Mes pieds foulent un petit sentier en gravillons, sortant timidement de la ville. Un peu déçue de déjà laisser derrière moi toutes ces merveilles à peine découvertes, je me dirige vers la zone d’embarcation des cynores. Un passant m’a indiqué qu’elle ne se trouvait qu’à quelques mètres en amont de la ville.
Au plus j’avance, au plus j’entends un vrombissement assourdissant, comme si je m’approchais d’une nuée de mouches géantes en plein vol. Au détour d’une petite butte verdoyante, je les aperçois. Trois véhicules, longs d’une dizaine de mètres, alignés et bourdonnants, attendent les futurs passagers. De l’un d’eux, descendent encore quelques voyageurs, pour lesquels ce type d’engin semble le plus naturel du monde. Moi, ébahie, je m’approche, sans savoir lequel de ces appareils m’emmènera à Tulorim.
En haut de la passerelle du premier, un elfe gris semble attendre ses voyageurs. Je monte la lourde planche en bois, et l’aborde poliment, mais de manière sûre.
- « Bonjour ! Pouvez-vous m’indiquer l’aynore pour Tulorim, s’il vous plaît ? »
- « L’aynore ? Il n’y a point d’aynore ici, chère demoiselle ! Seulement des cynores, machines plus petites et nettement moins puissantes ! Et celui qui part pour Tulorim n’est autre que le mien. »
L’elfe gris accompagne ses dires d’un petit hochement de tête qui appuie ses paroles, les mains jointes devant lui, arborant un air très noble.
(Et merde ! Quelle cruche ! Cynore, aynore… Y a de quoi tout confondre ! N’empêche qu’il me parle comme si j’avais un QI aussi élevé que celui d’un moucheron !)
- « Si je puis me permettre, mademoiselle, le voyage jusque Tulorim vous coûtera 60 yus. »
- « Heu… À vrai dire, la destination de mon voyage n’est autre qu’Oranan, Monsieur. J’ai entendu dire que si l’on se faisait embaucher par la ville, elle prenait le trajet à ses frais. »
Le visage de l’elfe gris se transforma en un petit rictus à peine perceptible. Ça ne semble pas lui plaire. Il se met à fouiller dans une pile de papiers située à côté de lui. Cela me laisse un peu plus de temps pour l’observer. Ses traits sont fins et ses iris d’un bleu perçant. Ses longs cheveux blancs sont noués en fines nattes tombant jusqu’au milieu de son dos, et remuant au rythme de ses mouvements. Ce qui m’étonne le plus chez lui est sa couleur de peau. Je connaissais l’existence des elfes gris, mais jamais je n’en avais vu. Je m’étais toujours imaginé que leur peau et la mienne seraient semblables. Pas réellement. La mienne a pris une teinte plus ambrée tandis que la leur ressemble plus à la cendre.
L’elfe me tend une feuille et une plume, en me demandant de compléter le petit formulaire. Heureusement que mon père m’a appris à lire ! Il m’explique que ce papier lui permettra d’être remboursé par Oranan. « Enfin, s’ils tiennent leurs promesses », a-t-il ajouté.
Lui rendant le formulaire dument complété, je franchis la porte qui me sépare de l’intérieur du cynore. L’elfe gris accompagne mon entrée par une petite phrase qu’il doit répéter mille fois sur la journée :
- « La compagnie Air Gris vous souhaite un bon voyage sur ses lignes. »
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