(((avant)))Je sors de la boutique la tête pleine de réflexions. Alors, ça existe les elfes avec la peau noire comme celle des Hafiz. Je note deux différences manifestes entre les deux types de créatures, les shaakts, comme tout elfe, ont les oreilles pointues; puis les cheveux, ceux des Hafiz sont sombres comme leur peau, ceux des shaakts sont blancs comme la neige.
Suivant la direction indiquée par l'elfe, je parviens en effet à une artère plus importante, celle qui devrait me mener droit vers la taverne du paladin. Heureuse de marcher dans une grande ville et de découvrir des choses intéressantes, je sors la flûte de mon maître et commence à jouer un air gai, typique de ceux qu'on trouve chez les elfes gris. La musique m'envoute moi-même, et ce n'est pas l'état relativement délabré de certains bâtiments, portant les traces du temps et d'une catastrophe qui va stopper ma joie.
Par contre, le bâtiment qui semble vouloir s'effondrer n'importe quand avec ses briques qui commencer à tomber quand souffle une rafale assez forte et la petite fille en-dessous, insouciante, jouant avec la terre, la poussière et les cailloux, en sont totalement capables. Une fausse note, stridente, sort d'ailleurs de mon flutiaux. Loin de ressentir la joie, c'est juste un immense vide que je ne saurais nommer qui m'envahit. Je ressens rien, juste rien. Il faut que je fasse quelque chose, mais quoi ? Je suis trop loin et mes pattes ne suffiront jamais à atteindre la fille avant qu'il lui arrive un malheur.Mon esprit part au galop, cherchant une idée géniale pour l'aider d'une manière ou d'une autre.
Pour ajouter une dose de stress à la situation, une brique vient justement de se détacher du toit et, si je ne me trompe pas, elle descend droit vers la fillette. Le temps semble s'allonger tandis que je regarde cette brique tomber. Prise de cours et d'un réflexe, je souffle dans ma flûte le plus fort que je peux, pour l'avertir. La gamine me regarde en riant, retournant à son jeu, elle ne m'a pas compris. J'ai l'impression que mon coeur magique bat bien plus vite que d'habitude, irradiant mon corps d'une nouvelle énergie qui pourtant semble paralyser mes muscles principaux dans ce cas : ceux de mes jambes.
Seuls mes bras semblent vouloir se mouvoir et je me rappelle mon maître qui me disait que cette flûte de cristal était magique, qu'elle m'aiderait quand le moment serait venus, il fallait juste trouver la bonne mélodie. Mais comment trouver une mélodie juste quand la vie d'une personne est en danger. Tentant le tout pour le tout, je souffle à nouveau dans mon instrument et laisse mes doigts agir comme ils veulent. Soudain, sur un alignement de trois notes -mi, la, sol-, la pierre semble s'être arrêtée. Cela n'a duré que quelques centièmes de secondes, mais le fait est bien là. Y voyant un signe, ou plus simplement une chance à saisir, je réessaye ces trois notes une nouvelle fois et à nouveau la pierre s'arrête, il lui reste moins de deux mètres avant d'atteindre la fille et ce coup-ci, je décide de ne pas relâcher ma musique.
J'avance donc, maintenant le chant de ma flûte tout en alternant les trois notes invariablement dans une rapide rhapsodie. La pierre semble vouloir se maintenir, mais la fille ne se doute toujours pas du danger... J'ignore ce que je vais bien pouvoir faire, ni comment je vais pouvoir le faire. Mais cet étrange pouvoir sorti de nulle part semble tomber à point. Ou plutôt éviter de faire tomber, ce qui m'arrange bien mieux. J'avance donc, pas à pas, ne lâchant pas la pierre des yeux, ni la flûte des doigts.
Arrivée à un mètre à peine de la fille, je cesse la musique et saute sur la demoiselle pour la mettre à l'abri de la brique qui heurte le sol, sa brisant sur les pavés, à l'endroit précis où se trouvait la gamine à peine quelques secondes avant le bond.
La fille se met à hurler de toute sa voix. Je m'en écarte, éperdue, ne comprenant pas sa réaction. Une humaine, vu les oreilles et la grosseur des traits, se précipite et prend la môme dans ses bras. Je suis entrain de ramasser mon instrument de musique quand j'entends une voix, emprunte de violence derrière moi :
"Qu'est-ce que vous avez fait à ma gosse ?"Je m'interromps dans mon action, en réalisant que c'est à moi que cette mégère parle. A moitié accroupie, je la regarde, battant des oreilles, ne comprenant pas sa réaction. Je n'ai rien fait de mal pourtant.
"Et d'abord, qu'est-ce que vous êtes ?""Je suis une aniathy. J'ai aidé votre fille!""Ouais, foutez-le camp! Vous êtes encore une de ces enfants woran qui aggressent nos mômes. Barrez-vous avant que j'appelle la milice!""Mais maman!""Toi tu l'as fermes !""Besoin d'aide, madame ?"Il manque plus que ça, un soldat, un milicien manifestement, un de ceux que la garce menaçait d'appeler quelques secondes plus tôt.
"Cette woran a agressé ma fille!"J'achève de ramasser ma flûte et me redresse, décalant mes cheveux d'un mouvement de la main libre.
"Est-ce que j'ai l'air d'une woran peut-être ?""D'une humoran à la limite. Mais pas d'une woran, vous n'en avez pas les pattes, puis les cheveux sont rares dans cette espèce.""Qu'elle soit une woran ou une humoran, ça change quoi. Ca reste une engeance maudite qui vient juste pour dévorer nos petits !"J'incline la tête, cherchant à comprendre tous les termes de la discussion. Certains mots m'échappent dans la conversation et ne jouent pas en ma faveur.
"Je suis une aniathy, pas une humoran. J'ai sauvé cette petite."Comme pour confirmer mes dires, de nouvelles briques tombent de la maison qui manquent de s'effondrer. J'évite les plus grosses mais me prend certains cailloux que je balaie d'un coup de doigts. L'une m'a d'ailleurs arrachée une touffe de poils blanc, il faudra que je recolle ça au plus vite.
"Elle dit vrai.""Toi, je t'ai dit de la fermer, laisse les adultes causer!"Elle envoie une baffe sur la tête de sa môme. Son geste m'effraye un peu et je recule d'un pas.
"Je crois que cette affaire est réglé, circulez mademoiselle.""Vous allez quand même pas laisser partir cette chose ?""Quant à vous, Edora, vous feriez mieux de la boucler et de nous laisser faire notre boulot."J'ai pas le temps d'en entendre plus car je me suis enfuie à toute patte en direction de la taverne. J'avoue que la réaction de la femme m'inquiète et je préfère suivre le conseil du milicien avant que cette grosse dame ne le fasse changer d'avis. Heureusement, je ne suis pas si loin de ça de mon refuge dont je pousse la porte avec bonheur et soulagement.
(((Après)))