Cette voix, c'était elle.
Un poids tomba dans mon estomac. Je fis volte face et pour trouver la femme aux cartes et six de ses sbires qui me dévisageaient comme la pire raclure des bas fonds de cette maudite cité. Elle, rayonnante au milieu de ses hommes, avait plaqué sur son visage un sourire ironique teinté d'amusement. Elle n'était plus aussi enchanteresse que précédemment mais était pourvue d'un charisme qui lui avait sûrement permit d'obtenir son statut de meneuse.
"Plutôt surprenant que tu nous ais échappés aussi longtemps. Tu vois nous autre, nous connaissons Kendra Kâr comme le fond de notre poche. Il faut bien ça pour soustraire des yus aux malheureux étrangers."Elle s'avança dans la lumière. Son corps ainsi dévoilé, je remarquais de suite qu'elle n'avait pas l'étoffe d'une combattante. Elle était plutôt frêle et portait toujours sa robe colorée. Si une attaque devait survenir, elle ne viendrait sûrement pas d'elle mais plutôt des barbares qui l'accompagnaient. Au nombre de six, ils étaient armés de coutelas, de dagues et certains d'épées courtes. Si leur chef semblait peu apte à se battre, eux pourraient me poser de sérieux problèmes.
(Jamais je ne m'en sortirais en vie)"V-Vous n'êtes pas obligée de faire cela ! Je ne peux pas vous payer mais nous pouvons peut être nous arranger !"La diplomatie était ma seule chance de survie à présent. À une contre six, voir 7, mon espérance de vie se raccourcissait de plusieurs millénaires. Et puis, il y avait peut être un cœur en dessous de toute cette crasse ?
"Rassure toi, nous n'allons pas te tuer. Donnes-moi juste ce qui m'est dû et nous repartirons tranquillement...enfin cela dépendra de l'humeur de mes hommes."C'est vrai qu'ils n'avaient pas vraiment l'air commode. Quelque uns me lancaient des oeillades étranges. Un en particulier retenu mon attention. Il avait le nez ensanglanté retenu par ses mains et ses yeux qui me jetaient des éclairs par-dessus. Celui que j’avais frappé juste avant de m’enfuir. Si les autres étaient intimidants, lui voulait sans aucuns doutes ma mort ! Elle remarqua notre échange de regards et lâcha un petit rire.
« C’est vrai que mon bras droit a toujours été un peu rancunier. Mais comme je te l’ai dit, nous ne te tuerons pas. Allez, dépêches-toi de me payer et nous n’en reparlerons plus.»« Je n'ai rien de valeur ! Laissez-moi tranquille ! »Je soupirai de dépit, les humains étaient vraiment trop stupides. J’aurai mieux fait d’écouter les conseils de ma sœur. Elle, elle aurait su régler la situation.
Réflechissons. D’abord regardez les alentours. J’étais acculée entre trois murs dépourvus de fenêtres. Aucunes prises possibles. Le groupe prenait évidemment toute la largeur, m’empêchant de fuir à nouveau. Je ne pourrais pas éviter le combat cette fois, à mon plus grand désespoir.
« À d’autres mais pas à moi jeune fille. J'ai bien vu ce qui se cachait sous ta manche, Tant pis pour toi: j’ai été altruiste en te laissant une seconde chance. Trahin, occupe-toi d’elle. Les autres, aidez-le au besoin mais je doute que vous aurez à lever le petit doigt.»Sur ce elle s’en alla dans l’obscurité de la ruelle sans se retourner. Elle avait parlé de mon amulette. Leur remettre n'était même pas une option. Maintenant, j'étais encore une fois encore seule contre plusieurs hommes. Je serrais les dents et commençais à reculer vers le fond de l’impasse.
(Ça commençait à devenir une habitude.) Je repensai à ma passivité de ce matin. Pas question de se laisser faire cette fois ci ! Et sûrement pas par de vulgaires mâles! Je ne disparaîtrais pas sans ma mission accomplie et mon honneur lavé. Sans penser à leur nombre où à mes faibles capacités, j’empoignais fermement ma masse dans mon dos et ajustais ma capuche sur mon front. Je ne mourrais pas aujourd’hui.
Celui qui se faisait appelé Trahin avança tel un prédateur vers sa proie, néanmoins avec nonchalance. Comme si il ne prenait pas le combat au sérieux. Je restais sur mes gardes, les sens aux aguets.
« Bon, terminons ça vite. Y a un prix ce soir au Sept Paladins et j’voudrais pas rater ça. »Bizarrement, cela le fit rire, lui et ses camarades. J’allais profiter de leur manque d’attention. Je bondis sur ma cible. Sa tête au trois quarts, il ne vit qu’au dernier moment mon attaque. À la vitesse de l’éclair, il dégaina deux dagues de ses côtés pour dévier mon arme.
Déséquilibrée par ma propre force qu'il avait utilisé à son avantage, je vacillai vers la droite. Sa posture changea radicalement, bien plus stable et ses sourcils froncés.
« Tu me prends enfin au sérieux ! Sache que tu peux toujours arrêter ce combat, ne prend pas de risques inconsidérés. »Je disais cela avec un aplompt déconcertant en vue de mon véritable état d'esprit. Avec un peu de chance il marchera..
« Me prends pas pour un imbécile. C’est pas avec ta masse d’ouvrier et ta stature de fillette que tu vas m’intimider."(Dommage.)Sur ce-il chargeât directement sur moi. Ses deux lames dehors. Son épaule cogna contre ma tête et mon dos percuta le mur. Il n’avait pas hésité à user de mes faiblesses mais j’ignorai la douleur. Le temps de reprendre mes repères, il était déjà à moins d’un mètre de moi, dans l'intention de me planter dans le ventre. Par réflexe (ou instinct de survie), je me jetai sur le côté pour esquiver à la dernière seconde. Il se prit le mur de plein fouet.
Je me relevai, les jambes chancelantes alors qu'il essuyait son nez qui redoublait de saignement. Nous nous toisâmes menacement un instant. Lui le visage strié de sang et moi, un œil au beurre noir et les membres tremblants. Il avait plié les genoux pour être à ma hauteur et mieux appréhender mes coups. Je n'avais besoin que d' une ouverture, une seule et il serait fini.
De mon père, je n'ai appris qu'une seule véritable technique. Un coup terrible qui neutralise l'adversaire en un instant. En revanche il était très chère en énergie et laissait une faille dans ma garde. Cependant, vu mon état actuel, je ne pourrais pas l'utiliser au maximum de ses capacités et en plus je ne l'avais jamais expérimentée avec une masse.
(Il y a un début à tout !)Sous les hurlements bestiaux des hors-la-loi, je resserrai ma prise sur mon arme en attendant qu'il attaque en premier. Une dague parallèle à son visage juste sous ses yeux d'acier et l'autre menaçante vers l'avant.
S'en suivit des coups d'estocs sue j'esquivai de justesse. Les lames fendaient l'air de leur fil aiguisés. Tellement vite que toute ma concentration était aspirée sur elles. Je n'avais pas le temps de riposter si bien que ses attaques me repoussaient vers l'arrière.
Soudainement, je senti une surface dure contre mon dos.
(Le mur !)Il avait réussi à m'acculer au fond de l'impasse. Si je ne ripostais pas, et vite, ça en sera fini de moi ! Je voyais le sourire carnassier de Trahin à quelques centimètres de mon visage tuméfié. À ma plus grande surprise, il rengaina une de ses dagues. Je tremblais de tous mes membres alors qu'il attrapait ma gorge d'un geste sec.
"Comme je le disais..." il renifla le sang de son nez
"...c'est pas une fillette qui va m’impressionner."Sur ce il retourna sa dague et me fracassa les côtes de sa garde. Les yeux exorbités et le souffle cour, je me pliai en deux sous la douleurs lancinante. D'un mouvement de bras, il m'envoya échouer dans la pile de foin à ma gauche.
La tête dans les brins dorés du foin, je suivais de mon regard brumeux la forme de mon assaillant venir à hauteur de visage et entamer le mouvement de s'agenouiller. J'aurais pu abandonner ici, livrer mon amulette et essayer d'oublier ce qui s'était passé. Mais la réalité en serait toute autre. Je m'étais promis de ne pas baisser les bras. J'avais encore une chance.
Dans ma main gauche, ma masse, que je ne m'étais pas résigné à lâcher. Dans la droite des résidus de foin. Parfait pour aveugler une cible. J'attendis patiemment qu'il se baisse, mon cœur battant à tout rompre et les muscles tendus, faisant mine d'avoir perdu connaissance.
Je sentis sa respiration sur mon visage, et d'un mouvement vif lui lançais le contenu de ma main droit dans les yeux. La réaction ne se fit pas attendre. Il se redressa brusquement, ses paumes appuyés fortement sur ses paupières fermées et complètent inattentif à mes actions.
Le moment était arrivé. Avec toute l'énergie que je pouvait puiser en moi, je me relevai, levai ma masse au dessus de ma tête et par la force de me élan l’abatis sur le crâne de mon adversaire d'un coup colossal. L’assommant sec.
Son corps s'aimenta au mélange de graviers et de cailloux qui servaient de sol dans un bruit sourd et épais. Les hués s'étaient arrêtée ne laissant qu'un silence assourdissant dans le cul de sac, seulement rythmé par ma respiration flagellante. Même dans environnement hostile dans lequel j'avais grandi, jamais, jamais je n'avais tué quelqu'un. La possibilité que ce jour puisse être arrivé laissait un blanc nauséabond dans mon esprit. Il en voulait à ma vie mais il ne faisait qu’exécuter les ordres de son supérieur.
Sous le choc, ma prise sur la garde de ma masse se dégrada pour se coller au sol. Chaque parcelles de mon corps me faisait souffrir. Je n'avais plus la force de me battre alors que le reste des hommes commençait à s'agiter à l'autre bout de la ruelle. J'avais pensé a tout. Sauf la suite.
(Et maintenant ?)De secondes en secondes ils s'approchaient vers moi, arme au poing, la démarche toujours un peu hésitante. Eux non plus ne s'attendaient pas à un tel dénouement. Je luttais pour rester debout. Je remarquai une estafilade sur mon flanc gauche, laissant couler un fin filet de sang à travers mon gilet de cuir. La douleur m’obligeât à mettre un genoux à terre, mes côtes incapable de supporter le poids de mon corps un instant se plus.
Voilà, ça se finissait comme ça. Incapable d'entreprendre quelque chose, incapable de se battre décemment et incapable de mourir dignement. Des gouttes tombèrent de mes joues et perlèrent sur le dos de mes mains au sol se mélangeant au sang et à la terre. Les voix et les pas lourds se rapprochaient sonnant comme les funérailles de mon décès prochain.
Je relevai la tête et me forçai à regarder mon futur bourreau droit dans les yeux. Des yeux froids et détachés de celui qui en avait trop vu. Un type d'allure presque banal, même pauvre. Juste une cicatrice à la gorge pour le différencier. Je tomberais déshonorée peut être, mais j'aurai vu la mort en face.
Planté à deux pas de moi, il commença à relever, lentement, sa lame dans l'intention de l'abattre sur ma gorge. Incapable de bouger. Tétanisée par la peur, yeux dans les yeux.
Craquement. Impact....
À ma gauche, sa tête dont un œil était transpercé par un carreau d'arbalète.
Les rues de Kendra Kâr