Raser les murs, se cacher dans les coins sombres, se fondre dans la masse. Halkmir connaissait bien tout ça, et cela lui fut utile quand il se mis à suivre le capitaine de la milice à travers les rues de Kendra Kâr. Il parut soulagé quand ils arrivèrent enfin chez elle et se cacha non loin pour souffler. La journée avait été forte en émotion. Il y avait eu cette filature, certes, mais le plus mouvementé fut surement comment il s'y était pris pour en apprendre plus sur sa cible dont il ne connaissait ce matin que le titre...
Il est des moments dans la vie où, peu importe ce qu'on a pu déjà pu vivre de glorieux et valorisant, on se sent tout petit. Seul face aux portes du siège de la milice Kendrane, Halkmir se sentait en plein dans l'un de ces moments.
« un peu comme une fourmis, pensa t'il tout haut, qui doit grimper un arbre...En feu.. couvert de ronce... »
« Qu'est ce que tu dis, gamin? »
Le petit mage eu un sursaut quand l'un des deux gardes se tenant aux portes le ramena à la réalité.
« Euh.. rien m'sieur...excusez moi.. »
Sur ces mots, le garçon préféra filer. Même s'il n’était pas un grand criminel, il se savait plus ou moins recherché pour le feu qu'il avait allumé sur l'une des tours de la ville, lors de son apprentissage. Mais il n'avait guère d'autre choix que de se frotter de près aux autorités pour sa mission. Récupérer La clé du capitaine de la milice risquait d'être bien plus laborieux que ce qu'on avait exigé de lui jusque là. Pour réfléchir, il erra un petit moment autour du bâtiment. Pulinn avait raison, tenter quoi que ce soit pour voler la clé à l’intérieur même du siège relèverai du suicide, même pour un voleur habile. Alors pour un gamin des rues passionné de magie... La solution était donc d'attendre que le capitaine sorte et soit en position de faiblesse... Seulement Halkmir ne savait rien de cet individu, même pas son nom, seulement son grade. Il lui fallait donc tout d'abord se renseigner.
Par chance, à ce moment, il pu voir de loin les grandes portes, devant lesquelles il était planté plus tôt, s'ouvrir pour qu'en jaillisse un bougre. Maigrelet, l'air malade et en haillons... Manifestement pas le capitaine songea Halkmir en l'ignorant dans un premier temps. Puis, après réflexion, Il se dit qu'un pouilleux qui a visité le siège, même si c'est un pouilleux, pouvait lui être utile... Alors que le bougre commençait à déambuler dans les rues de Kendra Kâr, il le suivit...
Rapidement, il se rendit compte que l'homme paraissait mal à l'aise, voir nerveux, jetant des regards sombre un peu partout, s’écartant exagérément du reste des passants. De toute évidence, il craignait quelque chose...
Sans crier gare, il se jette alors à toute allure dans une ruelle. . Halkmir pesta. Était ce lui qu'il fuyait? Sans vraiment réfléchir, il le suivit. Tout ceci l’éloignait quelque peu de sa mission, mais il avait la conviction que ce serait intéressant...
Finalement, l'homme se cacha dans une baraque, pas bien loin du siège de la milice. Sa course n'avait duré qu'un instant, mais n'avait plus de souffle, suait à grosse goute et semblait exténué. Plaqué contre le mur, près de l'entrée, il guettait cette dernière avec anxiété.
« ...c'est pas moi que vous fuyez, j'espère? »
Pendant un instant, le fuyard eu très froid, puis très chaud, puis cru que son cœur s’était arrêté, avant qu'un puissant flot d’adrénaline ne lui inspire un majestueux sursaut accompagné d'un cri aigu, tandis qu'il se tournait vers le petit mage qui avait pris soin de prendre la porte pour entrer histoire de ne pas prendre un coup maladroit.
« V..vous êtes qui, vous!? Vous me voulez quoi!? »
Le pauvre, totalement paniqué, peinant à se faire comprendre.
« Oui.. donc c'est pas moi..je voulais savoir si vous aviez croisé le capitaine de la garde, récemment? »
Face à cet improbable petit lutin qui se dressait devant lui en posant une toute aussi improbable question, le fuyard demeura d'abord figé, silencieux, avant d'enfin lâcher ce qui lui montait dans la gorge.
« Mais tu es qui toi, à la fin? Tu vois pas que je suis occupé!? Fiche le camp, gamin! »
Un son résonna dans la ruelle d'où ils venaient. L'ancien détenu paru alors se liquéfier, se pressant contre le mur comme s'il voulait se fondre dedans. Pendant ce temps, le petit mage restait là, planté près de l'entrée, bien en vue, au grand désespoir de l'homme.
« Mais cache toi, crétin! Tu va l'attirer! »
Le garçon voulu faire preuve d'autorité. Après tout, ici il était un jeune mage au service de Pulinn, pas un gamin des rues à la recherche d'un quignon de pain.
« Vous n'avez pas répondu à ma question! »
C'est alors qu'une voix rocailleuse retentit dans l'entrée.
« Je dérange, peut être? »
Halkmir se tourna vers le propriétaire de cette voix. En contrejour, il ne vit qu'une massive silhouette a l'air menaçante.
« Ho.. j'imagine que c'est ça que vous vouliez fuir... »
C'est plus ou moins tout ce que pu exprimer le jeune garçon avant qu'un poing dont la taille et la texture évoquaient un pavé ne le propulse franchement au pays des songes. Il se réveilla un peu plus tard, tassé au fond de la pièce. La brute lui tournait le dos, s'occupant avec attention du pauvre fugitif à coup de ..pavés. Drôle de bonhomme pour une brute. De forte corpulence, la peau sombre, il arborait une tenue presque aussi extravagante que lui. Ce qui marqua le petit mage, c'est l'imposante outre qui pendant à sa ceinture. A cet instant d'ailleurs, il cessa de malmener sa proie e s'empara dudit recopiant pour boire quelques gorgées de son contenu, histoire de s'humecter le gosier pour s'exprimer après tant d'effort.
« Bon alors, grogna le mastoc, t'es d'humeur à parler, maintenant? Où bien faut que je remette ça? »
A la manière dont il tremblotait et pleurait, et vu son visage tuméfié et sanguinolent, il a manifestement remis ça un certain nombre de fois pendant qu'Halkmir « sommeillait ». A bout de force, terrifié, le pauvre se mis à gémir un long monologue sur diverses cachettes d'or, les noms de complices en fuites, de traitres, ainsi qu'une description détaillée d'Erwen, la jeune capitaine de la milice Kendrâne...
« Hein? Pourquoi tu me parle du capitaine? »
La grosse brute s’étonna. A ce moment, Halkmir se releva et dépoussiéra un peu sa tenue.
« C'est pour moi qu'il dit ça...je crois que vous l'avez un peu embrouillé avec vos grosses claques.. » Quand le colosse se tourna vers lui, le petit mage réalisa qu'il aurait été plus judicieux de rester « mort ».
Parmi les choses en lesquelles Halkmir a toujours eu confiance, il y a son instinct, qui l'a toujours gratifié d'intuition et de réflexes qui l'ont mainte fois sauvé de fins aussi douloureuses que ..définitives. Cette fois encore, alors que l'ombre de la brute le recouvrait et que ce dernier allaient lui envoyer un nouveau poing en plein figure, le bras du jeune mage se leva de lui même, jusqu'à ce que ses doigts se tiennent tendus vers l’énorme outre à la ceinture de son agresseur.. La magie fit le reste.
On a pas réellement conscience d’à quel point tavernier est un métier à risque tant qu'on a pas été opposé à deux choses : un grosse brute ivre en colère, bien décidée à vous encastrer la tête dans le mur, et à l'impressionnante vitesse avec laquelle un immonde tord boyaux ayant macéré trop longtemps dans son récipient peut devenir un puissant explosif. Quand le jeune garçon sortis de la maison à toute allure, laissant derrière lui son tortionnaire, en feu et beuglant de douleur en se roulant par terre, et le fugitif, figé, outré, en observant ce triste spectacle, quelque chose dans sa tête lui murmura qu'il était prêt à gérer un établissement de distribution de boisson et l'en félicita...
Au moins, songea t'il, il a eu les renseignement qu'il voulait..C'est ainsi qu'il retourna au siège de la milice, attendant la capitaine pour une filature...
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