Le Grand Bleu - Chapitre VIIILe Grand Bleu
Chapitre IX
Il fallait croire que les sangs-pourpres ne s'étaient pas rendu compte d'avoir mis le petit équipage de ce petit vaisseau qu'était la Rascasse Volante au pied du mur pour ne pas avoir anticipé la charge désespérée qu'ils avaient entrepris. Le navire filait à sa rapidité maximale vers la collision et la tentative d'intrusion des raies sanglantes au niveau de la poupe fut accueilli avec une nuée de flèches, de carreaux et de pointes de lances qui ne leur laissèrent aucune chance.
Mercurio était comme un fou, les raies sanglantes n'avaient rien vu venir et l'équipage n'a nullement été inquiété. C'était un spectacle exaltant que de voir tous ces camarades réussir à se défendre comme un seul homme. Ah, pris un par un, c'était une belle bande de bons à rien dont la survie jusqu'à ce jour demeurait un mystère (Surtout en ce qui concernait Taloc, qui avait pourtant réussi là à coller un carreau directement entre les deux yeux du premier sang-pourpre à jaillir de l'eau) mais là, il n'y avait pas la moindre ambiguïté sur leur instinct de survie en tant qu'équipe.
L'humoran n'eût même pas à utiliser sa magie offensive.
"Haha ! Ouais les gars, c'est bon ça ! C'ça qu'j'veux voir, j'suis p'tain d'fier d'vous là ! Mais on en est pas sorti encore ! Restez sur vos gardes !"Soudain, un brouillard se leva.
C'était quoi encore ce délire ? Bon, peu importait.
L'humoran détourna le regard vers la proue qui était sur le point de s'encastrer dans le navire ennemi.
"Accrochez-vous !", hurla Mercurio presque trop tard.
Le navire sang-pourpre avaient tenter de faire pivoter sa proue, sûr de résister éperon contre éperon mais ils n'eurent pas le temps nécessaire, la Rascasse s'enfonçant violemment légèrement à leur bâbord et faisant des dégâts immenses dans un fracas abasourdissant qui envoya de nombreux membres d'équipage tomber lourdement sur le pont.
Le choc avait été encore plus violent qu'il aurait pu l'imaginer et les sangs-pourpres devaient encore plus l'avoir senti passer. Ainsi, dans un nouvel instant onirique, les deux vaisseaux blessés encastrés l'un dans l'autre s'étaient immobilisés dans le brouillard et le brouhaha de la bataille avait laissé place aux doux clapotis des vagues et au bruit des planches qui craquent.
Les peaux-bleus, que tout le monde savait pourtant si proches, ne se faisaient même pas entendre. Aucune parole, aucun bruit de mouvement à leur bord, comme s'ils venaient de foncer dans un vaisseau fantôme.
Eliwin, pragmatique à en crever, ne semblait pas avoir eu besoin d'une seule seconde pour reprendre ces esprits, bourrant le timonier encore hébété et manœuvrant derechef la Rascasse Volante, la faisant sortir de ce merdier en prenant la première bourrasque de vent qui les en dégagerait. En passant à côté, l'humoran put constater à quel point le navire adverse avait pris très cher. Il leur était sans doute impossible de pouvoir maintenant diriger le bâtiment, ils étaient définitivement hors-jeu alors que leur rafiot ne souffrait que d'un éperon endommagé par le choc, de quelques planches brisés et du gouvernail qui n'avait vraisemblablement pas aimé se cogner contre la surface juste après le bref vol de la poupe.
Si la situation n'était pour autant toujours pas idéale, les derniers événements avaient des allures de victoires exaltantes. S'ils devaient finir par en mourir, ce serait avec l'immense satisfaction d'avoir fait rabaisser le caquet des sangs-pourpres qui semblaient avoir sortis leurs plus grands moyens pour s'attaquer à un pauvre bateau d'exploration qui ne voulait pas leur chercher querelle. Bien fait pour leurs culs tous bleus.
Ils étaient maintenant cernés par le brouillard, et si sa mémoire et son sens de l'orientation étaient bons, face à l'île. Fuir en prenant le large serait trop risqué avec la Rascasse Volante dans un état pareil et de toute façon, quitte à en être là, autant continuer leurs tentatives hasardeuses et désespérées.
Mercurio aida ses compagnons encore au sol à se relever, avec un grand sourire et les gratifiant de petites tapes amicales. Il dit presque en murmurant, se surprenant lui-même :
"Les dieux sont avec nous les gars, soyons-en dignes. On s'relève. L'plus long jours d'nos vies est pas encore fini."L'humoran semblait apaisé, il avait accepté de la manière la plus absolu ce qui était en train de se passer dans toute sa violence et son absurdité... Même les morts parmi l'équipage ne semblaient plus avoir d'importance. Cette action... Ça lui plaisait. Trop, c'en était presque malsain. Il avait déjà été dans des situations aussi grotesques et désespérées auparavant, mais il s'en sentait toujours victime. Là, c'était différent.
Il s'avança paisiblement vers la capitaine, glissant ses pouces dans ses poches et dandinant légèrement. Son grand sourire n'avait pas faibli. Il se positionna juste à côté d'elle, regardant avec vers la proue du navire une seconde avant de dire avec un ton joueur :
"On fonce ?"Le Grand Bleu - Chapitre X
_________________
Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
--------------------
Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi