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A l'instant où Azric aperçut la worane sombre se ramasser sur elle-même pour bondir, il eut le bon réflexe de rabattre devant lui son petit bouclier rond. Cependant, lorsqu'elle s'élança, ce ne fut point dans la direction du nain, mais vers l'un des murs rapprochés de l'étroite ruelle. Toutes griffes dehors, elle s'accrocha à une irrégularité dans la roche avant de s'en servir comme appui pour rebondir. Et bel et bien vers le nain, cette fois-ci. Dans l'obscurité de cette ruelle mal éclairée, le pelage sombre de la femme-chat constituait un camouflage parfait. Un camouflage qui, combiné à la vitesse et l'agilité avec lesquelles elle se déplaçait, la rendait totalement insaisissable. Si bien qu'Azric n'eut même pas le temps de réagir. Avant qu'il ne comprenne ce qui lui arrivait, dix griffes acérées volaient vers son flanc découvert et certaines d'entre-elles s'y frayérent un chemin sanglant.
Réprimant un cri de douleur, le nain rassembla ses forces et pivota vivement sur lui-même pour asséner un terrible coup de taille à son adversaire invisible. Mais avant-même que sa hache ne fende l'air, la worane avait disparu de son champs de vision. La dernière chose qu'il put voir fut une forme floue grimper à la verticale le long de la façade d'un bâtiment proche.
( Super ! ) Gronda Azric. ( Cette garce peut être n'importe où, maintenant ! Par Valyus, c'est parfait ! ) La douleur le tenaillait au coté, et il s'accorda une courte seconde pour jeter un coup d’œil à sa blessure. Une demie douzaine longues entailles se croisaient juste au dessus de sa hanche droite. Cependant, les plaies n'étaient que peu profondes et se refermeraient rapidement … S'il sortait vivant de cet affrontement, bien entendu.
Un bref regard autour de lui lui indiqua que les trois autres worans étaient toujours là, tapis dans l'ombre mais toujours bien présents. A vrai dire, Azric comptait à ce qu'ils s'enfuient si il parvenait à vaincre celle qui semblait être leur chef … Ce genre de comportement était fréquent chez les groupes de bandits, et il espérait que celui-ci ne ferait pas exception. Il avait peut-être une chance contre un adversaire isolé, mais pas contre quatre. Même un par un.
Alors qu'il réfléchissait et qu'il tournait lentement sur lui-même, vigilant au moindre son, un imperceptible bruissement se fit entendre juste derrière lui. Il fit alors volte-face pour tomber nez à nez avec les deux fins yeux jaunes de la worane.
« Tu as offensé la mauvaise personne … nain ! » Cracha-t-elle avec haine.
Sans hésiter, Azric leva alors son bouclier pour se protéger de l'attaque qui allait suivre … Mais il fut trop lent. Beaucoup trop lent. Une patte hérissée de griffes jaillit des ténèbres et malgré le mouvement de recul du nain, deux d'entre-elles l'atteignirent au visage, lui ouvrant une paire d'estafilades de la joue gauche à l'oreille droite.
Son bouclier à présent devant lui, même s'il était trop tard pour éviter l'attaque, Azric poussa d'un coup sec vers l'avant. Il cherchait à percuter la femme-chat pour la faire trébucher, l’assommer, ou ne serait-ce que la ralentir ! De quoi lui donner le temps de frapper avec sa hache. Mais sa tentative fut un échec cuisant et l'acier ne rencontra que le vide, manquant par la même occasion de le faire chuter tête la première sur les pavés de la ruelle. La worane n'avait eu qu'à faire un ample pas de côté pour l'éviter, et elle se trouvait maintenant dans son dos.
Le nain, reprenant son souffle, cracha une gerbe de sang avant de se retourner. Du sang coulait abondamment de sa lèvre récemment ouverte, lui laissant le goût du sang en bouche … de même que son nez, qui ne captait plus que l'odeur acre du sang frais. Toujours aussi déterminé, Azric plaça son bouclier devant lui, prêt à protéger son flanc le plus éxposé, et resserra sa prise sur le manche de son arme.
« Alors ? On fatigue ? » Lança-t-il à la femelle worane, alors qu'il était lui-même loin d'être au maximum de sa forme. Mais il arrivait que la provocation fasse faire des erreurs en combat. Et Azric en avait bien besoin, d'une erreur.
En tout cas, que cela ait marché ou non, la worane bondit à nouveau. Elle s'accrocha en hauteur, au rebord d'une fenêtre close, et se laissa retomber à la droite du nain, alors qu'il l'attendait à sa gauche. Dans le même mouvement, elle s'abaissa et se jeta encore sur lui, le percutant et le faisant tomber au sol. Ce fut un déclic pour Azric.
( Mais bien sûr, par la Grande Forge ! Elle s'attaque toujours au côté que je protège le moins ! Elle ne s'attend pas à ce que je puisse bloquer son attaque ! )
« C'est tout c'que tu peux faire ?? » Lança Azric en se relevant. Il devait faire en sorte qu'elle ne retourne pas dans l'ombre des batiments. Il ne survivrait pas à beaucoup d'autres assauts. Maintenant qu'il pensait avoir découvert une faille, il fallait qu'elle l'attaque immédiatement.
« Cesse de me provoquer et regardes-toi, un peu ! Tu n'es plus capable de ta battre ! » S’énerva la worane, surement agacée que le nain survive à tous ses assauts.
Et elle bondit. Exactement comme Azric l'attendait. Elle s'accrocha à nouveau au mur, et rebondit … à la droite du nain, à l'opposé de son bouclier. Mais cette fois, il avait anticipé son coup et il était prêt à réagir. Lorsqu'elle atterrit, Azric balança son bouclier sur sa droite et se recroquevilla derrière. Le coup déjà lancé percuta de plein fouet la petite rondache d'acier et crissa quand les griffes de la woranne glissèrent dessus. Celle-ci, surprise, eut un instant d'hésitation avant de s'élancer en arrière ... mais il était trop tard. Azric balançait déjà son bras armé en direction de son adversaire.
Le temps sembla soudain s'être ralentit. La lame de la hache rencontra la taille de la femme panthère dans un lent bruit humide. Le choc se répercuta alors dans tout le bras d'Azric. Puis, presque immédiatement, une brusque giclée de sang éclaboussa le visage et le torse velu du nain. Une odeur épouvantable emplit son nez du même coup. Il vit enfin son adversaire chuter au sol, lourdement, mais ne baissa pas sa garde.
« Bouge pas ! Ah ça, non, bouge pas ! » Cria-t-il en la pointant de son arme dégoulinante d'un sang clair et fluide, avant de se rendre compte qu'elle ne pouvait de toute façon plus bouger ... pas sans en mourir, en tout cas.
En effet, les haillons sales et disparates de la femelle woranne étaient déchiquetés pour laisser apparaitre la plaie béante que l'acier avait taillé dans son ventre. Au vu de la quantité de sang qui se répandait autour d'elle et dont s'imbibaient ses vêtements et sa fourrure, la blessure devait être sacrement profonde ... ce qui expliquait l'odeur.
Agitée de tremblements et de spasmes, elle essayait tout de même de se déplacer, de s'enfuir, rampant au sol en gémissant de douleur. Elle tenta de dire quelque chose à Azric, mais rien d'autre que du sang ne sortit de sa bouche. Voulait-elle l'implorer ? L'insulter ? Le provoquer une nouvelle fois ? Cette vision était dure à supporter pour le petit nain roux, qui n'avait jamais réellement ôté la vie à un être doué d'intelligence ... A des animaux, oui, à des monstres marins, aussi, et même à des zombies végétaux, oui, mais jamais à un humain ou à un humanoïde ... D'autant qu'en relevant les yeux, le souffle court et le cœur battant la chamade, Azric se rendit compte que les trois autres worans de la bande ne se contentaient plus d'attendre et d'observer, tapis dans l'ombre. En effet, la défaite de leur chef ne semblait pas les laisser indifférents. Et elle ne semblait pas leur avoir donné envie de fuir non plus, ce que le courtaud avait pourtant tant espéré. A l'inverse, ils s'étaient redressés, toutes armes et toutes griffes dehors, et avaient pris une posture hostile tandis qu'il encerclaient Azric en grognant de rage et de tristesse. C'est alors qu'il eut une idée soudaine. Une idée qui lui sauverait peut-être la vie.
« Attendez ! » Lança-t-il en levant la main droite après avoir raccroché sa hache à sa ceinture. Puis, ne sachant lui-même pas trop ce qu'il était en train de faire, il porta sa main à sa bourse. « C'est pas encore fini pour elle ... Amenez-là tout de suite chez le guérisseur le plus proche et elle vivra ... Et tenez ... Prenez ça, ça suffirait à payer n'importe quel guérisseur. » Termina-t-il en jettant à ses pieds une, puis deux, pièces d'or, ce qui représentait deux cents bons yus.
La réaction des worans ne se fit pas tarder. Voyant surement qu'Azric avait rangé son arme, le grand tigré rengaina son sabre et se rua vers la woranne étendue au sol avant de lui parler dans une langue que le nain ne comprenait pas. Une langue brutale, gutturale et ponctuée de nombreux gestes et mimiques. Les deux autres worans noirs, cependant, rejoignirent rapidement leur chef mais ne quittèrent pas Azric des yeux, qui reculait déjà vers là où il avait laissé son sac avant le début du combat. Une fois à destination, l'un d'eux se baissa pour ramasser les deux pièces d'or qu'avait laissé le nain et adressa un genre de grognement félin à ses compagnons, à moins que cela ne soit un mot de leur étrange langage ? Impossible à savoir.
« Casse-toi. » Grogna simplement le tigre d'une voix étranglée. Et Azric ne se fit pas prier. Il remit rapidement son sac et sa cotte de mailles sur ses épaules et s'en alla en courant aussi vite que ses jambes et son souffle le lui permettaient.
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Dernière édition par Azric le Sam 7 Sep 2013 21:34, édité 1 fois.
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