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Le tavernier repartit derrière son comptoir. Le guerrier s'adressa à notre jeune amie :

"- Tu vois moucheronne quand je te disais que la chance nous souriait. Je crois que ce nobliau est de mèche avec Carkin's et si je l'ai pas encore trouvé je crois que c'est parce qu'il se planque dans le coin, peut-être même dans la villa. Et si ça se trouve, ma sœur y est aussi.
- Et tu veux qu'on y aille juste tous les deux ? Ça n'est pas un peu risqué ?
- Évidemment que ça l'est, mais tu vois une meilleure solution. Tu ferais quoi si c'était ton pote Fripin qui était retenu là-bas ?
- Oui tu as raison, en plus j'ai fait la même chose pour Kipion. Mais justement ça n’a pas marché.
- Évite juste de foutre le feu à la baraque et ça devrait aller.
- Oui... fit-elle en baissant les yeux.
- Bon aller, ne fait pas cette tête, mange et ensuite on sortira voir cette villa de plus près."

La petite insectivore commença par donner quelques coups de dents habiles aux jointures et aux articulations des cafards. Cela lui permit ensuite de détacher les pattes et les élytres facilement. Le nain intrigué l'observait tout en sirotant sa bière. L'Aldryde le remarqua.

"- Tu veux que je te montre comment on fait ?
- Oh! Ne t'inquiète pas, je te regarde."

Chopin avait noté qu'elle effectuait son travail de découpe avec beaucoup de minutie et de précision. Elle serait sûrement très compétente pour la gravure fine. Voilà enfin un talent de la jeune femme qu'il découvrait, outre bien sûr, sa capacité au combien formidable à faire griller les elfes. Cette pensée lui décrocha un léger sourire. Il demeura encore quelques secondes le regard dans le vague.

Lorsqu'il reporta son attention sur sa nouvelle amie il la vit en train de séparer les viscères du reste des carcasses. Ses mains et ses bras étaient complètement recouverts de fluides de cafard. Le guerrier avait déjà vu des choses peu ragoûtantes dans sa vie, mais cette frêle créature qui tripatouillait dans des cadavres d'insectes gluants lui inspirait tout de même une certaine répulsion.

"- Et tu disais que tu les mangeais vivant ces bestioles ! Tu dois avoir sacrément du mal à les dépiauter comme ça non ? lui demanda-t-il, agrémentant sa question d'une grimace.
- Oh, non! pas du tout ! En fait, tu vois, ce qu'on fait c'est qu'on leur prend la tête comme ça, expliqua-t-elle en joignant le geste à la parole. Ensuite on tourne d'un coup sec."

Un petit craquement se fit entendre

"- On la détache du corps et hop !"

Exécutant les gestes avec une impressionnante dextérité, l'Aldryde termina sa démonstration en perçant un œil de la tête du pauvre insecte à l'aide de son index et son majeur. Elle amena ensuite l'orifice à ses lèvres et aspira le contenu dans un immonde bruit de succion. Une fois qu'elle eut fini, elle reposa le crâne vide. Sa bouche était maculée d'un liquide noirâtre et visqueux. Elle ajouta avec un sourire sincère :

"- Voilà! Ça, c'est le meilleur, mais c'est vraiment bon quand les yeux palpitent encore dans la tête.
- Yeurk ! J'ai vu des trucs crades dans ma vie moucheronne ; mais alors toi, tu bats des records.
- Quoi ! Moi je te montre toute contente comment on fait ; et après tu m'insultes. Mais va te faire voir toi, tes patates et ton ragoût !"

Sur ce, elle prit son repas, le posa un peu plus vers l'extérieur de la table et s'assit en tournant le dos au Thorkin. Celui-ci était embarrassé. Derrière son air bourru habituel, se cachait en réalité une personne d'une certaine sensibilité qui n'aimait pas vexer les gens qu'elle appréciait.

"- Heu, non, mais il ne faut pas le prendre comme ça... Je... Je suis désolé. Je te promets que je ne te raillerai plus sur tes habitudes ou ton comportement, aussi bizarre soit-il."

L'Aldryde tourna légèrement la tête et jeta un coup d'œil au nain puis reprit sa pose boudeuse.

"- Je te promets même de goûter à un morceau de tête d'insecte si on en trouve un assez gros.
- Tu me le promets ? insista-t-elle en se retournant.
- Oui absolument.
- Devant Kubi ?
- De... Devant Kubi ! À jamais sobre si je m'en dédis !"

Et il vida sa chope d'un trait pour sceller son serment.

"- Bon très bien, alors je te pardonne. Tu verras, quand tu y auras goûté je suis sûr que tu ne pourras plus t'en passer.
- Hummm, ouais, j'ai hâte, murmura-t-il l'air pincé."

Le repas se termina sans un mot de plus. Le Thorkin mangea son ragoût avec beaucoup moins d’appétit qu'il n'en montrait lorsqu'il l'avait commandé... Allez savoir pourquoi. La mage elle, dégusta son plat dégoulinant sans pour autant laisser une seule tache sur ses vêtements.

Une fois qu'ils eurent fini, le nain se leva et invita la jeune femme à le suivre. Ils remontèrent dans leur chambre. Une fois la porte bien fermée, Chopin sortit de sous son armure de cuir un grand morceau de parchemin plié.

"- Bon, voilà moucheronne, c'est la moitié du titre de propriété de la brasserie de ma famille. Je voudrais que tu le caches quelque part où tu seras la seule à pouvoir aller le chercher. Comme ça, vu que c'est moi qu'ils cherchent, s’ils arrivent à m'avoir ils ne mettront pas la main sur le parchemin. Et si c'est toi qui te fais prendre, tu pourras toujours essayer de leur fausser compagnie quand ils te demanderont de le leur rapporter.
- Ah oui c'est pas bête, je n'y aurais pas pensé.
- Ça, c'est l'expérience ma petite, l'expérience."

L'Aldryde prit alors le titre sous le bras et s'envola par la fenêtre en faisant attention que personne ne la voit. Dans le grenier d'une maison adjacente en mauvais état, elle découvrit un trou profond dans une large poutre creusé par les termites. Elle entra dans la bâtisse par une lézarde béante. Se faufila au fond de la poutre et y déposa le parchemin. Elle prit soin de le recouvrir d'une pierre plate trouvée sur place pour que nul rongeur passant malencontreusement par là ne s'en face un déjeuner.

Sa tâche accomplie elle retourna auprès du guerrier.

"- Ça y est, je l'ai caché dans...
- Non ! Ne me dis pas. Il serra mieux caché s'il n'y a que toi qui sais où il est.
- D'accord !
- Bien, alors allons-y ! La nuit devrait tomber dans moins de deux heures. Ne perdons pas de temps. Laisse ici tes affaires de rechange et tout ce qui ne te sert pas à te battre. Prends juste tes armes, ton sac et des potions si tu en as.
- Eh bien, non, je n'en ai pas.
- Ah la poisse ! Moi non plus ! Et on n’a pas le temps d'aller en acheter. Bon, tant pis, on fera sans. Aller, c'est parti.
- Attends !
- Quoi encore moucheronne ?
- Tu sais où elle est cette villa ?
- Oui. Tu te rappelles quand on s'est fait attaquer ?
- Oui.
- À droite il y avait les grilles du temple de Phaitos et à gauche un grand mur blanc.
- Oui je me souviens, fit-elle enjouée.
- Et ben c'est le mur d'enceinte de la villa de Narcisk.
- D'accord, je vois... Bon ben je crois qu'on peut y aller.
- À la bonne heure !"

La mage se munit de ses deux orbes électriques et le nain de sa hache de bataille. Ce dernier sortit après la jeune femme et verrouilla la serrure. Ils descendirent. En passant devant le tavernier, le Thorkin paya la chambre pour une nuit supplémentaire pour s'assurer qu'elle ne recevrait aucun autre occupant avant leur retour.

Ils passèrent la porte de la taverne et se dirigèrent vers l'ouest, vers la villa de Narcisk. De l'autre côté de la rue, une paire d'yeux attentifs et scrutateurs les observaient dans l'ombre.

<<< précédemment

Vient de Rues de Kendra Kâr, direction la Taverne du Paladin


Suivant de prés la jeune femme, j'entre dans une pièce assez grande, mais surtout bien
animée. En effet, je compte environ 20 tables, presque toutes remplies, et les clients de
toutes origines confondues parlent à haute voix, voire très haute, afin de couvrir le brouhaha
général. Tout le monde y met du siens, mais ça n'a l'air de déranger personne au final... La
fille s'avance vers le bar, tire un tabouret et s'assoit. Elle me regarde, de haut en bas et
regarde le tabouret proche d'elle. J'avance et m'assoit, toit en observant les alentours.
J’aperçois un Sindel au fond de la taverne, et ne peux m’empêcher de le fixer. Je suis
rassuré de constater qu'il y en a aussi a Kendra Kâr, et souris.

"Et bien, qu'est ce qui y a gamin?"

"Un Sindel, là". Je la regarde. "Dis donc, je crois pas être beaucoup plus jeune que toi."

Elle rit, d'un rire cristallin et doux, je la trouve de plus en plus sympathique cette... Mince je ne
lui ai même pas demandé son prénom. Ainsi je poursuis:

"Au fait, tu ne m'as pas dis ton prénom."

"C'est parce que tu ne me l'as pas demandé! Mhyly, et j'ai 19 ans !"

Elle met tant de bonne humeur dans ses phrases que l'empathie me gagne, et je souris. Elle
est si rassurante et si joviale, je crois avoir eu beaucoup de chance de tomber en pleine rue,
surtout que j'ai pu échapper aux marins énervés grâce à elle. J'en profite pour jeter un œil
dans la rue, tout en répondant distraitement.

"Enchanté."

Je ne vois aucun marin, mais mieux vaut rester prudent, ils doivent m'en vouloir d"avoir
profité gratuitement d'un si long voyage! Sa et la fuite de Naora... Je crois que je vais me
cacher un peu ici avant de montrer mon visage. Je sens une main sur mon épaule, et vois
Mhyly tout prés de moi. Je sursaute et surpris, manque de tomber, ce qui ne manque pas de
la faire rire allègrement.

"Et ben dis moi, tu tombes souvent toi! Ça fait déjà deux fois en 10 minutes!" elle se
rapproche très prêt de mon visage, d'un air interrogateur. "Waou, tes yeux! Mais dis moi, tu
rougis?"

Je m'éloigne en tournant la tête, en effet j'ai rougis... Mince mes yeux... Elle va me trouver
bizarre et je vais avoir l'air ridicule maintenant.

"Hum."

"Ils sont beaux tes yeux, j'aimerais bien avoir des yeux comme ça moi!"

Je la regarde, et, touché par sa remarque, je souris. Dans mes souvenirs, il n'y a personne
qui m'ait dit ça un jour, et c'est une inconnu qui complimente mes yeux!

"Tu ne les trouves pas étranges?"

"Bien sur que si! C'est justement pour ça qu'ils sont beaux! Eh dis moi, tu ne m'as pas
répondu tout à l'heure."

"Merci. Je ne sais pas de quoi tu parles."

"Ton nom !"

"Ah pardon, je m'appelle Morzan. Morzan Vadras."

"Sympa ! Tu m'as l'air très sérieux dis moi! Tu veux pas boire un verre?" puis, s'adressant à
quelqu'un d’autre, elle crie: "Eh Peter, sers nous deux bières tu veux?!"

Un homme sort d'une pièce adjacente, et cherche du regard qui l'a appelé. Mhyly fait un
geste de la main, et lorsqu'il la voit, un grand sourire s'ouvre sur son visage rondouillarde.

"Mhyly! Ça fait une paye ! Deux bières c'est ça ? Allez hop!''

Il attrape deux chopes sur une étagère et avance vers nous, en les remplissant au passage.

"Et voila m'dame! Dis donc tu dois avoir bien soif pour engloutir deux bières!"

Mhyly me regarde, sourit et se tourne vers Peter.

"Comme tu vois, je suis pas toute seule!"

Le tavernier me vois, et me tend la main. Une grosse main aux doigts forts semble-t-il, que
j'attrape en retour. En effet, ses doigts sont forts, et les miens craquent lorsqu'il la serre.

"J't'avais pas vu gamin! J'm'appelle Peter, et je suis le maître de ses lieux!" Dit-il en écartant
les bras. "Comment tu t’appelle gamin?"

"Morzan."

Il se tourne vers Mhyly, qui sourit.

"Il vient d'où le ptit Sindel?"

Mhyly m'attrape par l'épaule et lui répond:

"Je l'ai trouvé dans la rue, le cul par terre, complètement déboussolé! J'avais pas le cœur à
le laisser la bas, alors je l'ai choppé et puis... J'ai pensé passer voir le vieux Peter!"

"T'as bien fais ma belle. Ça fait pas mal de temps qu'on t’avait pas vu ici, la dernière fois tu
partais avec le vieux pour chercher des manuscrits, ça s'est bien passé ?"

"Tu parles de Kardan ? Ben écoute, finalement j'ai du y aller toute seule, il voulait pas sortir de
sa bibliothèque tu comprends? Pis j'avais pas besoin de lui en fait, il m'a donné une liste et
tout... Fin tu vois,..."

J'écoute, enfin un peu, leurs discutions, mais je préfère regarder dernière moi, je ne peux
m’empêcher de m'attendre à une visite malvenue... Je bois une gorgée de bière, et regarde
les alentours. L'orchestre amène une petite touche festive qui n'est pas sans déplaire, et
puis certains clients, qui semblent avoir déjà bien bus dansent, en criant à tue-tête, et en
renversant les chopes sur leur passage. C'est chaleureux, et c'est bien différent de Naora, ici
les gens ne regardent pas les couleurs de peau, et semblent s'amuser avec tout le monde.
J'ai clairement fais le bon choix je pense qu'ici je vais être bien... Je me tourne alors vers Mhyly, qui papote encore avec Peter. Elle est encore plus chaleureuse que l'établissement,
heureusement qu'elle était là, sinon je serais complètement perdu dans cette grande ville! Je
la remercierais, j’espère qu'elle voudra bien rester encire un peu avec moi...

"... livre accroché à ta ceinture ?"

Oups, elle me regarde, et c'est à moi qu'elle parlait cette fois... En fait elle regarde mon
grimoire...

"Le livre ? Tu parles de mon grimoire?"

Je le prend et observe la couverture. Il est simple, juste une couverture en cuir rigide noir, il
se ferme avec un fil d'argent, noué sur le dessus. Je sais très bien ce qu'il y a dedans. Mon
sort, mon seul sort d'ailleurs, de feu. Les anciens avaient décelés en moi un fluide de
flamme, et m'avaient appris à l'utiliser. Ça explique clairement mes yeux, qui s'enflamment à
la moindre émotion... J'aurais surement pu apprendre d'autres sorts si j'étais resté à Naora,
mais j'en avais choisis autrement... Mais j'adore la magie, et il faudrait que j'apprenne plus,
et puis ce monde semble barbare et il va falloir que je sache me défendre... Apparemment il y a
une bibliothèque ici... Si je me débrouille bien, je pourrais surement m'améliorer.

"Je suis féru de livres et de savoir, peut être que je pourrais trouver ici de quoi assouvir cette
soif?"

Un sourire parcourt son visage de droite à gauche, puis elle se lève et paye le tavernier.

"Bon Peter, c'était sympa, j'vais emmener Morzan au vieux, ils devraient bien s'entendre!"

"Très bien poulette ! N'hésite pas à revenir ! A bientôt gamin!"

"T'en fais pas, dès que je pourrais"

Elle fait un signe au tavernier, et commence à partir. Je fais de même et la suis.


Vers Rues de Kendra Kâr, direction la Grande Bibliothèque

Vient de Dans les rues de Kendra kâr


Morzan suit son amie et son professeur dans la taverne. Ils s'assoient tout deux à une table qui a l'air habituelle, et je m'installe. Peter les voit et arrive, presque en trottinant .

"Salutations cher Kardan, Mhyly et ... Mor... mor..."

"Morzan" Dis-je d'un ton neutre.

"Morzan! Pardon petit, tu sais je rencontre tellement de gens!"

"Aucun problèmes, et puis vous y étais presque!"

"Merci gamin! Alors comment allez-vous ? vous prendrez quoi d'ailleurs?"

Il sort de son tablier sale une ardoise et une craie bien usée, et se tourne vers Kardan.

"Je crois que nous prendrons tous une soupe de champignon Peter, et une carafe de vin qui l'accompagnera le mieux possible s'il-te-plaît."

Il note la commande.

"Bien sur, tu me connais Kardan!" Et cette bibliothèque, elle va bien? T'as engagé le p'tit Sindel à ce que je vois!"

"Oh tu sais, elle a ses habitués, moins de gens la fréquentent, et c'est de pire en pire! Mais j'y suis toujours aussi bien et les gens y sont très bien accueillis. D'ailleurs, je ne crois pas t'y avoir déjà vu toi." Il sourit au tavernier, et me regarde. "Et en effet, Morzan travaille pour moi. Il est assez compétent, et il se plait dans les livres, alors je crois que j'ai trouvé le parfait employé."

"C'est bien, c'est bien! Content pour toi aussi gamin, pour un nouvel arrivant en ville, je crois que tu es le plus chanceux! Allez je file chercher votre commande, à tout de suite!"

Il s'éloigne en ébouriffant les cheveux de Mhyly, qui ronchonne en se recoiffant. Elle regarde autour d'elle en souriant.

"Eh bien, pourquoi donc ce sourire niais sur ton visage Mhyly?" Lui dis-je en souriant

"Eh! tu peux parler toi, si seulement tu avais que le sourire, hein ?" Elle se calme et regarde nouveau autours de nous. "J'aime bien cet endroit, c'est chaleureux et on voit que les gens y sont bien alors moi aussi, tu vois ?"

Elle me regarde et je vois clairement son sourire. Il n'est pas niais, bien au contraire il est parfaitement conscient et surtout, heureux. La joie dans son état primaire, la vraie joie, sincère et honnête. Et empathique, car elle me fait sourire à mon tour.

"Voilà pour vous les enfants! Trois soupes et une carafe! Pardon Mhyly, mais je vais pas pouvoir discuter, y a trop de monde ce soir!"

"Je t'en veux pas, je reviendrais tu sais!"

"J'en doute pas!"

Il lui fait un baiser sur le front et repart à une autre table.

"Bon appétit et à bientôt!"

Ainsi nous mangeons, et une ambiance agréable nous entoure. Nous discutons de tout, de rien, mais bizarrement, aucun sujet "qui fâche" n'est engagé, rendant le moment encore plus agréable.

"Je ne crois pas avoir déjà passé un si bon repas, et je vous en remercie tout les deux."

"C'est un plaisir pour nous aussi Morzan. Et on en vivra d'autres!"

Étrangement à cet instant, rien ne pourrait me faire croire le contraire. Après avoir terminé nos assiettes et nos trois carafes, nous repartons, dans les rues faiblement éclairées de Kendra Kâr, après avoir payé et salué le tavernier, qui décide de nous offrir un dernier verre de liqueur de mirabelle.

Vers Dans les rues de Kendra Kâr, direction la Grande Bibliothèque

Le temps semble s'étirer à chaque foulée du cheval, Inès ressent de plus en plus la fatigue s'insinuer dans son corps et son esprit. Chaque secousse lui demande un peu plus d'effort pour ne pas s'effondrer. Ses yeux la piquent et semblent s'enfuir de ses orbites, et plus encore avec le soleil montant. Elle lutte, il ne faut pas s'endormir. Pas avec cette humaine, pas avec le coffre de Valy, même si elle doit être bien incapable de l'ouvrir.
Elle ferme les yeux, se promettant de ne le faire qu'une seconde, mais, bercée par le déhanché de l'équidé, le claquement des sabots et le parfum enivrant de l'humaine, elle s'assoupit. Sitôt elle s'en rend compte, sitôt elle se redresse, cligne des yeux avec vigueur, espérant se réveiller totalement. Cependant, quelques instants plus tard, la voici de nouveau la tête basculant en arrière, roulant sur les côtés avant d'entraîner son corps contre celui de Gezabelle. Cette dernière semble s'amuser de la situation, compréhensive du peu de confiance qu'Inès lui porte.
L'odeur de la barbare, aux teintes boisées mêlées de cuir et de fer, plonge l'hiniönne dans ses souvenirs d'enfance, tandis qu'elle se cachait à travers les arbres de la grande Cuilnen, observant son père et son grand-père lors de leurs entraînements.
Étrangement, elle rêve et s'en rend compte par moments, mais elle ne parvient pas à sortir de ses songes. Sa lutte contre le sommeil est vouée à l'échec ; la fatigue, l'émotion, sa blessure, tout cela l'a épuisée et elle apprécie cet onirisme qui la plonge dans un environnement réconfortant. Mais l'image de Valyndra se fait de plus en plus présente et, comme si Rana l'avait bousculée, Inès se redresse d'un coup sec, perturbée, se sentant coupable, les mains crispée sur le coffre, parfaitement réveillée. Gênée, elle maintient désormais une distance respectable, du moins autant que le dos du cheval le permet, entre elle et l'humaine.

Le soleil couronne désormais le ciel et la ville de Kendra Kâr déploie ses albes remparts lumineux. Inès reste ébahie devant le spectacle de cette ville majestueuse, si opposée à sa Cuilnen. L'une est cachée, secrète, l'autre s'expose, insolente, à la vue de tous. L'une n'accueille que peu d'étrangers, l'autre laisse défiler en son sein des individus de tous horizons.
Perchée sur la monture, Inès se cramponne à son coffre et surveille rapidement les passants qui vont et viennent sans bousculade, sous les immenses portes de la ville. Des gardes, postés de part et d'autre, observent eux aussi les badauds tout en se vantant de conquêtes d'un soir ou se rencardant sur des paris à mener aux arènes.
Tout ce monde et cette diversité de races mettent mal à l'aise Inès. La tranquillité de Cuilnen est bien loin, désormais. Son univers a été complètement chamboulé depuis que son grand-père est revenu de Kendra Kâr. Ville maudite dans laquelle elle pénètre en compagnie d'une barbare qui y semble assez à l'aise pour se diriger, sans hésitation, vers une taverne depuis laquelle s'échappe une musique entrainante. Sur le chemin, rien, à part un immense bâtiment surchargé de décoration, n'a attiré l'œil d'Inès.

Les deux femmes pénètrent dans l'auberge, l'humaine se dirige directement vers le comptoir pour obtenir un repas, une chambre et un bain tandis que l'elfe reste à l'entrée de la grande salle, saisie par cet endroit bien peu familier ; rien à voir avec l'auberge de Rod'Nal à Cuilnen ! Après quelques secondes d'hésitation, elle s'empresse de rejoindre Gezabelle qui, comme lors de leur rencontre, s'installe au milieu de la pièce, sans gêne aucune, exhibant des atours féminins. Autour, les clients sont plus ou moins intéressés par les nouvelles venues et Inès ose à peine les observer, se souvenant de sa dernière halte dans une auberge.

"Un bon repas un bon bain et nous repartons demain, après une bonne nuit. Faudra me faire confiance cette fois, car sans sommeil tu n’iras pas bien loin."

Lui faire confiance ? L'hiniönne ne peut s'empêcher de rire nerveusement.


"On s'attache l'une à l'autre. Vous ne pourrez pas partir avec mon coffre en me laissant seule dans cette ville de…" Elle soupire sans terminer sa phrase et enfonce sa tête dans ses mains.

Dirigé Ines

La rouquine boit une gorgée de sa cervoise dévisageant l'elfe.

Cette ville est magnifique, mais on a pas le temps pour du tourisme.

Elle tend un morceau de pain et un bol de soupe.

Mange tu as besoin de reprendre des forces.

La barbare n'a visiblement pas compris la remarque d'Inès et la dévisage tout en sirotant sa cervoise. Elle lui répond qu'elles n'auront pas le temps de visiter la ville, même si celle-ci est particulièrement agréable. L'hiniönne hausse les épaules et lui indique d'une voix lasse qu'elle n'en avait pas l'intention.
Tout en mâchouillant son bout de pain, elle observe les occupants, il y en a de toutes les races, de tous les âges et de toutes conditions sociales. Des travailleurs, aux mains lourdes et calleuses, des soldats, probablement en permission, des prêtres, à qui Inès ne confierait surement pas son salut ou des voyageurs, dont un elfe rassurant.

(Il y a trop de monde pour que ça dégénère à nouveau… Enfin j'espère.)

"Avons-nous chacune notre chambre ?"

Dirigé Ines

Gezabelle s'esclaffe bruyamment, laissant de la nourriture sortir de sa bouche. Elle s'essuie avec le revers de la main.

Non, nous avons une chambre, je ne suis pas riche comme le roi. J'ai payé pour un bain aussi.

Ines remarque que l'elfe, semble irriter par tant de bruit et ne partage pas la bonne humeur de sa partenaire.

Inès n'aura pas de chambre individuelle, bien évidemment, et son problème de surveillance de coffre demeure. Elle n'a, cependant, confiance ni en Gezabelle, ni aux autres occupants de l'auberge. Mais a-t-elle seulement le choix ? Se priver d'une seconde nuit est inconcevable.

La rouquine ne fait preuve d'aucun savoir-vivre en engloutissant son repas, Inès n'y prend pas garde jusqu'à ce que son regard tombe sur l'elfe, installé non loin d'elles. Un hinïon, semble-t-il, paré de vêtements verts, ornés avec délicatesse, les observe avec une prétention digne de sa race. L'humaine dérange, et qu'Inès l'accompagne ne doit pas lui donner bien meilleure image.
Elle reste un temps à l'observer, quitte à soutenir son regard, puis revient finalement vers son accompagnatrice.

"Vous comptez rester dans l'auberge tout l'après-midi ? Quand sera donc prêt le bain ?"

Dirigé Ines

La rouquine s'étire outrageusement, laissant apparaitre le galbe ferme de sa poitrine tasser dans son corset.

Je vais d'abord prendre un bain, car j'en rêve depuis que j'ai quitté votre cité verte. On verra bien pour la suite, j'ai rien programmé.

Elle laisse s'échapper un rot et reprend.

Peut-être que vous vous lavez pas, les longues oreilles ?!

dit elle d'un ton ironique. C'est alors que l'elfe rester silencieux, prend la parole.

Pardon, pourriez-vous vous taire?

Tout en interrogeant l'humaine, Inès ne peut s'empêcher d'observer son compatriote qui semble de plus en plus incommodé par la présence et l'attitude de la rouquine. Cette dernière, fidèle à ses bonnes manières, s'étire au point de comprimer sa poitrine qui semble vouloir s'échapper du corset outrageant. Une fois à l'aise, elle lui répond d'une voix forte et bourrue :

"Je vais d'abord prendre un bain, car j'en rêve depuis que j'ai quitté votre cité verte. On verra bien pour la suite, j'ai rien programmé."

Elle éructe et poursuit en raillant Inès, et toute sa race : "Peut-être que vous ne vous lavez pas, les longues oreilles ?!"

Inès détourne le regard, le spectacle la gêne et elle a envie de lui faire regretter ces paroles mais elle ne sait trop comment réagir. Elle se sent comme liée, par la force des choses, à cette barbare. Elle a besoin d'elle pour atteindre son objectif et qu'importe ses manières, elle ne compte pas s'en faire une amie.
Si elle se retient de la remettre en place, ce n'est pas le cas de l'elfe qui intervient, excédé : "Pardon, pourriez-vous vous taire?"


L'hiniönne reste un temps estomaquée par l'impudence de son confrère et tente, par un mouvement de la main, bloquer toute réaction impulsive de Gezabelle avant de se tourner vers le mâle pour lui suggérer de ne pas intervenir auprès de la barbare. Elle ajoute à mi-voix : "Ses manières ne sont pas amendables."

Dirigé Ines

La belle rouquine gratifie l'elfe d'un geste insultant avec ses doigts et continue de se restaurer. L'elfe fronce les sourcils, regard Ines et répond énervé.

Si vous ne la cautionnez pas, vous n'avez rien à faire avec elle. Si vous la suivez c'est que vous la légitimé dans ses attitudes.

Mais son interlocuteur n'en a cure, d'autant que l'humaine l'insulte d'un simple geste. La tension monte, le ton aussi :

"Si vous ne la cautionnez pas, vous n'avez rien à faire avec elle. Si vous la suivez c'est que vous la légitimez dans ses attitudes."

Inès hausse les yeux au geste de son accompagnatrice puis les épaules à la remarque de son acolyte. Elle regarde aussi amusée que pantoise les environs, entre les soldats et les travailleurs, la taverne ne semble clairement pas habituée à la clientèle de la haute et la jeune elfe ne peut s'empêcher de trouver la réaction du gars en vert un peu trop exagérée.


"Je ne la côtoie pas pour ses manières mais pour les services qu'elle peut m'apporter. Et, soyons honnête, si cela vous choque, vous avez mal choisi votre taverne. La ville est grande, allez donc dans les quartiers un peu plus aisés pour trouver un semblant de bienséance elfique. Par ailleurs, vous énerver ainsi ferait presque honte à notre éducation raciale."

Aux mots d'Ines, la rouquine éclate de rire. L’elfe lui, se renfrogne et sa mine s'assombrit, honteux et vexer.


Merci, pour cet instant mémorable, je vais dans notre chambre, si vous voulez vous laver c'est maintenant.

L'elfe se retourne, prends ses affaires et s'en va sans rien dire, sa tête enfoncer dans ses épaules.