CHapitre 8 - Histoire ou rumeur.V.9 Un charmant renard.
La révélation de Peter Rhel sur l’écu noir titille l’esprit du Shaakt. Quels peuvent être les pouvoirs de cet objet convoité ? Accompagné de p’tit George,Relonor observe les alentours caché derrière un éventail. Affublé d’une magnifique tenue féminine cachant sa musculature de guerrier, le Shaakt peste. Si l’idée de payer une catin en guise d’appât a semblé une bonne idée, en trouver une désirant le faire avec l’argent à disposition a été un problème insoluble. Il y en a bien une qui a accepté de vendre certains de ses vêtements pour l’elfe noir, mais guère plus.
Le voilà donc en pleine nuit au centre d’une place, habillé d’une longue robe bordeaux touchant le sol. Sa coiffe noire dont le tissu enroulé sur lui-même au niveau du front, se termine en un fin châle dans le dos, le tout cachant l’intégralité de ses cheveux blancs. Un maquillage très forcé pour dissimuler sa nature Shaakt et des gants brodés pour masquer les dernières surfaces de peau sombre. Cela ne peut suffire pour attirer le fameux renard. Un ensemble de parure dorée,mit bien en évidence, fait office de butin désirable. Si la qualité laisse à désirer, dans la pénombre il faut se rapprocher suffisamment pour dévoiler la supercherie.
"J’espère pour toi qu’il va venir p’tit George." Peste le Shaakt.
"Payer la catin pour ses vêtements et ses bijoux moisis m’a vidé les bourses et malheureusement pour moi ce n’est qu’une métaphore. S’il n’est pas là où tu pensais, tu vas la sentir passer c’est moi qui te le dit.""Il va venir, il va venir." Récite le Sinaris comme un mantra, caché dans un coin sombre non loin.
"Putain faut qu’il vienne !" Se dit-il plus bas pour lui-même.
Etant le seul des deux à connaître le renard voleur de cœur, c’est lui qui a proposé l’emplacement sur ce qu’il pense être le terrain de chasse de l’individu. Si cet homme n’est pas le chemin direct pour retrouver la trace de l’écu noir, il doit posséder un réseau de receleurs pouvant donner l’information de l’emplacement. Encore faut-il qu’il se présente.
Ce n’est qu’au bout de trois bonnes heures d’attendes qu’un individu étrange se présente à la fausse dame de charme. Celui-ci arbore des vêtements relativement riches. S’il est vraiment l’homme qu’ils pensent, il doit être sacrément doué pour arborer des tissus aussi distingués. Une cape marron très saillante virevoltant sous une légère brise, un large chapeau dans un coloris similaire finement ouvragé, relevé sur le côté avec une plume douce à même le regard. Le tout cache assez bien de dos des habits en cuir très élégants. Les mollets eux sont recouverts d’un collant blanc et ses petits petons sont confortablement disposés à l’intérieur de souliers eux aussi finement travaillés. Moustache fine, petite barbiche et cheveux mi-longs brun termine le portrait de l’homme avec un œil perçant et l’autre protégé par un cache œil.
"C’est toi le renard ?" Demande soudainement Relonor de sa voix grave en tendant le bras vers le semi-homme. Ce dernier accourt et porte l’épée à la main de l’elfe noir qui lâche son éventail.
L’interlocuteur répond sur un ton poétique :
"Diantre ! Un homme,
je vais tomber dans les pommes !
Mon seigneur,
si vous voyez un renard,
soit c’est un malheur,
soit vous avez l’œil hagard."Il continue en apercevant le semi-homme accourir.
"Mais que vois-je,
petit George !
Ce n’est point un mirage,
tu as encore ta gorge !""Cesse donc de mettre des fleurs dans tes paroles. J’ai besoin de toi pour trouver un objet magique, alors tu vas me répondre vivement chez qui tu confies tes butins." Lance Relonor irrité par l’attitude hautaine de l’homme.
L’homme dans ses habits de soie déclare :
"Ma fois messieurs,
est-ce là une manière d’hommes pieux ?
Je ne suis point intéressé.
Ni parure,
ornement ou dorure.
Que pourriez-vous me proposer ?
De votre accoutrement
vos désirs me laissent sans voix.
Je vous le dis sobrement
je ne mange de ce pain-là."Relonor répond, pris malgré lui par les manières de s’exprimer de l’individu :
"Pardis,
cesses dans ta voix cette ignominie.
La vie
ou la mort, choisit. Rhaaa ! Ce n’est qu’un déguisement pour t’appâter. Parles ou je t’étripe !" Rugit-il finalement, pointant sa lame vers la gorge de son interlocuteur.
L’homme s’exclame en portant le dos de sa main à son visage :
"Certes, certes.
Dommage vous sembliez poète.
Si un objet magique vous cherchez,
alors cette bague vous devez observer."Sur sa main, une bague noire orne une pierre qui luit soudainement d’un éclat d’émeraude.
"Je suis le renard.
Prenez gare à mon regard,
caren ce lieu blafard
par rime vous devrez m’émouvoir !" C’est alors que sa bague brille d’un puissant éclat.
"Cette bague, dont la lumière jaillit
est imprégnée de magie.
Tenez des propos poétiques
ou vous aurez une fin tragique."Relonor grince des dents. Comment un individu aussi désagréable ose lui tenir tête. Il n’exprime ni peur ni crainte et aucune once de doute. Il s’apprête à parler lorsque p’tit George l’arrête :
"Je n’aime pas la magie messire,
je ne veux pas en venir à…mourir.
Nous devrions fuir
ou alors en rime…agir."(Je crois comprendre ce que veut dire le p’tit gars. Il croit dure comme fer aux pouvoirs de la bague et je n’ai nulle raison de le contredire. J’arpente à peine le chemin de la magie. Quels secrets peuvent se cacher après des années de pratiques ? Il n’est pas impossible qu’un magicien particulièrement comique a apposé un tel sortilège sur cet anneau, comme c’est le cas je suppose sur l’écu. Cependant, je ne peux me permettre de partir sans rien. Si l’anneau est aussi puissant, l’écu noir ne peutl’être qu’autant.)Le Shaakt interroge l’individu contraint de converser en rime malgré lui.
"Je ne veux point te tuer,
vois comme j’ai dû m’affubler.
Parle maintenant,
ou le regret tu auras dans l’instant.
A qui confies-tu tes trésors,
tes butins jusqu’alors ?"Souriant de voir le Shaekt se prendre au jeu, l’homme lui répond :
"Monsieur, ou alors madame ?
Révéler mes secrets me percerait l’âme.
N’agiter point votre lame,
vous subirez un destin infâme."Etrangement, loin de se laisser intimider par un Shaakt habillé comme une putain, l’homme brandit lui aussi une rapière vers l’elfe.
L’homme endimanché menace le Shaakt :
"Je dois vous avouer
que je suis un excellent bretteur.
Nous devrions nous séparer,
ou vous subirez un horrible malheur."Pourtant, sans être un maître d’arme Relonor n’est pas un novice en la matière. La posture et le maintien de la lame, son opposant est clairement aussi habile avec une épée que le premier péquenaud du coin. Relevant sa jupe d’une main pour ne pas être gêné, Relonor s’avance brusquement, enroule son arme contre celle du novice et d’un coup de poignet l’envoie voler.
L’homme se moque :
"Quels jolis mollets,
musclés et saillants.
Point de duvet !
C’est plutôt charmant."Le poète tout penaud ainsi désarmé, lève les mains en guise de reddition. Pourtant ce n’est qu’une supercherie. Vif comme un serpent, l’homme réplique. De sa main gauche il saisit le bras droit du Shaakt tenant l’arme et se met à tourner pour avoir la même posture que son adversaire armé, l’imitant comme au travers d’un miroir. Pourtant, l’action ne s’arrête pas là. Tout en empêchant Relonor d’user de son arme, l’individu continu sa rotation et assène un puissant coup de coude sur la tête du Shaakt. Sous l’impact ce dernier perd l’équilibre et titube, mais parvient à garder la main mise sur sa rapière.
Le frottement de deux lames se fait entendre, incitant l’elfe noir à reprendre promptement une posture défensive. Son opposant lui fait désormais face avec deux lames courtes et son regard plein de détermination impose chez le Shaakt une certaine méfiance.
Au tour de l’elfe noir de se railler de son adversaire :
"Je suppose que ton épée
sert à faucher les blés."L’homme répond en maniant ses lames avec une certaine dextérité.
"Je ne suis point aise
je préfère les poignards.
Prenez donc une chaise
et admirez le renard."(Maudit sois-tu renard ! Tu cherches à me narguer, mais j’aurai le dernier mot de l’histoire. Parer une épée avec une lame courte nécessite plus de force et de concentration. Voyons comment tu t’en sorts face à mes assauts.)Voulant accentuer sa force, il mobilise dans son arme ses nouveaux pouvoirs, profitant de l’occasion pour les tester ces derniers de la meilleure des façons.
L’elfe noir lance en testant la défense du poète narquois :
"Espèce de sale chien d'enfant de putain,
tu ne verras le soleil du jour de demain."Aidé par la magie insufflée dans son arme, il assène de puissants coups pour fragiliser la posture de l’homme et le pousser dans ses retranchements.
L’homme déclare en déviant la rapière du Shaakt :
"Qu’ois-je un alexandrin ?
C’est égayant ,c’est cocasse,
mais vois-tu vilain
c’est l’heure où tu trépasses !"La rapière de l’elfe noir passe près de son visage du renard qui porte un contre rapide à l’épaule supportant le bras armé.
C’est un réflexe salvateur qui lui vaut d’échapper au coup et par là même, à un dangereux handicape. Relonor prend ses distances avec son adversaire et le voit sous un nouveau jour. Ce dernier est bien plus habile qu’il ne le laisse croire. Peut-être même qu’il feinte habilement pour enchaîner de puissant contre. Il est maintenant temps d’accroitre ses chances en se faisant porter par le vent.
Faisant mine d’attendre une opportunité pour agir, Relonor rassemble sa magie en lui. Il agite ses fluides de vent qui se déchaînent comme une tempête en lui. Suivant son apprentissage, il transforme ses ressources magiques pour alléger ses membres, lui octroyant une maîtrise bien supérieure de son corps l’espace d’un instant. Trop concentré à sa tâche, sa garde est légèrement plus basse que d’ordinaire et un combattant plus expérimenté que le renard utiliserait ce moment précis pour passer à l’offensive.
(La prochaine fois, je ferais mieux de stocker mon sort en amont d’un duel.)La magie opère, redonnant à son moral un coup de fouet supplémentaire en plus des effets désirés. Le temps des paroles mielleuses est révolu. Le Shaakt passe à l’offensive, avec la ferme intention de prendre un ascendant définitif sur le combat, pendant la durée du sort. Renforçant davantage la pression, il rassemble son énergie interne pour asséner de puissants coups pour le déstabiliser totalement. Accompagné d’une triade d’effet bénéfique, de la magie donnant une vigueur à ses membres, celle insufflée dans sa lame et la puissance brute produite par son énergie, Relonor avance vers son adversaire.
(Quelle force c’est prodigieux ! Jamais je ne suis senti si puissant !)Parcourant l’espace qui le sépare de son adversaire avec une vélocité sans pareille, Relonor assène un puissant coup de taille qui rencontre une bonne défense en la présence des deux dagues croisées. Malheureusement pour l’homme, la puissance générée par l’elfe noir est plus importante qui ne le pensait et l’onde de choc se répercute dans ses os, déroutant sa défense. Profitant de son avantage, le Shaakt porte un violent coup au renard de haut en bas le forçant à parer de nouveau, mais cette fois-ci pour le briser. Pris au dépourvu par la vitesse, l’homme ne pouvant esquiver se voit contraint et forcé de parer de ses lames affutés. La force brute arrive à bout de la garde et de l’homme lui-même. Le coup le désarme tandis que plaqué au sol, la rapière embrasse le coup de l’individu par une goutte de sang.
Fort de sa position Relonor déclare victorieux :
"Trop longue a été mon attente.
Par l’argument de mon arme
je te conseille de couper ton charme
séance tenante."L’argument de l’arme forçant encore sur le cou, semble être l’allié de poids pour enfin terminer avec l’épilogue de ce duel.
"A vrai dire messire il n’y a jamais eu de charme. Cette bague n’a d’effet que de briller d’un éclat et encore, elle ne luit pas assez pour être utile dans l’obscurité." Déclare l’homme.
Méfiant plus que jamais, Relonorne tient pas encore compte de la remarque.
"Tu te joues encore de moi ?
Est-ce là une ruse d’un homme aux abois ?""Non mon beau seigneur, pas de charme ou de sortilège. Juste un homme qui tient à garder les faveurs des femmes par l’attractivité de son visage. Même ce cache-œil est un simulacre." Continu le renard suppliant.
"Vous vouliez voir celui que me reprend mes butins,
je vous conduis moi-même à ce malandrin."En reprenant la rime, l’homme renforce l’animosité du Shaakt contre lui et sens la lame pousser encore contre sa peau.
"Veuillez me pardonner, une vieille habitude." Dit-il.
(Il a osé ? Cette sous-merde de raclure de porc m’a forcé à m’humilier moi-même en parlant de la sorte ! Tu ne perds rien pour attendre renard. Je t’ai à l’œil et je ne compte pas me défaire de toi pour le moment.)Relonor le menace une ultime fois :
"Je n‘ai que faire de ta vie.
Je te somme
de me conduire à ton homme
où tu regretteras cette nuit.""Ha vous voyez, on s’y habitue n’est-ce pas !" Raille l’homme, mais une lame placée sous sa gorge l’incite au silence.
"D’accord, d’accord. C’est par là !" Termine-t-il en pointant une direction du doigt.Relonor relève le renard et le tient fermement, sa lame le dissuadant de déguerpir, tandis que p’tit George s’empare des lames du malheureux.
Chapitre 10 - Donnant-donnant.