L'Univers de Yuimen déménage !


Nouvelle adresse : https://univers.yuimen.net/




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1046 messages ]  Aller à la page Précédente  1 ... 66, 67, 68, 69, 70
Auteur Message
 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Mar 22 Aoû 2017 10:51 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 25 Jan 2016 21:23
Messages: 116
Localisation: Les égouts de Kendra Kâr
CHapitre 8 - Histoire ou rumeur.

V.9 Un charmant renard.


La révélation de Peter Rhel sur l’écu noir titille l’esprit du Shaakt. Quels peuvent être les pouvoirs de cet objet convoité ? Accompagné de p’tit George,Relonor observe les alentours caché derrière un éventail. Affublé d’une magnifique tenue féminine cachant sa musculature de guerrier, le Shaakt peste. Si l’idée de payer une catin en guise d’appât a semblé une bonne idée, en trouver une désirant le faire avec l’argent à disposition a été un problème insoluble. Il y en a bien une qui a accepté de vendre certains de ses vêtements pour l’elfe noir, mais guère plus.

Le voilà donc en pleine nuit au centre d’une place, habillé d’une longue robe bordeaux touchant le sol. Sa coiffe noire dont le tissu enroulé sur lui-même au niveau du front, se termine en un fin châle dans le dos, le tout cachant l’intégralité de ses cheveux blancs. Un maquillage très forcé pour dissimuler sa nature Shaakt et des gants brodés pour masquer les dernières surfaces de peau sombre. Cela ne peut suffire pour attirer le fameux renard. Un ensemble de parure dorée,mit bien en évidence, fait office de butin désirable. Si la qualité laisse à désirer, dans la pénombre il faut se rapprocher suffisamment pour dévoiler la supercherie.

"J’espère pour toi qu’il va venir p’tit George." Peste le Shaakt. "Payer la catin pour ses vêtements et ses bijoux moisis m’a vidé les bourses et malheureusement pour moi ce n’est qu’une métaphore. S’il n’est pas là où tu pensais, tu vas la sentir passer c’est moi qui te le dit."

"Il va venir, il va venir." Récite le Sinaris comme un mantra, caché dans un coin sombre non loin. "Putain faut qu’il vienne !" Se dit-il plus bas pour lui-même.

Etant le seul des deux à connaître le renard voleur de cœur, c’est lui qui a proposé l’emplacement sur ce qu’il pense être le terrain de chasse de l’individu. Si cet homme n’est pas le chemin direct pour retrouver la trace de l’écu noir, il doit posséder un réseau de receleurs pouvant donner l’information de l’emplacement. Encore faut-il qu’il se présente.

Ce n’est qu’au bout de trois bonnes heures d’attendes qu’un individu étrange se présente à la fausse dame de charme. Celui-ci arbore des vêtements relativement riches. S’il est vraiment l’homme qu’ils pensent, il doit être sacrément doué pour arborer des tissus aussi distingués. Une cape marron très saillante virevoltant sous une légère brise, un large chapeau dans un coloris similaire finement ouvragé, relevé sur le côté avec une plume douce à même le regard. Le tout cache assez bien de dos des habits en cuir très élégants. Les mollets eux sont recouverts d’un collant blanc et ses petits petons sont confortablement disposés à l’intérieur de souliers eux aussi finement travaillés. Moustache fine, petite barbiche et cheveux mi-longs brun termine le portrait de l’homme avec un œil perçant et l’autre protégé par un cache œil.

"C’est toi le renard ?" Demande soudainement Relonor de sa voix grave en tendant le bras vers le semi-homme. Ce dernier accourt et porte l’épée à la main de l’elfe noir qui lâche son éventail.

L’interlocuteur répond sur un ton poétique :
"Diantre ! Un homme,
je vais tomber dans les pommes !
Mon seigneur,
si vous voyez un renard,
soit c’est un malheur,
soit vous avez l’œil hagard."


Il continue en apercevant le semi-homme accourir.
"Mais que vois-je,
petit George !
Ce n’est point un mirage,
tu as encore ta gorge !"


"Cesse donc de mettre des fleurs dans tes paroles. J’ai besoin de toi pour trouver un objet magique, alors tu vas me répondre vivement chez qui tu confies tes butins." Lance Relonor irrité par l’attitude hautaine de l’homme.

L’homme dans ses habits de soie déclare :
"Ma fois messieurs,
est-ce là une manière d’hommes pieux ?
Je ne suis point intéressé.
Ni parure,
ornement ou dorure.
Que pourriez-vous me proposer ?
De votre accoutrement
vos désirs me laissent sans voix.
Je vous le dis sobrement
je ne mange de ce pain-là."


Relonor répond, pris malgré lui par les manières de s’exprimer de l’individu :
"Pardis,
cesses dans ta voix cette ignominie.
La vie
ou la mort, choisit.

Rhaaa ! Ce n’est qu’un déguisement pour t’appâter. Parles ou je t’étripe !" Rugit-il finalement, pointant sa lame vers la gorge de son interlocuteur.

L’homme s’exclame en portant le dos de sa main à son visage :
"Certes, certes.
Dommage vous sembliez poète.
Si un objet magique vous cherchez,
alors cette bague vous devez observer."


Sur sa main, une bague noire orne une pierre qui luit soudainement d’un éclat d’émeraude.
"Je suis le renard.
Prenez gare à mon regard,
caren ce lieu blafard
par rime vous devrez m’émouvoir !"


C’est alors que sa bague brille d’un puissant éclat.
"Cette bague, dont la lumière jaillit
est imprégnée de magie.
Tenez des propos poétiques
ou vous aurez une fin tragique."


Relonor grince des dents. Comment un individu aussi désagréable ose lui tenir tête. Il n’exprime ni peur ni crainte et aucune once de doute. Il s’apprête à parler lorsque p’tit George l’arrête :
"Je n’aime pas la magie messire,
je ne veux pas en venir à…mourir.
Nous devrions fuir
ou alors en rime…agir."


(Je crois comprendre ce que veut dire le p’tit gars. Il croit dure comme fer aux pouvoirs de la bague et je n’ai nulle raison de le contredire. J’arpente à peine le chemin de la magie. Quels secrets peuvent se cacher après des années de pratiques ? Il n’est pas impossible qu’un magicien particulièrement comique a apposé un tel sortilège sur cet anneau, comme c’est le cas je suppose sur l’écu. Cependant, je ne peux me permettre de partir sans rien. Si l’anneau est aussi puissant, l’écu noir ne peutl’être qu’autant.)

Le Shaakt interroge l’individu contraint de converser en rime malgré lui.
"Je ne veux point te tuer,
vois comme j’ai dû m’affubler.
Parle maintenant,
ou le regret tu auras dans l’instant.
A qui confies-tu tes trésors,
tes butins jusqu’alors ?"


Souriant de voir le Shaekt se prendre au jeu, l’homme lui répond :
"Monsieur, ou alors madame ?
Révéler mes secrets me percerait l’âme.
N’agiter point votre lame,
vous subirez un destin infâme."


Etrangement, loin de se laisser intimider par un Shaakt habillé comme une putain, l’homme brandit lui aussi une rapière vers l’elfe.

L’homme endimanché menace le Shaakt :
"Je dois vous avouer
que je suis un excellent bretteur.
Nous devrions nous séparer,
ou vous subirez un horrible malheur."


Pourtant, sans être un maître d’arme Relonor n’est pas un novice en la matière. La posture et le maintien de la lame, son opposant est clairement aussi habile avec une épée que le premier péquenaud du coin. Relevant sa jupe d’une main pour ne pas être gêné, Relonor s’avance brusquement, enroule son arme contre celle du novice et d’un coup de poignet l’envoie voler.

L’homme se moque :
"Quels jolis mollets,
musclés et saillants.
Point de duvet !
C’est plutôt charmant."


Le poète tout penaud ainsi désarmé, lève les mains en guise de reddition. Pourtant ce n’est qu’une supercherie. Vif comme un serpent, l’homme réplique. De sa main gauche il saisit le bras droit du Shaakt tenant l’arme et se met à tourner pour avoir la même posture que son adversaire armé, l’imitant comme au travers d’un miroir. Pourtant, l’action ne s’arrête pas là. Tout en empêchant Relonor d’user de son arme, l’individu continu sa rotation et assène un puissant coup de coude sur la tête du Shaakt. Sous l’impact ce dernier perd l’équilibre et titube, mais parvient à garder la main mise sur sa rapière.

Le frottement de deux lames se fait entendre, incitant l’elfe noir à reprendre promptement une posture défensive. Son opposant lui fait désormais face avec deux lames courtes et son regard plein de détermination impose chez le Shaakt une certaine méfiance.

Au tour de l’elfe noir de se railler de son adversaire :
"Je suppose que ton épée
sert à faucher les blés."


L’homme répond en maniant ses lames avec une certaine dextérité.
"Je ne suis point aise
je préfère les poignards.
Prenez donc une chaise
et admirez le renard."


(Maudit sois-tu renard ! Tu cherches à me narguer, mais j’aurai le dernier mot de l’histoire. Parer une épée avec une lame courte nécessite plus de force et de concentration. Voyons comment tu t’en sorts face à mes assauts.)

Voulant accentuer sa force, il mobilise dans son arme ses nouveaux pouvoirs, profitant de l’occasion pour les tester ces derniers de la meilleure des façons.

L’elfe noir lance en testant la défense du poète narquois :
"Espèce de sale chien d'enfant de putain,
tu ne verras le soleil du jour de demain."


Aidé par la magie insufflée dans son arme, il assène de puissants coups pour fragiliser la posture de l’homme et le pousser dans ses retranchements.

L’homme déclare en déviant la rapière du Shaakt :
"Qu’ois-je un alexandrin ?
C’est égayant ,c’est cocasse,
mais vois-tu vilain
c’est l’heure où tu trépasses !"


La rapière de l’elfe noir passe près de son visage du renard qui porte un contre rapide à l’épaule supportant le bras armé.

C’est un réflexe salvateur qui lui vaut d’échapper au coup et par là même, à un dangereux handicape. Relonor prend ses distances avec son adversaire et le voit sous un nouveau jour. Ce dernier est bien plus habile qu’il ne le laisse croire. Peut-être même qu’il feinte habilement pour enchaîner de puissant contre. Il est maintenant temps d’accroitre ses chances en se faisant porter par le vent.

Faisant mine d’attendre une opportunité pour agir, Relonor rassemble sa magie en lui. Il agite ses fluides de vent qui se déchaînent comme une tempête en lui. Suivant son apprentissage, il transforme ses ressources magiques pour alléger ses membres, lui octroyant une maîtrise bien supérieure de son corps l’espace d’un instant. Trop concentré à sa tâche, sa garde est légèrement plus basse que d’ordinaire et un combattant plus expérimenté que le renard utiliserait ce moment précis pour passer à l’offensive.

(La prochaine fois, je ferais mieux de stocker mon sort en amont d’un duel.)

La magie opère, redonnant à son moral un coup de fouet supplémentaire en plus des effets désirés. Le temps des paroles mielleuses est révolu. Le Shaakt passe à l’offensive, avec la ferme intention de prendre un ascendant définitif sur le combat, pendant la durée du sort. Renforçant davantage la pression, il rassemble son énergie interne pour asséner de puissants coups pour le déstabiliser totalement. Accompagné d’une triade d’effet bénéfique, de la magie donnant une vigueur à ses membres, celle insufflée dans sa lame et la puissance brute produite par son énergie, Relonor avance vers son adversaire.

(Quelle force c’est prodigieux ! Jamais je ne suis senti si puissant !)

Parcourant l’espace qui le sépare de son adversaire avec une vélocité sans pareille, Relonor assène un puissant coup de taille qui rencontre une bonne défense en la présence des deux dagues croisées. Malheureusement pour l’homme, la puissance générée par l’elfe noir est plus importante qui ne le pensait et l’onde de choc se répercute dans ses os, déroutant sa défense. Profitant de son avantage, le Shaakt porte un violent coup au renard de haut en bas le forçant à parer de nouveau, mais cette fois-ci pour le briser. Pris au dépourvu par la vitesse, l’homme ne pouvant esquiver se voit contraint et forcé de parer de ses lames affutés. La force brute arrive à bout de la garde et de l’homme lui-même. Le coup le désarme tandis que plaqué au sol, la rapière embrasse le coup de l’individu par une goutte de sang.

Fort de sa position Relonor déclare victorieux :
"Trop longue a été mon attente.
Par l’argument de mon arme
je te conseille de couper ton charme
séance tenante."


L’argument de l’arme forçant encore sur le cou, semble être l’allié de poids pour enfin terminer avec l’épilogue de ce duel.
"A vrai dire messire il n’y a jamais eu de charme. Cette bague n’a d’effet que de briller d’un éclat et encore, elle ne luit pas assez pour être utile dans l’obscurité." Déclare l’homme.

Méfiant plus que jamais, Relonorne tient pas encore compte de la remarque.
"Tu te joues encore de moi ?
Est-ce là une ruse d’un homme aux abois ?"


"Non mon beau seigneur, pas de charme ou de sortilège. Juste un homme qui tient à garder les faveurs des femmes par l’attractivité de son visage. Même ce cache-œil est un simulacre." Continu le renard suppliant.
"Vous vouliez voir celui que me reprend mes butins,
je vous conduis moi-même à ce malandrin."


En reprenant la rime, l’homme renforce l’animosité du Shaakt contre lui et sens la lame pousser encore contre sa peau.

"Veuillez me pardonner, une vieille habitude." Dit-il.

(Il a osé ? Cette sous-merde de raclure de porc m’a forcé à m’humilier moi-même en parlant de la sorte ! Tu ne perds rien pour attendre renard. Je t’ai à l’œil et je ne compte pas me défaire de toi pour le moment.)

Relonor le menace une ultime fois :
"Je n‘ai que faire de ta vie.
Je te somme
de me conduire à ton homme
où tu regretteras cette nuit."


"Ha vous voyez, on s’y habitue n’est-ce pas !" Raille l’homme, mais une lame placée sous sa gorge l’incite au silence. "D’accord, d’accord. C’est par là !" Termine-t-il en pointant une direction du doigt.

Relonor relève le renard et le tient fermement, sa lame le dissuadant de déguerpir, tandis que p’tit George s’empare des lames du malheureux.

Chapitre 10 - Donnant-donnant.

_________________
Je boirai vos âmes.


multi de Jorus Kayne et Nhaundar


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Ven 1 Sep 2017 15:08 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 24 Nov 2015 16:38
Messages: 61
Lorsque nous sortons de la milice, une carriole nous attend. Cela va faire plus de cinq minutes que les gardes sont sortis ; il faut nous dépêcher de partir si nous ne voulons pas les croiser. Surtout que les portes ne vont pas tarder à fermer pour la nuit et notre voiture n'a pas de laisser-passer. Sans plus de cérémonie, nous prenons tous les trois places à l'arrière, la tenture de la charrette nous couvrant des regards indiscrets. Le chauffeur semble nerveux, cependant. Lorsqu'il voit Annabelle monter derrière nous, il se tourne, un sourcil levé.

« Changement de programme, » fais-je simplement. « Elle vient. Dépêchez-vous maintenant, ils peuvent revenir d'une seconde à l'autre. »

Cet argument a l'air de le convaincre ; il reprend immédiatement sa place sur son siège et ordonne aux chevaux d'avancer.

Si je ne me trompe pas, nous sommes prêts du port, c'est à dire très loin des portes de la ville. Il va nous falloir un certain moment avant de les atteindre, mais il ne devrait y avoir personne dans les rues, ce qui devrait faciliter notre progression.

« On est sûrs d'arriver aux portes à temps ? » s'inquiète Lionel auprès de la guérisseuse.
« Ca va se jouer à peu, mais oui, normalement nous y serons avant qu'ils ne les ferment, » répond-elle, la voix légèrement tremblante.

Mes yeux se portent sur son visage, crispé. Il fait nuit noire, et la tenture qui nous abrite n'aide pas à la visibilité, mais même sans lumière je peux voir qu'elle n'est pas dans son assiette. En même temps, elle aide deux fugitifs à s'évader de la cité la plus sécurisée de Yuimen et vient de perdre son travail, je ne peux que la comprendre. Tout ça à cause de moi. Je n'aurais pas dû l'accepter dans notre plan, je savais que c'était une mauvaise idée.

« Adelphe ? » murmure-t-elle, troublée.

Je détourne le regard, comme si je n'étais que perdu dans mes pensées et que mes yeux... mon œil s'était porté sur elle sans raison particulière. Je suppose que même dans le noir on peut sentir mon inquiétude.

Je m'apprête à lui répondre, à la rassurer, mais soudain la rue se fait plus bruyante. Je peux entendre des bruits de conversations et de pas, et à travers le tissu de la voiture je vois la lumière d'un nombre importants de torches. Notre carriole se fait soudain silencieuse. Ce sont les miliciens.

« Halte ! » fait l'un d'eux, très certainement à l'encontre de notre cocher, qui s'arrête immédiatement. « Qu'est-ce que vous transportez à cette heure-ci ? »
« Des étoffes, messire, » fait la voix de notre chauffeur.
« A cette heure-ci ? » répète le soldat.
« Le navire depuis Tulorim vient d'amarrer, messire. Je dois les emmener immédiatement à Oranan. »

Un court silence suit l'échange, très vite interrompu par l'arrivée d'une troisième voix dans la conversation.

« Chef, on a une dizaine de connards à foutre aux geôles, vous voulez pas qu'on se remette en route ? »
« Mouais, » lâche l'intéressé, et sans plus de cérémonie le bruit de pas reprend alors que le cahot de notre voiture reprend.

Un silence pesant reprend peu à peu sa place dans la ruelle et, quand on ne peut enfin plus entendre le moindre milicien, Lionel prend la parole, visiblement paniqué.

« Quand ils vont se rendre compte qu'on a disparu ils vont faire le rapprochement avec la carriole, » s'exclame-t-il dans un murmure qui n'a rien de discret.
« Ne vous en faites pas, » le rassure Annabelle, qui semble avoir repris une certaine contenance. « Un navire marchand vient réellement d'amarrer, et ils vont croiser une dizaine d'autres diligences transportant des étoffes sur leur chemin. Ils n'auront aucune raison de nous suspecter, Dame Elizabeth a pensé à tout. »

Je souris à cette dernière remarque. Qu'il doit être facile de vivre avec les moyens de ma sœur. Des yus à volonté, des gardes dans la poche, une influence à peine croyable sur la noblesse Kendrane... Je suppose que c'est ce qui arrive lorsque l'on marie les héritiers de deux grandes maisons de Kendra Kâr. En tant que sa seule héritière, elle a apporté toutes les possessions de notre père à la maison de son époux. Et maintenant, ils jouent tous deux dans la même cours que les plus grands Ducs du Royaume.

« Mais l'idée était que l'on arrive aux portes avant qu'ils n'aient le temps de faire passer le mot de notre évasion... » ajoute la jeune femme. « Ils risquent de faire fouiller toutes les carrioles. »
« Mais ils arriveront aux portes après nous, » fait Lionel, plein d'espoir.
« Non, ils n'ont qu'à passer par les chemins de ronde pour arriver à l'entrée de la ville en quelques minutes. »

Autrement dit, si nous n'arrivons pas aux portes de la ville en un temps record, tous les chariots seront fouillés de fond en comble. Nous avons bien quelques étoffes qui peuvent nous cacher pour les inspections rapides et paresseuses habituelles, mais en temps de crise, elles seront soulevées pour être certain que personne ne se cache.

« Est-ce que nous le tentons, ou nous essayons de trouver une planque pour la nuit ? » demandé-je à Annabelle, plus ou moins chef de cette escapade ce soir.

Je ne la vois que trop peu dans le noir ambiant, mais c'est assez pour voir la confusion sur son visage. Elle est une femme forte et de caractère, mais je suppose que même pour elle avoir la responsabilité d'un tel choix en de telles circonstances est un lourd fardeau.

« Heu... Je... » commence-t-elle, bafouillant.

Mais soudain la carriole s'arrête et le chauffeur nous soulage du dilemme de lui-même.

« Vous... Vous devez descendre ! » entendons-nous de l'autre côté de la tenture. « Nous devions arriver aux portes bien avant le début des inspections, je n'ai pas donné mon accord pour ça ! Je... Vous devez comprendre, ma vie est à Kendra Kâr... »

Je serre les dents mais, après une seconde, l'apaise.

« Je comprends. De toute façon les portes de la ville sont une destination trop risquée, nous trouverons autre chose. »

Du coin de l'œil je vois Lionel commencer à paniquer et Annabelle afficher une mine déconfite, aussi prends-je en main la situation.

« Allons aux docks, » proposé-je.
« Là où se cachent tous les malfrats de la ville ? » demande mon ami bâtard. « Tu ne crois pas qu'ils vont immédiatement penser à nous chercher là-bas ?! »
« Même pour la milice ce sont des lieux mal famés, ils mettront au moins une bonne journée pour organiser des fouilles efficaces, ça nous laisse de longues heures devant nous pour penser à un meilleur plan. »

Et, sur ces mots, je relève la tenture à l'arrière de la charrette et saute au dehors avant de me retourner pour tendre une main à Annabelle. Elle l'ignore cependant et se contorsionne pour sortir par ses propres moyens, certainement par fierté je suppose. Lionel suit quelques secondes après et, après avoir fait signe au conducteur, nous nous engageons dans la ruelle la plus sombre que nous pouvons voir.

_________________


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Ven 1 Sep 2017 19:46 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 24 Nov 2015 16:38
Messages: 61
Ca ne fait pas cinq minutes que nous sommes sortis de la carriole et nous entendons déjà les bruits de pas des miliciens armurés qui parcourent les rues en criant des ordres, torches à la main. Nous empruntons les ruelles les plus étroites et sombres, passant bien loin de ces cohues, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne se rendent compte que nous n'avons pas quitté la ville et qu'ils se mettent à les patrouiller également. Mais Kendra Kâr est trop grande pour des fouilles efficaces de ses rues, tant que nous évitons les axes principaux nous devrions nous en sortir sans croiser de garde ou de milicien.

Cependant, à ne prendre que les petites ruelles, à avancer en tâtonnant et à regarder à droite et à gauche à chaque fois que nous devons traverser une rue trop grande, nous mettons près de dix minutes pour faire le chemin inverse et revenir près de notre point de départ, la milice. Et lorsque nous y arrivons enfin, cachés dans un coin, je remarque avec amertume que des gardes semblent patrouiller devant l'entrée des docks. Ce n'est pas étonnant et c'est intelligent de leur part : s'ils ne peuvent pas envoyer des gens de chez eux sans un minimum de préparation dans ce trou à rat, ils peuvent nous empêcher soit d'entrer soit de sortir, gagnant le temps de se préparer à une descente si nous y sommes déjà ou, comme c'est le cas, empêchant notre retraite dans le quartier où les planques sont légions si nous avons d'abord tenté notre chance ailleurs. Il y a donc, rien que dans cette moitié des rues menant aux docks, une dizaine de miliciens gardant les entrées principales comme secondaires vers ces taudis.

« Des gardes ! Il faut rebrousser chemin ! » lâche finalement Lionel dans un murmure tout sauf discret lorsqu'il aperçoit à son tour la surveillance du quartier.

Mais je lui fais signe de se taire, réfléchissant à toute vitesse. Peu de miliciens sont assignés aux geôles et ceux que je vois de ma position ne semblent pas m'avoir rendu visite. Mais ils cherchent un groupe de trois personnes et connaissent tous Annabelle, qui est l'une de leurs guérisseuses. Quant à moi, avec mon unique œil gauche, je ne risque pas de passer inaperçu. Même sans me connaître, ils sauront qui je suis en une seconde. Je me tourne vers Lionel, avisant sa tenue ; il est toujours dans les vêtements de bonne facture dans lesquels il était lorsqu'il a été arrêté, mais celle-ci a essuyé le poids des jours passés dans les cellules de la milice. Deux points très suspicieux également, donc. Mon plan d'envoyer l'un de nous trois demander de l'aide à l'un des gardes tombe à l'eau, et il ne me reste plus qu'une idée en tête pour nous permettre de nous rendre dans les docks.

« Venez, on doit trouver l'endroit où il y a le moins de miliciens en vue, » fais-je en rebroussant chemin pour passer par quelques ruelles sombres.

Je sens la perplexité de mes camarades à cette déclaration mais ne la relève pas, continuant d'avancer en me concentrant sur mes alentours. Je tente, malgré la pénombre, de retenir l'embranchement de chaque rue que nous passons, d'établir un itinéraire dans mon crâne tout en continuant vers ce qui me semble être l'Est de la ville. Finalement, après quelques minutes, nous arrivons face à l'extrémité des docks. Il n'y a plus qu'à traverser la rue principale pour nous retrouver face à ces quartiers mal famés... Et aux deux gardes qui le surveillent. Car depuis cette position, seules deux ruelles permettent de rentrer là où nous voulons aller, les autres étant soit trop loin soit cachées par des bâtiments.

« Bon. Dès qu'ils sont hors de vue, précipitez-vous dans les docks. Je vous rejoindrai plus tard, » fais-je.

Annabelle me regarde sans comprendre alors que Lionel secoue la tête.

« C'est de la folie, » répond-il, mais il ne semble pas vouloir s'y opposer pour autant.

Ces mots font réaliser à la guérisseuse mon plan, cependant, car la lune éclaire la surprise sur son beau visage. Surprise qui se transforme bien vite en colère alors qu'elle secoue la tête, les sourcils froncés.

« Il en est hors de question ! » murmure-t-elle. « Vous venez d'être blessé à l'abdomen, comment espérez-vous semer des miliciens entraînés ? »
« Vous sous-estimez votre magie de soin, » minimisé-je. « Et ces gaillards sont en armure et lourdement armés, ça suffira à les ralentir. »

En vérité elle n'a pas tout à fait tort, si ma blessure n'est presque pas douloureuse lorsque je marche, courir réveillera certainement violemment la douleur et portera un sacré coup à mon endurance. D'autant que les deux hommes qui se tiennent fièrement ici n'ont rien du geôlier flemmard que j'ai rossé tout à l'heure. Aucune bedaine qui dépasse d'une armure de seconde qualité mal ajustée ici, mais le muscle des guerriers aguerris qui ont été réveillés en urgence pour cette situation de crise. J'ai beau être armé, sans protection, avec mon œil le plus sûr crevé et après une semaine à dormir par terre et manger de la merde en quantité insuffisante, mes chances de gagner ne serait-ce que contre l'un d'eux s'il venait à me rattraper sont tout simplement nulles. Quant à éviter l'affrontement... Eh bien voyons où en est ma mémoire concernant les rues de cette ville. Je n'y avais pas foutu les pieds en l'espace de trente ans, certes, mais j'ai passé les douze premières années de ma vie ici. Entre ça et le repérage de tout à l'heure... espérons que ça suffira.

_________________


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Ven 1 Sep 2017 23:14 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 24 Nov 2015 16:38
Messages: 61
Annabelle me regarde toujours étrangement mais je l'ignore et avance dans la rue, à découvert, d'un pas faussement pressé et faisant mine de regarder de tous les côtés avec inquiétude. Mon regard se pose alors sur le milicien le plus proche, qui m'observe étrangement, les sourcils froncés. J'esquisse un pas en arrière plus que douteux, portant la main au manche de mon épée à ma ceinture et il n'en faut pas plus au garde pour faire de même en s'avançant vers moi.

« Hey ! » me hèle-t-il, et aussitôt son collègue s'intéresse à la situation, s'approchant également.

Alors je continue de reculer sans lâcher le pommeau de mon arme ni la dégainer, d'un pas de plus en plus pressé.

« Arrêtez-vous ! » ordonne le premier.

Je choisis ce moment pour me retourner et me mettre à courir. Des cris et des bruits de course derrière moi m'annoncent que les deux miliciens me suivent dans leurs armures semi-lourdes, laissant la voix libre à Lionel et Annabelle. Mon cœur en serait allégé si je n'avais pas maintenant deux gros ennuis à mes trousses.

Alors que j'accélère, je sens la plaie en dessous de mes côtes mordre mes muscles mais l'ignore. Je choisis de rester quelques temps dans la rue principale pour être certain de n'en perdre aucun immédiatement mais la douleur me rappelle déjà à l'ordre, me demandant de me dépêcher de les semer. Quelques mètres plus loin, donc, je tourne à droite dans une ruelle sombre. Alors la vraie course poursuite commence. Nous allons tous trois à la même vitesse mais mon endurance laisse à désirer ce soir, aussi gagneront-ils par défaut dans des circonstances normales. Ce qu'il me faut, c'est les perdre.

Lorsque j'arrive à la première intersection de la ruelle, je les entends entrer dans celle-ci derrière moi. Je tourne une première fois à gauche, puis une seconde quelques mètres plus loin mais encore une fois ils ont le temps de m'apercevoir. Au bout de cette nouvelle rue je vais à droite et cette fois ils n'ont pas pu me voir. Il ne leur faut cependant pas bien longtemps pour me retrouver, par déduction certainement, dans cette longue ruelle. Ma blessure est douloureuse, mes poumons semblent brûler de l'intérieur et mes jambes ralentissent peu à peu. Je les sens qui reprennent du terrain seconde après seconde et chaque fois que je tourne à une intersection ils me retrouvent immédiatement. Mais, au détour d'une ruelle, je trouve mon salut. Une petit clôture se trouve directement sur ma droite ; je l'enjambe et traverse le petit jardin privé en quelques foulées avant de ressortir de l'autre côté, dans une nouvelle rue encore. Il ne me faut pas plus d'une minute pour définitivement perdre mes poursuivants et m'arrêter entre deux maisons pour reprendre mon souffle.

Je m'adosse au mur et me laisse glisser au sol tant la course fut douloureuse pour moi. Mon abdomen et mes poumons me brûlent tandis que mes jambes commencent à sérieusement me lancer. Jusque là j'ai dû me battre contre un milicien, essuyer une blessure, marcher de longues minutes d'un pas pressé avant de courir à toute vitesse pendant un certain moment. Et tout ça après une semaine sans pouvoir faire bien plus que me dégourdir les jambes dans ma cellule ridiculement petite. Ca commence à faire beaucoup trop d'épreuves pour moi et je ne suis même pas encore sorti d'affaire. Car il me faut maintenant rejoindre à mon tour les docks et pour cela passer outre la vigilance des deux gardes, qui semblent tourner non loin de moi selon les bruits que j'entends. Heureusement la chance me sourit lorsque l'un de mes deux poursuivants a une idée pourtant très bonne.

« Je m'occupe de surveiller la zone, va chercher du renfort, » l'entends-je dire à son coéquipier.

Rapidement, l'autre répond par l'affirmative et j'entends bientôt le bruit de ses bottes s'éloigner de ma position. J'attends une bonne minute supplémentaire avant de me relever et de m'approcher du bout de la ruelle le plus discrètement possible. Je regarde à droite, à gauche : rien. Alors je traverse, m'engouffre dans une nouvelle intersection avec précaution jusqu'à arriver en vue de la rue principale. C'est là que le second milicien attend, observant chaque ruelle avec attention mais passant ses yeux sur moi sans me voir tant celles-ci sont sombres. La lune est hors de mon champ de vision aussi suis-je plongé dans la pénombre la plus totale. Je réfléchis quelques instants, observant mes alentours, avant d'apercevoir quelques pierres à ma portée. Je me penche pour en attraper deux, me tourne en direction de la ruelle parallèle à la mienne et lance l'un des projectiles en l'air par dessus une maison. Sitôt que le caillou atterrit de l'autre côté dans un bruit plus ou moins discret, je m'approche de nouveau de l'extrémité de la ruelle pour voir le milicien dégainer son épée et s'approcher prudemment de la source du bruit. Et, enfin, je sors de son champ de vision. Ni une ni deux, je sors de ma cachette pour le prendre à revers. Il n'a pas le temps de se retourner que je flanque ma deuxième pierre droit dans sa tempe, le faisant tomber raide sur le sol.

_________________


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Lun 16 Oct 2017 19:29 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 14 Juin 2016 21:18
Messages: 738
Localisation: Kendra Kâr
Les sabots de Chevauchante résonnaient clairement sur les pavés mal lavés des rues d'une ville qui s'éveillait à peine ; le cheval passait sans se presser entre les premiers commerçants, les derniers soudards pas encore effondrés dans un coin, les dames de maison empressées et empesées de leurs lourds attributs qui marquaient bien leur appartenance sociale, regardant avec mépris les quelques jeunes hommes frippés avec provocation qui s'en allaient, leurs cahiers sous le bras, s'adonnant à une course aveugle et rapide comme la brise qu'est la jeunesse vers leur école où de savants maîtres tenteraient de leur inculquer un peu de leur millésime sagesse, à l’abri de murs spécialement surveillés par des gardes dont la lance servait encore, lorsque le soleil ne mordorait pas encore la lame, d'arme autant que de soutient pour leurs corps fatigué de veilles. Kay elle-même étouffait de temps à autre un bâillement et seule la brume vaporeuse des songes qui s'évanouissaient portait à son visage un fin sourire. Elle envisageait avec calme le long chemin qui l'attendait et qui ramènerait le fil de son destin à Clair de Lune, citadelle de l'ordre des Danseurs d'Opale. De préoccupantes nouvelles y étaient à délivrer.

Kay avait fini par y penser toute la nuit, retournant les dernières paroles du demi-Shaakt dans sa tête, le complice d'Averenn qu'elle avait - oui, c'était le mot - assassiné la nuit derrière après une brève question, comprenant tout autant l'interrogatoire que l’extorsion violente, sanglante, des réponses qu'elle demandait. Mais les informations qu'elle en avait retirées n'étaient pas superfétatoires aux yeux des deux Danseuses ; laissant à Estë le soin de s'occuper des affaires de l'ordre au sein de la ville kendrane, la maître d'armes s'était remise en route dès l'aube pour les porter à messire Illinwë, commandeur de Clair de Lune. Selon le demi-Shaakt, une attaque sur la citadelle serait imminente. Et non seulement les attaquants avaient connaissance de ce lieu au sein de Nirtim, encore semblaient-ils tout savoir dessus. La vérité ne se pouvait voiler longtemps : il y avait très certainement un traître au sein de l'ordre. Quelle triste nouvelle...

(Alors que nous sortons à peine de l'ombre, nous avons déjà des ennemis intimes qui veulent notre perte.)

C'était d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Kay s'était hâtée de plier bagage, alors même que son corps souffrait encore de courbatures conséquemment à ses aventures nocturnes et que son esprit lui-même divaguait sous la lassitude. Du moins, le voyage ne s'annonçait pas mouvementé : la guerrière avait l'intention de presser le mouvement afin de l'accomplir en le moins de temps possible. Elle était attendue ; l'angoisse du temps qui s'enfuyait en direction de l'attaque la tiendrait éveillée.

_________________
Kay de Kallah, Maître d'Armes et demie-Sindel

Multi : Ædräs


Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Dim 18 Mar 2018 03:03 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 12 Mar 2018 23:45
Messages: 13
Retour au Sommaire
Partie I

Le chemin de la maison

Précédemment...

Hayden marchait dans une petite rue, la luminosité baissait à vue d'oeil. L'automne faisait son oeuvre et les jours raccourcissaient. Certains passants se promenaient déjà avec leurs lampes pour ne pas être pris de court pas l'obscurité grandissante. Pour Hayden, les habitants de cette ville avaient toujours eu peur du noir. Mais il pouvait le comprendre, lui qui avait vu des massacres entre gangs de la pègre. En effet, la nuit est le royaume des morts, des brigands et des brigands morts que Hayden et son frère auraient tué lors d'une mission quelconque.

Continuant son chemin, le jeune kendran observait les enfants courir pour rentrer chez eux avant que le monstre de la nuit - que leurs parents leur ont décrit tous les soirs - ne les attrape. Puis, il se remit à penser au marchand qui était à l’auberge du Fulminaire Dément.

(Je me demande s’il aura de quoi payer… S’il n’a pu rien comme il dit, c’est soit on est gentils et on lui fait crédit, soit il va nous promettre un truc un peu spécial. Jack décidera de ça de toute façon !)

Alors qu'il était pris dans sa pensée, Hayden entendit un bruit métallique sur sa droite, comme une épée qui en taperait une autre. Il regarda à sa droite, mais il ne vit personne se battre. Il s'arrêta pour écouter plus attentivement malgré le bruit que font les quelques passants du soir. Le bruit retentit une nouvelle fois. Hayden marcha en direction du bruit en mettant sa main à sa ceinture.

« Merde ! » jura-t-il.

(J’ai laissé mon épée à la maison…)

C'est alors qu'une jeune femme sortit du bâtiment devant Hayden avec une lampe à la main qu'elle accrocha au-dessus de la porte. Hayden reconnu immédiatement le bâtiment, la Grande Forge d'Argaïe, son épée venait de cette forge, la meilleure de la ville.

« Excusez-moi monsieur. Vous cherchez quelque chose ? » demanda la femme en voyant le jeune homme observer la bâtisse.

« Heu… Non, j’ai juste entendu des bruits de combat de combat alors je venais voir. » lui répondit Hayden, gêné.

« Ah ! Ne vous inquiétez pas. C’est Argaïe qui teste sa dernière création. Entrez et venez voir. »

Ne pouvant pas résister à l'invitation, Hayden entra dans la boutique, en quête de la vision d'une belle lame.

Suite...

_________________



Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Lun 19 Mar 2018 23:15 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 12 Mar 2018 23:45
Messages: 13
Retour au Sommaire
Partie I

Le chemin de la maison

Précédemment...

Darien s’arrêta à environ un mètre de la porte tandis que Hayden, lui, continua d’avancer sur quelques mètres. Six hommes tenant une lampe chacun formaient un large arc de cercle devant la boutique et un septième se tenait debout d’un côté de cet espace.

« Et bien mon ami ! Vous affronterez Manfred ! » dit Darien en jetant son arme de bois au septième homme.

« Les règles sont simples ! Le premier qui perd connaissance ou qui abandonne a perdu ! Tous les coups sont permis mais vous n’avez droit à aucune aide extérieure. Et vous ne vous tuez pas s’il vous plait même si c’est dur avec ça… Ah oui ! Manfred ! Si tu gagnes, je double ta prochaine solde ! »

Hayden et son adversaire se positionnèrent à dix mètres l’un de l’autre. Le jeune kendran voyait le sourire satisfait de son opposant, par les annonces de son patron. Bien qu’il commençait à se faire tard, le peu de personnes qui étaient dehors à ce moment commencèrent à se rassembler autour de l’arc de cercle, intrigués par le spectacle qui allait avoir lieu.

« Allez-y ! Combattez ! » cria le riche marchand.

Hayden regarda son épée, elle était trop légère à son goût.

(Bien moins équilibrée que l’épée de toute à l’heure…)

Son adversaire avait un casque et un plastron de métal et le reste de l’armure en cuir renforcé alors que lui n’avait qu’un plastron de cuir. Hayden devait se débrouiller pour lui enlever son casque pour l’assommer rapidement.

(Ça ne va pas être simple cette histoire…)

Le dénommé Manfred avançait à petits pas vers le jeune kendran. Lorsqu’il jugea qu’il était assez prêt, il leva son épée et l’abattit sur Hayden. Ce dernier réagit rapidement. Il s’accroupit, plaça sa lame au-dessus de sa tête en posant la paume de sa main gauche sur le de son épée de bois et tenant la poignée de sa main droite pour parer le coup. Lorsque le choc retentit, Hayden se releva en poussant l’épée de Manfred avec la sienne, il ramena son bras avec son épée vers son adversaire pour essayer de le frapper au ventre. Mais hélas, son épée était trop courte.

(Je déteste cette épée.)

Manfred, voyant l’ouverture, envoya un grand coup d’estoc à Hayden. Ce dernier, malgré son plastron en cuir, sentit le bout de bois lui compresser les intestins. Le souffle coupé, Hayden prit le temps de s’accroupir quelques secondes avant de donner un coup vers le haut en visant la tête de son adversaire. L’épée de bois percuta le menton de Manfred, lui faisant mordre sa langue et hurler de douleur en crachant du sang.
En colère, l’homme de main de Darien se jeta sur Hayden, le plaquant au sol avant s’asseoir sur lui pour le frapper au visage à la main à plusieurs reprises. Les coups s’enchaînaient. Le jeune kendran sentait qu’il allait perdre connaissance s’il ne réagissait pas rapidement. Dans un effort qui lui parut surhumain, il sera son épée de toutes ses forces et porta un énorme coup dans la tête de son assaillant, le faisant basculer, perdre son casque ainsi que quelques dents. Hayden se releva, alla chercher le casque de Manfred avant de retourner vers lui en titubant légèrement. Manfred avait l’arcade ouverte, il était à quatre pattes parterre en train de chercher ses dents dans la pénombre créée par les lampes des spectateurs. Lorsqu’il arriva près de son adversaire, Hayden le regarda avec mépris avant de lui fracasser son casque sur la tête, le faisant s’écrouler au sol. Le jeune kendran lui donna des coups de pied sur le flanc pour l’obliger à se retourner sur le dos. Ensuite, Hayden s’assit sur le plastron de Manfred, lui prit son épée de bois de sa main gauche et tenta de le frapper au visage avec. Mais dans un éclat de conscience, l’homme leva son bras pour attraper celui de Hayden avant qu’il ne le touche.

« Ah oui ? T’es plus solide que prévu toi ! » dit Hayden en sentant ses joues gonfler à causes des coups qu’il avait reçu quelques minutes avant.

Le jeune kendran, de son épée dans sa main droite, libéra son bras gauche en brisant celui de Manfred qui hurla de douleur avant de cracher le sang qui coulait de sa plait à la langue. Voyant qu’il était sur le point de gagner ce combat, Hayden leva lentement le bras pour asséner un dernier coup qui le mettrait K.O, mais il vit que l’homme balbutiait quelque chose.

« Ch… Chtop… Ja… J’abondondonne… »

Le jeune kendran laissa retomber son bras et lâcha les deux épées au sol avant de se relever. Darien se mit à applaudir alors que tout le monde autour restait silencieux.

« Bravo mon ami ! Vous remportez ce duel ! »

« Souvenez-vous de votre mise Darien ! » dit Hayden alors que ses joues le faisaient souffrir.

« Bien entendu ! C’est de bonne guerre ! Venez, signons le contrat de cession. »

Voyant que les gens le regardaient intensément, le jeune homme mis sa capuche pour éviter qu’on ne le reconnaisse trop. Heureusement, ses joues étaient tellement enflées et les lumières tellement faibles que personne dans l’assemblée ne pourrait le reconnaitre aussi facilement plus tard.

Darien Caumont entra dans la boutique quelques instants avant de ressortir avec un papier, une plume et les deux épées dans des fourreaux noirs bardés d’acier.

« Signez là. » dit le marchand en tendant la feuille et la plume à Hayden.

« Vous êtes bien amoché vu de près dites-moi. » continua-t-il avec un air amusé.

« Vous pouvez toujours vous mettre à mon service vous savez. Vous seriez bien payé. »

« Vous êtes un mauvais joueur Darien » répondit Hayden en signant le papier d’un ‘H’.

« Voilà, donnez-moi mes épées maintenant s’il vous plait… » dit-il en tendant la main vers Darien.

Déçu, le marchand mit les épées dans les bras du jeune homme.

« Voilà, elle sont à vous. Prenez-en soin, elles m’ont coûté trois cent trente yus chacune… »

« Ne vous inquiétez pas pour ça, Monsieur Caumont » dit Hayden en traversant la foule qui commençait déjà à se disperser.

Suite...

_________________



Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Jeu 27 Sep 2018 23:25 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 3 Sep 2018 16:12
Messages: 18
Localisation: Kendra Kâr
Les rues de Kendra Kâr étaient désertes alors que la nuit avait jeté un voile de silence sur la ville. Seuls quelques bruits de pas se faisaient entendre. A cette heure-ci, tous les citoyens respectables avaient regagné la chaleur de leur foyer et leur lit. Mais ni Ulric, ni ses deux compagnons, ni l’homme qu’ils suivaient de loin ne pouvaient se targuer de se compter parmi les « citoyens respectables » de la Cité Blanche.

Le trio, composé d’Ulric et de deux contrebandiers prénommés Walmyr et Wilifrid, membres d’une bande en pleine croissance sévissant dans les docs qui avait recruté Ulric peu après son arrivée en ville, progressait silencieusement, rasant les murs dans l’espoir de rester invisible aux yeux de leur proie. Ils suivaient cette dernière, un homme brun de taille moyenne au visage ravagé par l’alcool, depuis le marché où ils l’avaient trouvé. Wilifrid était à peu près certain qu’il s’agissait d’un membre d’un groupe de contrebandiers rival, ce même groupe qui avait récemment réussi à leur dérober plusieurs caisses de marchandises au cours d’un raid sur une de leurs caches.

Jan, le chef de leur gang, était entré dans une colère noire en apprenant le vol. Il ne pouvait certainement pas se permettre de se laisser marcher sur les pieds par ses rivaux ou de décevoir ses clients s’il voulait pérenniser sa place sur le marché noir. Ainsi, il avait envoyé tous les hommes qu’il pouvait en quête d’informations qui lui permettrait de récupérer ses marchandises avant qu’elles ne disparaissent définitivement. La promesse d’une belle prime à qui lui rapporterait quoi que ce soit d’utile avait également motivé ses hommes et, bien que devenir riche était bien la dernière des préoccupations d’Ulric, il ne crachait jamais sur quelques yus.

L’homme devant eux, toujours inconscients d’être suivi, s’engagea dans une artère sur sa droite, en face de la cour des archers.

« Mais où ce crétin peut-il bien aller ? », murmura Walmyr.

« Qu’est-ce que j’en sais ? J’ai une tête de voyante, tu trouves ? Contente-toi d’avancer et ne le perd pas de vue ! », répondit Wilifrid.

Silence.

« Il va peut-être aux Sept-Sabres. Ce n’est pas loin. », rajouta Ulric après un temps.

« Probable. Maintenant, fermez vos gueules, vous deux ».

L’énervement commençait à pointer dans la voix de Wilifrid. Le vieux contrebandier à la face burinée n’avait jamais semblé apprécier la compagnie de ses deux plus jeunes compères, qu’il jugeait inexpérimentés. C’est tout juste s’il supportait Ulric, et ce seulement parce qu’il ne parlait que rarement. Crapahuter en pleine nuit n'était pas non plus à même d'améliorer son humeur.

Leur proie, toujours long devant eux, pris un nouveau tournant, sur sa gauche cette fois. Wilifrid ordonna de presser le pas d’un signe de la main. Il ne fallait absolument pas qu’ils perdent leur homme de vue car, si Jan se montrait toujours généreux envers ses meilleurs éléments, il était aussi prompt à se débarrasser des moins efficients. Ainsi, il était hors de question qu’ils rentrent bredouilles.

Le trio n’était plus qu’à quelques dizaines de pas du tournant dans lequel leur proie avait disparue quand ils virent la lumière de torches approcher.

« Merde, des gardes ! »

Les trois contrebandiers s’enfoncèrent dans une étroite ruelle entre deux maisons à la façade défraichie, dos au mur. Les gardes, au nombre de quatre, passèrent heureusement sans les voir, dans un cliquetis de cotte de maille. Après quelques instants, Ulric passa la tête hors de la ruelle pour s’assurer que la voie était à nouveau libre.

« Ils sont partis. », annonça-t-il à ses compagnons.

Walmyr et Wilifrid sortirent à leur tour de leur cachette, soulagés. La garde de Kendra Kâr n’était pas connue pour sa tolérance envers les « promeneurs nocturnes ». Le trio reprit son chemin mais, une fois arrivé au carrefour où ils avaient vu leur proie pour la dernière fois, ils ne virent rien, si ce n’est un rat se repaissant de détritus au milieu de la voie, droit devant eux. Wilifrid éclata :

« Merde, on l’a perdu ! Foutus gardes de mes deux ! »


Il ramassa un caillou sur la chaussée avant de l’envoyer, de frustration, sur le rat qui prit la fuite, non sans émettre moult couinements.

« Du calme. Il a tourné à gauche, on l’a bien vu. Il est sûrement parti aux Sept-Sabres. »

« Tu me dis de me calmer, à moi ? Je vais te foutre mon poing dans la tronche, ça me calmera, ça ! »

A présent, Wilifrid se retenait difficilement de crier mais, s’il ne baissait pas d’un ton, il risquait d’ameuter d’autres gardes. Malgré la menace, Ulric conserva son sang froid et s’apprêta à répondre lorsque Walmyr prit la parole pour résonner l’ainé du groupe :

« Il a raison, Wil’. Il n’y a que ça dans le quartier. Enfin, ça et le temple de Thimoros. »

Walmyr fut pris d’un frisson rien qu’à l’évocation du temple du dieu scorpion, avant d’ajouter :

« Mais je ne vois pas ce qu’il ferait là-dedans. »

Wilifrid se calma. S’il avait le sang chaud, il reprenait aussi ses esprits rapidement.

« Très bien, allons voir aux Sept-Sabres. Mais s’il n’y est pas, préparez-vous à passer une longue nuit, parce que je vous ferais quadriller tout le périmètre. »

« Bien sûr, bien sûr, mais dépêchons-nous avant qu’une autre patrouille ne passe. »



Une soirée comme une autre aux Sept Sabres

_________________



Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Dim 30 Sep 2018 18:09 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 3 Sep 2018 16:12
Messages: 18
Localisation: Kendra Kâr
[:attention:] RP à caractère violent

Une soirée comme une autre aux Sept Sabres

Les trois contrebandiers ressortirent dans la nuit, accompagné de leur fardeau gesticulant. Ils s’engagèrent dans l’étroite ruelle adjacente aux Sept Sabres avant d’aller se réfugier dans celle, encore plus étroite, derrière la taverne. L’endroit était désert, sans même un rat ou un chat de gouttière. Seuls quelques tonneaux se dressaient, adossés au mur de la taverne. Là, à l’abri des regard indiscrets, ils balancèrent leur nouvel « ami » au sol, dans une flaque d’eau, où il fût immédiatement accueilli de nouveaux coups de pieds. L’homme tenta de se redresser tant bien que mal avant de murmurer :

« Wilifrid… Je sais qu’on n’est pas partis du bon pied… mais il n’est pas besoin d’en arriver là… »

« Attends, Wil, tu le connais ? » demanda Walmyr « Pourquoi ne pas l’avoir dit ? »

« Bien sûr que je connais ce fils de pute ! Je t’apprendrais à te taper ma fille ! »

Là-dessus, il se remit à frapper l’homme du pied avec frénésie.

Ulric fût surpris par le tour que prenaient les évènements. Il n’avait jamais ne serait-ce qu’imaginé que ce vieux gueulard au sang chaud de Wilifrid puisse avoir des enfants. Les seules femmes avec qui il l’avait vu depuis deux mois qu’il était à Kendra Kâr étaient les prostituées qui infestaient les docs. Il craignait que le contrebandier l’ait emmené dans cette petite chasse à l’homme nocturne dans le seul but de régler de vieux griefs qui ne regardaient que lui.

« Je pensais que nous étions là pour affaire. Je n’ai pas envie de m’immiscer dans tes histoires personnelles, Wilifrid. »

« Mais c’est bien pour ça que nous sommes là, les jeunots ! » répliqua-t-il d’un ton presque théâtral, faisant face à ses deux compagnons.

« Donc c’est bien un des gars de Fennec ? », demanda Walmyr en évoquant le chef de la bande qui avait volé la leur.

« Bien sûr que c’est un des gars de Fennec. Un gars de Fennec qui a souillé ma fille ! »

Wilifrid agrémenta le pauvre homme qui essayait de se relever d’un nouveau coup de pied. Ce ne serait pas étonnant qu’il ait à présent plusieurs côtes cassées.
Ulric commençait déjà à se lasser de l’échange. Il était venu dans un but unique : apprendre où était passée la cargaison volée à Jan, retourner aux docs, toucher la prime promise à qui obtiendrait l’information. Ça et rien d’autre. Wilifrid pouvait bien régler ses histoires de famille plus tard, et sans son aide.

« Bon, commençons à l’interroger. »

« Oui, oui. Bon. »

Wilifrid se dressa face à l’homme, qui se tenait à présent à genoux.

« Alors, du con, toi et tes petits potes avez volé des marchandises qui appartiennent à Jan. Le patron est fâché. Très fâché. Alors, si tu ne veux pas qu’on écourte ta vie de merde, tu vas me dire où vous avez caché tout ça. »

« Je ne vois de quoi vous parlez. »

« Mauvaise réponse ! »

Le poing de Wilifrid vint cueillir l’homme dans la mâchoire, le renvoyant au sol.

« Je pose ma question une nouvelle fois : où avez-vous caché notre merdier ? »

« Je ne sais pas… »

Cette fois-ci, ce fût un coup de pied qui vint s’enfoncer dans ses côtes.

« Je vais finir par vraiment m’énerver ! »

L’homme ne répondit même plus et se contenta de gémir de douleur. Walmyr, qui avait assisté passivement à la scène jusque-là, tenta :

« Essaie de ne pas le tuer, Wil, il ne racontera rien lorsqu’il sera mort. »

« Ouais, ouais. Des suggestions peut-être, vous deux ? Ulric ? T’as une gueule à faire peur, je dis, tu le feras peut-être parler. »

« Je peux tenter. »

Le fanatique sortit sa dague de son fourreau tout en ramassant l’homme de la main gauche pour le remettre sur ses genoux. Une fois redressé, il se contenta un instant de dévisager l’homme sans rien faire, lui laissant le temps de se demander à quelle sauce il serait cuisiné. Ulric le dominait largement et le fixait d’un regard impassible au milieu d’un visage pâle, tellement pâle qu’on était en droit de se demander s’il n’appartenait pas à un mort ne continuant de se mouvoir que par l’œuvre d’une sombre magie. Soudain, sans crier gare, la dague d’Ulric surgit et perça le biceps gauche de l’homme, qui laissa échapper un cri de douleur. La blessure n’était guère profonde mais cette douleur soudaine et inattendue constituait une bonne entrée en matière.
La peur se lisait dorénavant dans le regard de l’homme agenouillé. Il se demandait d’où viendrait le prochain coup, ou même s’il quitterait cette ruelle en vie à la fin de la nuit. Encore quelques coups, quelques balafres par ci, par-là, et il finirait par supplier, puis il parlerait. Tenir ainsi la vie d’un homme entre ses mains remplirait d’une euphorie malsaine le cœur de beaucoup, mais Ulric souhaitait seulement en finir au plus vite. Il se moquait bien de cet homme, de Wilifrid et de sa fille, et même de Jan et de sa foutue cargaison volée. Il se moquait même de la prime. Il n’avait rejoint les contrebandiers que pour éviter la mendicité. Ainsi, il espérait pouvoir en finir rapidement par l’intimidation plutôt que la torture. Pour la première fois, il adressa la parole à sa victime, en usant la voix la plus lugubre dont il était capable afin d’ajouter à son apparence déjà sinistre :

« Nous allons passer un marché, toi et moi : que tu parles ou que tu ne parles pas, je ne prendrais pas ta vie... »

« Hey, ne lui promets pas n’importe quoi ! »

Ulric ignora son compagnon et poursuivit :

« Ce que nous allons mettre en jeu, ici, ce sont tes membres, tes mains, tes doigts, la peau de ton dos… »

Et alors qu’il poursuivait son sinistre monologue, il faisait courir sa dague partout sur le corps de l’homme terrorisé.

« Et pourquoi pas cet œil ? »

« Pitié, si je parle, ils me tueront ! »

Ulric saisi le menton de sa victime et approcha, lentement, la pointe de sa dague de son œil gauche. L’homme tenta de se libérer de la prise du fanatique, il tenta de reculer, de détourner le visage, mais sans succès. La lame continuait sa lente progression pour le plonger dans les ténèbres.

« Je vais parler ! Je vais parler ! Pitié ! »

Soulagement. Ça avait pris moins de temps qu’il ne le pensait.

« Où ? »

« Dans le port ! Un vieil entrepôt, plus personne ne l’utilise. Numéro XVIIB ! Près de là où s’amarrent les pêcheurs ! Laissez-moi partir ! »

Ulric lâcha l’homme pour le laisser filer mais Wilifrid protesta :

« Hey, ne le laisse pas filer, il va aller prévenir sa bande ! Tranchons-lui la gorge de suite. »
« Non. »

L’homme lança des regards terrifiés aux deux contrebandiers, se demandant quel serait son sort.

« Non ? Tu me défies, jeune coq ? »

« Je lui ai promis que je ne prendrais pas sa vie. »

« Et alors ? Les mots ne sont que des mots. »

« Je n’ai qu’une parole. »

« On ne peut pas le laisser partir. Le temps qu’on arrive à cet entrepôt, il se sera vide ! »

Ulric ne pût qu’admettre la justesse de l’argument. S’ils laissaient l’homme partir, il irait prévenir ses camarades qui déplaceraient immédiatement la cargaison ou, pire, leur tendrait une embuscade. Ils pourraient aussi, bien sûr, foncer droit vers le port et prendre les hommes de Fennec de vitesse mais, si l’endroit était gardé, ils auraient besoin de temps pour réunir des renforts et préparer un raid en bonne et due forme. Cependant, Ulric ne pouvait se résoudre à tuer l’homme. Bien plus que de la pitié, c’était une affaire de fierté : il avait déclaré à l’homme qu’il vivrait quoiqu’il arrive et ne pouvait supporter que le vieux Wilifrid n’en décide autrement.

« Tu as une idée, petit génie ? »

Ulric regarda autour de lui et vit les tonneaux qui attendaient là, toujours adossés au mur de la taverne.

« Enfermons-le là-dedans. Personne ne le trouvera avant demain. »

Wilifrid haussa les épaules et se contenta de lâcher :

« Mouais. »

L’homme, qui n’avait plus dit un mot, sembla se résigner à son sort. Trempé jusqu’aux os pour avoirs été étalé tant de fois dans la grande flaque qui recouvrait les pavés de la ruelle, il devait trembler autant de froid que de peur à présent. Sans plus rien dire, Ulric s’avança vers les tonneaux et en ouvrit un. Il contenait du hareng séché trempant dans du sel. Ulric le renversa d’un coup de pied afin de le vider de son contenu avant de le redresser.

« Inutile de te débattre. »

Les contrebandiers se saisirent de l’homme et lui ligotèrent les mains avec sa propre ceinture avant de découper un morceau de sa chemise pour le bâillonner. Après cela, ils le forcèrent à rentrer dans le tonneau qu’ils refermèrent au-dessus de lui. Il ne devrait pas être capable d’en sortir avant que Fred le Muet, ou peut-importe à qui d’autres appartenaient ces tonneaux, ne se demande ce qu’il était arrivé à ses réserves de poisson.

Une fois tout cela terminé, Wilifrid, qui semblait tout d’un coup d’excellente humeur, s’exclama :

« Bon, je crois que Jan nous doit une prime ! »

_________________



Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Dim 30 Sep 2018 19:18 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 3 Sep 2018 16:12
Messages: 18
Localisation: Kendra Kâr
Leur mission accomplie, Ulric, Walmyr et Wilifrid n’avaient plus qu’à retourner aux Docs et rapporter l’info à Jan. Entrepôt XVIIB, près de là où s’amarrent les bateaux de pêches. Walmyr et Wilifrid semblaient béats de joie et l’idée de recevoir la prime promise par le patron. Ulric trouvait cette obsession pour les yus ridicules. Certes, il faisait le même boulot que ses deux compagnons et ne refuserait pas la prime, dont Jan n’avait pas précisé le montant d’ailleurs, mais la vie n’était pas gratuite pour lui non plus et il n’avait, de toute façon, pas d’autre option. Il n’avait pas assez d’argent pour se payer un apprentissage auprès d’un artisan, et il était trop vieux pour cela de toute façon, ni pour ouvrir un commerce. Il devait bien admettre, d’un autre côté, qu’aucune de ces deux options ne lui faisaient envie. Non, ce qu’il désirait, et ce depuis ce jour où il avait découvert les fluides qui courraient dans ses veines, était d’apprendre à maitriser pouvoir. Il n’avait pas de réelle raison de vouloir maitriser les fluides obscurs, il ne voulait pas se venger, sauver -ou enlever- une princesse ou tout autre excuse romanesque. Non, la simple idée qu’il existait un art secret, interdis, et qu’il possédait la capacité innée, latente, de le maitriser l’attirait comme une lanterne dans la nuit attire les insectes. Bien sûr, il avait envisagé de se rendre à Omyre et de devenir l’apprenti d’un nécromancien mais il n’était pas fou. Il savait que ses chances d’arriver en vie devant les portes noires étaient bien maigres, et celles de les passer plus encore. Alors il poursuivait son existence dans l’ombre de Kendra Kâr, la Cité Blanche, la cité de la lumière qu’il abhorrait tant, tentant de vivre comme il le pouvait.

Walmyr le tira de ses rêveries :

« Par ici. »

Le trio s’était remis en marche depuis quelques minutes déjà, laissant l’homme qu’ils avaient passé à tabac enfermé dans son tonneau jusqu’à ce que quelqu’un ne le trouve. Ils coupaient par les petites ruelles, évitant les grands axes où patrouillaient les miliciens. Etant nouveau en ville, Ulric se serait perdu depuis longtemps dans le dédale des ruelles sans ses deux compagnons.

« Qu’y a-t-il dans ces caisses ? »

« Hein ? »

« On parcourt la ville de long, en large au milieu de la nuit pour retrouver des caisses dont nous ignorons le contenu. »

« Bah, qu’est-ce qu’on en sait de ce qu’il y a dans ces caisses ? On ne pose pas de question dans notre métier, Ulric. »

« Simple curiosité. Mais, honnêtement, Wilifrid, tu étais prêt il n’y a pas un quart d’heure à trancher la gorge d’un homme pour récupérer une mystérieuse cargaison et tu ne t’es pas demandé ce qu’elle contenait ?»

« Franchement ? Non. »

« Il faut dire que Jan avait l’air particulièrement furax quand il a appris la disparition des caisses. », ajouta Walmyr.

« Il est furax dès qu’une mouche pète. Rien d’inhabituel. »

« Je trouve tout de même que… »

« La ferme. La milice n’est jamais loin. »

Le trio terminait de traverser un pâté de maison et se retrouvait face à la Grand-Rue. Les trois contrebandiers inspectèrent discrètement l’axe, désert à cette heure-ci, pour s’assurer qu’aucune patrouille ne se trouvait à proximité. Une fois qu’ils furent sûrs que la voie était libre, ils traversèrent en vitesse et rejoignirent le pâté de maison d’en face avant de continuer leur progression par les petites ruelles qui serpentaient entre les demeures et les boutiques de Kendra Kâr. Ils ne devaient plus être très loin de la porte du port après laquelle ils arriveraient finalement aux docs où plus aucun garde ne risquerait de venir leur demander ce que trois hommes pouvaient bien manigancer comme ça, en rue, au beau milieu de la nuit.

Ils continuèrent leur marche en silence pendant encore quelques minutes et arrivèrent devant la porte du port.

_________________



Haut
 

 Sujet du message: Re: Les rues de Kendra Kâr
MessagePosté: Dim 30 Sep 2018 21:05 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 3 Sep 2018 16:12
Messages: 18
Localisation: Kendra Kâr
Une fois arrivés devant la porte menant au port, Wilifrid arrêta la petite troupe.

« Les gars, stop. »

« Qu’y-a-t-il ? », demandèrent Walmyr et Ulric, presque simultanément.

« Le garde, voilà ce qu’il y a ! C’est Karl d’habitude à cette heure-ci à cette porte. Mais celui-là, je ne le connais pas. »

« Tu crois qu’il va nous chercher des emmerdes ? »

« Aucune idée. », admit le vieux.

La porte, assez large pour laisser passer deux chariots de face restait cependant plus modeste que les Grandes Portes qui s’ouvraient au nord-est de Kendra Kâr, tant en taille qu’en garnison. Elle était encore ouverte malgré l’heure tardive et était surveillée par un garde qui semblait prêt à dormir, appuyé sur sa hallebarde. Il portait une cotte de maille longue recouverte d’un surcot aux couleurs de la cité, ainsi qu’un casque conique à nasal. Ulric devina la silhouette d’un autre garde ayant échappé au regard de Wilifrid de l’autre côté de la porte, vêtu de la même façon que son collègue.

« Alors, on fait quoi ? »

« Bah, on passe, on ne va pas rester là jusqu’à l’aube ! Mais laissez-moi causer. »

Le trio s’avança vers le garde qui, en les apercevant, sembla se réveiller dans un sursaut. Il interpella les nouveaux venus.

« Halte ! Qui voilà ? »

« Tiens, Karl n’est pas là, aujourd’hui ? »

« Je vous ais posé une question. »

Le garde de l’autre côté, ayant entendu le bruit, vint assister son collègue.

« Déclinez votre identité ou foutez le camp ! »


« Et que faites dehors à cette heure-ci ? »

« Bah, on est des dockers, on a passé un peu trop de temps à la taverne et, là, on r’tourne pioncer. »

Wilifrid tenta d’imiter la démarche chancelante que confère l’alcool afin de donner crédit à sa version. Un des gardes pointa la blessure à la tempe d’Ulric, vestige du coup de tabouret volant qu’il avait reçu plus tôt, avant de demander :

« Et ton ami, là, il s’est battu ? »

« Bah, il a pris un gnon à la taverne… Les jeunes de nos jours, je vous jure… »

Les deux gardes continuèrent de regarder le trio de travers avant de finalement s’écarter. Ils n’avaient pas l’air de vouloir faire du zèle.

« Pas de grabuge, dans les docs. »

« Bien sûr que non. Bonne nuit, messieurs. »

Le groupe passa la porte. Wilifrid semblait soulagé. Après quelques mètres, Ulric demanda :

« Ils ne pouvaient tout de même pas nous arrêter pour vouloir passer une porte, non ? »

« Quand tu auras passé quelques années dans le métier, tu fuiras ces gars comme la peste, même quand tu n’auras rien fait de mal. »

Ulric ne répondit rien mais ne put s’empêcher de penser qu’il espérait qu’il ne passerait pas des années « dans le métier ».

Jan

_________________



Haut
 

Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 1046 messages ]  Aller à la page Précédente  1 ... 66, 67, 68, 69, 70


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 1 invité


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group  

Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO

L'Univers de Yuimen © 2004 - 2016