Chapitre 1 - Premier pas d'un bandit

IV.2 Une bière et des infos fraîches.

Le parchemin informe également les lieux habituels du filou qu’il recherche. Pourtant, ces informations ne suffisent pas à retrouver sa cible. Cela fait des heures que Relonor le recherche en vain et le soleil est actuellement à son zénith. Par chance, la taverne du paladin est très proche et Peter Rhel, le tavernier, a la réputation d’être très bavard. S’il a entendu parler de cet homme, il le lui dira.

Il pénètre donc dans l’établissement d’un pas sûr jusqu’au comptoir, sous les regards insistants des clients et des discussions soudainement plus faibles. Faire parler le tavernier est une chose, mais exiger des réponses de la part d’un Shaakt peut poser problème, surtout au milieu d’une clientèle aussi fidèle qu’ivre et nombreuse.

"Tavernier, une chope de ta meilleure bière je te prie. Ne t’inquiète pas j’ai de quoi payer." Demande Relonor en sortant sa bourse de yus.

Le propriétaire hésite l’espace d’une seconde, mais lorsque la bourse bien pleine dévoile l’argent, pourquoi refuser de servir un client. Et puis ça fait toujours une nouvelle tête à qui raconter ses histoires.

"T’es nouveau ici ?" Interroge le tavernier, un poil méfiant tout en servant la commande, tandis que derrière l’elfe les discutions reprennent leur cours normal.

(Faut que je trouve une explication qui tienne la route et qui puisse me permettre de demander des infos sur cette petite fouine.)

"C’est ça, j’suis arrivé la veille avec mes compagnons. On est chasseur de prime. Là ils sont sûrement en train de faire le tour des affiches." Répond l’elfe noir.

"Un Shaakt chasseur de prime et qui travaille pas seul, c’est pas quelque chose qu’on voit souvent."

"J’me doute. J’me suis posé la même question quand on m’a proposé ce job. Mon truc c’est le relationnel, avec ma gueule j’ai moins de mal à obtenir des infos, dans des coins difficiles d’accès si tu vois c’que j’veux dire." Ment le Shaakt.

"Je vois, je vois." Fait le tavernier d’un sourire franc. "T’sais, j’ai déjà eu de sacrés loustics ici. Tiens pas plus tard que la semaine dernière j’ai reçu un groupe de nain aussi bavards qu’assoiffés. Ils m’ont raconté leur exploit face à un troll. De sacrés p’tits gars et une sacré descente j’dois dire." Continu-t-il.

(Parfait ça mord. Il va être temps de voir ce qu’il y a au bout de la ligne.)

"D’ailleurs j’ai entendu d’autres histoires comme celle où ils ont mis à mal une horde de Sektegs bien supérieur en nombre. Ils les ont amenés à les pourchasser sur un passage étroit, avec des tonneaux bourrés d’explosifs en surplomb. Seuls ceux devant voyaient ce qu’il se passait et lorsqu’ils se sont aperçus du piège tendu, il était bien trop tard. Ils avaient beau tenter de faire demi-tour, toute la horde verte poussait en avant, empêchant toute possibilité de retraite. Les nains ont balancé les tonneaux de poudre et ont mis le feu. Ils ne leur restaient plus qu’à finir les survivants, juste assez en état pour leur opposer une maigre résistance. Ho et la fois où ils sont tombés sur un gisement de…"

Le tavernier continu le récit de ses histoires, passant d’une tentative d’assassinat d’un Shaakt à un odieux trafic de bières bon marché. Un crime grave selon les dires des petits hommes.

"J’ai déjà entendu parler d’eux de réputation, des nains en général je parle. Faut dire que les Shaakts sont pas très bien vu et les autres races se mélangent guère à nous. Dis-moi toi qui dois voir passer beaucoup de monde t’as entendu parler du p’tit George, un Sinaris ? Je devais le retrouver une fois revenu en ville, mais je l’ai pas vu." Demande l’elfe.

"Le p’tit George ? Il a des emmerdes au point qu’un chasseur de prime soit après lui ?" Dit-il la curiosité touchée. Cet homme doit être aussi généreux en parole qu’avare de ragots à diffuser.

"Non c’est juste qu’il m’a aidé il y a un p’tit moment déjà et je devais lui offrir ma tournée à défaut de la dernière fois. Mais je m’inquiète un peu et je connais pas grand monde ici." Lui dit Relonor en buvant sa bière.

"C’est vrai que ces derniers temps ça n’a pas l’air d’aller bien pour lui." Répond le tavernier, se rapprochant de son interlocuteur.

"Ha oui ?" Fait le Shaakt en se rapprochant pour entrer dans le jeu de l’homme. "Donc il a des problèmes. Il y a quelque chose que je peux faire pour lui ? Je lui dois bien ça."

"Je sais pas trop en vérité, les rares fois où je le croise il est blême, comme s’il avait croisé la mort. Si tu tiens à l’aider il traîne ces derniers temps entre le temple des maîtres et celui de Zewen. Peut-être cherche-t-il à connaître son destin. Cependant, tu ne le verras que lorsque la nuit pointera le bout de son nez. Me demande pas pourquoi je n’en sais fichtrement rien."

(Diable cet homme m’a donné des informations en peu de temps ! Soit il m’a reconnu et c’est un piège, soit c’est une des meilleures sources d’informations de la ville. Je ferais bien de me le mettre dans la poche celui-là.)

"Dans ce cas, j’espère avoir le loisir de lui payer ma tournée une fois que je l’aurai ramené ici et qu’on aura résolu son problème. C’est un p’tit gars sympas." Répond le Shaakt avant de finir sa chope d’un ultime trait. "Cette bière est fameuse et merci de l’accueil, c’est rare de ne pas être fichu dehors à peine rentrée. Tiens, pour la bière et le service. A la prochaine !" Finit-il en laissant un joli pourboire.

"Au fait tu t’appels comment ?" Demande Peter. Mais le Shaakt est déjà sorti.

Chapitre 3 - La force d'un colosse

Chapitre 7 - Maîtrise aérienne.



C’est en titubant comme un ivrogne et avec l’impression qu’un groupe de nains mine l’intérieur de son crâne, que Relonor arrive à la taverne du paladin. Comme à sa première fois, les discussions s’arrêtent à son arrivée, mais repartent de plus belle lorsque l’elfe atteint le comptoir sans montrer d’hostilité. Un groupe de musicien joue un air entrainant dans un coin de la taverne, faisant déchaîner quelques danseuses qui ravissent la clientèle masculine scandant des mélodies grivoises. Quelques tables de jeu rassemblent argent, joueurs et parieur dont l’ambiance fluctue avec la réussite ou la malchance. Le reste est composé de différents groupes d’affinités comme les gouffres à alcool sur jambes et les philosophes ivres décrivant les différentes manières que peuvent se faire mettre les plus riches.

"Tavernier !" Hurle-t-il ne le voyant pas!

"J’arrive, j’arrive !" Fait ce dernier dont la voix semble venir de l’arrière-boutique.

Observant l’amas de client présent, un détail retient son attention. Ou plutôt le détail cherche son attention. Une main courte, mais non moins potelée dépassant à peine les têtes présentes fait signe à l’elfe noir de venir.

"P’tit George, mais que fais-tu ici ?" Demande le Shaakt.

"V’là ta chope p’tit George." Fait le tavernier en apportant une imposante chope de bière. "Tiens, mais c’est pas le Shaakt de la dernière fois ?" Dit-il en apercevant Relonor.

"La dernière fois ?" Demande le semi-homme. "Ca je sais pas, mais c’est lui qui m’a sauvé la vie. T’y crois ça, un elfe noir qui sauve la veuve et l’orphelin ? On dirait un début d’histoire de derrière les fagots." Continu-t-il en riant.

"Et en quoi c’est supposé être drôle ?" Toise l’elfe noir visiblement peu ravi d’être la source de raillerie.

"Ho…heu non…c’est…c’est pas c’que j’voulais dire…en…en fait…"balbutie le Sinaris avant de se faire interrompre par le Shaakt.

"Mais je plaisante p’tit George !"

(Houlà, toi t’es pas à ta première chope de la journée. Faut que je te garde à l’œil !)

"Patron, sert-moi ce que t’as de plus fort." Dit l’elfe noir en grimaçant, l’ambiance un peu festive accentuant son mal de crâne.

"C’est donc vrai alors ! Une peau noire à sauver le p’tit George ? C’est comment ton nom ?" Interroge le tavernier n'ayant pas eu réponse la fois précédente.

"Lui c’est Relo…aïe." Commence le semi-homme rapidement stoppé par le Shakkt. "Mais j’ai dit quoi ?"

(Mais quel con celui-là ! Je suis recherché par la milice, c’est pas bien malin de refiler mon nom à tous les traîne-patins du coin ! Merde il me faut un autre nom Relonor…Ronolor…Rononor…Orenor…Olenor ! Oui c’est pas mal ça !)

"C’est Olenor tas d’fiente de marsouin !Olenor, il faut que je te le répète combien de fois ?" Grogne Relonor d’une fausse colère en agrippant la peau du semi-homme dans le dos pour lui faire comprendre le subterfuge.

"Aïe…heu…Ha…oui, oui. Ca me revient maintenant ! Moi et les noms. "Fait le Sinaris en se massant discrètement le dos.

Le tavernier quitte les deux hommes, ou plutôt l’homme et demi et rapporte un verre d’alcool d’une couleur peut avenante. Entre temps, l’elfe noir glisse un petit mot d’encouragement à l’attention du p’tit Geroge.

"Cite mon nom encore une fois seulement et je t’égorge sur-le-champ comme un porc."

Le Semi-homme blêmit et boit plusieurs gorgés de sa bière la vidant de moitié. Une fois servi, Relonor paie la commande, attrape son verre et le bois cul sec. Son regard croise les yeux malicieux de Peter Rhel le tavernier, puis du p’tit George avant de comprendre ce soudain silence. Sa bouche et sa trachée le brûle comme s’il avait ingurgité des braises brûlantes. Il respire à pleine bouche pour ventiler le tout sans succès et rapidement c’est une forte toux qui le saisit. Des yeux il voit la grande choppe du Sinaris, mais visiblement il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas avec les semi-hommes. Le tavernier présente une chope salvatrice à Relonor qui s’empresse de la boire malgré un goût atroce.

"Ha ça, y’a rien d’mieux pour faire passer un vieux tord-boyaux que d’la pisse de ch’val ! Hahaha !" S’exclame Peter en riant, fière de son coup.

La déclaration fait rapidement son effet puisque l’elfe noir recrache tout ce qui a dans sa bouche sur le Sinaris. Fallait pas refuser avant !

(Ha le chien de putain, il a osé me faire un coup pareil !)

Il saisit la poignée de son arme et la sert de rage. L’acte étant dissimulé par le comptoir, Peter Rhel ne sens pas le danger pointer le bout de son nez. Contenant sa colère, Relonor Finit par relâcher la prise. Si le tavernier mérite le châtiment ultime, il s’est révélé une source d’information précieuse à sa première mission pour le leader du gang sous les égouts. Cette fois-ci, il peut encore se révéler utile en lui dégottant des informations.

"Ca faisait bien longtemps que j’avais pas autant rit. S’exclame à nouveau le tenancier.

"Eh bien tu ne m’y reprendras plus, ça c’est sûr." Lance Relonor rageant intérieurement. "Une question toi qui entends des choses de toutes sortes, t’as entendu parler d’un groupe de fanatique qui ferait sensation récemment ? Je recherche les types qui s’en sont pris à p’tit George." Continu-t-il.

"Des fanatiques ? C’est pour ton boutot de chasseur de prime ?" Reprends son interlocuteur, avant de devoir s’absenter pour s’occuper d’un client.

"Chasseur de prime ?" Demande le semi-homme.

Relonor se penche vers lui et lui murmure encore à l’oreille.

"Ou tu acquiesces à ce que je dis ou tu fermes ta putain de grande gueule, vu !"

"Des fanatiques dans l’coin ? Non, enfin pas plus que d’habitude." Reprend le tavernier revenu. "T’en sais plus sur eux ?"

"Pas vraiment non. Je crois qu’ils crèchent en dehors de la ville, mais rien n’est sûr." Répond l’elfe noir.

"Si c’est ceux qui s’en sont pris à moi," reprend p’tit Geroge sous le regard inquisiteur du Shaakt, "je crois qu’il y a une majorité de semi-elfe."

(Des semi-elfes ? Mais qu’est-ce que tu veux que ça ma foute ! Ils se baladent pas un étendard à la main ou se rassemblent dans les mêmes endroits ! Bordel j’aurais mieux fait de le laisser crever dans la ruelle celui-là !)

"Des fanatiques semi-elfes ?" Fait le tavernier. "Non ça me dit rien, mais c’est dommage que vous ayez pas l’écu noir du briseur d’elfe."

"Le quoi ?" Reprennent en cœur Relonor et p’tit Geroge, dont l’un ricane tandis que l’autre le fustige du regard son comparse plus petit.

"Quoi vous avez jamais entendu parler d’Eniel brise-elfe ?" Fait le tavernier, fière de raconter une nouvelle fois son histoire. "Eniel était un semi-elfe, né d’une mère humaine et d’un père elfe. Comme beaucoup d’entre eux il était aussi mal vu des deux races, mais il arrivait à vivre avec. Les choses se sont gâtées pour lui lorsque sa mère est morte et que son père lui a refusé l’asile. On dit qu’il a erré pendant des décennies on ne sait où et quand il a refait surface, s’était pour massacrer tous les elfes jusqu’au dernier. Le massacre a duré des années sans qu’il ne se fasse arrêter par la milice. C’était vers Cuilen je crois. Tout ça c’était il y a longtemps, mais on dit que c’est grâce à son bouclier, l’écu noir, qu’il se gardait des pièges tendus." Termine le tenancier.

"C’est fascinant. Et où puis-je le trouver à présent ?" Demande l’efle noir.

La question fait ricaner le propriétaire des lieux.

"Ha ba ça, personne ne le sait ou se garde de le dire. Tu te doutes bien qu’un objet disposant de tels pouvoirs est convoité de tous." Déclare Peter avant de retourner servir un client.

"Je sais pas si l’info est vraie," commence le Sinaris, "mais pour ce que ça vaut, je crois connaître quelqu’un qui peut nous renseigner."

Relonor regarde le p’tit Geroge d’un air neuf. Ce dernier officie dans les rues de la ville en volant les passants ou en cambriolant les gens. Il semble familier du milieu des larcins, accompagnées des contacts que l’on se fait entre gens du même côté de la loi.

"Dis-moi tout et je te paye une autre chope !" Répond Relonor.

"On l’appel le renard voleur de cœur." Explique le Sinaris, encouragé par l’offre d’une bibine gratuite. "C’est un type un peu particulier. Il envoûte les femmes riches, délaissées par leur mari, en les inondant de poèmes et de compliments. L’habile flatteur parvient à échanger l’un de ses bijoux avec une breloque du marché en guise de souvenir."

"Et c’est tout ? C’est quoi le rapport avec l’écu ?" S’impatiente l’elfe noir.

"Eh bien, il connaît des receleurs et sait à qui parler pour avoir des infos de choix. Si quelqu’un peut nous renseigner, c’est lui qui nous le fera rencontrer." Termine le semi-homme.

(Comment ça nous, il compte venir avec moi le nabot ? Pourquoi pas finalement. Il est assez adroit pour voler dans la rue ou s’introduire chez les gens. Je peux me servir de lui.)

"Excellent, allons le rencontrer alors !" S’exclame Relonor.

"Mais…mais…et ma chope ?" Demande tristement le p’tit George.

"Je t’ai dit que je t’en payerai une, je n’ai pas dit quand !" Tonne l’elfe noir en se levant et intimant le semi-homme de faire de même. "Comment on le trouve ton homme au juste ?"

"Eh bien son petit point faible c’est les femmes. Il va falloir que l’un de nous se déguise en femme et…heu…je pense pas être assez grand pour donner le change." Explique timidement le p’tit George.

Relonor regarde le petit homme comme s’il avait entendu une aberration.

(Je rêve. Ce petit con est littéralement en train de me proposer de me travestir en femme !)

Accompagnée du semi-homme, l’elfe noir et quitte la taverne en espérant trouver une idée lui permettant de ne pas se rendre ridicule.