Inscription: Sam 2 Jan 2010 01:28 Messages: 984
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LA TAVERNE DU PALADIN … La jeune fille s’approchait prudemment du mur de l’établissement contre lequel elle se colla tel un coquillage rivé à son rocher. Elle retint sa respiration. Il semblait y avoir une bonne ambiance, une musique entraînante et chaleureuse qui invitait le passant à venir se trémousser. Elle serrait les pièces dans sa main à s’en faire mal. Un couple sortit par la porte en bois peint et s’éloigna sans avoir vu la jeune fille. Ilda souffla, balayant du regard la façade de la bâtisse, jusqu’à river ses yeux sur la sculpture en fer forgé, représentant un fier chevalier. La lune ronde brillait de tout son éclat blafard, n’atteignait pas le dessous de l’encorbellement sous lequel la jeune fille s’était réfugiée. De grandes fenêtres en arcades diffusaient une lumière chaude et multicolore à travers les culs de bouteilles qui formaient les vitres. Au-dessus, loin, très haut, les trois étages de l’immeuble étaient percés de grandes fenêtres, pour la plupart toutes encore illuminées. À cette heure tardive de la nuit, la maison ressemblait à une guirlande de lampions perdue sur un lit de brume. La jeune fille avait le cœur qui battait la chamade. Ne serait-elle pas refoulée de l’établissement à cause de son jeune âge ? Elle resta là combien de minutes, écoutant les voix, les rires et toujours cette musique joyeuse. Le froid commençait à remonter le long de ses jambes nues sous sa vieille robe et ses dents claquaient. Alors, elle se résigna, implora respectueusement Zewen et poussa la porte…
Ilda sur le pas de la porte observait la scène ; quelques marches plus bas, une grande salle aux poutres décorées, portait par de gros piliers en maçonnerie, occupait le rez-de-chaussée. Une foule incroyable, bigarrée et mobile, circulait en tout sens, une fumée épaisse recouvrait la masse d’un dais grisâtre. Des serveuses et serveurs louvoyaient entre les tables, portant haut des plateaux surchargés. Au fond, un petit orchestre jouait et quelques convives dansaient. Il y faisait bigrement chaud et une foultitude d’odeurs diverses agressèrent ses narines. Un grand gaillard rondouillard tournait de table en table s’inquiétant auprès de ses clients de leur satisfaction. L’adolescente était figée, jusqu’à ce qu’une femme la remarqua et s’approcha.« Bonsoir demoiselle, cherches-tu quelqu’un ? » Ilda releva la tête un peu surprise par l’intervention de la serveuse qui la sortait de sa contemplation. Ses cheveux étaient sales derrière la tête et collés par le sang coagulé. Sur sa joue restaient les traces de la gifle du voleur. Bonsoir, je… je voudrai prendre une chambre, une amie va me rejoindre Un petit silence Je prendrai bien un bain aussi et un repas en attendant son arrivée ? La femme jeta un regard à l’extérieur… rien, personne. Elle regarda Ilda, songeuse et après analyse de la situation lui sourit enfin… L’état de la gamine ne lui échappait pas et elle ne se sentit pas le courage de la laisser dehors. A quel danger avait-elle échappé ? (Je saurais probablement te soutirer l’histoire de ta fugue, plus tard, quand tu seras mieux demoiselle). se dit-elle. «Très bien jeune fille, j’espère que tu as de quoi payer, car le patron que tu vois là-bas n’aime pas les mauvais payeurs. Elle désigna du doigt le gros bonhomme, en se portant à la hauteur d’ilda. Montre-moi ce que tu tiens si fortement entre tes doigts ? » Ilda desserra doucement ses doigts engourdis par la tension pour laisser apparaître les quelques Yus donnés par Oscurio. La serveuse les prit, les compta, sans se presser d’un air très sérieux, jouant une petite pantomime, avant de lui rendre. « Jeune fille, tu as de la chance, tu as le compte pour tout ce que tu as demandé. Allez, suis-moi tu es transie de froid et j’entends ici ton estomac prêt à engloutir l’auberge. » L’habile serveuse se faufilait au milieu de la foule suivit de prêt par l’adolescente un peu apeurée. Sur ces entre faits, Peters Rhel pour qui rien n’échappait dans sa salle, arriva.
« Ho ! ho ! ho ! Dis-moi Katcha, quel est donc ce drôle de petit oiseau perdu que tu nous as trouvé là ? »
« Et bien, un oisillon qui a souffert des martyres d’une brute probablement et qui demande asile. En plus il saigne ses dernières économies pour avoir l’accueil.
[i] Il regarda les piécettes que lui tendait Ilda, sourit et se massa son double menton. « Je vois, je vois… ce soir est une bonne soirée et il ne sera pas dit que Peter Rhel aura laissé un enfant sur le pas de sa porte. Va Katcha, donne lui la petite chambre au premier, elle sera au calme. Fais lui apporter ce qu’elle veut et prodigué des soins si elle en a besoin. » Il garda les pièces, lui posa une main potelée aux doigts gros comme des saucisses sur la tête et lui fit un clin d’œil accompagné d’un large sourire.
Katcha se saisit d’une clef derrière le comptoir et entraîna Ilda en arrière dans un passage assez large. Un escalier en bois usé par des années d’utilisation, munit d’une rambarde sculptée, permettait l’accès aux étages. Au fond du couloir bien éclairé par des lanternes, la serveuse ouvrit la chambre et poussa avec douceur la jeune fille. Elle se saisit d’une lampe à huile et en un tour de main la lumière fut là déversant son auréole chaleureuse. Le bruit de la grande salle était assourdi et lointain. La chambre n’était pas grande, un lit assez large et court occupait un pan de mur. En face de la porte, une fenêtre plus petite que celles de la façade occupait l’autre mur. Une petite coiffeuse simple et propre était chargée de serviettes, d’un broc et d’une bassine en porcelaine. Katcha déposa sur la table de nuit la lampe.« Attends-moi là, je vais aller chercher tout ce qu’il te faut. Akilöem un commis d’étage va t’apporter un bac et des pots d’eau chaude et froide, tu pourras te décrasser. Je te fais monter à manger… Au fait, je ne crois pas avoir entendu comment tu t’appelles ? » Je m’appelle Ilda… Elle ne voulait pas trop en dire. Euh ! m’dame ? J’attends une amie du nom de N’Kpa. Elle risque d’être effrayée, vous pourrez l’aider ? Katcha pencha la tête sur le coté, un doigt vint nonchalamment toucher et tapoter son nez. Elle resta quelques secondes songeuse… « Oh toi ma fille, tu ne me dis pas tout, qui est cette N’Kpa et pourquoi n’est-elle pas avec toi ? » Ben … euh… enfin, mon amie est une Humoran de la grande forêt de Cuilnen et c’est la première fois qu’elle vient à Kendra Kar… Elle a du mal à comprendre les citadins et parle mal notre langue. Je lui dois… Arriva, coupant court à la conversation, le commis portant le bac pour le bain, accompagné d’une servante encombrée par le savon, des brocs fumants et des serviettes. Ils déposèrent le tout et la servante avec diligence couvrit le bac d’un drap avant d’y faire couler le premier seau d’eau chaude. En quelques minutes, la baignoire était pleine et fumante. Akilöen sortit sans un mot. La servante aida la jeune fille à quitter ses vêtements sales et les emporta. Katcha jeta un œil à la jeune fille, un brin soupçonneuse, puis :« Bien je te laisse, nous reprendrons notre conversation plus tard. Kayethi te ramènera tes vêtements. Elle a déposé une chemise de nuit sur le lit. Je te fais monter de quoi te restaurer, aussi. Je guette ton amie et te l’enverrai… À toute à l’heure, repose-toi et profite du calme. Ici tu ne crains rien chez Peter Rhel.» Il n’était pas courant qu’elle s’immisce dans la vie privée des gens, mais là, il s’agissait d’une gamine et les traces de coups qu’elle portait était douteuses et réclamait peut-être une explication… Cette Humoran était-elle vraiment une amie ? D’un autre côté, elle n’était pas non plus ici pour des œuvres de charité… Mais… Ilda lui avait fait de la peine, elle ne ressemblait pas à ces enfants sans foyer traînant, chapardant et mendiant dans la rue. Un clin d’œil de Katcha, Ilda sourit et rapidement plongea avec volupté dans la baignoire… Elle s’endormit éreintée en quelques minutes engourdie par la tiédeur de l’eau et les senteurs parfumées du savon… *** À cette heure tardive de la nuit, un changement complexe dans le caractère de l’Humoran venait de prendre naissance. La graine avait été semée par les agissements et les paroles des deux voleurs et ne demandait qu’à germer. Un sentiment, une résolution, un apprentissage que son éducation au sein des elfes verts ne l’avait pas préparé. La ville recelait des surprises bien loin des acquis de l’Humoran. …Le trio s’avançait dans le dédale des égouts après avoir récupérer leurs affaires. Oscurio ouvrait la marche, N’Kpa en second et Sharis formait l’arrière-garde, toujours tendue et sur ses gardes. Le halo de la torche illuminait le crâne du semi-elfe et leurs ombres formaient des taches fantomatiques épousant les reliefs des parois. Oscurio s’arrêta et désigna à l’Humoran une échelle métallique menant à la surface. - Voilà grimpe, en face tu apercevras une grosse maison à trois étages, sûrement très illuminée, c’est l’auberge du Paladin. Vas-y et passe une bonne nuit. On se retrouve demain matin dans la salle commune. La jeune femme fit un signe de tête affirmatif, salua les deux hommes et grimpa lestement, avant de disparaître dans la brume sans se retourner. N’Kpa arrivait juste devant la porte de l’auberge qu’un homme la bouscula en sortant. À son odeur, nul doute que son état dénotait d’un abus de boisson alcoolisée. Il disparut dans le brouillard en titubant. Une chaleur étouffante submergea l’Humoran quand elle rentra dans l’estaminet. Le vacarme des discussions, les odeurs et le monde la figèrent sur place. D’un mouvement de tête, elle embrasse le décor et cherche un repère, un regard, un signe d’aide. Des visages se tournent instinctivement en direction du courant d’air frais apporté par la porte restée grande ouverte. Des yeux s’écarquillent, des messes basses sont échangées. De cette engeance rapplique une femme brune d’un âge moyen, avenante un plateau sous le bras. « Bonsoir, N’Kpa je présume ? » En quelques secondes, la serveuse détaille du regard l’étrangère et esquisse un petit sourire fugace. (Et bien cette jolie étrangère à l’allure sauvage, ici à Kendra Kar ne doit pas passer inaperçu et risque de se comporter comme un chien dans un jeu de quilles.) Les yeux de l’Humoran s’arrondissent de surprise et elle marque un léger mouvement de recul. Euh… oui … comment connaissez-vous mon nom ? On pouvait lire l’incrédulité sur son visage. Kacha éclata de rire, beaucoup de regards se tournèrent, puis les gens oublièrent et reprirent leurs occupations, sans plus prêter attention. Au milieu d’un groupe, un homme suivit l’Humoran des yeux. Après quelques minutes, le personnage quittait l’auberge. « Je m’appelle Kacha. Viens, suis-moi, une amie t’attend et m’a demandé de te servir de chaperon. Allons ne traînons pas. » (Quelle est donc cette amie?) se demanda la jeune femme. Etrangement, N’Kpa se sentit en confiance et emboîta le pas de la serveuse, sans poser plus de question. Elles gravirent les marches et arrivèrent rapidement devant la porte de la chambre du fond. Katcha frappa doucement l’huisserie et après un court instant, une petite voix répondit. (La curiosité m’avait poussé à suivre la dame et les interrogations occupaient mon esprit, mais... Quelle fut ma surprise en découvrant ma Ilda allongée sur un lit dans une chambrette coquette et chaleureuse, un manuscrit à la main. Elle était toute belle dans sa longue chemise blanche, le teint frais, même si la fatigue se lisait sur son visage et ses cheveux étaient propres et coiffés. Un petit feu ronronnait dans l’âtre, une douce odeur de plat cuisiné flottait encore dans l’air et titillait mon estomac affamé. Nos regards se croisèrent, elle bondit et me sauta au cou.) Plusieurs minutes s’écoulèrent avant que les deux jeunes femmes se séparent. Des larmes de joie perlèrent sur leurs joues. Elles finissèrent par se séparer, se regardant l’une et l’autre, se tenant toujours par les mains. Derrière ce tableau, Katcha les bras croisés observait la scène un sourire en coin. Elle était convaincue que les deux jeunes femmes étaient bien des amies et qu’elles avaient subi ensemble une histoire longue et périlleuse. Mais il restait des ombres qu’elle aurait aimé éclaircir. Le temps n’était pas au questionnement. Pour l’instant, c’était celui des retrouvailles et du repos.« Mesdemoiselles, je vais vous laisser. N’Kpa, je te fais monter tout ce qu’il faut pour un bain et un repas. Reposez-vous, vous ne risquez rien ici tant que vous resterez sagement dans cette chambre. Ilda te dira qui doit venir pour vous apporter ce dont vous aurez besoin, bonne nuit et à demain.» Elle se retourna et sortit sans attendre un signe ou un remerciement. Restées seules les deux jeunes femmes s’esclaffèrent, heureuses enfin de pouvoir parler des moments difficiles et de l’avenir. Dehors, Katcha l’oreille collée à la porte jouait les espionnes pour en apprendre un peu plus long. Il se passa de longues minutes de discussions banales sur leur état mutuel, puis quelques noms, quelques lieux et descriptions apparurent dans la conversation. Katcha, en resta là satisfaite. Elle en savait un peu sur les derniers événements de la vie des deux jeunes femmes. Sans attendre plus longtemps, elle descendit demander le service pour N’Kpa… (La joie de retrouver Ilda avait un instant occulté mes ressentiments envers Oscurio et Sharis. Peut-être était-ce la première fois qu’Oscurio avait été honnête avec moi, ou avait-il craint que je ne suive pas son plan ? Ilda était sauve et en bonne santé. En tout cas, à cette heure, rien ne me faisait plus plaisir que de serrer dans mes bras mon amie. La grande ville a sûrement bien des plaisirs à découvrir, mais aussi des dangers dont j’ignore tout, le premier étant ses habitants. Ilda est rayonnante et je prends goût à me joindre à sa joie. Je m’installe par terre devant le foyer, Ilda à mes cotés m’inonde de questions auxquelles je réponds machinalement. Déjà mon esprit s’évade. Par Yuimen, il y avait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi épuisée. Mes pensées voguèrent loin d’ici, vers cette forêt qui est mienne et où je suis plus à l’aise…) On frappa à la porte, N’Kpa ne réagit pas, Ilda alla ouvrir. En quelques instants, tout était prêt pour le bain et le repas posé sur une petite table. Fraîches, changées et repues, les deux jeunes femmes s’endormirent rapidement dans le lit douillet… Dans la nuit, N’Kpa se leva, attisa le feu et se coucha devant sur une couverture… Thilytanataë, où es-tu ? Tu me manques et j’ai besoin de ton énergie…
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Dernière édition par N'Kpa Ithilglî le Lun 6 Juin 2011 19:48, édité 3 fois.
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