Sirat posa sa main sur la porte de la taverne, derrière elle il pouvait percevoir les bruits de verre, les rires et la chaleur de l'endroit. La nuit avait repris le dessus sur le soleil et elle continuait à s'étendre sur la ville, l'enveloppant de sa fraicheur. L'humoran poussa la porte et entra, il ne passa pas inaperçu, sa charpente n'étant pas de celle qui facilite la dissimulation. Mais les regards étonnéslui importaient peu , cette nuit était celle de la libération. Il y eut une seconde de silence lors de son entrée, mais très vite les bavardages reprirent leur droit. Sirat esquissa un sourire, il était heureux de retrouver des repères, des codes qu'il connaissait, après cette aventure si étrange, un lieu connue le rassurait.
Il remarqua Ezak et l'archer, déjà attablé et festoyant joyeusement. L'allure des deux hommes étaient pour le moins aléatoires, leurs mines réjouies contrastaient avec leurs vêtements crasseux et abimés. Sirat jaugea les siens et il épousseta ses affaires, qui elles aussi avaient subi les affres du combat sur l'île.
Il se dirigea vers leur table, slalomant entre les habitués, chevaliers, aventuriers, simple soldat ou marchand, tous venaient chercher détente et bonne compagnie en ce lieu. L'ambiance était à la fête, Ezak avait déjà harangué la foule et levait son verre à qui acceptait d'entendre sa bonne parole. L'enchanteur s'attabla, lançant une tape dans le dos au jeune archer.
"J'espère n'avoir rien, loupé !!"Il attrapa la pinte sur la table, qu'Ezak avait préalablement commandé. Il le remercia d'un hochement de tête tout en levant son verre et en descendant d'une traite le nectar. Il le reposa violemment sur la table, laissant s'échapper un râle de plaisir.
"Ah ! Par Zewen, j'en rêve depuis notre ascension de cette maudite tour !"Il se balança légèrement sur sa chaise jaugeant la taverne, il retrouvait peu à peu ses habitudes et on pouvait facilement voir que l'humoran avait été il y a pas si longtemps de cela un arpenteur de tripots en tout genre.
Il lorgna déjà sur une femme aux courbe généreuses, ses cheveux bruns ondulaient sur sa peau pale et tatoué. A peine vêtue, celle-ci se déhanchait entre les tables, quand elle remarqua le regard insistant de l'enchanteur. En professionnel avertie, elle attrapa une bouteille et se dirigea vers ce nouveau client. Sirat l'accueillit avec un sourire goguenard et l'attrapa par les hanches, l'assaillant sur ses genoux.
"Viens la ma belle, tu passes la soirée avec moi."Il attrapa la bouteille et en descendit une bonne razzia au goulot laissant le liquide carmin dégouliné le long de sa bouche. Il la rendit à la belle qui s'empressa de faire de même tout en riant. Elle avait flairé un bon consommateur et à la vue du personnage elle se félicitait déjà de la réussite de sa journée de travail. Elle reposa la bouteille la laissant aux compagnons de l'humoran et l'embrassa fiévreusement, refermant ainsi sa proie dans ses griffes.
Il ne pensait plus à rien, l'alcool et cette femme le contentait pleinement, il avait rangé cette quête dans un petit tiroir, occultant ses soucis et profitant du moment présent. Quand il reconnue la voix qui l'interpella, il se rappella la phrase du magicien de l'île. Sa théorie sur la réalité qui vous rattrape toujours quoique vous fassiez pour l'éviter ou l'oublier.
Il se retourna et fit face à un jeune homme, ses cheveux couleur ébène et ses yeux bleus opales trônaient sur une bonne stature de guerrier aguerrit, le tout finement enveloppé dans des vêtements militaires au blason de la ville.
"Sirat, mon ami"(mon frère)"Kedaw..."Il resta un instant interloqué ne sachant pas quoi dire, mais le jeune homme ne tarda pas à lui serrer la main et à saluer ses deux amis. Il ignorait tout de leur lien de parenté et Sirat ne pouvait rien lui dire, encore une fois la situation ne s'y prêtait pas.
"Tu t'es encore musclé, je ne me souvenais pas de toi aussi fort.""Tu n'es pas en reste."Il inspecta rapidement les armoiries de Kedaw.
"Tu es monté en grade."Le paladin esquissa un sourire à la remarque de l'humoran.
"Certes, nous revenons de campagnes moi et mes hommes."Il désigna deux chevaliers derrière lui. L'air belliqueux, ils patientaient sagement. Apparemment ils ne partageaient pas le même entrain que leur chef pour les relations amicales avec des bâtards. Il connaissait bien ce regard, son père lui avait tenue le même quand il n'était encore qu'un enfant. Sirat les dévisagea, les gratifiant d'une moue antipathique et attrapa la bouteille pour en boire quelques gorgées.
"Nous ne restons pas, demain nous avons un rassemblement devant le roi, mais passe à la caserne à l'occasion je te présenterais mon père."Sirat manqua d'avaler de travers, il toussa légèrement, mais ne tarda pas à se reprendre.
"Je ne sais pas si je vais rester, mais si j'ai l'occasion se sera avec plaisir."Il avait dit cela plus par convenance, il ne se voyait réellement pas servir dans la même armée que son père.
Les deux hommes se gratifièrent d'une poignée de main et Kedaw s'en alla, lâchant avec un clin d'oeil taquin.
"Amuse-toi bien, tu me diras ce qu'il en retourne."
Sirat accompagna du regard son frère et ses deux soldats qui sortirent de la taverne puis il se retourna, devant les mines de ses amis et de la catin il frappa sur la table.
"Bon !! On cause ou on se saoul ?! Deux bouteilles pour notre table !"Le patron s'empressa d'apporter la commande, alors que l'enchanteur rendait à sa compagne d'un soir le baiser qu'elle lui avait donné. Il n'avait pas envie de s'étendre sur cette rencontre, surtout avec des inconnues, bien qu'Ezak et Karz avaient combattu avec lui et frôlé la mort, l'envie de leur étaler son arbre généalogique et ses secrets ne semblaient pas être une priorité, ni une envie pressante.