L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Le Castel Enulcard
MessagePosté: Ven 2 Déc 2016 09:21 
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Lorsqu'elle eut fini son discours d'adieu, attendant simplement la réponse d'Aethalin, il fut surprenant pour Yurlungur d'entendre ce qui ressemblait bien à des pas, dans sa direction. Elle ne put réprimer un tremblement : de ceux qu'on ressent au passage d'un courant d'air ou d'une émotion intense, venant crisper ses muscles et secouer ses os - car elle avait encore sur son visage des larmes et une érubescence digne de celle d'un ivrogne de Dahràm. Il était hors de question que cette femme voie ça, mais ses nerfs tendus et son esprit fatigué après cette longue journée qui avait commencé avec l'épreuve de Phaïtos le matin même, elle ne trouva pas d'autre solution rapide que celle de s'essuyer rageusement les paupières pour chasser ces pleurnichements et, d'un coup, elle se retourna.

Son visage avait pleuré - cela se voyait, cela se lisait - mais elle fixait avec l'intensité d'un lion et la hauteur d'une reine Enulcard, ne montrant que pure fermeté et orgueil insensé face à celle qui avait voulu la briser. Ses yeux étaient bouffis et gonflés, mais cela ne faisait rien : et qu'Aethalin s'avise de ne faire ne serait-ce qu'une seule mention de ce simple fait, et elle lui sauterait dessus, et elle l'étriperait de sa dague, dégainée sans qu'elle en ait pris conscience, et elle se tuerait dans l'acte le plus sublime auquel elle ait jamais pensé, ce dans l'ultime espoir de conserver son honneur, sa dignité et son être entier dans une manœuvre insensée de courage infatué.

Les premières paroles étaient celles que Yurlungur aurait pu attendre. Aethalin confirma tout ce qu'elle avait déduit jusqu'ici, il satisfit son cœur en lui donnant raison tout en le criblant d'une peur qu'elle peinait à maîtriser. Ce ne fut que lorsqu'elle purent se regarder les yeux dans les yeux, à un pas à peine, qu'Enulcard s'arrêta pour ajouter un mot sur lui-même, faisant blanchir les omoplates de la main qui serrait la dague de la fillette. Était-ce de la pure ironie ? Allait-elle maintenant procéder à son exécution pour mettre terme à ses souffrances ? Son invective l'avait peut-être froissée et elle retirait déjà sa proposition de quitter les lieux en vie ; ou elle avait possiblement pris au sérieux les excuses inventées de la petite fille, préférant lui permettre un repos doux ici plutôt que brutal au-dehors ; ou...

Il coupa court aux suppositions de Yurlungur alors que sur son visage semblait s'étaler, potentiellement suite à l'effarement de la fillette en infériorité de taille face à elle, une certaine raillerie aux airs doucereux : et affirma qu'il ne donnerait pas son avis, faisant hausser un sourcil à la gamine. Celle-ci ne savait plus vraiment comment réagir maintenant - devait-elle partir ou Aethalin avait-il encore quelque chose à rajouter ?

Soudain, la femme honnie retira une chevalière de son doigt, une chevalière étrange à vrai dire. Elle ne ressemblait à aucune autre, et en même temps à toutes à la fois, mais l'aura étrange qui s'en échappait la rendait miroitante, admirable et extraordinaire. Dans les yeux de Yurlungur apparut une étincelle de convoitise aisément remarquable, mais celle-ci semblait comme voilée, son visage ressemblant à celui d'un enfant ayant veillé trop tard dans l'espoir de recevoir un cadeau. Elle fixait, béate, la petite bague qu'on lui tendait, objet apparemment banal qui l'ensorcelait à vue. L'explication d'Enulcard sur les pouvoirs de la chevalière ne rendirent celle-ci que plus désirable et, voyant que la paume et son contenu était toute proche, la gamine crut bon de tendre la main à son tour pour la récupérer.

Elle s'arrêta, son regard revenant à Aethalin avec une certaine pointe d'angoisse lorsque celui-ci évoqua le prix à payer, comme si la petite fille avait peur qu'on fasse disparaître son présent, par un tour de passe-passe ou une manœuvre habile. Le sourire était toujours bienveillant - presque trop - et la fillette retira sa main en écoutant sagement les consignes de la maîtresse pour ce nouvel exercice.

Alors qu'Aethalin sembla avoir fini, pour la seconde fois Yurlungur avança sa main avant de s'arrêter à nouveau et de la retirer, semblant comme en proie à un dilemme intérieur.

« Attendez, demanda-t-elle en continuant de fixer la bague, parfaitement concentrée. »

Aethalin devait parfaitement savoir quel serait le choix de la fillette face à elle. Y avait-il d'ailleurs un choix ? Rien que les choix des mots de cette femme étaient là pour inciter la petite fille à se montrer audacieuse, à risquer sa vie une énième fois. Mais si, intérieurement, Yurlungur n'avait plus aucun doute sur la marche à suivre, il lui fallait un plan. C'est du moins ce que l'Autre lui avait soufflé, arrêtant à temps son implacable volonté de posséder l'anneau. Elle serrait les dents en fixant la chevalière en repensant aux cinq secondes de répit laissées par Enulcard. Ce n'était pas suffisant pour descendre tout en bas et pour passer les portes, qui seraient d'ailleurs sans doute fermées : mais si elle dépassait le temps imparti, d'une fraction de seconde ou de cent, elle mourrait instantanément, c'était évident.

Une solution s'imposa à son esprit. Sa raison combattit, mais bien vite, elle décida de s'endormir un peu pour laisser à son cœur et à sa folie tous les choix concernant sa survie. Qu'y avait-il à craindre, d'ailleurs ? Un sourire en coin apparut sur son visage et elle releva la tête vers Aethalin.

« Vous êtes vraiment quelqu'un de bizarre, vous savez, commença-t-elle. Mais je crois que je vous apprécie autant que vous m'appréciez. »

À Aethalin d'interpréter cela comme il le souhaitait.

« J'aurais simplement un message à faire passer au spectre, puisque nous n'aurons peut-être pas de nouvelle occasion de nous rencontrer. Pourriez-vous lui dire que je l'ai trouvé tout à fait touchant et son aide bienvenue ? Ce fut un réel plaisir de jouter un moment en sa compagnie face à Armont et vous, qui fûtes par ailleurs des antagonistes redoutables pour ce petit jeu.

Enfin !
fit-elle en levant les bras dans un air simulé de tristesse ; Je crois bien que nous avons à présent à nous séparer, très cher. »

Et, d'un seul coup, elle saisit la chevalière de la paume tendue d'Enulcard - refoulant l'envie de la traiter mentalement de naïve tant qu'elle ne serait pas sortie du manoir - et fonça vers la porte sans lancer un autre regard à son adversaire du jour. Elle connaissait de toute façon déjà l'expression qui devait figurer sur son visage, celle d'un amusement intense et d'un sadisme permanent.

Elle passa les doubles portes et, une fois dans le couloir aux vitraux, se plaqua au mur avant de foncer droit sur ces derniers desquels filtraient la douce lumière de la lune, sautant en se roulant en boule au dernier moment. Il n'y avait plus qu'à espérer que ces vitres soient peu résistantes - et que sa chute de deux étages ne soit pas trop brutale - et qu'elle ne tombe pas sur le toit d'une pièce plus basse du manoir, ou plutôt qu'elle ne le traverse pas pour se retrouver à nouveau à l'intérieur de celui-ci.

(Ô Thimoros, Ô Phaïtos, ayez pitié !) osa-t-elle penser alors que les vitraux étaient déjà trop proches.

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Dernière édition par Yurlungur le Ven 2 Déc 2016 18:56, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Le Castel Enulcard
MessagePosté: Ven 2 Déc 2016 18:18 
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Lorsque la gamine sauta par la fenêtre, les éclats de celle-ci déchirèrent presque complètement son armure, et, plus grave, entaillèrent profondément sa chair, provoquant de multiples blessures sur ses avants-brans, épaules et buste. Ce n'est pas ce qui devait le plus l'inquiéter cependant ; car si elle venait bien de sauter du second étage, elle avait oublié se trouver dans un château dans lequel chaque étage faisait étalage d'un gigantisme ostentatoire. Ainsi, la gamine se retrouvait face à une chute de plus de dix mètres qui s'avérerait sans nul doute très douloureuse.

Ou du moins cela aurait dû être le cas. Car, inexplicablement, une brise vint accompagner les derniers mètres de la descente de Yurlungur, ralentissant sa chute. Si elle tomba assez violemment pour se déplacer une épaule et voir son souffle se couper près d'une minute, ce n'était pas assez pour mettre son pronostic vital en jeu.

Une fois en bas, en se retournant, Yurlungur pouvait voir la silhouette de l'elfe la contempler depuis la fenêtre brisée. Et, juste un étage plus bas, les contours d'une forme humanoïde bien plus trouble l'observant fixement. Après quelques secondes, celle-ci posa une main sur le vitrail avant de lentement disparaître. Puis, après un clignement d'oeil, la gamine put voir le château dans l'exact même état dans lequel elle l'avait trouvé. Eteint... Vide... Même le vitrail détruit était réapparut et les fragments de verre semés au sol étaient introuvables.

Et enfin, dans le murmure du vent, deux voix se firent entendre :

« A bientôt j'espère. »
« A jamais j'espère. »

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 Sujet du message: Re: Le Castel Enulcard
MessagePosté: Ven 2 Déc 2016 18:55 
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Le vitrail se brisa instantanément - là n'était pas le problème. Elle sentait bien ces entailles profondes, ces bouts de verre qui lacéraient sa chair et la scarifiaient sur toute la partie haute de son corps ; elle souffrait bel et bien de ces multiples échardes ; mais cela ne l'affectait guère à ce moment précis.

Simplement, les dix mètres de chute en-dessous n'étaient pas prévu et la petite fille, un rictus d'horreur figée sur le visage, se laissa tomber, voyant le sol se rapprocher de plus en plus vite. Certains disent qu'au moment où la mort arrive, on voit défiler la vie devant soi : mais elle ne vit rien d'autre que cette terre vers laquelle elle était implacablement attirée, cette terre qu'elle allait rejoindre pour ne plus la quitter. Elle aurait aimé prononcer quelques paroles à l'Autre qui trépignait à l'intérieur sans savoir quoi faire, à Papillon qui observait la scène en voletant non loin, mais elle était déjà trop proche.

(Et puis, après tout, à quoi bon.)

Yurlungur ferma les yeux et attendit le choc. Qui ne vint pas. Car un phénomène inexplicable se produisit et, les yeux toujours fermés, elle sentit une brise agréable l'envelopper. C'était peut-être la sensation du manteau de Phaïtos lorsqu'il venait chercher les mortels pour les emmener dans son monde, songea-t-elle : puis on lui frappa l'épaule et la force de l'impact se répercuta dans l'intégralité de son frêle corps de petite fille. Plus rien ne venait alimenter ses poumons mais ses yeux se rouvrirent, fixant sans réfléchir l'herbe verte de la liberté. La douleur irradiait depuis son épaule et son buste, mais l'herbe et le vent frais du soir venaient caresser la fillette. D'un coup, elle reprit sa respiration, haletant sans pouvoir y croire et tenta de se relever en chancelant.

Elle tomba et se retrouva à genoux, le château derrière elle. Et elle était vivante. Relevant la tête vers les étoiles, divines observatrices de cette chute de laquelle elle était miraculeusement sortie vivante, elle leur sourit et sourit à la vie. Papillon arriva et effectua quelques boucles autour d'elle, comme pour vérifier qu'elle allait bien, mais malgré le sentiment profond d'inquiétude qu'il avait pour elle, elle sentait qu'il était nettement soulagé de la voir se relever avec si peu d'efforts. Et autour d'elle, la nature semblait danser et chanter dans une effervescence toute particulière tandis qu'elle continuait de leur sourire. Ce n'était peut-être que ses oreilles qui bourdonnaient et ses yeux qui hallucinaient, mais elle reçut ces mouvements multiples et désordonnés comme les acclamations de sa propre réussite tandis que quelque part, au fond d'elle, la présence qui l'accompagnait depuis ce qui semblait être toujours était fière d'elle, de ce qu'elle était devenue et de ce qu'elle avait réussi à faire.

Elle se retourna cependant, maintenant que plus rien ne pressait, pour regarder à nouveau le trajet céleste qu'elle avait effectué. Celui-ci était immense et il était évident qu'elle n'aurait pas pu y survivre en temps normal. Mais on distinguait nettement, derrière les vitraux, la silhouette d'Enulcard qui la regardait, celle du spectre un étage en-dessous. Elle leur sourit à eux deux, heureuse d'avoir échappé aux griffes du premier et aux remontrances du deuxième, heureuse d'avoir conservé son identité malgré ce passage au plus profond des abysses. Elle n'aurait peut-être jamais imaginé réussir un jour à terrasser un monstre comme Armont, elle n'aurait sans doute jamais pensé rencontrer une adoratrice de Thimoros semblable à Aethalin, ni un spectre qui tenterait de la sauver - toutes ces expériences l'avaient sans le moindre doute rendue bien plus mature.

Dans un effort de volonté, elle se releva, ne remarquant même pas que le vitrail était à nouveau réparé au deuxième étage, et contempla le château remis à neuf en écoutant le vent qui lui parlait.

(Au revoir, vous deux,) songea-t-elle.

Et, en clopinant, elle se mit à marcher, serrant bien fort la bague entre ses doigts fins, clopinant mais pleine d'une énergie nouvelle. Elle savait qu'affronter le monde entier serait bien plus ardu que sortir vivant de cette épreuve, mais elle allait se mettre à la tâche. Telle était sa destinée : et bientôt, elle quitterait les sentiers où elle s'était enfermée pour parcourir Yuimen et vivre dans la beauté du geste et la gloire du verbe - elle le sentait, au fond d'elle-même. (Que ma volonté soit faite.)

Suite : ici

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