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Un instant fut nécessaire avant d'obtenir des réactions. Ce fut Elias qui brisa le silence, appuyant mon idée d'abordage discret. Mieux encore, chose qui fut appuyée par les dires du grand Iguru, lui tout comme une bonne partie de l'équipage avait séjourné longuement sur le navire. Ils connaissaient le bâtiment et sauraient retrouver Eliwin en un rien de temps. L'obstacle était maintenant de trouver le moyen d'approcher la Laide sans être repérés à des lieues. Plagg intervint à son tour, évoquant la tactique de la vapeur servant à masquer un navire, et qui avait été utilisée dans l'attaque de la veille. La décision semblait être prise quand la question du moral revint assombrir l'atmosphère.

Je jetai un regard à Nahöriel puis à nos camarades, gênée. J'avais beau avoir fait la connaissance de l'équipage lors du banquet, de là à être écoutée convenablement, il y avait un large pas à faire. Ce fut Mazhui qui trancha la question. Nous allions tous faire équipe dans un but commun et ceux qui manquaient du courage nécessaire à cette opération pourraient toujours rallier Oranan à la rame. J'espérais que nous n'aurions pas à en arriver là. À en juger par le comportement des hommes, j'étais plutôt persuadée qu'ils retrouveraient leur fougue du banquet à l'idée d'aller chercher l'homme à la mâchoire métallique.

Je croisai soudain le regard de l'ynorien peu avant de l'entendre. Visiblement, mes capacités particulières me mettaient à la place d'honneur pour cette mission. Mazhui proposa que l'on rassemblât une petite équipe avant de me demander si j'allais en faire partie. Levant ma main enroulée, je fis un signe de tête affirmatif et déterminé.

"Sans la moindre hésitation."

J'étais surprise de mes propres paroles et pourtant c'était le cas. Depuis que j'avais pris conscience de mon autre forme, je me sentais changée, comme si je m'étais éveillée après un long sommeil hivernal. Après avoir ainsi motivé les membres de la Confrérie, cela aurait été indigne de renoncer maintenant. Je plissai les yeux, tentant d'imaginer l'approche. Utiliserions-nous mes seules capacités de nage ou devrions-nous mettre une petite chaloupe à la mer ? L'ancien capitaine n'avait peut-être toujours rien avalé ni pris de repos. Qui sait s'il aurait la force de rejoindre le Masamune à la nage ?

Je secouai la tête, chassant ces pensées. Inutile de se projeter trop loin pour le moment.

"Y'a pas à dire, la mer ça vous change quelqu'un !"

Le semi-elfe esquissa un sourire en me faisant un clin d'oeil malicieux puis il se plaça de profil, regardant tour à tour les présents.

"Si y'a d'la place pour moi, j'en suis aussi. Mais faut pas perdre plus'd'temps. J'vais rassembler les gars sur le pont. Trainez pas trop, hein ? J'suis pas bon en discours."

Avant que la moindre parole supplémentaire eût été prononcée, l'agile demi-elfe sortit en trombe de la cabine, quelques échos de sa voix interpellant des membres de l'équipage présents dans les couloirs. Après son départ rapide, je reportai mon attention sur les humains présents.

"Quelle composition améliorerait les chances de l'équipe selon vous ?"

Je ne voulais laisser personne de côté, mais il était certain que nous allions devoir faire des choix pour mener le sauvetage à son terme.


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Mazhui répondit à ma question sans hésitation : trois personnes. C'était un chiffre qui portait bonheur. Peut-être était-ce lié à l'absence de l'intéressé, mais l'ynorien avoua avoir confiance en ce volontaire de Nahöriel, chose qui me fit incompréhensiblement plaisir. Le troisième membre de notre petite équipe allait être Plagg. L'homme fin était en effet agile, difficile à remarquer, savait nager et connaissait la Laide. Point supplémentaire, il était aussi énergique que mon compagnon semi-elfique. Peu après, tous les présents dans la cabine du capitaine étaient sur le pont, face à l'ensemble de l'équipage attentif.

Sérieuse, j'écoutai Mazhui entamer les explications pour nos frères. Aller récupérer Eliwin en traversant la tempête, chose déjà décidée, et laissant l'opportunité aux moins enthousiastes de quitter le navire. Je pus percevoir les regards incertains des hommes dans le groupe, si ce n'était une réelle peur. Parmi eux, une voix s'éleva, interrogatrice. Le marin voulait connaître la raison pour laquelle nous allions risquer nos peaux et écorce pour l'ancien capitaine. Il s'enquérait aussi de son rapport avec nous, à savoir si l'homme défiguré n'était pas notre ennemi.

Je m'attendais à des réticences, mais mieux valait que les interrogations fusent à cet instant. C'était là le but de la réunion de l'équipage. Après cette demande, je regardai mes voisins, et en particulier Mazhui. J'aurais bien répondu mais je ne savais pas si les hommes étaient au courant de l'échange effectué par l'ynorien. Mieux valait éviter d'en parler tant que l'humain de Nirtim n'avait pas décidé de le faire de lui-même.

Je fis un pas en avant et me préparai à parler avec assez de force pour me faire entendre de tout le groupe.

"Eliwin n'est pas notre ennemi. Un adversaire tout au plus, mais que nous avons déjà su défaire et n'avons plus à redouter."

Un bref instant, je fis appel aux souvenirs de mon échange avec lui, ramenant à mon esprit l'image d'un être dépité mais visiblement concerné par le futur des marins.

"Sa façon de mener le Masamune n'était pas la plus tendre, mais au fond, son cœur est comme le vôtre. Sa force venait du soutien qu'il avait. Seul sur la Laide, il n'est guère plus qu'un homme aux mains d'un individu cruel."

Après avoir jeté un regard en direction de la gorge blessée de Mazhui, je passai mes yeux clairs sur les visages des présents. Je fronçai les sourcils, renforçant la détermination de ma voix.

"Sa façon de penser n'est peut-être pas la meilleure ou la plus subtile... Mais il est toujours un membre de la Confrérie, un de nos frères, et vous en êtes tous conscients. Les malheurs d'un être que l'on hait ne nous affectent pas ou nous font plaisir. Et j'ai bien perçu que vous étiez loin d'être à la fête aujourd'hui."

Je défendais la cause du défiguré le plus honnêtement possible, mais je redoutais de voir mes efforts inutiles. J'étais loin d'être une oratrice expérimentée après tout. Nahöriel s'avança d'un pas à son tour, posa brièvement la main sur mon épaule et me fit un signe de tête approbateur. Il regarda ensuite nos interlocuteurs.

"J'parle pas aussi bien qu'Mytha', mais j'peux vous dire une chose. C'Von Klaash vient d'nous marcher d'ssus avec c't'histoire. Et j'peux vous assurer qu'ça risque de dev'nir une habitude si on l'laisse faire. J'ai pas envie d'le voir s'pointer sur not' trajet d'escorte juste pour nous pourrir la vie, juste parce qu'il pense qu'on fil'ra la queue ent' les pattes. J'peux pas dire que j'veux sauver Eliwin juste pour l'sortir d'là, mais plutôt pour m'prouver qu'la Confrérie c't'une vraie famille. Qu'on peut s'compter d'ssus dans les moments d'malheur."

Le demi-elfe sourit alors d'une oreille à l'autre, lâchant un commentaire assuré.

"Et si ça veut dire filer un bon coup d'genou dans la fierté d'ce requin d'Von Klaash, j'vois pas pourquoi on hésite... À moins qu'z'ayez passé l'balai sur c'qu'il a fait à une bonne partie d'ent' vous ?"

Nahöriel avait beau prétendre ne pas savoir faire de discours, l'entendre mettre son ressenti en avant rendait la chose presque dommage. Je regardai Elias puis Mazhui avant de m'enquérir des expressions de Plagg et d'Iguru. Ma sève pulsait fortement et je faisais au mieux pour ravaler la timidité qui menaçait de poindre.

Ce n'était pas le moment de se laisser dominer par des pensées négatives.


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Mes paroles furent écoutée avec attention, mais je pouvais deviner le doute sur les visages. Cela dura un peu, jusqu'à ce que les paroles du semi-elfe soient entendues. Là, comme s'il avait ravivé des braises dormantes, de nombreuses voix s'élevèrent. Elles étaient offusquées qu'on puisse en penser leurs propriétaires lâches. Parmi le brouhaha ambiant, j'entendis des récits brefs d'exploits passés. L'humiliation de Von Klaash, une chasse aux sirènes qui s'était soldée par une intoxication alimentaire de l'équipage, et l'escalade de gigantesques pics à Nosvéria furent jetées à la figure de Nahöriel, dont le sourire ne faisait que croître davantage. J'ignorais si cela avait été son intention depuis le début, mais l'équipage venait de reprendre vie.

Elias, Iguru et Plagg se joignirent bientôt aux exclamations et rires retentissant sur le pont. Sous mon écorce, tout mon être vibrait de cette unisson retrouvée. Malgré moi, un sourire presque fier se glissa sur mes lèvres. Le plus calme restait cependant Mazhui, mais qui semblait rire discrètement. Il les qualifia amicalement de fous, chose qu'ils auraient pris de leur précédent capitaine. J'eus à peine le temps de songer qu'il devait faire référence à Heartless qu'il s'adressa à moi. J'eus du mal à ne pas arrondir les yeux quand il m'interpella par mon diminutif et me laissa le soin d'annoncer notre direction.

Touchée, un instant confuse de cette confiance ouverte, je fis un signe de tête approbateur et inspirai. Il allait me falloir donner de la voix pour dépasser le bruit ambiant.

"Contente de vous voir de nouveau à flot, messieurs ! Hauts les coeurs ! Nous prenons la direction d'Exech ! La Laide et son capitaine n'ont qu'à bien se tenir !"

Je levai alors le poing bien au-dessus de ma tête, laissant éclater ma toute nouvelle fougue. Jamais auparavant je ne m'étais senti aussi vivante, à ma place.

"Pour la Confrérie !"

"Vive la Confrérie !"

Une bourrasque de vent rejeta ma chevelure végétale sur le côté, me faisant légèrement lever le nez en direction des voiles.

( Puisse le vent demeurer notre allié aussi longtemps que possible. Les prochaines heures risquent fort d'être mouvementées... Mais je ne reculerai pas ! )


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Le Masamune, sous la direction d'Elias, vira de bord. La tension monta d'un cran tandis que Plagg prenait position à la vigie et que l'immense Iguru agrippait les cordages d'une main de fer. La houle fut la première à accueillir le navire, avant-goût de la zone décrite par le doyen des marins. La luminosité chuta, le vent se mit à hurler, faisant concurrence à la voix d'Elias. Aux côtés de Nahöriel, je suivais les ordres à mon niveau. Je n'avais ni l'expérience de mes camarades ni l'agilité du semi-elfe, mais appuyer mes frères en cet instant restait à ma portée. J'aidais ceux qui, dans la précipitation, avaient omis d'attacher leurs lignes de sauvetage à un mât.

Les vagues frappèrent le pont avec violence, trempant le moindre être vivant qui s'y trouvait et manquant renverser certains membres de l'équipage. Entre deux claques données par l'étendue marine, je scrutais l'horizon, cherchant le moindre signe de la fin de ce dangereux périple. Tous à bord luttaient pour garder le Masamune sur sa trajectoire, et j'aidais comme je le pouvais. Le jeu dangereux perdura un court moment aux saveurs d'éternité avant qu'enfin, alors que les bras avaient du mal à se lever encore, le navire s'extirpât des eaux agressives.

Autour de nous, l'équipage épuisé manifestait tout de même sa joie par des bonds, des rires ou des gestes de victoire. Nahöriel se joignit à quelques hommes, tapant dans leurs mains trempées et rougies par le maniement des cordages. Je me rapprochai pour ma part d'Elias qui semblait confiant. Apparemment, la vitesse gagnée par cette traversée nous avait permis de largement dépasser la Laide. La nouvelle m'apaisa quelque peu. Au moins, la prise de risque semblait avoir payé.

À l'avant, là où s'était tenu le banquet, une marmite de belle taille avait été mise à chauffer. Il me fallut quelques instants pour me souvenir que c'était là la suite du plan : la création de la brume pour masquer le bâtiment. Une main se posa sur mon épaule gauche, me faisant tourner la tête vers Nahöriel. Après avoir essuyé une goutte de son nez, il me sourit.

"Ca, c'est c'que j'appelle essuyer un grain ! J'en ai encore l'coeur qui veut sortir d'la poitrine !"

"Je comprends l'idée."

"Héhé ! Bon, on f'rait bien de s'poser un peu. Après tout, y'a une partie du boulot qu'est pas encore faite."

J'acquiesçai et passai le regard sur l'ensemble des présents tandis que le semi-elfe levait le nez vers la vigie. Je me sentais plus proche d'eux que jamais car nous avions affronté un péril ensemble. Mieux, nous l'avions traversé. Je m'adossai au bastingage trempé, secouant mon feuillage humide tout en cherchant des yeux Mazhui. S'il avait participé à la manœuvre, et vue sa carrure, lui aussi devait être fatigué. Je devais aussi me concentrer et calmer les pulsations sous mon écorce.

Le plus difficile, après avoir défié la fureur des éléments, allait venir. Il me fallait retrouver un esprit clair avant cela et rapidement.


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Nul trace de l'ynorien sur le pont, et pour cause. Alors que Plagg, toujours arrimé au nid de corbeau, donnait de la voix pour annoncer un navire, Mazhui émergeait des cabines. D'un côté, cela me soulageait de savoir qu'il n'avait pas été happé par une lame. De l'autre, cela m'amusait presque tant je trouvais stupide l'idée qu'il eût pu participer aux manœuvres. Retrouvant mon sérieux, je me retournai soudain vers l'étendue couverte de brume alors que Plagg nous annonçait que le navire aperçu n'était pas la Laide. Tandis que Nahöriel et moi échangions un regard, l'humain de Nirtim nous annonça qu'il s'agissait du Chasseur des Brisants, le navire qui avait secondé le Masamune lors de l'assaut sur le vaisseau où nous avions été détenus.

Je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il ajouta, comme ayant vu un mirage, le nom de Gallion. J'écarquillai les yeux à mon tour. Gallion Thunderhead ? Vivant ? Comment avait-il fait ? J'étais persuadée l'avoir vu recevoir des carreaux d'arbalète dans la poitrine pendant notre fuite ! Mazhui agita le bras, nous indiquant tout de même de rester sur nos gardes. Le Chasseur allait approcher, et cela signifiait que nous allions peut-être avoir des renforts contre la Laide.

À ma gauche, Nahöriel émit un souffle vexé.

"Juste un coup d'chance ou alors not' couverture brumeuse a des trous."

"Possible. Attendons. La venue de renforts potentiels peut nous amener à changer de tactique concernant la Laide. "

"Oais, sans doute..."

J'observai un instant le visage du semi-elfe. Il avait beau avoir un ton boudeur, son expression n'était pas tout à fait adaptée à ses propos. Faisant appel à mes souvenirs, et décidée à me détendre un peu, je pris une expression neutre.

"Peut-être allons-nous revoir cette jeune prêtresse de Moura d'ici peu, qui sait ?"

"Vraiment ? Tu crois qu'elle y s'ra ?"

Jetant un regard en biais vers le visage semi-elfique, je conservai le silence. Son air vexé avait disparu, et je pouvais lire une certaine attente mêlée d'envie. Soit je me trompais, soit cette jeune personne maudissant au nom de Moura l'avait marqué plus qu'il ne l'avait laissé entendre. Il soutint mes yeux clairs un instant avant de comprendre à mon début de sourire que je le taquinais. Embarrassé, il se gratta l'arrière de la tête puis fit un pas de côté.

"J'vais... J'vais voir comment vont les autres."

"À ta guise."

J'émis un souffle nasal amusé puis reportai mon attention sur le vaisseau approchant. Le plan ne prenait en compte qu'un seul navire pour notre opération. Il allait certainement falloir rapidement improviser une nouvelle stratégie, mais nous devions avant tout voir dans quel état les deux équipages se trouvaient. Le Masamune n'avait aucune chance seul contre la Laide, mais peut-être qu'avec deux groupes...

Enfin, si le Chasseur était bien de notre côté, évidemment.


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Les navires s'unirent finalement, et Galion, suivit d'un groupe de sang-pourpres réticents, s'engagea sur la passerelle ers le Masamune, s'amusant visiblement beaucoup de l'effarement de son ancien équipage. L'ynorien demanda à parler au capitaine, ce qui sembla tout de même perturber le colosse. L'occasion était trop belle pour Leyna, elle allait montrer qu'elle savait faire en imposer !
Enfin, un peu...
Elle s'avança de son pas gracieux, dans sa robe argentée, voile de Yuia cascadant sur ses épaules :

« Alors il va vous falloir prier, car c'est Moura qui nous a menée ici. Mais si vos ambitions sont moins grandes, vous pouvez me parler, car je suis Sa prêtresse. »

Le « s » majuscule était tellement gros qu'il manqua de faire couler la phrase toute entière.

« Je suis Leyna'sëraya de Moura, fille des deux océans, dont le cœur appartient au corail, et qui par trois fois, vainquit le scorpion. »

Elle descendit souplement de la passerelle pour passer devant Galion et se tenir, altière, devant l'ynorien qui semblait maintenant diriger le Masamune.

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Le Chasseur s'approcha, permettant à Gallion Thunderhead de rejoindre notre pont. J'avais encore du mal à y croire, mais il était bel et bien vivant. Et entouré de ces êtres dits sang-pourpres, à la méfiance visible. Loin de s'en soucier, le colosse perdu émit un rire particulier à plusieurs reprises, annonçant que Moura devait l'apprécier, puis s'enquérant de ce qui nous amenait ici. Tandis que Nahöriel et moi nous avancions auprès de Mazhui, celui-ci coupa court à la conversation, voulant s'entretenir avec le capitaine du Chasseur des Brisants. Contre toute attente, et chose qui sembla momentanément intimider mon camarade semi-elfique, ce fut la jeune prêtresse de Moura qui se présenta comme telle. Ou plutôt, elle mettait la venue de ce navire sur le compte de la volonté de la Déesse. J'appris ensuite son nom : Leyna'sëraya, sans bien comprendre où elle voulait en venir par la suite. L'histoire du corail et du scorpion était un peu trop imagée pour que mon esprit, récemment empli de pragmatisme, ne s'y attarde.

Suivie par le demi-elfe, je demeurai un pas en arrière de l'ynorien et fit un signe de tête respectueux envers la jeune femme. Après tout, elle avait quand même contribué à notre sauvetage. Je jetai ensuite un regard vers Mazhui puis vers la vigie. Je m'attendais à percevoir la voix de Plagg d'ici peu, et cela me rendait quelque peu nerveuse. Nahöriel vint à ma hauteur et se désigna du pouce. Quelque chose dans son attitude semblait peu naturel.

"J'm'appelle Nahöriel et voilà Mythanorië. Content de te... Vous... Enfin de s'revoir, quoi."

Je déroulai mes doigts et lui tapotai amicalement le dos avant de reprendre mon sérieux.

"Remettons les détails à plus tard. Il me semble que nous avons plus urgent à faire."

Sur ce, je reportai de nouveau mon attention sur l'ynorien. J'étais prête à l'épauler s'il le fallait, même si je doutais qu'il ne menât son entretien avec la jeune femme à la robe argentée au milieu de l'équipage.


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Les pirates semblaient ne pas trop savoir comment réagir à sa prestation, mais elle n'en avait cure. Cependant, elle revit la créature-arbre et le jeune semi-elfe. Ce dernier, un peu perturbé, précisa qu'il s'appelait Nahöriel et son compagnon (ou sa compagne ? ) s'appelait Mythanorië. Ce dernier rappela d'une voix étrange qu'ils étaient pressés par quelque urgence, s'en remettant visiblement à leur compagnon ynorien. Leyna salua d'un bref mouvement de tête.

« Que la bénédiction de Moura soit sur toi, petit frère, et son ton étrange ami. »

L'ynorien la salua poliment à son tour, ils se souvenaient tous d'elle et de son aide dans leur libération. Il expliqua qu'il se préparait à capturer quelque gros poisson. Galion, intrigué, demanda de quel genre il s'agissait.

« Von Klaash » répondit l'homme.

Galion jura avec une spontanéité telle qu'il ne faisait aucun doute qu'il était impressionné. Les sang-pourpres se mirent à murmurer d'un air inquiet. Leyna ignorait qui était cet homme, mais il semblait redouté. Dans quelle affaire s'était-elle encore fourrée ?

« Un poisson trop grand pour nous, poursuivit l'ynorien, c'est pour cette raison que nous guettons dans le brouillard. Nous devons libérer un des nôtres. Cette affaire ne concerne pas le Chasseur de Brisants, je suis désolé mais je crois que nous allons devoir nous dire adieu. Il pourrait surgir d'une minute à l'autre et je crains que même les forces combinées du Masamune et du Chasseur soient insuffisantes pour lui faire face. »

Il conclut néanmoins qu'elle devait suivre l'avis de sa déesse, ce qui flatta la jeune femme. Mais elle était décidée à démontrer sa force à l'équipage.

« Point ne reculerait devant l'épreuve. Mais le trait qui perça Thunderhead était déjà l'annonce de la colère de la déesse. Nous avons abordé avec vous votre ennemi, mais vous avez fuit avant la fin du combat ! Pas trop, certes, et rien de fâcheux ne nous est arrivé, sans cela, j'aurais déjà ordonné de vous envoyer par le fond ! »

Elle sentait de nouveau la colère brûlante monter en elle, mais elle s'efforça de la contenir. Non ! Elle ne céderait jamais à un vulgaire caillou, même s'il avait volé son âme... Elle poursuivit plus calmement :

« Comprenez bien que je n'ai rien contre vous à titre personnel. Mais comme vous l'avez dit, cela ne nous concerne pas. Ce sera à la déesse de juger aujourd'hui si votre valeur mérite que vous viviez. »

Elle se tourna vers Thunderhead.

« Bien qu'il m'en coûte, je suis obligé d'admettre que c'est Sa volonté que vous preniez part au jugement qui attend le Masamune. Vous devez nous quitter ici. »

Les sang-pourpres murmuraient. Plusieurs, dont Saryon, s'étaient approchés du bastingage, et ils semblaient impressionnés par sa conviction et sa clairvoyance dans la volonté de la déesse. Au moins, elle avait accompli cela, même si elle regrettait de devoir abandonner ces gens. Elle était bien placée, hélas, pour savoir que le jugement de la déesse était parfois dur.