Alors que nous avançons vers le centre de la salle, Aliéron se retrouve agenouillé près d’un silnogure qui semble soudain s’attacher à lui. Je le laisse faire m’effaçant pour me retourner moi-même vers l’entrée de la grotte, où le silnogure aux yeux marins m’observe, s’étant rapproché à son tour de l’entrée, comme s’il m’y avait suivie. Je lève un sourcil, interloquée, sans y prêter plus attention, et l’observe quelques minutes durant. Il reste là, immobile, à bonne distance, mais sans cesser de m’observer à son tour. Aliéron, lui, marchande de son côté notre passage vers Kers, sa cité.

Lorsqu’enfin Fabiolo trace la porte à la craie sur un mur, et que le hafiz fait ses au-revoir aux aventuriers restants, je me retourne et emprunte quant à moi le passage sans un mot. Derrière, le silnogure se lève et, sans que je lui aie rien demandé, me suit dans le passage.

Une nouvelle aventure commence.

Le petit Phil vient se serrer contre moi quand je lève la cape. Il a eu chaud, et pas un peu. C'est peu rassuré, mais me faisant confiance, qu'il me laisse l'emmener vers le coeur de la salle. Il se laisse faire quand vient le moment de prélever son sang, comme les autres enfants d'ailleurs. Nadine plus courageuse que les autres décide de s'entailler elle-même, Dems se charge du jeune enfant blond, dont Phil m'apprend qu'il s'appelle Martin. Maude se confie au jeune guerrier Sindel.

Le rituel se reproduit, autant de fois qu'il y a d'enfants et de Silnogures; l'âme sombre du silnogure bafoué et l'âme blanche de l'enfance sacrifiée; la bataille gagnée d'avance; l'évanouissement de l'enfant et le calme retrouvé des animaux. Ca y est, notre mission est accomplie, nous avons réussi. Je souris tandis que Phil se réveille dans mes bras, ma première tâche d'aventurière et de femme se finit bien, les deux êtres à la peau verte sont morts, mais tous les autres sont vivants. Enfin... si on excepte l'adulte, le père de Phil et Nadine, j'ignore totalement ce qu'il va advenir de lui.

Phil s'éveille complètement, tandis que l'armure tombe en pièce et se met à briller. L'armure vient à disparaître totalement, et être remplacé par un tas de récompenses ! Je n'en peux plus et saute quasiment littéralement dans le tas. Le plus difficile ? Ca va être de choisir. A regarder, les gens choisissent deux objets, on va éviter de passer pour celle qui profite, et on va se limiter au même nombre, il ne faut pas trop pousser. Deux objets ? Oui, mais lesquels ? Cette paire de bottes en cuir blanc absolument sublimissime ? Ou cette cape noire brodée d'or ? Oh, quoique cette tunique en cuir cloutée fait vraiment aventurier et permettrait d'être protégée ? Mais c'est impossible de choisir, il y a bien trop de choses intéressantes dans ce tas pour que je me limite à deux objets.

Puis Phil revient vers moi, avec deux bourses. La première, lourde et bien rebondie qu'il m'offre; dans la seconde il y a des runes, il m'invite à en piocher deux, ce que j'accepte volontiers. Il transmet le sachet de runes et continue à me regarder, avec les mêmes yeux implorants que... l'adorable silnogure derrière lui. Assis à coté de Phil, la tête sur l'épaule du gamin d'ailleurs, deux yeux noirs me regardent. Quand je plonge mes yeux dans les siens, j'y découvre de l'amour. Non, c'est impossible, mais comment ai-je pu avoir l'audace de traiter cette créature de chien galeux. Son poil long et brun donne envie de le câliner, ses yeux brillent d'intelligence, et, quand je l'invite à me rejoindre d'un claquement de langues, il saute dans le tas et commence à chercher, reniflant les objets, les tapant des pattes ou du museau. Oh celui-là, je l'aime... Je ne peux m'empêcher de chercher dans mon sac mon parchemin et trouve rapidement sa description, poils bruns, pelage souple : un suralartëa, vivant de base en forêt tropicale.

"Comment on va t'appeler toi ?"
"Kaidan."
"Kaidan? Pourquoi pas, c'est joli."

Le monstre en taille se retourne et lance un petit jappement, ce nom a l'air de lui convenir à lui aussi. Mais ce compagnon imprévu ne m'aide pas à choisir mes deux objets. En fait si, il vient se frotter aux bottes blanches que j'avais repéré.

"D'accord, Kaidan, je prends."

J'ôte mes vielles cavalières en cuir noir, cadeau de mon père avant son départ à la guerre, et les changent par les bottes blanches, neuves et nettement plus solides. Je suis entrain d'achever de lacer mes bottes en cuir, quand Phil s'approche de moi, tendant une bague en argent.

"Tu as vu, elle ressemble à ton collier."

En effet, avec son opale blanche et son dessin fleuri, la bague elfique s'accorde parfaitement avec mes bijoux de fiançailles, c'est un sublime cadeau qui me convient parfaitement.


Je lève enfin la tête pour découvrir que... Dems et moi sont les derniers aventuriers dans la salle, avec Maude, Nadine et Phil, même le corps de Fenouil a disparu, ainsi que plusieurs des silnogures.

"Bon, bah, Dems, ça te dirait d'aller profiter de notre récompense pour manger et dormir dans un bon lit douillet ?"
"Et papa ?"

Hé oui, et papa, on n'en fait quoi du cadavre de leur père, on va pas le laisser là.

"Tu pourrais m'aider ? Il faudrait qu'on porte le corps de leur père jusqu'à un temple de Phaïtos."

Je me tourne vers Nadine et Maude :
"Nous venons tous les trois de Kendra Kâr. Nous pourrions vous ramener là-bas, ça vous irait ?"
"Tu en penses quoi, Dems ? On les ramène chez eux ?"


(((Je prends donc le silnogure, une bague elfique et une paire de bottes elfiques

Un grand merci à toi, GM8. Et un grand merci aussi à tous les joueurs impliqués jusqu'au bout.)))

Soudain tout semble se débloquer, la petite reprend conscience, preuve que le rituel est sans danger pour les enfants. L'armure de métal tombe alors au sol sans vie pour l'animer. Hector qui ne cessait de l'agripper s'évanouit dans un long soupir, comme un râle de fin. Il a bien l'air cané le Garzok, même p'tre mort tout cours... Enfin un à un les enfants acceptent le rituel, et un à un sont libérés les sinos. Les enfants semblent choisir les aventuriers et leurs font confiance.

J'hérite d'un petit blondinet tout pâlot, il me dit qu'il s’appelle Martin et qu'il veut faire le rituel. Se faisant il me montre son bras pour que je lui entaille un peu de sang. On fait le rituel comme dans un rêve, ne sachant pas vraiment ce que j'ai à faire, mais le petit lui fait comme a pu faire d'autres avant. Et la magie opère, un sino réagit et la lutte des deux brumes permet sa libération. Le petit a encore plus blanchis, mais à l'aide d'un peu de potion, il reprend petit à petit contenance. Un bout de chiffon posé sur le bras pour arrêter le faible saignement.

Jusqu'au bout tous font le rituel et le tumulte au dehors s'arrête enfin, les sinos sont libres, les enfants sauf un sont vivants. Je pense qu'on a réussi ce qu'on était venu faire ici. Mais jusqu'au bout je n'ai rien compris à ce que je faisais là. Il me semble que je n'ai servi à rien, une fois de plus. Hector a proposé son sang en dernier recours, il a pu se redresser un peu pour cela, mais désormais il ne bouge plus, probablement mort. Je n'ai rien compris dans ce qu'il a voulu faire, était-il au courant de tout ça, ou n'avait-il pas le choix ? Que de mystère. Je m'affale au sol sans bruit, à genou, mort de fatigue. Le petit blondinet de ses yeux bleus me questionne pour savoir si je vais bien. "Ça va petit, juste très fatigué... Depuis combien de temps on est là ?"

Les autres sont regroupés, enfants, sinos, aventuriers, chacun est ensemble sans danger ni menace. Martin s'en va et reviens vite avec un sac plein. "Qu'est-ce que c'est ?" "Votre récompense." Il me donne alors le sac qui pèse son poids. Je l'ouvre et... Je n'arrive pas à la croire... Non vraiment je n'ai jamais vu autant de yus devant moi. De l'or et de l'argent, de belles grosses pièces brillantes. Je pensais sincèrement avoir cent ou deux cents yus pour récompense, mais là c'est plus que ce que je peux m'imaginer. Je suis riche, plus que dans mes rêves. Mais je n'peux pas, je n'sais pas et je reste planté là. "Hé monsieur, tu dors ?" , c'est le jeune Nadine qui vient me secouer alors que j'ai décroché totalement. "Tiens, tu as droit à deux pierres gravées tirées au sort" Ah ? Bien je plonge ma main dans la bourse et tire deux runes. Étrange ces trucs, à combien je vais pouvoir vendre ça ? Et ça sert à quoi, de décoration ? "Euh merci pour les pierres Nadine."

Elle est déjà partie voir les aventuriers. Certains déjà disent au revoir et partent, car les enfants peuvent à nouveau ouvrir des portes où ils veulent. Je me lève alors et répond poliment aux personnes qui partent. Martin reste auprès de moi et me dit d'aller me servir dans le tas qui a remplacé le guerrier de métal. Ah tiens oui, il a disparu celui-là. Je vais auprès du tas, tous les aventuriers se sont déjà servi du temps où j'étais dans mes pensées. Mais il reste quelques beaux objets. Une arme ? Non je ne suis pas quelqu'un qui me bats. Une armure ? Je me vois mal porter du métal, ça doit être lourd et horriblement inconfortable. Mais alors quoi ? Oui quelque chose de précieux, au pire ça se revend, même si j'ai l'impression que je vais manquer de rien. J'attrape alors un collier d'argent de belle facture et une chevalière surmonté d'une belle pierre violette. Je l'enfile à mon doigt, par chance elle me va alors que je suis d'un petit gabarit, avec des mains proches de celle d'une femme.

Naya m’interpelle parlant d'aller dans un lit tous les deux, ah ben dit donc elle n'y va pas par quatre chemins celle-là... Non mais ça ne va pas ? Pour manger ça oui, j'ai la dalle ! "Ah euh oui allons manger, allons à la maison..." Me voyant soupirer. "Enfin plutôt chez toi non ?" Mais qu'est-ce que je raconte ? Elle me lance un regard noir. "Bien bien, rentrons, on va où alors?" M'apercevant qu'elle est suivie par un sino. "Hé, je crois que tu as un compagnon derrière toi..." Elle me fait remarquer que j'en ai un aussi patiemment à mes côtés depuis tout à l'heure. Il est grand et élancé, de couleur paille voir plus sombre avec une long et soyeuse fourrure. Une vraiment jolie bestiole. Elle me regarde avec intérêt, l'air content d'être là avec moi. "Bon je suppose qu'on a gagné des compagnons, ça fait grand comme chien de garde, mais pourquoi pas après tout, tu peux venir avec moi Sino."

Il ne reste plus que Nadine, Phil, Maude et Martin comme enfants, nos deux sinos et Naya et moi, ainsi qu'un cadavre humain, le père d'un des gamins je pense, et le cadavre refroidissant d'Hector. Les enfants proposent de rentrer sur Kendra Kâr, mais de prendre leur père pour l'emporter dans un temple de Phaïtos, pour faire les rituels funéraires de coutume. "D'accord, on vous ramène chez vous, et on prend aussi le corps de votre père. Mais je suis aussi pour prendre Hector, il a peut-être déconné, il a peut-être essayé de tous nous tuer, mais il avait sans doutes ses raisons... On ne le saura jamais. Mais il a droit aussi à un rituel convenable, car il est bien différent de ces Garzoks poisseux. Que Phaïtos ai pitié de son âme." Je passe prendre ma cape au sol, abandonnée par la première gamine qui a fait le rituel, et viens prendre le corps du père avec Naya et le traine péniblement vers une porte dessinée à la craie. On fait de même avec Hector, mais avec bien plus de difficulté. "Ah Martin, tu viens aussi avec nous ? Tu ne parles pas trop." "Oui, Kendra Kâr ça me convient, ça ou ailleurs..." Nous passons alors tous la porte.

(((GM8 : )))

Les mots du wotongoh, comme l’annonce à propos de la bonne santé de l’enfant par Aliéron, n’avaient pu vraiment atteindre les enfants paniqués qui continuaient de crier à l’armure pour la diriger. Une fois de plus, c’est à Martine que Caabon devra adresser ses remerciements : parce qu’elle se montre plus attentive, ou plus sensible aux arguments, elle parvient à les reprendre à son compte pour convaincre ses pairs de cesser là leur lutte contre les adultes par armure interposée. La volonté de trois d’entre eux vacille, et celle du quatrième ne suffit pas à manipuler convenablement l’assemblage de métal : il échoue à porter un coup mortel à l’assassin, qui par acquis de conscience effectue un léger mouvement à l’instant où s’abat la hache, afin de l’esquiver.

« Merci Martine, merci les enfants. » le soulagement et la reconnaissance se mêlent dans ces quelques mots, et transparaissent dans un soupir et un léger tremblement de la voix. La situation paraît s’améliorer, puisque la survie de la petite Huguette semble assurée, un temps du moins ; l’armure n’a plus la force de balayer sur son passage les tentatives d’épargner les enfants, pas plus que le garzok agonisant. Pas question pour autant de céder : tandis que les compagnons d’infortune du wotongoh prodiguent des soins à la petite, il surveille du coin de l’œil le colosse magique, des fois qu’une quelconque puissance adverse vienne prendre le relai de Fabiolo. Il n’en est rien. Lorsque Huguette émerge enfin de son inconscience, toutes les pièces d’armure s’effondrent dans un fracas métallique, puisque le dernier enfant à le contrôler s’en va près de son amie.

(Merci, Rana, d’avoir veillé sur nous…)

Les forces nocives gisent défaites, la solution est à portée de main, qui peut sauver les sinolgures, projet auxquels certains des aventuriers s’étaient attachés au point d’accepter de risquer leur vie, tout en préservant la vie des enfants. L’issue est somme toute heureuse, même si elle a fait bien des morts. Outre Hector, sans doute sont-ils nombreux, ces shaakts qui gisent dans le désert, démembrés par des bêtes fauves ; et ce père couché sous la voûte manquera à sa famille.

Martine s’est rapprochée de Caabon, et lui souffle qu’elle acceptera de réciter la prière uniquement si c’est lui qui recueuille son sang dans la coupe. Aussi s’agenouille-t-il face à elle pour pouvoir lui répondre droit dans les yeux : « Je ferai en sorte qu’il ne t’arrive rien. Merci pour tout ce que tu as fait. Ce sera un honneur pour moi de t’accompagner pour ce rituel. »

Mâara la première prélève un peu de sang qui s’écoule des plaies du garzok, puis procède au rituel, entaillant légèrement le bras de Charlène. Et tous les autres suivent, et enfin, lorsque la coupe est passée de main en main, s’est gorgée à chaque fois un peu plus de sang, Caabon procède au rituel en compagnie de Martine. La magie fait son œuvre, dans un tonnerre d’effet et un fracas qui pourrait être de bon augure, tout comme ces âmes qui se sont mêlées, affrontées, et réduites à un éclat salvateur pour les bêtes. Dans cette lignée, l’armure se vide et se mue dans la lumière, si bien que chacun trouve dans ce tas quelque chose qu’il n’aurait peut-être pas envisagé découvrir là. Chaque objet extirpé de ce tas de métal est pour le wotongoh une surprise. Il se demande ce qu’il en extirpera lorsqu’il ira à son tour se pencher sur les débris, voire s’il restera quelque chose. La petite prénommée Nadine, en sus, lui remet deux de ces cailloux gravés semblables à ceux distribués par Maâra plus tôt dans la journée lorsqu’ils fouillaient les souterrains.

Petit à petit, tous s’en vont, emportant les cadavres pour diverses raisons. Caabon attendait en silence. Il lui fallait un moment de recueillement, dans cette salle maintenant vide et libérée. Avant toute chose, il va explorer lui aussi les restes de l’armure, et au milieu des pièces qui composaient ce golem mécanique ayant cherché à le décapiter, disproportionnées pour sa silhouette, il découvre un pourpoint de cuir renforcé de mailles, ainsi qu’une capuche d’une couleur sombre, indéfinissable, qui pourrait aussi bien le protéger des ardeurs du soleil que dissimuler ses traits aux regards, ou protéger son chef des assauts du blizzard en Nosvéris. Des objets simples, de bonne facture, robustes, destinés à le protéger. Il sourit à cette idée.

« Eh bien Martine, il ne nous reste plus qu’à te ramener chez toi. Allons-y, je crois que tu seras contente de retrouver ta famille. »

Avant de tracer une porte sur le mur, elle confie une bourse pleine de pièces d’or et d’argent, qu’elle présente comme la récompense promise au début de l’aventure. Une vraie petite fortune, de quoi s’installer dans n’importe quelle capitale, et ouvrir un commerce, une affaire avec une bonne mise de fond.

Première escale, Bouhen. C’est là qu’ils se séparent, non sans quelques larmes. Le wotongoh observe la petite rentrer chez elle, avant de passer la porte qu’elle a dessiné pour lui vers son ultime destination, là où il lui faut retourner maintenant, retrouver Bahalt, s’assurer que le vieux est encore en vie… Un désert de glace après le désert de neige, et toujours des shaakts.