, m'agitant comme une bête piégée pour agrandir le passage. Mes ailes bloquent. Je pousse un cri sinistre, animal. Je ne veux pas rester coincé ! Laisse-moi passer ! Elles tirent, crissent, comme si j'allais les briser contre ce qui me retient prisonnier. Mais non. La peau de la bête cède sur un son étrange, secouant tout son être. Ses griffes se plantent tout autour de moi, sans parvenir à m'atteindre.

Choc brutal alors que les pattes épieu de l'arctosa s'étalent par terre. Son buste suit, et je vois le sol se rapprocher. L'impact est violent, mais j'en suis presque épargné. Mes hanches et mes ailes me bloquent dans les airs. La liberté est là ! Juste là ! Secoué de frissons et de soubresauts, je fais glisser le reste de mon corps du cadavre et tombe lourdement au sol. Le choc résonne dans chaque parcelle de mon être. Ma vision se trouble. Je prends appui sur mon bras armé et redresse péniblement une tête pesante.

Des pieds, sales. Des silhouettes armées d'épieux. Des sons. Les sektegs, tout autour de l'arctosa secoué de spasmes, dont je viens... De sortir, telle la larve d'un parasite. Je sens leurs regards sur moi, des murmures incrédules, mais je... N'ai plus la force... Orgueilleusement, je cherche à me remettre debout. Je vacille, tremble, raclant mes rotules sur la pierre, puis prenant appui sur le cadavre que je viens de faire. Je ne... Veux pas... Rester à genoux devant des... Spectateurs immenses... Alors... Je me relève. Seul.

Hébété, je crois apercevoir une silhouette se diriger vers moi. Mes spirales sifflent de sons familiers. D'un coup, je reconnais Dae'ron qui se pose avec rudesse juste devant moi. Sa main claire se tend dans ma direction. Si pâle... Si pure... Et qui va se charger... De cette teinte qui me macule... Du sang... Sur sa peau claire... Encore... Non... Non !

"Aaaaaah !", hurlé-je en frappant sa main du revers de la mienne puis en la plaquant contre mon casque. "Ne... Ne me touche pas ! Ne... Non ! Nooon !", crié-je, incapable de me contrôler.

Chancelant, je braque lentement des yeux écarquillés vers l'arctosa. Vers le trou béant que j'ai fait à sa gorge, juste au-dessus de son buste. Je... Je l'ai tué ? C'est moi qui ai fait ça ? Ce trou... Grâce à une dague... Une toute petite dague... Qui a tout coupé ! Tout tranché ! Et oui... Oui ! Saloperie ! T'as voulu me bouffer, et c'est toi qui a claqué ! Où est ta fierté de géant, hein ? Ça fait presque trois mètres... Et ça se fait buter par un petit aldryde ! Tout rouge, l'aldron ! Oui oui ! Bien fait. Bien fait !

"Hé... Héhé ! Hahaha ! Fu... Kihihi ! ", sens-je m'échapper.

Fissure. J'ai failli y rester. Pourtant, je suis encore là... Ou pas ? Mon bras... Mon torse... Je vis... Mais combien de temps ? Confus. Apeuré. Tremblant... D'un coup, quelque chose sur mes yeux. Je n'y vois plus rien, mais ne trouve pas la force de réagir. À ma spirale, une voix familière, chargée d'une intense inquiétude.

"Nessandro... Oh, par mes ailes... Par mes... Ailes..."

"Dae'ron ?", demandé-je avec une boule dans la gorge.

"Oui. Oui, Nessandro... Cela va aller.", fait-il, tandis que je sens son bras autour de ma tête. Ça tremble. Tout tremble. "Je... Je suis là, à tes côtés."

Un sourire crispé par la douleur et le tumulte de mes émotions m'échappe. Je sens un rire nerveux s'extraire de ma gorge. Encore une fois... Il n'écoute... Rien.

"Je t'ai dit... De ne pas... Me toucher... Arrête... Arrête...", fais-je en serrant compulsivement ma dague. Je dis le contraire de ce que je parviens à penser. S'il obéit, je... Je vais m'effondrer. "Dae'ron... J'ai... Mal... "

"Je sais... Je sais...", fait sa voix où j'entends perler ses larmes. Il chiale encore... J'ai du mal à respirer. "Tiens bon, nous... Je vais m'occuper de toi. Acc... Accroche-toi. Je t'en supplie, accroche-toi."

Je me sens faible. Cette souffrance... Pire que mon aile brisée... Mes spirales auditives sifflent. J'ai froid... Mais je... Je ne peux pas encore... M'évanouir... Je ne veux pas me réveiller pour retomber dans ce cauchemar. La brûlure des sucs persiste. L'odeur... Les sensations... Seul face à ma fin... Je ne peux plus...

Je ne veux plus...

Dae'ron... Dae'ron...

Aide-moi...



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Dernière édition par Nessandro le Ven 8 Avr 2016 17:25, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Ven 1 Avr 2016 12:58 
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Engourdi par une peine physique inouïe, je m'efforce pourtant de rester attentif. En vain... Des mouvements, des échos de voix, de gros doigts de géant sous mes pieds nus. Par moment, ma vue se trouble tant qu'elle est bizarrement compensée par une meilleure ouïe. Je perçois... Les voix de l'elfe guérisseur et de Dae'ron, auquel j'agrippe ma main armée comme un crochet.

"Tout ce sang... Dites-moi que ce n'est pas le sien, Andha'Rïl !"

"Mais puisque je te dis que je ne sais pas, Dae'ron !"

"Mais vous... V... T... Tu dois forcément pouvoir me répondre ! Tu es guérisseur, oui ou non ?!"

"Aide-moi à l'en débarrasser, là je pourrais te donner une réponse !"

Des contacts. Ma peau à vif. Elle pique atrocement, mais je n'ai plus de forces pour crier. Je tremble à la sensation. On me bouge contre mon gré. Quelque chose sous mes ailes. Un tissu épais ? On m'appelle. J'ouvre difficilement les yeux.

"Je... Je vais t’enlever ton casque... Et prendre ton arme. Ne bouge pas."

Je ne remarque qu'à cet instant tenir encore ma dague. Mon poing vidé se ferme par à-coups à la sensation d'absence. Autour de moi, j'entends encore des voix. Paniquées pour certaines, en colère pour d'autres. Je rouvre encore les yeux, distinguant mal le visage clair de mon congénère. Il est là, penché vers moi. Il reste, malgré mon état. Il a cette tête... Celle où il souffre... Pour... Moi ?

"Nessandro, juste un effort... Il faut... Ton armure. On ne peut pas te l'enlever. Tu... Dis-nous comment !"

"Ma... Gique...", articulé-je lentement, la gorge brulante de sécheresse et d'irritation.

Avec un effort colossal, je touche mon épaule valide, puis mon torse, insufflant ma volonté restante pour en appeler au pouvoir de l'orbe doré, et dissiper les pièces protectrices. Mon buste est à peine dégagé que Dae'ron émet un son d'angoisse.

"N'y touche pas !", tonne une voix géante. "Un faux mouvement, et cela empirera."

Sourcils froncés, j'aspire l'air par à-coups. Je cherche à baisser la tête, à voir la gravité de mes blessures, mais une main claire retient mon visage.

"Ne bouge pas. Fais-nous confiance."

Confiance ? Sans la douleur qui pulse dans mon corps à chaque coup de mon cœur, je lui aurais sans doute... Rétorqué bien des choses... Mais je ne peux pas. Je sens la peau de mon torse touchée par quelque chose de vivant, entre deux tirades elfiques. Je serre les dents avec le peu de forces qu'il me reste à la douleur renouvelée par des manipulations. Elle est suivie par un soulagement, alors que de la magie blanche pénètre ma chair... Et mes os. Je respire mieux, mais le tiraillement de ma peau persiste.

Nouveau débat que je distingue mal. Présence du Protecteur, penché vers moi. Il grimace.

"La... La dernière pièce. Courage."

J'avise lentement l'autre pièce dorée, cruellement enfoncée dans ma chair. Mes doigts de ce côté refusent toujours d'obéir. Un sursaut de conscience, entre deux lourdes perles de sueur, me fait songer que le pire m'attend. J'ôte la pièce protectrice. À peine a-t-elle disparu de ma chair que le sang semble devenir un troupeau furieux. Comme trop longuement contenu, je le sens déferler sous ma peau, engourdissant, cognant, se répandant là où il ne devrait pas. On découpe ma manche de cuir, exposant mon membre.

Un hoquet terrifié échappe à mon congénère. Autour de moi, moment de silence angoissé. Cela se transmet. La peur s'insinue dans ma poitrine.

"Yuimen Tout-Puissant..."

Un bref contact sur mon bras me fait tressaillir. Réflexe. J'agite une aile, repoussant l'intrus. La peine est trop forte ! Je... Je ne veux plus ! Ne me touchez pas ! Je... Je ne le supporterai pas ! Cela fait mal. Des géants provoquent de la douleur ! Encore ! Aucun son ne sort de ma bouche, mais ma gorge gronde de bruits incontrôlés.

"Dae'ron, il doit rester immobile ! Trouve quelque chose pour l'attacher ou tiens-le !"

M'attacher ? Non ! Pas ça ! Tout mais pas des entraves ! Pas après tout ce temps ! Je ne les laisserai pas faire ! Mais... Mon corps refuse de réagir !

"Je... Je ne... Je ne peux pas lui faire ça !"

"Alors écarte-toi, tu me gênes. Rhûd' ! Mon frère ! Approche ! J'ai besoin de toi."

"Mais... Je..."

"Tu veux l'aider, oui ou non ?"

"Oui... Oui, mais..."

"Pas de mais ! Place ta main là. Retiens ses ailes."

"Doucement Rhûda'Rïl ! Ne la lui tord pas !", s'écrie le Protecteur alors qu'une atroce pression englobe mes membres de plumes.

"Là, son autre épaule. Et ses chevilles. Attention à ses plaies ! Son bras est... Par Yuimen. Il faut impérativement qu'il se tienne tranquille..."

Non... Non, non, non ! Je... Enfoncé dans la surface douce. Coincé. Prisonnier. Entre des mains de géants... Comme chez la grosse moche ! Mes ailes ! Je... Maintenu... Immobilisé... Et mon bras brisé manipulé. La douleur... Cela fait si mal ! Il va me l'arracher ! J'en suis sûr ! La peur revient. Devant mes yeux, les images de ces enfants de géants sur les tronches des autres. J'ai chaud. Je vois mal. L'humiliation... La terreur... Seul... Vulnérable... Aux mains de mes bourreaux... Je souffre... Je souffre ! Quelqu'un ! Mon bras !

Ma tête tourne. Des ailes blanches... Ma gorge se déchire sous sa sécheresse. Lueur d'espoir. Je tends mes doigts vers lui. Main bloquée. La poigne de l'elfe brun.

"Da... Dae'ron !", parviens-je à crier avant que la sensation affreuse ne brise ma voix.

Ma chair bouge. Mes os aussi. Mon sang cogne telle une bête enragée. Le soulagement ne vient pas. L'engourdissement remonte tout mon torse, causant une boule immonde au fond de ma gorge. Estomac noué. Chaleur affreuse. Transpiration qui me pique les yeux.

"Je suis là ! Avec toi. Juste... Juste ici.", me fait sa voix brisée.

Et sous mes phalanges, sa main. Elle serre mes doigts. Je crispe les miens à les lui briser. Respiration sifflante. Cauchemars éveillés. Des silhouettes géantes qui me font du mal. Encore.

Et encore...

Et comme toujours...

Plongeon dans le passé... Étourdissement précédé d'un sourd craquement. Tremblements. Je ne veux pas... Je dois tenir... Rester... Éveillé.



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Dernière édition par Nessandro le Jeu 7 Avr 2016 17:06, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
MessagePosté: Sam 2 Avr 2016 13:25 
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Oppressé. Je rampe dans une matière froide et étouffante. J'y ai été projeté contre mon gré. Autour de moi, quelque chose aplatit ce tunnel et m'y coince. J'ai du mal à respirer. Je dois sortir. Je ne veux pas rester là !

"Héhéhé ! Retour au point de départ ! Je le savais. Regarde-toi !", lance une voix familière, froide, moqueuse.

Ma peau se hérisse. Je jure contre cette existence que je ne connais que trop bien. La Voix du Cœur de Nostrad. J'ignore comment elle me parvient. Ma tête me joue un tour ? Son pouvoir est-il si lié à moi que ce crapaud cauchemardesque peut se soustraire à la surveillance de l'Âme pure ? Ou peut-être... Suis-je mort ?

Je m'y refuse ! Je n'ai pas souffert toute ma vie pour la perdre comme ça ! Sans rien accomplir de ma vengeance ! Et... Dans un... Une... Manche de vêtement ? Mais que... C'est ce que la grosse moche faisait pour s'amuser... À mes dépends.

"Vois, moucheron ! Vois comment te débattre est futile ! Tu penses pouvoir t'en tirer ? Tu es ridicule, et tu le resteras toute ta misérable existence, ô mon Maître. Héhéhé !"

Persiffle donc. Je n'aurais jamais surmonté toutes ces difficultés si je n'étais pas plus fort que ça ! Mais... Mais il a raison sur un point. Je suis en train de changer... Je rampe encore, atteignant le bout de la manche. Flou, le faciès humain femelle de mes jeunes années ricane. Il colle quelque chose contre la sortie. Un autre boyau, fait de chair cette fois. La pression augmente... Mais je n'abandonne pas !

"Mais vas-y ! Débats-toi ! Encore ! Tout ce que tu fais est condamné à l'échec et à te faire souffrir. Ta vie ne sera qu'une succession de douleurs, et cela ira de pire en pire ! Oh, oui ! Tu le sens, hein ? Alors continue ! Oui, continue ! Tu es si distrayant à regarder ! Cela me plait !"

La voix sombre porte des échos de celle de ma geôlière. La sortie est devant moi, lointaine... Regain de violence et de détermination. S'ils croient que je vais suivre leur volonté, ils se trompent ! J'arme mon bras et percute du poing le mur vivant. Je trace ma propre voie ! Un craquement et une béance. À travers, j'aperçois une forme ailée et assise. Ma colère se teinte d'un léger apaisement.

"Ah oui. Je l'avais oublié, celui-là. La source de tes maux les plus grands ! Et tu voudrais le rejoindre ? Tout est de sa faute, pas vrai ? Héhé !"

Je fais la sourde spirale et force le passage. La silhouette lève la tête et ses bras se tendent dans ma direction. J'aurais aimé que tout soit aussi simple, des mois auparavant. Mes mains tâchées de sang se collent aux siennes, souillant sa forme pâle. J'hésite, pas elle. Elle ne me lâche pas... Bien au contraire.



Une mélodie, lente, douce. C'est la première chose que je distingue nettement dans la pénombre éclairée de cristaux bleutés. Je me sens épuisé, et j'ai froid. Quelque chose de glacé recouvre mes jambes. Ma peau tire affreusement, et mon bras gauche est lourd. Mais... Mais je parviens à bouger les doigts, des deux côtés.

"Nessandro ?", fait Dae'ron en un murmure sur ma droite, avant que ses yeux un peu rouges s'embuent.

J'ouvre la bouche, mais aucune salive ne vient aider. Il n'en faut guère davantage pour que le Protecteur comprenne. Alors qu'il m'aide à m'asseoir pour me faire boire, j'ai comme une impression de déjà-vu. Sauf que cette fois, le liquide qu'il me fait prendre a un goût immonde. Une médecine végétale quelconque, sans doute.

Il a un sourire un peu crispé, et il se met à parler en continu. Il relate à quel point j'ai fait quelque chose d'incroyable en trouvant les combattants insectes, et en parvenant à les amener. Il n'en reste plus que deux d'après lui, dont un grièvement blessé, mais la mise à mort du plus gros arctosa a déstabilisé les autres envahisseurs... Et unis les gobelins contre la menace. Les éclaireurs se sont jetés à l'assaut. Plusieurs ont été blessés aussi, mais les sektegs ont pu reprendre le contrôle de la salle-nourriture. Maison-Sekteg va pouvoir retrouver une activité normale, sans avoir besoin que la colonie parte à la surface ou s'enfonce dans les tréfonds.

Je ne dis mot à ce rapport dont je me moque éperdument, me contentant d'écouter la voix salvatrice du Protecteur. Et surtout, de constater qu'il fait tout pour ne pas me regarder. Son petit rire fait forcé, même à mes spirales. Il finit par se lever.

"Je vais... Aller prévenir Andha'Rïl.", dit-il avant de se figer quand j'agrippe difficilement son poignet.

"Tu... Pars déjà ?", fais-je en m'efforçant de prendre un ton moqueur.

Ses ailes s'affaissent. Je le vois lever le nez au plafond puis se plaquer la main libre sur le visage. Son poignet glisse de ma prise, mais ses propres doigts agrippent les miens en retour. Il se rassoit à côté de moi, tête basse.

"J'ai à ce point... Une sale gueule ?", lâché-je en constatant qu'il refuse encore de me regarder.

Réaction prévisible, Dae'ron se tourne totalement vers moi, bouche ouverte, comme pour protester. Il a l'air de comprendre ma feinte, esquisse un sourire peiné et baisse les yeux. Je ne sais pas trop ce qui domine en moi. Je lui en veux terriblement. La Voix Sombre a raison. C'est entièrement de sa faute ce qui m'est arrivé. Sans sa foutue manie de vouloir aider tout le monde, jamais je ne me serais retrouvé sous terre. Mais... Et je parviens à le reconnaitre plus facilement que d'habitude, j'ai ma part de responsabilités. Rien ne m'obligeait à suivre sa lubie, ou à prendre des initiatives pour régler le problème. J'ai été négligeant. Trop confiant. Et le revers infligé par mon arrogance va me marquer pour longtemps.

"Tout est de ma faute, Nessandro... Je... Je suis... Si... Désolé.", confesse-t-il en enserrant ma main sombre des deux siennes.

"Pff !" Mon souffle amusé lui fait lever une tête affichant son incompréhension. "Je te l'avais dit... Que c'était une... Mauvaise idée."

Il acquiesce lentement, baissant encore la tête. Il avise mon autre bras, que je vois enfin recouvert d'une sorte de... De carapace. Une attelle, sans doute. Lentement, je tire des pieds le tissu qui me recouvre, dévoilant ma forme nue et effectivement couverte de cataplasmes. Dae'ron suit mon regard puis reporte son attention vers moi. Je ne sais pas si je pourrai lui pardonner. Mais quelque part, sa culpabilité à chaque regard porté sur mes blessures atténue ma rancune.

J'inspire profondément, content d'y parvenir. Les images de l'estomac et de tout ce sang me reviennent. La peur reste tapie en moi, comme un prédateur sur le point de bondir. Je m'efforce de la combattre, et surtout de garder sous contrôle cette fébrilité qui m'habite. J'ai presque l'impression qu'une autre de ces horreurs va jaillir d'une parcelle noire de la pièce. Dae'ron brise le silence, confessant son regret de ne pas avoir su convaincre les éclaireurs d'agir avant. Qu'il m'a vu par l'ouverture de la porte, mais qu'elle était trop étroite pour le laisser entrer.

Il serre ma main en tremblant. Le contact est dérangeant. C'est quand même moi qui ai failli perdre la vie, là-bas ! Je reprends ma main brutalement, mais à le regarder s'assombrir ainsi, je choisis volontairement d'en passer doucement le revers contre sa pommette. Ses beaux yeux noirs se rivent aux miens puis s'abaissent encore. J'ai vraiment du mal à le voir si fragile...

Je finis par attraper sa nuque et l'attirer contre mon épaule valide. Il résiste d'abord, puis se laisser manipuler. Il ne lui faut qu'un instant pour qu'il cède et se blottisse contre moi. Il me rend mon geste en apposant prudemment sa paume entre mon aile et mon omoplate.

"J'ai eu si peur, Nessandro... J'ai cru... Cette fois... Je ne veux pas te voir périr. Pas toi..."

"Eh, on jurerait que je te suis... Important. Tu tiens tant que cela à moi ?", fais-je avec un réel amusement. Question stupide vue ma façon de le traiter depuis notre rencontre, sans oublier tout ce qu'il a du subir en restant avec moi.

Il se fige d'un coup puis se redresse. Il... Bleuit, semble vouloir parler, mais... Il se contente d'acquiescer lourdement. Une seule fois. Sa sincérité me prend au dépourvu. Comment ? Après tout ce que j'ai fait ? Après qu'il ait appris à ses dépends quel genre d'être je suis ? Je sens mon cœur rater un battement. Une gêne flattée se fiche dans ma poitrine. Et... Je finis par comprendre. Il me regarde de cette façon. Comme... Comme la guerrière aldryde Shada'ïs envers lui, lorsqu'elle... Lui a avoué...

Je songe d'un coup à mon ami d'enfance, et à son rejet de mes sentiments envers lui. Je... Je ne suis pas prêt. Si Dae'ron ne me laisse pas indifférent, loin de là suis-je forcé de constater, je ne sais pas si... Si je suis encore capable de... Est-ce que je peux mettre à mal tout ce qui m'a aidé à survivre jusque-là ? Ne pas m'embarrasser de liens, pour être libre. Voir tous les autres comme des ennemis potentiels ou des entraves à mes objectifs ? Court moment de silence.

"Te perdre me... Me tuerait, Nessandro. Je... Je...", commence-t-il.

Sauf que je plaque mes doigts contre sa bouche, l'interrompant plutôt abruptement. Je refuse d'entendre des choses aussi embarrassantes ! D'autant que je serais forcé de répondre ! Encore une chose qu'on m'obligerait à faire ! Mais... Le mal est fait. Je me doute de ses intentions, et je les redoute, sans bien savoir exactement pourquoi. Ravivant l'inconfort de mes blessures, mon cœur pulse avec vivacité. Je me sens bleuir.

"Il faut toujours que tu en fasses trop...", grondé-je avant de lentement fermer les yeux. "J'ai saisi. Je crois... Merci... D'être là... Et de... Enfin..."

Quand je le regarde de nouveau, Dae'ron entrelace fébrilement mes doigts avec les siens, puis il sourit avec soulagement et une chaleur que je ne lui connaissais pas. Son rire incrédule ne parvient pas à dissimuler son hésitation. Sa timidité en est presque contagieuse... Je lui donne silencieusement mon accord. Il inspire lentement puis vient toucher mon front du sien. Le contact se poursuit. Je sens son nez lisser le mien et le pousser avec une incroyable tendresse. Sa chaleur me fait un effet étrange. Elle me met mal à l'aise, mais en même temps...

"Cela y est !", fait soudain une voix de géant dans l'entrée. "Dae'ron, je sais où... Euh... Je...", s'interrompt Rhûda'Rïl en nous voyant le scruter silencieusement. "Je dérange. Je... Repasserai plus tard.", lance-t-il en tournant les talons.

Moment de flottement. Soupir synchronisé.

"Foutu géant...", grondé-je.

"Fichu géant.", fait le brun en même temps que moi.

Échange de regards ronds, et puis... C'est un petit souffle embarrassé et complice qui nous échappe à tous deux.

"Hum... Quelque chose me dit... Que ce n'est que le premier d'une succession de... D'enquiquineurs."

"Certes..."

Et cela se confirme quelques instants plus tard, lorsque Trapaht et Andha'Rïl se pointent à leur tour, suivis par un elfe brun faisant des pieds et des mains pour les arrêter. Dae'ron fait de son mieux pour détourner la conversation. J'en esquisse un petit sourire, puis avise mon bras brisé avec sérieux. Je ne sais pas encore quoi penser de tout ça, ni de cet étrange lien. Puis-je me laisser aller à cet espoir fou ? Peut-être ai-je mal interprété son attitude ? Je sens encore sa peau contre la mienne, et effleure mon front lentement. Tout cela est si... Inattendu...

Non, bien sûr que non... Les consciences de mes orbes ont tenté de me le faire comprendre, mais j'y ai fait la sourde spirale. Trop d'espoirs déçus. Mais... Mais aujourd'hui, j'ai la certitude de pouvoir compter sur le Protecteur. Je n'ai pas à cœur de les rejeter, lui et son... Affection. Peut-être... Pour une fois... Puis-je tenter le coup ? Puis-je envisager davantage ? Mais... Un doute m'assaille... N'est-ce pas juste cette terrible expérience qui brouille simplement ma raison ? Est-ce qu'une fois ma condition physique et mentale retrouvée, tout redeviendra comme avant ? Tout ne sera que délire de survivant ayant besoin de réconfort ?

J'avise les ailes claires de Dae'ron puis ferme les yeux au brouhaha envahissant la pièce. Ces questions devront attendre. Je dois prendre du repos pendant que je le peux. La terreur qui m'a secoué ces dernières heures est encore là, ancrée dans ma poitrine. Quelque chose me dit que mes prochaines nuits vont être emplies de rêves plus atroces les uns que les autres.



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MessagePosté: Lun 4 Avr 2016 15:20 
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Irritation croissante. Mon bras recommence à me lancer, et trouver du repos est tout bonnement impossible. L'un après l'autre, ces fichus sektegs viennent voir le phénomène. Le petit bonhomme ailé, qui a fait éclater un arctosa d'un coup de poing... Et en mille morceaux... Et qui a vaincu à lui tout seul toute la meute de bestioles. En gros, dès qu'un gobelin fait irruption dans la pièce, j'ai droit à une nouvelle version de l'histoire... S'il me faut voir la sale gueule de chacun d'entre eux, je vais finir par les massacrer !

Et ce ne sont pas les seules choses qui me tapent sur les nerfs. Assis, adossé contre la paroi, ma main noire lisse le pan de cuir marqué des V rouges constituant mon pagne. Il ne reste rien de ma sarbacane, que Dae'ron a retrouvé émiettée par un coup de patte géante. Et ma tenue est fichue. La manche découpée, les cuissardes dissoutes ou brûlées par les acides. En bref, deux objets me liant à mon passé en terres humaines ont... Disparu. C'est déstabilisant. J'enfonce mon pouce sombre dans la pièce de cuir au moment où un autre gobelin entre dans la pièce. Je me contente de persiffler à son encontre, puis l'ignore en posant une tête lourde contre le mur.

"Nessandro ?", fait doucement le Protecteur en se tenant dans le cadre de l'entrée.

Je me contente de le regarder voleter dans les airs. Il me fait un petit sourire compatissant auquel je réponds d'un souffle agacé. Il finit par s'avancer et s'asseoir sur ma couche.

"J'ai... Quelque chose pour toi."

Blasé, je le regarde alors qu'il se tourne vers la porte et siffle deux notes familières. Je vois alors arriver vers nous Lyïl, mon sombre harney. Malgré moi, j'écarquille les yeux alors que ma monture vient à son tour se poser à côté de moi. L'oiseau accueille ma main contre sa joue avec un son agréable. Je cligne plusieurs fois des yeux, et avise Dae'ron en le questionnant silencieusement.

"Vues tes blessures, je me suis dit qu'on ne bougerait pas tout de suite. Il fallait bien aller le chercher, non ?" Silence. Il se frotte la joue du doigt, évitant mon regard. "Et j'ai pensé que... Cela te ferait plaisir."

L'oiseau agite ses ailes puis il se met à attraper et lisser mes plumes. Cet aldryde alors... Je ne lui ai rien demandé. Je n'ai même pas évoqué ma monture ces dernières heures. Il y a pensé seul. C'est... Surprenant, à quel point ce simple geste parvient à me toucher. Parce qu'il a beau jouer les courageux, je vois bien que le brun a la peau encore hérissée. Sa peur des espaces clos... Il l'a affronté deux fois, pour guider Lyïl jusqu'ici. Sans oublier qu'il a du passer par le village, et sans doute esquiver les géants elfiques encore paniqués de la disparition de leur guérisseur. Et tout cela pour moi ?

"Pauvre idiot !", sifflé-je, rencontrant une expression surprise de sa part. Il doit forcément avoir une idée derrière la tête ! Il ne peut pas avoir bravé sa peur juste pour me faire plaisir. C'est impensable ! C'est... Typique de lui, en fait... Un soupir lourd de sens m'échappe, puis je colle mon poing fermé contre son bras. "Tu as encore fait quelque chose de débile. Mais... Je t'en suis... Reconnaissant. Et j'espère que tu as bien entendu. J'ai horreur de dire ces trucs-là."

Le voir me sourire doucement m'incite inexplicablement à détourner les yeux.

"Quel gâchis.", murmure-t-il en observant le motif du pagne.

"Pff !", fais-je avec une amère moquerie. "Vue son origine, ce n'est pas une grosse perte. Et en fait, voir ce truc dans un état aussi lamentable est plutôt agréable."

Regard intrigué de mon congénère, mais avant d'avoir pu parler, l'elfe brun se pointe à son tour. Et il tient toujours son stupide parchemin, comme un trophée.

"Je peux ?", demande-t-il comme si j'allais le tuer sur place. Si seulement j'étais assez en forme pour...

"Quelles nouvelles ?"

"Mon frère et la doyenne travaillent sur un anti-venin, pour Yazamaël, et Trapaht supervise les éclaireurs. Il y a fort à faire pour évaluer les dégâts." L'elfe marque une pause. "Et... Je voulais m'entretenir avec vous d'une petite chose... Tu te souviens quand je t'ai dis que tu m'avais l'air familier, Nessandro ? Eh bien, j'ai retrouvé pourquoi."

Il déroule alors son parchemin et un frisson entre horreur et haine dévale mon échine. C'est l'un des avis de recherche publiés par la grosse moche, avec la reproduction d'une saloperie de portrait de moi datant de quelques années. J'avais les cheveux plus courts, pas ma balafre, mais des fringues toujours aussi laides.

"Mh !", soufflé-je par le nez. "Il y a un zéro de plus que la dernière fois." Soudaine appréhension alors que Dae'ron se met à effleurer les lignes de texte accompagnant l'image.

"La maison des De Lamyssie... De Kendra Kâr offre une généreuse récompense à qui détiendra des informations sur... Nessamarathoralan Fidhael De Lamyssie, animal familier de Dame..."

"Mélindara Monica De Lamyssie.", coupé-je en crachant son nom, ainsi qu'un résidu amer, droit sur le pagne de cuir. Cela fait des années que je n'appelle plus cette garce que par le surnom que je lui ai trouvé. La grosse moche. Encore trop gentil, maintenant que j'y songe.

Un silence pesant tombe sur la pièce, et sans avoir besoin de le confirmer, je sens mon congénère me fixer. Mais je l'ignore, poignardant l'elfe brun d'un regard si brûlant qu'il en tressaille.

"Ce... C'est une sacrée somme.", tente-t-il avant de baisser le nez. "Un colporteur nous a amené cela au village, il y a quelques temps. Il disait que c'était une histoire connue dans tout le quartier riche. Que la Dame serait devenue folle de sa disparition. Elle y tenait beaucoup... Enfin, à toi."

"Ben voyons.", lâché-je avec un sourire cruel et amer. "Et je suppose que maintenant, tu as bien envie de toucher cette récompense, hein ?", grincé-je, avant d'être surpris par le geste de Dae'ron, qui se met entre nous et déploie ses ailes pures.

"C'est faux, n'est-ce pas ?", lance-t-il avec un ton menaçant, que je ne lui ai que rarement entendu. Il finit même par rappeler Plume d'Argent à lui, et brandir la javeline vers l'elfe.

Rhûda'Rïl est si surpris qu'il tombe à la renverse et se met à trembler. Pathétique. Doucement, j'appose ma main contre l'épaule du Protecteur. Il me lance un regard nerveux puis entendu. Lui aussi sait que jamais ce crétin n'aura le cran de me menacer. Toutefois, cette information change la donne. J'essaie de m'asseoir au bord de ma couche, puis de me relever. Un étourdissement me prend, mais Dae'ron a le réflexe de me soutenir.

J'hésite à le laisser faire. Après tout, n'était-il pas mercenaire lui aussi ? Avoir une telle prime sur ma tête pourrait le tenter. Je le scrute avec un brin de soupçons, mais ne reçois en retour qu'un air déterminé.

"Ce n'est pas raisonnable, mais si la sécurité de Nessandro est en danger, alors nous...", commence-t-il avant d'être interrompu par le géant.

"Eh oh non ! Je veux dire... Vous vous emballez. Je voulais juste vous prévenir... Qu'est-ce que je ferais de tous ces yus, alors que je compte rester ici ?"

Instant de doute dans la pièce. Sauf que je n'ai aucune confiance dans les mots de géants, et pour la première fois depuis bien longtemps, je sens Dae'ron tendu aussi. Sa prise sur mes lombaires se raffermit, et il fait bien. Si mes ailes peuvent me porter, ce n'est guère le cas de mes jambes.

Le Protecteur finit par cogner la hampe de sa javeline au sol, puis m'aide à me rassoir. Le grand couillon fait de même. Il a l'air embêté, et décide de ne pas s'attarder, mais nous laisse ce foutu parchemin. Méfiant, je guette chaque mouvement hors de cette entrée. Finalement, c'est Dae'ron qui brise le silence, sans quitter la porte des yeux.

"Nessamaran..."

"Nessamarathoralan Fidhael, oui. J'ai la nausée rien que de le dire."

"Tu n'es donc pas... Nessandro ?"

"Si !", fais-je en grimaçant férocement. "Ce nom est mien ! Ce sont les autres qui ne sont pas moi !", sifflé-je, regagné peu à peu par cette colère que j'avais enfoui.

"... Les autres ?", reprend le brun en me regardant avec suspicion.

Déstabilisé un instant, je pousse un souffle nasal amer. Je vois... Sa confiance et son affection auront tenu le temps d'un échange de nom. Mes yeux se plissent et je sens mon expression se fermer. C'est dans ces moments-là que je regrette mon lien avec lui. Le sentir me juger silencieusement fait douloureusement écho.

J'attends, sans rien ajouter d'autre qu'un sourire crispé. Sauf qu'aucune parole n'arrive dans l'immédiat. Pas de frappe non plus. Au bout de longs instants sans que rien ne se produise, je finis par lever le nez vers lui. Bras croisés, retenant son arme contre son torse, il tord un peu les lèvres dans une moue étrange. Il finit par soupirer.

"Je pensais te connaître..."

Voilà, ça arrive. Les mots qui accablent et accusent, tirant sur ce lien au point de le rendre douloureux.

"Mais... Il semblerait que tu me réserves encore bien des surprises, Ness'."

Blocage. Je relève la tête, sondant son expression. Il... Dégage quelque chose... D'étrange. Une sorte de chaleur incompréhensible. Il me fait un timide sourire... Et il a écorché mon nom.

"Nessandro."

"Tu sembles avoir différents noms. Pourquoi je ne t'en donnerais pas un, moi aussi ?"

J'ouvre la bouche, sur le point de répliquer, mais aucun mot ne se fraie un chemin. Je plaque ma main noire contre mes yeux et secoue la tête. Il... Ne m'a pas rejeté ? J'ai encore du mal à y croire. Est-ce un stratagème ? Est-il si calculateur ou est-il juste... Comme cela ?

"Il n'y en a... Vraiment pas deux dans ton genre.", finis-je par dire.

"Euh... C'est un compliment ?"

Malgré moi, un petit rire secoue mes ailes. Pourquoi je n'arrive plus à prédire sa conduite ? Et pourquoi est-ce que chaque mot qu'il prononce sonne plus fort que ceux du reste du monde ? Quelque chose me dit... Que j'ai déjà une idée de la réponse.

"Pas de Ness'."

"Mais..."

"Non."

"Rhaa mais..."

"Ne m'appelle plus jamais comme cela, et en contrepartie...", j'inspire longuement puis appuie ma joue contre ma main sombre. "Je te promets de répondre à tes questions. Peut-être pas toutes, mais je ferai un effort."

"Eh... Tu triches...", boude-t-il un peu, d'une façon que je trouve presque... Adorable.

"Marché conclu ?", fais-je en lui tendant ma main sombre, m'amusant de le voir soupirer puis s'en saisir.

"Marché conclu, Nessou !", me lance-t-il joyeusement, et partant dans un doux rire à mon expression surprise. Et son sourire est contagieux, tordant mes lèvres en une esquisse blasée, attestant de ma défaite. Gagner contre lui à ce petit jeu semble bien difficile. Mais par mes ailes, pourquoi "Nessou" ? Cela sonne encore plus ridicule qu'un simple diminutif ! Sauf que quand c'est lui qui le dit, je n'ai pas envie de l'égorger. Enfin, pas trop.

Il semble prêt à accepter ce que je lui raconterai, mais entre faire preuve de bonne volonté et être en mesure d'accepter, il y a un gouffre.



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 Sujet du message: Re: La Grande Plaine au Nord
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Voletant au-dessus de la trappe d'accès, j'abrite mes yeux sombres du soleil matinal. Dae'ron se tient à mes côtés, conservant un regard attentif sur moi. Ce n'est pourtant pas faute de lui avoir fait comprendre que je n'en ai pas besoin ! Je ne suis pas une larve, par mes ailes ! Mais... Je sais qu'il ne pense pas à mal. Nous nous tournons vers l'elfe guérisseur revenant du village, tandis que son frère et Trapaht émergent à leur tour de la galerie. Mon crétin d'élève manque retomber dedans en posant le pied sur l'une des roches arrondis des ruines. J'avise un peu la pénombre, pas mécontent retrouver l'air libre.

Difficile de dire combien de temps s'est écoulé sous terre. Entre mes passages lucides, j'ai été régulièrement pris d'une fièvre qui m'a laissé sans force. Et comme je l'avais redouté, mon sommeil est encore hanté de visions cauchemardesques. Étonnamment, à chaque fois que je sors d'un sale rêve empli de sang et de tripes, c'est pour m'éveiller sur l'expression rassurante de Dae'ron. Et aussi sur la sensation de sa main tenant la mienne. C'est devenu une habitude pour lui, et à laquelle j'ai fini par me faire aussi. Une simple blessure ainsi qu'une expérience aux portes de la mort, et me voilà en train d'accepter ses efforts comme si de rien n'était. Où est passé l'aldryde qui l'a abandonné à Bouh-Chêne ?

Pendant ce laps de temps, j'ai découvert que s'il n'est d'ordinaire pas rancunier, le Protecteur reste sur la réserve face au guérisseur. Enfin, disons plutôt qu'il a refusé tout net de le laisser m'approcher, et qu'il a préféré me prodiguer lui-même des soins magiques. Je ne sais pas si j'aurais du m'amuser ou m'inquiéter de le voir trembloter en touchant mes jambes meurtries pour les soigner. Mais le résultat est là. À part de rares marques, rien n'atteste de ce que j'ai enduré.

Il s'est montré particulièrement nerveux quand il s'est agit de retirer l'attelle masquant mon bras gauche. Lui est beaucoup plus marqué, et l'éclaircissement lié à la propriété de l'Âme Pure n'aide pas. Fléchir mon bras m'est encore pénible et met en évidence les endroits où l'armure d'or l'a transpercé. Mais au moins, je peux le mouvoir. Malgré les soins magiques du brun, je sais qu'il me faudra du temps pour en retrouver pleinement l'usage.

"À la lueur du jour, c'est encore... Plus étrange.", fait le Protecteur en avisant ma nouvelle tenue.

Je la trouve affreuse, dans un sens encore différent de ce que la grosse moche me faisait porter, mais elle est pratique. Les sektegs ne sont pas doués en matière d'esthétique, mais l'efficacité de ce qu'ils m'ont offert est là. Une sorte de... Tenue. D'abord une paire de braies. À base de racines rigides et plantes de la caverne, entre les fibres desquelles ils ont placé des plaques de chitine. Cousu de la ceinture et recouvrant mon buste, comme une sorte de haut de tablier collant, un bout de peau tannée et grisée. Il me faut enrouler les lanières à la base de mon cou puis les nouer derrière ma nuque pour qu'il tienne.

Fichus sektegs. J'aurais peut-être du les laisser prendre mes mesures, en fait. Cet étrange habit laisse mes bras, une partie de mes flancs et mon dos libres. Au moins, la flexibilité du matériau le fait coller assez étroitement à ma peau. Un souvenir pas spécialement agréable pour moi. Parce que oui, ils se sont servis du cadavre de l'arctosa pour me fabriquer cet habit. Et même des chausses... La sensation est très différente de celle du cuir, mais au moins, rien ne me démange. C'est bon signe.

"Faut encore que je m'y fasse."

Lorsque mon oiseau noir se pose, je fais de même, et ignore les géants à cause desquels tout ceci est arrivé. Andha'Rïl surtout, qui se pointe avec des vivres. Je ne leur prête guère attention alors qu'ils discutent de ce que les uns et les autres vont faire. Je lève les yeux au ciel en entendant malgré moi l'elfe blond promettre de venir souvent rendre visite à son frère. Si une seule de ses disparitions a à ce point ébranlé le village, le faire si fréquemment...

N'a rien à voir avec moi.

"Dae'ron !", l'appelé-je une fois monté sur mon oiseau. "On a assez trainé !"

L'aldryde pousse un petit souffle, et fait exprès de saluer chacun d'entre eux... Même s'il marque une visible hésitation quand vient le tour d'Andha'Rïl. Quelque part, je me dis que le Protecteur a aussi tiré quelque chose de cette fâcheuse aventure. Ses salutations achevées, il vient s'asseoir derrière moi et se coller entre mes ailes. Le contact me provoque un petit choc électrique fort étrange... Mais pas spécialement désagréable.

( Allons, ne te disperse pas, mon aldron ! )

C'est sans regarder ces créatures ni même éprouver la moindre chose à leur égard que je pousse l'oiseau noir à décoller, lui faisant prendre la direction du Sud. Le bras de Dae'ron me ceinture, et sa chaleur passe à travers l'étrange habit dont je suis paré. Nous passons au-dessus du village, où les silhouettes de l'humoran Razar et celle du jeune taurion émergent d'une bâtisse. Pas le temps de les saluer, pas envie, ni d'être pris pour cible par le doyen à oreilles pointues qui m'a banni des lieux.

En les voyant, mon passager resserre légèrement son étreinte. Instinctivement, je pose ma main sombre sur la sienne, mais ne parviens pas à m'empêcher de sursauter quand il répond au contact en attrapant mes doigts. J'inspire longuement l'air un peu trop frais, silencieusement.

"Tu es toujours décidé, Nessou ?"

Encore ce diminutif... Donc il était sérieux.

"Tu veux des réponses, non ?", répliqué-je en songeant à la suite, oubliant de prendre ombrage de son crime envers mon nom.

"Que tu ne m'as toujours pas donné."

"Pas au beau milieu de géants. Si toi, tu as mérité le droit de savoir, eux, non.", fais-je froidement. "Ou alors, je devrais m'assurer qu'ils ne puissent jamais le répéter..."

L'apparition de cet avis de recherche m'a amèrement rappelé des choses que j'avais oublié. D'autant qu'il a encore changé par rapport à celui que j'ai vu avec Hekell. Si cette garce continue de faire croître la récompense, nul doute que des chasseurs sérieux pourraient se lancer à mes trousses. Et par faiblesse, j'ai laissé en vie au moins quatre personnes hostiles, qui ont pu me voir assez longtemps pour me reconnaitre à l'avenir. Tant que je n'aurai pas fait quelque chose, jamais je ne serai tranquille, où que j'aille.

J'aurais préféré éviter le lieu comme la peste, mais cette fois-ci, je prends la décision moi-même. Nul enlèvement dans une bourse de cuir ou par un livre magique. Je ne suis plus le même. La simple pensée de ce ramassis de tombeaux pour vivants me hérisse les plumes, et ce n'est pas la présence du Protecteur qui peut y changer grand-chose. Un nom me revient en tête, ravivant ma haine comme le ferait un puissant souffle sur des braises rouges. Ma destination... Non, notre destination...

Cette maudite cité de Kendra Kâr.



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