Le milicien ne s'était pas trompé, à quelques pas de la milice se trouvait un bâtiment ecclésiastique dénoué de tout ornement. Des murs de pierres anciens servaient de demeure aux forces de Yuimen de cette ville humaine, sans doute érigés au moment même où les hommes avaient colonisé ces terres. Je m'approchai du portail ouvert, laissant pénétrer les pèlerins en détresse en quête de renouveau tels que moi. Je pénétrai donc dans ce sanctuaire où la magie devait être monnaie courante, laissant tomber mes a priori sur ces forces divines que je connaissais si mal. Des plantes étranges, parsemées de quelques fleurs peuplées cet immense jardin où les prêtres cultivaient leurs aromates pour concocter des filtres qui me permettraient de soigner Santias ! Je me dépêchai, m'approchant des portes du temple dans cet univers boisé où les fragrances s'entrechoquaient dans une danse lyrique qui aurait pu m'inspirer une mélodie digne de ce nom. Pourtant, la fatigue et la douleur m'empêcheraient de créer quelque chose de poétique et d'intéressant pour le moment...
(En espérant que cela ne dure pas trop longtemps.)
Je grimpai les escaliers qui m'emporteraient vers un tout autre univers où je désirais trouver un puissant réconfort. Mais, cela était plus dur que je ne l'aurais cru étant donné que mes courbatures se réveillèrent, m'attaquant de leurs forces malsaines et impures, m'empêchant de faire des mouvements trop brusques, ce qui n'était pas plus mal vu que les prêtres ne devaient pas vraiment avoir envie de s'occuper de personnes trop violentes et bruyantes. Toutefois, dès que je fus en haut des marches, une sensation de victoire m'envahit, me laissant dans un océan de bonheur, j'étais enfin près de mon but premier : soigner Santias ! Je poussais donc la porte, avançant calmement dans une petite pièce où un humain emmitouflé dans sa cape se dirigea vers moi : «Bonjour messire Elfe, pour entrer dans le temple vous devez me laisser vos armes.» me lança-t-il un sourire aux lèvres.
Il n'y avait pas à dire, ils avaient peur de se faire agresser ! Mais, je pouvais comprendre leurs inquiétudes, cette ville était peuplée de nombreux vagabonds alors pourquoi risquer de se faire tuer bêtement ? Mais, cela était à double tranchant : comment se défendre si jamais une créature aussi puissante que la Cornue ou le Marionnettiste parvenait à pénétrer le temple ? Avec de la chance les prêtres possédaient des dons équivalents, mais si ce n'était pas le cas ? Là était tout le problème et cela m'ennuyait terriblement. Évidemment, ce n'étaient pas les hommes d'Église qui s'en prendraient aux voyageurs, bien que cela leur permettrait de s'enrichir à une vitesse phénoménale...
(Cesse d'être mauvaise langue, tout ce qu'il demande c'est d'être en paix !)
Je me mis donc en quête de toutes mes armes, à commencer par ma dague et l'épée dentelée que je venais tout juste d'acquérir. Ensuite, je me mis à fouiller dans mon sac, posant tout d'abord Santias sur le sol pour ne pas le blesser par mégarde, puis, je récupérai mes gants armés et mon sécateur que je déposai avec les autres. Pour finir je retirai l'arc que j'avais mis en bandoulière pour ne pas qu'il me dérange lors d'éventuels combats. L'humain regardait alternativement mon visage et les armes comme si j'étais une sorte de mercenaire prêt à tuer tous les êtres qui se trouvaient sur mon chemin. Bon, il était clair que je ne m'étais pas rendu compte que la moitié de mon équipement était constitué d'armes diverses et variées. «Je suis moi-même surpris, je ne pensais avoir autant d'armes mortelles... Mais, je reviens de quête et je pense me séparer rapidement de certains objets. - Cela ne me regarde pas, puis il continua sur un ton plus chaleureux, vous désirez ? - La raison de ma venue est mon chat, il a subi quelques désagréments au cours de l'aventure.»
Mes yeux commencèrent à se noyer dans un océan de désespoir en voyant mon cher et tendre matou dans cet état. Pourquoi ne l'avais-je pas laissé à la Cité, en sécurité ? Il ne lui aurait rien arrivé ! Tout ça est de ma faute, tout comme la mort d'Ergoth et de toutes les personnes qui m'ont toujours été chères. J'étais un véritable chat noir, attirant les foudres du trépas sur les personnes qui m'entouraient, comment résoudre ce problème ? Comment vaincre cette malédiction qui me consumait à petit feu ? J'espérais trouver des réponses à l'intérieur de ces murs sacrés, priant au fond de moi pour rencontrer une puissance salvatrice. «Ne vous inquiétez pas, s'il est toujours vivant nous devons être en mesure d'accomplir des miracles ! Suivez-moi, je vais vous amener voir une personne un peu plus compétente. - Vous pensez qu'il ira mieux ? - Je ne pense pas, j'en suis certain ! Allez, ne vous faites pas de soucis.»
Pourvu qu'il dise vrai, je ne me remettrais pas de ses paroles si jamais il me mentait. Néanmoins, une petite flamme d'espoir s'alluma dans mon cœur, autant d'hommes sacrés devaient posséder la force nécessaire pour aider mon pauvre petit Santias. Je pénétrai donc dans le temple à proprement parler, me laissant rapidement apaiser par les pulsations bénéfiques qui régnaient dans ce bâtiment. Mon esprit se vida de toute mauvaise pensée comme si un être supérieur avait pris le contrôle de mes émotions. Pourtant, je pouvais toujours réfléchir, avoir accès à mes recoins cachés... Tout ceci était étrange et surprenant, le monde de la magie m'était encore tant méconnu ! Enfin, pour l'instant, je n'avais qu'un seul objectif en tête, et je comptais bien passer à l'action le plus rapidement possible. Suivant l'homme en bure, je regardai attentivement les murs qui m'entouraient, ils étaient évidemment antiques, mais regorgeaient d'une puissance légitime, représentant une sorte de domaine indestructible à mes yeux.
(Au moins ici je suis en sécurité, aucune créature sortie des enfers ne viendra m'ennuyer.)
Finalement, nous arrivâmes devant un homme, pas vraiment âgé et même plutôt jeune, à vrai dire, il ne devait pas avoir plus de trente ans. Il n'avait peut-être pas l'air de regorger de richesse, ce qui était bien entendu normal vu sa vocation, néanmoins, il imposait une sagesse à la fois réconfortante et terrifiante. Ses cheveux étaient coupés en brosse et rien que cela lui donnait déjà un côté militaire. En plus de ça, il possédait un regard alerte qui me reluquait de haut en bas, tentant sans aucun doute de déterminer mon espèce, bien que cela soit plutôt évident. Pour couronner cet aspect de soldat, il portait une sorte de toge verdâtre renforcée par des plaques de métal. Était-ce un prêtre ou un rôdeur tel que moi qui venait visiter la région ? En tout cas, il avait plus l'air d'un mercenaire que d'un prêtre ! «Hémisos, je vous amène un patient ! - Ah ! Enfin un peu d'action, je commençais à m'ennuyer, à croire que tous les habitants de cette cité sont en pleine forme ! Où avez-vous mal messire elfe ?»
Surpris par cette question je ne sus que répondre, d'ailleurs, je n'aurais jamais cru que cet humain était une sorte de soigneur qui proposait ses services à n'importe qui... Mais, une chose était certaine, je me sentais en pleine forme ! Comment lui annoncer qu'il allait devoir guérir un chat ? Même si ce n'était pas n'importe quel matou bien évidemment vu qu'il m'appartenait ! «Heu... C'est-à-dire que je me sens bien. - Mais, non tu n'y es pas du tout ! C'est son chat qui est en piteux état regarde la pauvre bête. - Je me disais bien qu'il y avait quelque chose derrière tout ça, cet elfe ne me paraissait pas en mauvaise santé, bien qu'il devrait sans doute faire un peu plus attention à son corps, ses muscles ont l'air tout tétanisés. Reposez-vous mon ami ! Je vais m'occuper de votre chat, ça me fera passer le temps. Allez, n'ayez pas peur donnez-le moi, vous verrez je fais des miracles ! - Puis-je rester avec vous ? - Non. J'ai mes petits secrets que je préfèrerai ne pas dévoiler aux grands jours. Mais, ne vous en faites pas, je ne lui ferai pas de mal ! - Venez messire elfe, je vous amène au réfectoire, vous semblez affamé ! - Oui, c'est vrai que je n'ai pas mangé depuis un certain temps, les événements récents ont fait que je n'ai pas eu une minute à moi...»
Partant dans les entrailles de ce temple, je suivis mon guide vers un bon petit repas ! Il était vrai que je n'avais plus pensé à ma faim, tout s'était enchaîné si vite que j'en avais oublié les priorités premières. Cependant, il me restait toujours une petite boule au ventre qui m'empêcherait sans nul doute de combler le petit creux qui me tourmentait encore. En effet, l'idée de savoir Santias dans les bras d'un inconnu qui possédait apparemment des dons magiques ne me rassurait guère. Mais, dans tous les cas, je n'avais pas vraiment le choix, c'était le seul moyen de récupérer mon matou en vie, je lui devais bien ça.
Une fois arrivée au réfectoire, je pus apercevoir quelques prêtres dans des tuniques toujours très proches de la nature. Elles étaient en général soit marrons, soit beiges, soit vertes et bien entendu chacune des ces couleurs se déclinaient sous toutes leurs teintes. Mais, une personne attira plus mon attention que les autres, c'était un humain aux cheveux châtains qui portaient des vêtements lie de vin. Il jurait un petit peu par rapport aux autres prêtres et selon moi, ce jeune homme ne devait pas avoir choisi le même chemin que tous ces ascètes. «Allez-y asseyez-vous, je vais vous chercher quelque chose à manger. Au fait, comment vous appelez-vous ? - Oh, c'est vrai j'ai complètement oublié de me présenter, je me prénomme Dôraliës et je viens de Lùinwë, mais j'ai fait un petit voyage en mer récemment... - Nous en parlerons à mon retour si vous le désirez.»
Attendant un des gardiens du temple, je me remis à penser à toutes les épreuves que j'avais vécu et je devais bien avouer que tout ceci m'aura montré ô combien j'étais fragile. Avant d'entreprendre un nouveau voyage vers des contrées perdues, j'allais devoir acquérir un certain talent et développer mes capacités de combat. Je ne pouvais me permettre de mourir alors que j'avais tellement de choses à vivre ! Mais, quelque chose me sortit de mes réflexions, une sorte d'intuition ou plutôt un grésillement dans mon esprit. Ceci était tout à fait étrange, je sentis tout d'abord une résonance dans ma tête, puis une voix masculine.
(Viens voir, il y a un nouveau.)
Soit j'étais complètement fou et j'entendais des voix, soit une personne s'était immiscée dans mon esprit par mégarde. Je devais avoir un air de demeuré vu que je me mis à regarder dans tous les sens, effrayé par ces mots qui ne me concernaient sans doute pas.
(Hé ! Tu pourrais répondre quand même !)
Oui, il était clair que tout ceci ne m'était pas destiné, les humains étaient peut-être plus rustres que les elfes, mais quand même, ils ne faisaient pas preuve d'une telle impolitesse. Quitte à être fou autant lui répondre, si tant est que cela soit possible.
(Heu... Oui, mais qui êtes-vous ?) (... Elric ?) (Non, c'est Dôraliës.) (Dôraliës ?) (Oui, je suis un elfe bleu et je me trouve au temple de Yuimen.) «Quoi ?!»
À quelques mètres de moi, le jeune homme dans sa robe lie de vin venait de faire un bond et me regardait d'un air déconfit. Apparemment c'était lui qui avait osé braver mes pensées, se trompant sans doute dans le sort qu'il venait de lancer. Au fur et à mesure que je côtoyais la magie, je me rendais compte que cette science était tout sauf précise. Enfin ! Tant que je n'étais pas la cible de sortilèges mortels, je n'avais pas à me plaindre, cela me faisait même plutôt rire, vu son visage rempli de surprise, il ne s'attendait pas à ce que je puisse l'entendre. «C'est donc vous ! J'ai cru un instant que j'étais devenu fou... - Excusez-moi, j'ignorais que vous étiez un shaman et je dois dire que je ne maîtrise pas bien ce sort, j'ai dû capter votre esprit au lieu de celui d'Elric. - Un shaman ? Non, vous devez faire erreur, je ne suis qu'un simple aventurier, enfin, j'essaie de l'être en tout cas... - Ah bon j'ignorais que ce sort pouvait être utilisé sur d'autres personnes que les shamans, ça montre à quel point je suis nul en la matière. - Je vois que vous avez fait connaissance ! - En fait, il a capté mon appel, j'étais surpris, je croyais que cela ne fonctionnait qu'avec des shamans. - Normalement, c'est le cas... Messire Dôraliës êtes-vous sûr de ne pas disposer de dons shamaniques ? - Certain, moi et la magie ne nous comprenons pas j'ai l'impression. - Cela n'a rien à voir... Donnez-moi vos mains.»
Avec la chance que j'avais, cet homme allait sûrement me jeter un sort qui allait me transformer en flaque de chair et de sang... J'en avais marre de tout ceci, j'étais simplement venu ici pour faire soigner Santias et retrouver un peu de ma paix intérieure et voilà qu'un prêtre voulait me transformer en cobaye de je ne savais quelle expérience macabre. Néanmoins, je n'avais pas vraiment le choix, je n'étais pas en terrain ami et devais bien accepter cette nouvelle épreuve. Tendant mes mains au gardien du temple, je l'aperçus poser les siennes sur les miennes et se concentrer comme le faisait Silmeï ou notre capitaine avant de jeter un sortilège. Olala ! Pourvu qu'il ne me transforme pas en statue de pierre, j'aurais l'air malin ! Et puis, je n'avais pas envie de devenir une des décorations du temple ! Mais, il n'en fut rien, je sentis un tout petit picotement au niveau de la paume de ma main droite, suivi d'une petite vibration dans la trame de l'atmosphère. Et tout à coup, le gardien revient à lui, le visage irradiant de joie : «Mais, c'est fantastique ! Vous ignoriez donc que vous pouvez user de magie ! Vous avez bien fait de venir au temple et toi Méta tu as bien fait d'utiliser ton sort, sinon il n'aurait peut-être jamais su qu'il possédait ces pouvoirs de shaman ! - Oui, enfin, ça montre à quel point je ne maîtrise pas ce sort et je dois bien avouer que cela me désespère plus qu'autre chose...»
L'un semblait ravi au plus haut point quant à ce Méta, il avait plutôt l'air déçu de ne pas avoir pu contacter son ami Elric. Moi de mon côté, je ne comprenais pas réellement ce que tout ceci signifiait et j'étais même horrifié de l'issue que cela impliquait : Dôraliës le monstre de cirque aux forces magiques... Oh non ! Il était hors de question qu'il fasse de moi ce que je n'étais pas et j'allais devoir trouver de bons arguments pour me défendre : «Impossible, je viens de partir dans une aventure où j'ai risqué ma vie et plusieurs mages et créatures magiques très puissantes étaient présentes. Comment se fait-il qu'ils n'aient pas détecté ces «dons» si vraiment j'en avais ? - Ceci est très simple, elle est tellement peu développée que même moi je ne l'ai pas détectée à votre entrée dans le temple, mais vous ne pouvez nier que deux preuves sont tout de même incontestables. D'abord le sort de Méta, et bien qu'il soit très sympathique, il ne dispose pas de la magie nécessaire pour lire dans vos pensées. - Enfoncez bien le clou... - Ce n'est pas grave, il faut que tu t'entraînes encore une peu. Et puis, cette infime partie de vous qui est liée à la magie. Non, il n'y a aucun doute là-dessus ! Il va falloir s'entraîner Dôraliës ! - Et si je ne le veux pas ? - Hé bien nous vous séquestrerons jusqu'à ce que vous acceptiez !»
Me séquestrer ? Moi ? Ils pouvaient toujours essayer, jamais je ne me laisserais faire par une bande de prêtres gâteux et puis, ils n'avaient de toute façon pas le droit de me retenir contre mon gré, cela devait sans doute être contraire à leurs nombreux principes ! Cependant à la tête d'enterrement que je devais faire, le gardien du temple se mit à pouffer minablement : «Mais non, je plaisantais ! Mais soyez sûr que cela ne pourra vous faire que du bien ! N'aimeriez-vous pas contrôler la noble magie de Yuimen ?»
Il était vrai que l'idée semblait alléchante, je m'étais toujours dit que si je pouvais apprendre à maîtriser la magie cela m'aurait fait plaisir et cette fois-ci j'en avais le choix, alors pourquoi me plaindre ? Était-ce la peur de l'inconnu ? Ou simplement le fait de craindre de changer pour devenir une personne que je n'étais pas ? Dans les deux cas, je n'avais aucune raison de refuser une telle opportunité et puis, les personnes possédant de la magie semblaient être beaucoup plus respectées que le commun profane des mortels.
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Maître musicien pour vous servir...
Dernière édition par Dôraliës le Ven 23 Juil 2010 14:12, édité 2 fois.
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