<-- Les grandes portes de la ville« (On dirait que les rumeurs disaient vrai, on est bel et bien dans les ruelles de Kendra Kâr.) »Il faisait déjà nuit, mais Kinsuke se promenait encore dans la ville suivant le trajet de John. Les parents de Kinsuke lui donnaient beaucoup de liberté: il pouvait sortir et entrer dans la maison à n'importe quelle heure, et n'était jamais privé de sortir. Ce n'est pas qu'ils ne s'inquiétaient pas pour lui, juste qu'ils n'étaient pas très autoritaires. Kinsuke n'avait jamais eu de mal à les convaincre pour quoi que ce soit.
Les ruelles de Kendra Kâr n'étaient pas très bien éclairées, rendant difficile la poursuite de l'étrangleur. En plus, il connaissait mal les rues où il se trouvait. En d'autres mots, il savait que plus il avançait derrière John, plus il aurait de mal à retrouver son chemin Malgré tout, il ne cessait d'avancer, en faisant attention à ce que John ne le remarque pas. Il se faufilait entre les maisons et essayait de garder le plus de distance possible de l'assassin, mais le silence de la nuit n'aidait pas le jeune garçon. Ses beaux yeux aussi bleus que la mer brillaient dans l'obscurité des ruelles, et ses cheveux secouaient encore au peu de vent qui courait. Ce dernier mettait Kinsuke dans un état de calme et de tranquillité. En plus, il n'avait jamais eu peur de la nuit. C'était d'ailleurs son moment préféré de la journée, pendant lequel l'absence de gens lui donnait l'impression que le monde lui appartenait, qu'il pouvait y faire ce dont il avait envie.
L'étrangleur avançait de plus en plus vite, comme s'il avait hâte de se retrouver dans sa cachette. Kinsuke en déduisait qu'ils ne s'y trouvaient plus très loin. Il avait un peu de mal à suivre en restant suffisamment silencieux, mais cela ne dura pas longtemps: John s'arrêta en faisant le phare pour être sûr qu'il ne se fasse pas repérer, puis fit mine d'ouvrir une trappe parterre se trouvant derrière une vieille maison inhabitée, jusqu'à ce qu'il voie un reflet sur le le sol.
« (Merde!) »C'était la faux de Kinsuke qui avait reflété le peu de lumière qui s'échappait du seul lampadaire qui se trouvait sur le lieu. Kinsuke ne se sentait plus à l'aise du tout. La panique l'envahissait doucement, le faisant penser à toutes les possibilités de choses terribles qui pourraient lui arriver s'il se faisait repérer. Il entendait les pas de John s'approcher de la maison derrière laquelle il était caché. Il ne savait plus quoi faire... puis il sut.
« Kinsuke! Ne sois pas idiot! Tu ne pourras jamais le... (Elle se tût d'un seul coup) »Il se tenait là, devant Kinsuke. Les deux se regardaient dans les yeux, l'un plus décidé que l'autre à tuer son ennemi. Cependant, John était sans aucun doute beaucoup plus fort que Kinsuke.
« Ta deuxième personnalité te surestime, Kinsuke! Tu le sais très bien! Tu dois apprendre à la contrôler! »
« Cesse. C'est toi qui me sous-estimes. »L'homme avançait lentement en direction de Kinsuke...
« Kinsuke, s'il te plaît! Tu ne peux rien faire contre lui! Kinsuke, réveille-toi! »Kinsuke ne bougea pas d'un pouce, et ne perdit pas en assurance.
« Très bien, j'aurais voulu ne jamais avoir à faire ça... »Kinsuke fut pris d'une sensation bizarre, son petit doigt commençait à bouger malgré lui, puis sa main, puis son bras. Il s'efforçait de contrôler son corps, inutilement. Son corps se tourna brusquement et se mit à courir à toute vitesse, fuyant John, sachant exactement où il voulait aller. En temps normal il ne courait pas aussi vite: c'était l'emprise de la femme de son rêve sur lui. Mais enfin... de quel droit manipulait-elle le corps de Kinsuke? Cette femme n'était pas qu'un personnage inventé par son imagination, ni une petite voix intérieure qui disait ce qui était correct. Elle était plus que ça, bien plus...
Une chose était sûre: Kinsuke connaissait à présent l'emplacement exact de la cachette de John.
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Ah, un très beau matin! Les rayons de soleil traversant la fenêtre de sa chambre éblouissaient Kinsuke dans son lit. C'était une journée idéale pour sortir se promener, mais Kinsuke avait de quoi faire. Son planning de la journée était déjà prévu il attendrait la tombée de la nuit pour enquêter dans la cachette de l'étrangleur. En attendant, il avait quelque chose à régler...
« Ok, tu m'as sauvé la vie. Et alors? Tu m'as quand même... (il ne trouvait pas ses mots) utilisé. »
« Je suis désolée, j'étais aussi paniquée que toi. J'ai agit sans réfléchir. »
« J'm'en fous. D'abord tu apparais dans tous mes rêves, puis tu commences à me chuchoter des trucs à longueur de journée, et là tu utilises mon corps sans même en avoir mon accord! Je pense que je mérite un minimum d'explications! »
« Je peux pas Kinsuke... Je ne peux pas te dire qui je suis. Pas pour l'instant. Je sais que tu ne peux pas comprendre et que... »
« D'accord (il lui coupa la parole). Après-tout, t'as fait que de m'aider, hein. Donc t'es pardonnée pour cette fois, mais que ça ne se reproduise plus! »
« Merci. »La voix surgissant de nulle part cessa. Le nombre de questions que se posait Kinsuke se multipliait, et sa tête était déjà remplie de magma en fusion, prêt à entrer en éruption. Il sortit prendre de l'air, se changer les idées. Il n'y avait pas de vent aujourd'hui, mais le soleil brillait très fort. C'était réconfortant. L'air était parfait: ni trop chaud, ni trop froid. Encore une journée agréable qui se présentait à Kinsuke exactement quand il en avait besoin. Il marchait dans les ruelles, essayant de se rappeler du chemin exact vers le stock de John. Une fois la nuit tombée, il n'aurait pas une seconde à perdre. Mais une fois que Kinsuke aurait découvert ce que faisait John avec ses chiens et dans quel but, que se passerait-il après? Encore une question qui tournait en boucle dans la tête de Kinsuke.
Les oiseaux chantaient haut et fort, ce matin. Toujours aussi accordés que d'habitude, dans une harmonie si parfaite que même Kinsuke ne saurait imiter sur son piano. Le garçon essayait de se repérer, en revenant parfois sur ses pas et en répondant aux « Bonjours » du voisinage qui connaissait bien ses parents. Kinsuke ne se rappelait pas de la moitié des gens qui le saluaient. Il n'avait jamais été très fort pour mémoriser des visages. Il n'avait cependant pas de mal à mémoriser ses morceaux de musique, et se rappelait plutôt bien des prénoms. Certains passants lui demandaient parfois s'il était perdu, et Kinsuke répondait que non en se trouvant des excuses banales, du genre « J'ai cru voir un truc passer », ou « Je croyais que c'était quelqu'un que je connaissais ».
Après quelques difficultés à se repérer, il retrouva enfin maison délabrée de la veille, derrière laquelle il trouva la trappe. Celle-ci était grand ouverte. C'était plutôt tentant. Après quelques secondes d'hésitation, Kinsuke décida de changer de plan, et d'y entrer discrètement. On entendait encore le brouhaha de la journée à proximité, mais personne en vue à l'endroit où se trouvait la trappe. Le garçon jeta un coup d'oeil dedans: il faisait noir et on n'y distinguait pas grand chose. Il descendit l'échelle qui menait au sous-sol, à l'intérieur de la trappe. Il avança dans un petit couloir s'éloignant de la sortie. Au bout, la lumière était beaucoup trop faible pour voir quoi que ce soit. Kinsuke sortit de sa poche gauche un petit bâtonnet en bois carbonisé à une extrémité, qu'il frotta parterre pour éclairer la pièce. Seule une étincelle sortit, ayant éclairé l'endroit pendant une petite fraction de seconde. Celle-ci suffit à Kinsuke pour apercevoir les cadavres de chien, tous entassés juste en face de lui. Il fit un bond en arrière en lâchant maladroitement l'allumette. L'obscurité envahi à nouveau la pièce. Kinsuke commença à tapoter par terre pour retrouver son bâtonnet en bois, jusqu'à ce qu'il entende des bruits de pas. Ils devenaient de plus en plus intenses. C'était John.
« Je suis foutu. »
« Garde ton calme, Kinsuke. C'est la seule solution. »Il se leva en tremblotant et se cacha derrière les cadavres dont il visualisait encore approximativement la position. Il entendit la trappe se fermer. Kinsuke se retrouvait à présent enfermé dans cet endroit, tout seul avec John et des cadavres. Une lumière venant du couloir s'approchait, puis on aperçut John, avec un autre cadavre à la main droite, et une torche à la gauche. Il jeta un oeil au tas de cadavre et pensa à haute voix:
« J'en ai pas assez, il m'en faut plus! J'ai du boulot. »John jeta le chien qu'il tenait à la main sur le tas. Celui-ci perdit en équilibre et un cadavre tomba sur Kinsuke qui poussa aussitôt un cri court et rauque.
« Qui est là ?! »John regardait dans toute la pièce pointant sa torche dans tous les sens.
« Montre-toi! Tu ne vas pas t'échapper! »
« (Garder le calme... garder le calme... y'a sûrement une solution...) »John commença à fouiller dans les recoins de la pièce, puis se dirigea vers le tas de cadavres.
« (Non... il y a forcément quelque chose que je puisse faire...) »John était devant la pile, puis il aperçut Kinsuke et le prit par le bras gauche.
« Te voilà, petit! »
« Lâche-moi! »Le garçon poussa un grand coup avec le manche de sa faux sur le tas de cadavres, dont une partie qui tomba sur la tête de John. Kinsuke profita du court instant où l'étrangleur l'avait lâché pour courir en direction de la sortie en empruntant le couloir. Il monta les échelles en vitesse et réussit à ouvrir la trappe à temps. Une fois sorti et éloigné de 2 ou 3 mètres de la trappe, il se retourna pour s'assurer que John ne l'avait pas suivi. Surprise. John était juste derrière lui, à quelques centimètres de lui. John lui courait après. Dans les ruelles il n'y avait pas assez de monde pour se fondre dans la foule. Kinsuke ne pouvait que courir en espérant que son prédateur trébuche.
« (Je vois le port depuis là. Il me reste plus qu'à prier pour qu'il y ait du monde là-bas...) »Port de Kendra Kâr -->