<Les rues de Kendra Kar>Il ne fut pas très difficile de moi pour trouver l'arène, (bien que je n'y sois jamais allée), au vu de sa taille massive, qui s'élevait telle un mastodonte de pierre circulaire. Au plus je m'en approchais, au plus les rues étaient bondées, similaires à la fréquentation de celles du marché. J'avais beau être née dans la ville lumière, je n'avais jamais vu l'arène et je restai stupéfaite face à son imposante stature. Les gens affluaient, et je me doutais qu'il s'agissait d'un lieu important, berceau de rumeurs, et surtout grand endroit de spectacle.
En suivant la masse de gens, un mélange considérable de races en tout genre, j'entrai par une des arches est du théâtre. Grâce à ma petite taille, je me faufilai et me réservai une place dans les premiers rangs. Je fus hébétée par l'immensité du lieu, mais surtout de nombre et la variété de personnes présentes. Une foule grouillante comme un essaim d'abeilles qui acclamaient un des deux combattants. Le sable volait sous leurs violents pas, et du sang giclait, marbrant l'arène d'écarlate. L'extrême sauvagerie de leurs échanges me fit à la fois palpiter et frissonner. La foule en délire hurlait de plaisir devant cette scène, dérivative à leurs yeux.
Finalement, un des deux combattants donna la victoire à l'autre. Le vainqueur sortit de l'arène par un tunnel inférieur après avoir flatté sa victoire, les bras en l'air et le regard fier en scrutant panoramiquement la foule. Le perdant, honteux, fut soulevé par des employés de l'arène, et le sable fut rapidement lissé. Une bonne partie des spectateur partirent, alors que d'autres entrèrent, et j'en profitais pour me rapprocher d'encore deux rangs. Un homme combla la curiosité des spectateurs en annonçant :
« Mesdames et messieurs, aujourd’hui, le combat fera s’affronter deux valeureux guerriers. Le premier, un Shaakt nommé Daïo Ichioama devra affronter notre gladiateur vedette : Spartack Huss. Applaudissez-les bien fort ! »Entra alors au milieu de l'arène, un bestiaire à la robustesse transcendante. Un bras armé d'une épée et protégé d'une gouttière en plaques maintenue par une courroie en cuir, des chausses jusqu'au dessus du genoux, un pagne, un bouclier, et pour compléter cet ensemble terrifiant, un casque qui masquait son visage.
Toute la foule frappait des pieds et hurlait son nom au rythme des pas de ce combattant providentiel. Le bruit au milieu de ce chahut était assourdissant, mais tant la foule était déchainée, j'étais presque moi même tentée de scander le nom de ce héros aux yeux de beaucoup.
J'aperçus enfin le second combattant, le main en visière qui scrutait l'arène. Il semblait être déjà là depuis quelques minutes, mais je ne l'avais pas remarqué tant l'arrivée de son adversaire était théâtrale. C'était un shaakt, dont les muscles étaient particulièrement développés, qui portait deux lames. Il semblait méfiant et concentré, tandis que son adversaire enflammait la foule en levant ses poings en l'air. Le gladiateur se plaça finalement en position de défense, fit signe au Shaakt d'attaquer le premier après l'avoir bénéficié d'un léger salut.
L'elfe s'exécuta aussitôt, et se rua sur Spartack en hurlant, faisant taire les six mille personnes qui assistaient au combat. Arrivé à la hauteur de son adversaire, il transcendit l'air de ses lames. Le premier coup allait être porté, les spectateur vibraient au rythme des mouvements des opposants. Les cœurs battaient ensemble, en silence, comme s'ils ne faisaient qu'un, quand enfin les lames du guerrier atteignirent leur cible, arrachant les chairs du dos et du bras du gladiateur. Face à ce premier assaut réussi, les spectateurs s'embrasèrent de nouveau.
Le gladiateur riposta aussitôt en entaillant la hanche de l'elfe de son glaive, ce dernier qui poussa un cri de douleur, sous les ovations du public. Le Shaakt s'écroula au sol, recula et tordit son visage de souffrance. Il n'abandonna pas pour autant, se relèva, et assembla ses lames qui ne formèrent plus qu'une. Il fit tourner son arme unique reconstituée au dessus de lui, alors que la foule continuait de clamer :
« SPAR-TACK! SPAR-TACK! »L'elfe noir sembla prononcer quelque chose, et rentra dans une courte transe. Il sauta sans même prendre d'élan, et s'élèva particulièrement haut du sol, sous les bouchées bées des spectateurs et de son adversaire. Toujours dans les airs, il vocifèra :
« RANA SLASH! »La foule se mit à hurler encore, mais contre toute attente le rana slash s'écrasa contre le sol, faisant voler un nuage de sable. Le Shaakt se réceptionna au sol, visiblement un peu troublé que son attaque ait échoué, et il se retourna juste à temps pour parer l'offensive du guerrier. Le choc fut si puissant que l'elfe fut désarmé. Il semblait souffrir atrocement, mais surmonta la douleur et récupèra sa double lame.
A l'attention de son adversaire, mais assez fort pour que tout le public puisse entendre, il clama avec une froideur surprenante :
« J’ai traversé les montagnes, j’ai traversé des déserts, j’ai combattu des monstres et j’en passe, je ne vais pas me laisser faire par toi. »Je m'attendais à ce que l'un des deux attaque à nouveau, et c'était sans doute le cas des six milles autres spectateurs. Mais contre toute attente, un mur de feu de forma d'un gri-gri attaché à l'arme du Shaakt, se dirigeant inexorablement vers le gladiateur qui ne put qu'hurler.
J'étais apeurée des dégâts qui pourraient résulter de cette attaque surhumaine, si bien que je fermai machinalement les yeux en serrant les dents, alors qu'une vague de stupeur s'abatit sur le public.
Lorsque j'ouvris à nouveau les paupières, je vis le gladiateur caché derrière son bouclier, le choc n'avait pas été physique mais psychologique. Le guerrier ne s'attendait sûrement pas à ce que son adversaire utilise de la magie. Il attaqua à nouveau le shaakt, mais cette fois ses mouvements étaient moins sûrs d'eux, plus maladroits. Il toucha néanmoins l'elfe à l'épaule, qui sembla avoir du mal à supporter cette douleur qui devait se faire lancinante dans tout son corps.
Il n'y avait désormais aucun bruit. Le dénouement du combat était inconnu de tous, et seuls résonnaient les entrecroisements de leurs lames alors même que le public retenait son souffle. L'elfe noir lança une dernière attaque que le gladiateur ne sembla même pas esquiver. Il se prit l'attaque de plein fouet, et s'écroula au sol en saignant abondamment. Il esquissa un mouvement de main, signe de sa soumission.
Et c'était tout. L'elfe était venu sous le mépris du public qui acclamait son ennemi, il avait combattu, il avait gagné.
Veni, vidi, vici : je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu .
Après être restée hors d'haleine quelques secondes, la foule applaudit doucement l'elfe noir. Il leva ses armes au ciel, et tout les spectateurs ovationnèrent le vainqueur. Les claquements de mains résonnaient dans l'amphithéâtre.
J'étais a la fois stupéfaite par l'ambiance des arène, la violence du combat, mais aussi par le champion. J'avais toujours pensé que les shaakts étaient des monstres sanguinaires sans scrupule, et pourtant il avait vaincu son adversaire, mais ne l'avait pas tué. Il était largement en position de supériorité, mais ne lui avait pas ôté la vie, conformément aux règles de l'aréne, mais surtout à celles du dogme kendran.
A ma grande surprise, le Shaakt (Daio, c'était ainsi que la foule l'acclamait) s'approcha du vaincu, lui tendit la main pour l'aider a se relever, et sembla lui dire quelque chose que je ne pus entendre dans ce brouhaha d'applaudissements. Il plaça le bras du gladiateur sur son épaule et l'aida ainsi à se trainer jusqu'au tunnel sous les gradins, tout deux portant les plaies de l'épuisement et des blessures physiques, mais l'un ayant en plus le poids de l'humiliation sur les épaules, tandis que l'humilité du champion marquait les esprits, le mien en particulier.
<L'arène de Kendra-Kar>