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Tendue, je scrutais chaque mouvement, même le plus infime, qui aurait eu la possibilité de m'indiquer son état de conscience. De longues secondes s'écoulèrent, lourdes, perturbées uniquement par le son du tissu qu'on déchire. Puis, soudainement, un murmure émergea des lèvres de la blessée et ses mains se serrèrent légèrement sur mes longs serpentins. Un bref élan de soulagement me traversa avant que mon sérieux me revînt. Elle respirait, mais ne semblait pas réellement se rendre compte de ce qui lui arrivait. Je manquai sursauter lorsque l'humaine brune se jeta contre la couchette, implorant la prêtresse de ne pas périr. Elle qui avait l'air si forte et apte à se contrôler venait d'éclater en sanglots. Sa détresse me déstabilisa.
Du regard, je cherchai les bandages qu'elle venait de préparer, mais je ne pouvais pas prendre le risque de lâcher la blessure pour les attraper. J'interpellai alors le sang-pourpre.
"
Snori, les bandages."
Une poignée de secondes s'écoula sans que je perçoive le moindre mouvement, à part sous mes doigts d'écorce comprimant la plaie. Fronçant les sourcils, je jetai un regard par-dessus mon épaule, avisant le jeune humanoïde à crinière rouge, qui regardait la mare sanguine au sol d'un air hébété. Dans le couloir menant à la cabine, l'écho de la voix de Nahöriel tentant de garder nos frères à une certaine distance de la porte était perceptible.
Haussant un peu le ton pour sortir le jeune homme de son état, je l'appelai de nouveau.
"
Snori !"
Cette fois-ci, je parvins à lui faire détacher les yeux du liquide carmin.
"
J'ai besoin de votre aide. Les bandages."
Un peu comme s'il revenait à lui, Snori fit un vif signe de tête et s'approcha pour me donner les morceaux de tissu. Son expression changea quand il vit l'humaine brune dans cet état. Il avait l'air de vouloir dire ou faire quelque chose, mais en était retenu par une étrange force.
Les morceaux de tissu à portée, je posai la main indemne de Leyna, calai son avant-bras meurtri sous mon bras, et ôtai ma cape pour voir la plaie. Son sang coulait toujours, mais à flot moindre. Fusse été de la sève, j'aurais sans doute perdu mes moyens, mais le sang des êtres de chair me désarçonnait beaucoup moins. J'apposai le tissu un peu en aval de la plaie et comprimai avec mes doigts à mesure que je l'enroulai autour de son poignet, en remontant vers son bras. Il me fallait être vigilante. Je voulais ralentir voire arrêter l’hémorragie, pas lui couper la circulation sanguine dans la main. Petit à petit, je relâchais la pression, vérifiant que le bandage tenait, et en ajoutai un à l'horizontal, maintenant l'extrémité de celui utilisé pour faire pression sur la blessure.
Attentive à ce que je faisais, je m'enquis toutefois de l'état de Leyna. Je ne voulais pas brusquer l'humaine, mais j'avais besoin de savoir que ce que je faisais n'était pas inutile.
"
Continuez de lui parler. Il faut qu'elle reprenne ses esprits."
Dans mon dos, le semi-elfe appela le musicien à son tour.
"
Snori, c'est ça ? Viens par là, laisse-leur d'l'air. J'vais avoir b'soin d'ton épaule pour r'gagner ma cabine."
Distraitement, je songeai que Nahö' aurait sans doute pu se débrouiller seul, mais qu'il devait avoir ses raisons pour vouloir éloigner le sang-pourpre.
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