Le Grand Bleu - Chapitre XILe Serpent Bleu
Chapitre I
La capitaine semblait prendre assez à la légère les inquiétudes de Mercurio sur l'état du navire, se contentant de lui répondre qu'ils avaient largement de quoi financer les réparations. Le voyage avait été long, les derniers événements troublants, le navire bien endommagé et l'équipage à la fois exténué et anxieux. Les dangers restaient importants. Zewen savait ce qu'ils allaient rencontrer comme problème sur cette île et la Rascasse Volante resterait pratiquement sans défense durant un bon moment. Il n'était même pas certain que les locaux acceptent de les aider pour les réparations et il n'était pas improbable que quelques connards profitent de leur vulnérabilité à un moment ou à un autre.
Un équipage pirate sur un navire qui n'était pas en état de marche, ça n'avait pas plus de répondant que quatre blaireaux sur une planche en bois.
L'inquiétude de l'humoran grandit alors que l'oudio, semblant penser à trop de choses en même temps et hâtée de se rendre sur l'île, fit mouiller l'ancre et forma dans la précipitation une délégation qu'elle allait diriger, composée de la prêtresse et de Nahöriel (Qui avait décidément un traitement de faveur qui commençait à l'énerver, accompagnant toujours d'office Leyna'sëraya comme si cela était normal, la capitaine l'acceptant comme tel), d'Eliwin, de Samrik et il allait lui aussi devoir être de la parti. Tout ça en s’encombrant de ce Levik que l'humoran avait bien envie d'étriper après avoir perdu deux membres d'équipage par sa faute.
Autrement dit, après leur départ, il ne resterait sur le navire plus que neuf pirates épuisés avec une mère et son nouveau-né ainsi qu'un gratte-papier chétif. Bref, une bande qui ne découragerait pas un calamar catatonique de passer à l'attaque.
Dans son empressement, la capitaine ne dit mot aux hommes et ne songea même pas à nommer quelqu'un qui serait responsable à bord. Parmi ceux qui restaient, Mercurio ne pouvait imaginer que Lydia, avec son caractère bien trempé et une certaine autorité naturelle, pour occuper un tel poste.
"R'viendra 'si vit' qu'possib'. N'attendant, c'Lydia qui s'ra la chef ! Profitez pour vous r'poser un peu... Bouffez, buvez, piquez un roupillon, 'stiquez vous la nouille, j'm'en tape mais qu'y'en ait toujours un 'vec l’œil ouvert au cas où y'ait une embrouille, pigé ?", ordonna-t-il en rejoignant la chaloupe.
"Pars sans craintes mon matou, j'veille au grain !", rétorqua Lydia dans sa bonhomie habituelle.
Il savait qu'il pouvait lui faire confiance. En cas de pépins, elle aurait un bon instinct.
Maintenant à bord de ce frêle esquif se rapprochant de l'île, ils pouvaient mieux observer les lieux. Ce n'était autre qu'un gros caillou cerné de récifs avec une plage emménagée en port de toute sa longueur. Ils passèrent à côté d'imposants bâtiments qui n'avaient rien à envier aux forces navales d'Oaxaca ou de Kendra Kâr, certains avaient même dû leur être volé tellement ils y ressemblaient. Sans surprise, des équipages entiers de sang-poupres étaient présents et ils semblaient être les garants de l'ordre sur l'île, mais il y avait aussi un nombre non négligeable de pirates de toutes origines et de toutes races présentes. Le port duquel ils approchaient semblait être plus cosmopolite encore que Darhàm elle-même, ce qui n'était pas une mince affaire.
Alors qu'ils accostaient sur le quai, les sang-pourpres ne semblaient pas vraiment faire attention à eux, ce qui renforçait l'idée de Mercurio que ceux par qui ils avaient été attaqué n'était qu'un équipage indépendant et non pas une flotte de défense de l'île.
Durant le voyage, la prêtresse partagea à la capitaine son inquiétude concernant le sort de la gente féminine dans cet endroit. L'humoran ne croyait pas vraiment qu'elles puissent être particulièrement plus en danger ici que dans n'importe quel endroit où ils auraient pu accoster. Les ports ont toujours été des endroits particulièrement masculins et pas particulièrement enviables pour les femmes, les seuls représentantes se contentant souvent d'écarter les jambes contre quelques pièces et les plus débrouillardes sachant s'entourer et ne pas tomber sous l'influence d'un maquereau peu scrupuleux comme le faisait si bien sa feue maman.
Et puis bon, il semblait improbable pour Mercurio qu'on puisse identifier leur oudio de capitaine à quelque chose de particulièrement féminin ou d'enviable sexuellement. Après tout, il ne savait même pas si c'était bien biologiquement compatible. Lui vint alors quelques images particulièrement dérangeante en tête, à base de pénis au contact d'orties qui feraient office de poils pubiens ou encore entaillés d'échardes durant la pénétration. Image qu'il se dépêcha d'oublier dans une grimace.
Quant à elle, même si elle semblait avoir peur à bon escient que sa race et son sexe lui joue des tours, elle n'en demeurait pas moins une prêtresse de Moura, ce qui devrait suffire à tenir écarté les queutards les plus superstitieux, qui ne risqueront sans doute pas une colère de la déesse alors qu'ils ont un bordel tous les dix mètres.
En suivit une petite chamaillerie entre elle et Nahöriel, toujours disposé à la suivre comme un petit chien, que la capitaine remit ENFIN à sa place, préférant remettre au solide et pragmatique Samrik la tâche de la protéger s'ils avaient besoin de se séparer. Il valait mieux tard que jamais, mais si c'était pour en arriver là, elle aurait mieux fait de le rembarrer AVANT de l'embarquer dans la chaloupe. Mais bon, soit.
Ils commençaient tous à lui taper sur les nerfs là et il se sentait avoir besoin de décompresser un peu. La capitaine disait vouloir se rendre à la capitainerie pour se renseigner sur l'attaque dont ils avaient été victimes et sur l'emplacement d'artisans capables de les aider.
L'humoran ne put s'empêcher de laisser échapper un fort soupir d'agacement. C'était une lubie, bordel ! Dès qu'ils accostaient quelque part, elle n'avait que le mot "capitainerie" à la bouche et s'il y avait bien une chose dont il n'avait pas envie d'avoir affaire maintenant, c'est à des connards de simili-bureaucrates sang-poupres, le cocktail mortel !
Ils étaient assez grands pour trouver ce qu'il leur fallait sans devoir à chaque fois aller sagement demander conseils à la capitainerie comme des putains de touristes ! Mais bon, il n'avait pas envie d'être méchant avec la capitaine donc il se contenta de lui dire le plus calmement possible, bien que commençant avec un sarcasme palpable :
"Ouais, la cap'tainerie, v'là, s'per idée. S'vous permettez cap'taine, 'n a pas b'soin d's'y pointer à six. Pendant c'temps, j'pourrais plutôt 'ssayer d'tirer les vers du nez aux locaux... Tiens, dans c'te taverne, là. "La taverne du troll salé", voilà, c'pas dur à r'tenir et ça sonne bien. Et Nahö, p'isque t'as plus rien à fout' de particulier maint'nant, t'viens 'vec moi !""Mais, Leyna...""Oh p'tain non, j'suis pas d'humeur à ça alors t'la fermes et t'écoutes les ord' pour une fois ! 'va s'pointer dans c'boui-boui comme si c'tait chez nous, 'va boire une pinte de n'import' quelle d'leur pisse et on va s'faire des potes qui nous raconteront tous c'qu'y a à s'voir sur c'te p'tain d'île. C'clair ?!"Le Serpent Bleu - Chapitre II
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi